25 mai 2020
Rue inondée avec des déchets
Manuel Bouquet TERRA
Retour sur la journée technique organisée en février sur la vulnérabilité, du bâti à celle des territoires. L'objectif était de présenter des démarches et outils pouvant être mobilisés dans la mise en œuvre territoriale d’actions de réduction de vulnérabilité à différentes échelles (bâti, quartiers, territoires,...).

Le 6 février 2020, le Cerema a organisé une journée technique dans le cadre du centre de ressources "risques et territoires" et sous l’égide de la COTITA (Conférences Techniques Interdépartementales des Transports et de l’Aménagement) Est à Nancy.

Rassemblant près d’une soixantaine d’acteurs locaux et nationaux d’horizons divers (services de l’État, collectivités territoriales, établissements publics, universitaires et acteurs privés) autour de la vulnérabilité, du bâti à celle des territoires, l’ensemble des participants ont pu ainsi échanger autour de différents volets :

  • Les guides et outils pour accompagner les services de l’État, des collectivités et autres établissements publics
  • Les diagnostics de vulnérabilité territoriale, pratiques et accompagnement des collectivités
  • Engager des démarches globales de réduction de la vulnérabilité du bâti et des territoires – expériences et outils utilisés ;
  • Partager des retours d’expérience, expérimentations et autres démarches.

Les échanges, qui ont été très nourris et appréciés, ont montré l’importance de démarches parfois expérimentales, l’indispensable travail collaboratif et complémentaire entre les différents acteurs pour la mise en œuvre globale d’une politique foncière en faveur d’une bonne prise en compte des risques dans l’aménagement.

 

Evolution des risques naturels dans le contexte du changement climatique

Intervenant : Jérémy Desarthe – CCR Groupe – Caisse Centrale de Réassurance

Rivière Herbissonne à sec dans le Grand Est
Rivière Herbissonne à sec dans le Grand Est - Thierry Degen - TERRA

CCR Groupe – Caisse Centrale de Réassurance est une société anonyme détenue à 100 % par l’État, la CCR est chargée de gérer les fonds publics destinés à l’indemnisation des dommages causés par les catastrophes naturelles et à la prévention.

Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles créé en 1982, couvre l’ensemble des aléas naturels sur tout le territoire français, DOM-TOM compris. 

Actuellement plafonné à 137M€ et géré par la CCR pour le compte de l’Etat, le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM) dit Fonds "Barnier" est alimenté par un prélèvement de 12 % sur la prime "catastrophes naturelles" des contrats d'assurance habitation et automobile. Au-delà du plafond, les fonds collectés sont reversés à l’État.

Une analyse des sinistralités sur la période de 1995-2018 a permis de constater qu’il n’y avait pas de tendance à l’augmentation du coût des dommages causés par les catastrophes naturelles.

Néanmoins ces coûts restent importants pour les sinistres dus aux inondations et submersions marines (550 M€/an env.), notamment pour les départements méditerranéens, l’Île-de-France, le littoral atlantique et la Martinique.

La sécheresse touche quant à elle essentiellement le Sud-Est, le pourtour ouest et le nord de la France, avec un coût moyen des dommages assurés de l’ordre de 400M€/an.

Dans le Grand Est, le coût moyen des dommages assurés suite aux inondations varie entre 2 et 8M€ par an, les Ardennes et la Meurthe-et-Moselle étant les départements les plus touchés. Les indemnisations des sinistres causés par les sécheresses sont de l’ordre de 2 à 5M€ pour les départements de Moselle et Meurthe-et-Moselle.

Au vu des connaissances actuelles en termes de projection climatique, une première étude réalisée par la CCR dans le cadre de la COP 21 a révélé que les dommages seraient potentiellement doublés d’ici à 2050. Une seconde étude a par la suite été réalisée en 2018 en partenariat avec Météo France.

Sur la base des données et modèles transmis par Météo France et des données de sinistralité collectées depuis 1982, la CCR a développé des modèles d’aléas, de vulnérabilité et de dommages en vue d’évaluer le coût d’indemnisation des catastrophes naturelles en 2050.

Carte de l'évolution des inondations en france en %

Dans le Grand Est, les crues décennales augmenteraient en moyenne de 0 à 20 % dans le bassin Rhin et de 50 à 75 % dans le bassin Meuse.

Les épisodes de sécheresse débuteraient dès le printemps, avec un accroissement de l’assèchement des sols par rapport au climat actuel, de l’ordre de 5 à 10 % en été et en automne.

Les dommages assurés seraient en forte augmentation, notamment sur le pourtour atlantique en cas d’inondation et en multi-risques dans le nord-ouest de la France (>60%).

Dans le Nord-Est l’augmentation de la sinistralité serait de l’ordre de 20 à 40 % (inondation et sécheresse).

En matière de prévention, la prise de conscience a pu se révéler parfois tardive. Les compagnies d’assurances sont à présent incitées à mettre en place des campagnes visant à encourager cette approche.

Les délégations du fonds de prévention sont attribuées majoritairement aux acquisitions amiables et à la mise en œuvre des mesures prescrites dans les Plans de Prévention des Risques, respectivement de l’ordre de 30 % et 10 % des délégations nettes effectuées sur la période 1997-2018.

Réduction de la vulnérabilité : outils, leviers et mise en oeuvre

Au cours de cette table ronde, les différentes interventions ont permis aux acteurs présents (services de l’État, collectivités, associatifs,...) de pouvoir confronter leurs points de vue concernant les objectifs cibles des politiques de prévention du risque inondation et la pertinence des outils mis en œuvre.

Confirmant des difficultés rencontrées collectivement en termes de mobilisation des acteurs, d’articulation avec d’autres politiques sectorielles comme l’urbanisme / occupation des sols pour certains aléas encore mal maîtrisés (ruissellement, coulées d’eaux boueuses)..., une vision unanime a pu toutefois se dessiner concernant les leviers positifs existants à ce jour, les points de vigilance majeurs dans la mise en œuvre de démarches de réduction de la vulnérabilité ainsi que l’identification de possibles pistes de réflexion à l’avenir.

 

La réduction de la vulnérabilité - vision et attente des collectivités

Intervenant : Anne-Laure MOREAU, Centre Européen de Prévention du Risque Inondation (CEPRI),

La réduction de la vulnérabilité au risque inondation se concrétise à différentes échelles interdépendantes ; du logement, de l’entreprise jusqu’aux impacts systémiques à l’échelle du territoire, en passant bien sûr par les réseaux qui jouent un rôle prépondérant dans la capacité du territoire à supporter un événement, puis à s’en remettre.

Si l’étape indispensable du diagnostic (sur les logements, les entreprises, les réseaux, …) est aujourd’hui bien ancrée dans les pratiques, la traduction opérationnelle par la mise en œuvre des travaux préconisés reste en retrait. Se pose souvent la question de la rentabilité de mesures dont les effets bénéfiques sont surtout visibles à long terme et pour la société plutôt qu’à l’échelle individuelle et à court terme.

Guides du CEPRI
Guides du CEPRI

S’il est possible de montrer dans certains cas une rentabilité plus rapide, le fonctionnement actuel du système CatNat n’encourage pas à s’emparer du sujet, tandis que des manques techniques (matériaux, …) restent à combler. De par leur coût moindre, les mesures structurelles et organisationnelles rencontrent plus de succès (y compris au sein des entreprises), notamment à travers les plans de continuité d’activité.

Plusieurs améliorations restent cependant possibles, à condition de se saisir du sujet à tous les niveaux (individuel, communal, régional, bassin, …), en mutualisant les réponses et l’engagement financier des différents acteurs et en développant un accompagnement personnalisé.

 

Le Plan de Gestion du Risque Inondation (PGRI) : Exemples des bassins Rhin-Meuse et Seine-Normandie

Intervenant : Muriel Mastralli, DREAL Grand Est, Service Prévention des Risques Naturels et Hydrauliques.

Carte des districts hydrographiques en FranceLes Plans de Gestion du Risque Inondation (PGRI) sont une déclinaison, à l’échelle des bassins, de la Stratégie Nationale de Gestion du Risque d’Inondation (SNGRI). Ils sont approuvés pour une durée de 6 ans par les préfets coordonnateurs de bassin.

Le territoire du Grand Est est ainsi couvert par les PGRI Rhin et Meuse approuvés en novembre 2015 et le PGRI Seine-Normandie approuvé en décembre 2015.

Ces PGRI définissent des cadres d’action pour les documents d’urbanisme et les décisions administratives dans le domaine de l’eau (SCOT, PLU, PPR), en complément du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE).

Dans les bassins Rhin et Meuse, un guide méthodologique a été publié en 2018 pour aider les porteurs de projet à assurer la compatibilité des documents d’urbanisme avec les PGRI et le SDAGE. La réduction de la vulnérabilité est intégrée dans l’objectif 3 "Aménager durablement les territoires" des PGRI Rhin et Meuse et l’objectif 1 "Réduire la vulnérabilité des territoires" du PGRI Seine-Normandie.

Les dispositions associées à ces objectifs se traduisent notamment au niveau du bâti, par la mise en œuvre de diagnostics et la réalisation de travaux, et, pour le PGRI Seine-Normandie, au niveau du territoire par la mise en œuvre de diagnostics.

Dans les Territoires à Risques Importants d’inondation (TRI), des Stratégies Locales de Gestion du Risque inondation (SLGRI) sont définies sur la base des objectifs de la SNGRI et du PGRI. 

Ces stratégies locales sont ensuite déclinées au travers de Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI), dont l’axe 5 est consacré à la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens (accompagnement des gestionnaires de réseaux, réalisation de diagnostics de vulnérabilité des Équipements Recevant du Public (ERP) et du bâti existant, accompagnement des propriétaires volontaires pour la réalisation de travaux).

Dans la région Grand-Est, il existe 15 TRI couverts par 13 PAPI. Plus de 2M€ sont consacrés à l’axe 5 des PAPI, dont près de la moitié financé par le FPRNM.

Schéma des procédures risques inondation

Les PGRI sont actuellement en phase de révision. Dans le bassin Rhin-Meuse, le choix a été fait de réaliser une révision a minima selon les nouvelles connaissances, plutôt qu’une réécriture complète des documents. Le souhait de préserver une dynamique pour maintenir la gouvernance se traduit par le mise en place d’ateliers thématiques travaillant sur cette mise à jour.

Le travail est bien avancé et une présentation des avancées est envisagée au second semestre 2020.

Politique nationale de réduction de la vulnérabilité – outils, dispositifs et leviers 

Intervenant : Philippe Kaufmann, DREAL Grand Est, Service Prévention des Risques Naturels et Hydrauliques

La réduction de la vulnérabilité au risque inondation répond aux objectifs de la SNGRI, via une démarche progressive, depuis le diagnostic jusqu’à la mise en œuvre de mesures. Ces actions sont réalisées à différentes échelles : territoriale d’une part [référentiel national de vulnérabilité aux inondations] et à l’échelle de la parcelle / du bâtiment d’autre part [guide méthodologique "le bâtiment face à l’inondation"].

Afin de financer ces mesures de réduction de vulnérabilité (études et/ou travaux), différents leviers financiers sont mobilisables via le FPRNM (Fonds de Prévention des Risques Naturel Majeurs): "ETPPR" lorsque les mesures sont imposées par un PPRN approuvé, "RVPAPI" lorsque les mesures sont prévues dans un PAPI, "ETCT" lorsque ces mesures sont portées par les collectivités territoriales.

Le taux de financement est quant à lui variable selon:

  • le type de bien concerné (habitation, activité professionnelle, bâtiment public),
  • le type de mesure (diagnostic, travaux)
  • l’existence d’un PPRN et/ou d’un PAPI.

La volonté de favoriser la mise en œuvre effective des travaux chez les particuliers se traduit par un financement à 80% pour les biens à usage d’habitation ou mixte, que ces biens soient concernés ou non par PPRN / PAPI.

Ces différents leviers de financement sont complémentaires et adaptés aux logiques respectives des PPRN et des PAPI. La réduction de vulnérabilité s’exerce également dans d’autres cadres (PAPRICA pour les cavités, CAPRIS pour le risque sismique, STEPRIM pour les risques en montagne).

Illustrations de mesures de réduction à l'échelle du bâti - source : comité de quartier des marroniers, Nîmes (30)
Illustrations de mesures de réduction à l'échelle du bâti - source : comité de quartier des Marroniers, Nîmes (30)

 

Diagnostics de réduction de vulnérabilité des habitations face aux inondations : Leviers et difficultés dans la mobilisation des acteurs

Intervenant : Juliette Trautmann, Syndicat Départemental de l’Eau et de l’Assainissement Alsace-Moselle (SDEA)

Schéma des Axes d'intervention d'un PAPI (Programme d'Actions de Prévention des Inondations)
Axes d'intervention d'un PAPI (Programme d'Actions de Prévention des Inondations)

Le Syndicat des Eaux et de l’Assainissement Alsace-Moselle (SDEA) est porteur de 5 Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI). Ces programmes sont répartis selon 7 axes qui permettent d’intervenir dans tous les volets de la prévention du risque d’inondation, dont la réduction de la vulnérabilité.

En matière de prise en compte du risque d’inondation dans l’urbanisme (axe 4 des PAPI), les retours d’expérience du SDEA montrent que les Plans de Prévention des Risques d’inondation (PPRi) sont bien intégrés dans les documents locaux d’urbanisme et permettent d’agir sur la réduction de la vulnérabilité et les orientations d’aménagement des territoires. En revanche, il s’avère plus compliqué en l’absence de tel dispositif, de réglementer l’occupation du sol vis-à-vis de l’aléa coulée d’eau boueuse / ruissellement, celui-ci étant difficile à caractériser et cartographier à ce jour.

Logo de l'opération Pieds au secPour les logements situés en zone inondable, le SDEA a mis en place l’opération "Pieds au sec", qui offre aux particuliers la possibilité de pouvoir disposer d’un diagnostic de vulnérabilité de leur habitation au risque d’inondation.

Pour éviter des coûts de sous-traitance importants, le SDEA a choisi de réaliser ces diagnostics en interne. Le recours à cette démarche permet d’avoir un suivi global des actions en lien avec les animateurs des PAPI, ainsi qu’une implantation de proximité favorisant la réactivité sur le terrain et une meilleure reconnaissance de la part des acteurs du territoire.

Les principaux points forts de cette opération sont la gratuité des diagnostics et l’accompagnement personnalisé des particuliers, qui peuvent ensuite s’inscrire dans une démarche individuelle et volontaire de réduction de la vulnérabilité de leurs biens.

La communication autour de ce type d’opération est un volet primordial. Le SDEA a donc mis en place une stratégie de communication forte, comprenant la réalisation de diverses actions, telles que la création d’une charte graphique reconnaissable, la diffusion de documents (guides, plaquettes, affiches, site Internet…), ou encore l’organisation d’événements ("Salon de l’inondation") qui constituent une opportunité intéressante pour faire connaître l’établissement ainsi que des professionnels, et échanger sur des sujets très techniques.

L’implication des communes dans la démarche permet également de donner plus de crédibilité à celle-ci.

 

Transposer les enseignements de programmes accompagnements risques industriels aux risques naturels

Intervenant : Aline Lombard, Cerema Est.

Pour passer de la prescription ou incitation à la réalisation effective des travaux de réduction de la vulnérabilité, de nombreux freins ou questions se posent aux maîtres d’ouvrage responsable de la mise en œuvre de ces travaux (connaissance d’une obligation de réalisation des travaux, quels diagnostic et travaux réaliser, quelles technique mettre en œuvre, quelles entreprises contacter, quelles aides financières,...).

Ces questions sont communes à tous les types de risques majeurs.

Dans le cadre de la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques et afin d’aboutir à une réalisation effective des travaux de mise en sécurité des personnes dans les logements, une expérimentation a été menée à partir de 2013 sur le modèle des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH). Le programme d’accompagnement au risque industriel (PARI) a ainsi été déployé sur 7 sites expérimentaux en France métropolitaine pour accompagner concrètement les propriétaires de logements à réaliser les travaux.

carte des sites expérimentaux PARI
Carte des sites expérimentaux PARI (source Cerema)

 

Si certains points diffèrent des travaux de réduction de la vulnérabilité face au risque inondation (nature et montant des financements, types de travaux, ..), les enseignements issus de ces expérimentations semblent pour la plupart transposables aux risques naturels et en particulier le risque inondation.

Les opérateurs logement impliqués habituellement dans les OPAH se forment sur le volet risques et ont montré leur capacité à accompagner les propriétaires dans ce type de travaux. La mise en place d’une gestion financière via la caisse des dépôts et consignations permet de gérer des subventions de sources différentes (publics et privées ou différents financement publics) de façon simple et transparente à la fois pour les financeurs et pour les propriétaires avec le montage d’un seul dossier de subvention, et également des versements d’avances qui permettent de déclencher plus rapidement la réalisation des travaux.

Cette expérience a montré que la mise en place d’un accompagnement des maîtres d’ouvrage dans toutes les étapes des démarches administratives, financières et de réalisation de travaux facilite la mise en œuvre effective des travaux de réduction de la vulnérabilité.

étapes de l’accompagnement des propriétaires de logement dans le cadre des PARI
Etapes de l’accompagnement des propriétaires de logement dans le cadre des PARI (source Cerema)

 

Mise en œuvre de démarches de réduction de la vulnérabilité à différentes échelles

La seconde partie de la journée a permis de partager des exemples de démarches à différentes échelles du territoire.

 

Quand le diagnostic de vulnérabilité aux inondations d’une caserne pointe du doigt les infrastructures de transport

Intervenant : Sébastien Thiery, Cerema Est

Intervention du Cerema sur un pont lors d'une inondation

Les équipements publics exposés au risque d’inondation sont nombreux.

Une crue majeure peut impacter plus ou moins fortement le territoire où sont implantés ces équipements, et perturber leur activité de service public. La réalisation d’un diagnostic de vulnérabilité permet d’évaluer les conséquences potentielles d’une inondation sur les personnes, les biens et l’activité, et de déterminer une stratégie d’actions de prévention du risque adaptée à chaque équipement.

La présentation du Cerema illustre, à travers quelques exemples d’études de cas d’équipements publics situés en zone inondable, les différentes stratégies d’actions possibles (statu quo, réduction de la vulnérabilité, abandon du bâtiment).

Quelle que soit la stratégie retenue, l’élaboration d’un plan opérationnel représente une mesure incontournable pour formaliser la procédure de mise en sécurité des personnes et des biens en cas de crise, et identifier les missions prioritaires de maintien du service public.

carte d'un diagnostic de vulnérabilité d'un batiment public

En matière de réduction de la vulnérabilité, une mesure souvent simple, peu coûteuse, réalisable rapidement et permettant d’assurer un premier niveau de protection des biens, consiste à repenser l’organisation des équipements, en mettant hors d’eau tous les matériels stratégiques ou sensibles.

La gestion de crise, une démarche d’amélioration continue

Intervenant : Capitaine Rozenn Ribot, Service Départemental d’Incendie et de Secours de la Meuse (SDIS 55)

Intervention du SDIS lors d'une inondation en juin 2016Depuis 2015, le département de la Meuse a connu plusieurs événements météorologiques majeurs : tempêtes, précipitations suivies d’inondations, ayant entraîné 260 interventions (dans la nuit du 2 au 3 février 2020, les fortes précipitations et les inondations conséquentes sont à l’origine de 31 interventions en 12 heures).

Le SDIS 55 a souhaité mettre en place un retour d’expérience interne de ces événements pour anticiper et adapter les interventions. Cette démarche d’amélioration continue est également basée sur une meilleure connaissance mutuelle des acteurs de la gestion de crise (mise à jour des contacts, modes de contacts, interface maire / commandant des opérations de secours) et la mise en commun de la connaissance du terrain avec les élus.

Le SDIS 55 a lancé la démarche IMPACT (Immédiat Management Planification Action) avec les Maires du département. La démarche consiste en la mise en place de formation / action par un travail en groupe avec les élus sur la gestion du stress, les principes de la planification, les principes de la gestion de crise et est adaptée en fonction des communes (enjeux différents) et des types de risques.

Intervention à Rosnes en 2020 lors d'une inondationLe SDIS 55 accompagne les communes dans l’élaboration des plans communaux de sauvegarde, met en place des exercices de crise avec les communes et/ ou les industriels.

Cette démarche d’amélioration continue a permis une meilleure connaissance du terrain et des acteurs et de renforcer le travail inter-service.

La présentation se termine par un exemple de coopération inter-service DDT 55 /SDIS 55. Lors de l’épisode d’inondation de début février 2020, afin de relever les zones inondées, le SDIS a mis a disposition son drône et ses pilotes pour prendre des vues aériennes de la vallée de l’Aire, permettant à la fois à la DDT de récupérer les prises de vue et aux pilotes du SDIS 55 de réaliser un entraînement en situation réelle.

De la stratégie à l'action: exemple de mise en œuvre de protections individuelles dans la vallée du Madon

Intervenants : - Olivier Caquel, Etablissement public territorial du bassin Meurthe Madon (EPTB Meurthe Madon) et Dominique LAagrange, Communauté de communes Moselle Madon.

Schéma vulnérabilité du bâti - source CEPRI
Vulnérabilité du bâti - Source CEPRI

La vallée du Madon est une vallée plutôt rurale et encaissée, drainée par un cours d’eau très réactif pour lequel les épisodes pluviométriques ont généré 5 crues importantes au cours des 20 dernières années.

Les acteurs du territoire se sont emparés de la problématique d’assez longue date, notamment à la suite de la crue d’octobre 2006 et après plusieurs années d’études, un PAPI complet a été labellisé en juillet 2018. Tous les axes du cahier des charges PAPI y sont traités et un "8e axe" peut être considéré au regard du fort engagement relatif à la reconquête de l’état hydromorphologique du cours d’eau.

En termes de réduction de vulnérabilité et en complément des autres axes, notamment gestion de crise et travaux hydrauliques, l'EPTB réalisera des diagnostics de vulnérabilité aux inondations du bâti existant afin d'aboutir à des préconisations adaptées que les propriétaires/occupants volontaires pourront mettre en place pour se protéger contre le risque inondation.

Batardeau placé devant la porte d'une habitation lors d'une inondation
Batardeau en protection individuelle - source EPTBMM

Dans ce cadre, la communauté de commune Moselle et Madon qui s’était emparée de la compétence inondation à la suite de la crue de 2006 a engagé une opération de réalisation de protections individuelles sur 24 habitations vulnérables aux effets des crues (sur 42 identifiées).

La CCMM a souligné les démarches engagées, l’importance de la communication, les freins restant à lever, et a également présenté la gestion du dispositif et des batardeaux avec l’accompagnement proposé aux particuliers.

Cette opération témoigne d’une parfaite coordination des actions de l’ensemble des acteurs du territoire afin d’aboutir à une action concrète et pertinente de protection des personnes et des biens.

Vulnérabilité territoriale : du référentiel national au suivi cartographique

Intervenant : Manuel Collongues, Cerema Est.

Le référentiel national de vulnérabilité aux inondations constitue aujourd’hui un cadre de référence – obligatoire pour le montage d’un dossier de PAPI – pour caractériser à un instant donné la vulnérabilité d’un territoire. Plusieurs déclinaisons à différentes échelles – de la commune jusqu’à un département entier – ont montré l’adaptabilité de la méthode (mais aussi sa relative complexité de mise en œuvre) et la pertinence d’une représentation cartographique synthétique de la vulnérabilité territoriale.

Dans un contexte d’action publique fortement contrainte et après un retour d’expérience des premiers PAPI mis en œuvre qui engage à mettre l’accent sur une meilleure documentation en amont, à donner une place plus importante aux mesures de réduction de vulnérabilité tout en affichant mieux l’adaptation aux enjeux, il est pertinent d’évoluer vers un suivi cartographique de la vulnérabilité territoriale.

Vue de la cartographie de suivi avec des zones plus ou moins à risque

Afin de répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, ce suivi devra permettre de qualifier et quantifier l’évolution de la vulnérabilité (à différentes échelles et d’une manière adaptée à différents profils d’utilisateurs), tout en mettant en évidence les liens entre les actions mises en œuvre et les réductions de vulnérabilités associées.

Episeine : fédérer les initiatives autour de la prévention du risque inondation

Intervenant : Frédéric Gache, EPTB Seine Grands Lacs.

Balade urbaine à Créteil animé par l'ASBCA - 2018 : observation de l'échelle des niveaux de crue au bord d'une rivière
Balade urbaine à Créteil animé par l'ASBCA - 2018 - EPTB Seine Grands Lacs

Partant d’un constat de bon sens "qu’il vaut mieux se préparer à une inondation qui arrivera un jour ou l’autre" et fort d’une réelle dynamique instaurée parmi les acteurs locaux lors de l’élaboration en 2015 de la SLGRI – outil de mise en œuvre de la Directive Inondation, le dispositif EPISEINE porté par l’EPTB Seine Grands Lacs fournit un service gratuit de sensibilisation des Franciliens aux inondations de la Seine et de la Marne.

Avec des enjeux considérables à l’échelle de la région Île-de-France et des projections inquiétantes pour l’avenir en termes d’augmentation de la sinistralité, une véritable évolution des mentalités a été observée ces dernières années.

De la "lutte contre les inondations" au "vivre avec", l’EPTB Seine Grands Lacs a ainsi fait évoluer son rôle historique visant à concevoir et gérer des infrastructures visant à réduire les risques sans pour autant les empêcher, à une posture d’animation et de sensibilisation renforcée pour mieux responsabiliser le grand public et adapter les comportements de chacun.

Ainsi, les ambitions du dispositif sont simples :

  • améliorer la conscience et connaissance du risque inondation et de ses effets,
  • se former aux bons comportements,
  • mobiliser l’ensemble des acteurs pour un relais de proximité et moins formel des messages à porter ("voisins solidaires").

Page d'accueil du site EPISEINELa volonté affichée par EPISEINE est d’apporter un service collaboratif et partenarial – conçu par et pour les acteurs du territoire sous différentes formes (outils pédagogiques et contenus libres de droits, formations gratuites, réseaux sociaux, promotion des actions existantes,...).

Cette offre s’adapte aux différents publics cibles (habitants, entreprises, collectivités,...) par le biais de campagnes de communication adaptées, de divertissements en ligne, de kits de sensibilisation dédiés et d’accompagnement parfois personnalisé pour la mise en œuvre de stratégies d’organisation et de préparation à la crise.

Parmi les leviers indispensables à la réussite d’un tel dispositif, il est souligné :

  • la forte mobilisation des médias – véritables têtes de réseaux pour continuer de sensibiliser à ces sujets "en temps de paix" et maintenir cette culture du risque ;
  • l’évaluation et la prise de recul vis-à-vis de chaque outil développé,
  • pouvoir partager, se concerter entre acteurs et gestionnaires de services publics, de réseaux,... pour mieux se préparer et réduire la vulnérabilité de nos territoires.