2 février 2018
Séminaire Cotita open data dans les territoires janvier 2018
L’assemblée plénière de la COTITA Centre-Est du jeudi 1er février, consacrée à "l’ouverture des données au service de l’aménagement et du développement durables des territoires", a rassemblé près de 80 participants. La matinée a permis d’aborder la question de la donnée territoriale comme matière première pour la déclinaison des politiques publiques dans les territoires en transition, à travers des présentations du cadre institutionnel et des retours d’expériences, d’études ou de démarches conduites par les territoires.

Introduction

Jean-Michel Doige (directeur général adjoint au Conseil départemental de la Savoie) et Dominique Thon (directeur du Cerema Centre-Est) ont rappelé les principes de coopération dans lesquels s’inscrivent les conférences techniques interdépartementales des transports et de l’aménagement (CoTITA). Celles-ci sont, en effet, l’occasion d’échanges fructueux entre techniciens de l’Etat et des collectivités territoriales sur des sujets variés.

Parmi ces sujets, celui de l’ouverture des données publiques est apparu comme particulièrement fédérateur, d’actualité, mais aussi peut être mal connu, c’est pourquoi il a été proposé pour cette assemblée générale.

 

Panorama des politiques nationales et régionales de l’open data

Marc LeobetMarc Léobet, chargé de mission information géographique au ministère de la transition écologique et solidaire, a rappelé l’utilité de l’ouverture des données publiques. Il a cité l’exemple d’un viticulteur qui, tout en remplissant une déclaration en ligne, peut très facilement identifier si ses parcelles sont situées en AOP, grâce aux informations géographiques mises en place par l’Administration.

Marc Léobet a également rappelé que la Loi pour une République Numérique a élargi le périmètre et simplifié les règles de diffusion de la donnée, avec deux objectifs :

  • l’information du citoyen, pour lui permettre de participer à la décision publique,
  • l’innovation, pour permettre la création de nouveaux services autour de la donnée, par des initiatives privées et publiques.

L’ouverture des données publiques concerne les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, mais aussi tous les organismes de droit privé ou public qui assurent une mission de service public.

La standardisation des données et leur rassemblement dans des points focaux sont des prérequis indispensables pour que ce mécanisme fonctionne, mais l’essentiel n’est pas l’infrastructure technique, mais le service offert à l’usager et son utilité.

 

  (nouvelle fenetre)

Patrick Poquet et Yorick Martin, du SGAR Auvergne-Rhône-Alpes, ont rappelé que la publication des données de référence est un service public relevant de l’Etat. En Auvergne-Rhône-Alpes, celui-ci s’est engagé dans une démarche volontaire pour mettre à disposition des données de qualité et aider les collectivités à remplir leurs obligations, en profitant de la dynamique impulsée par plusieurs collectivités régionales fer de lance en matière d’open data.

L’Etat porte la plateforme régionale D@TARA, qui mutualise et met à disposition du public les données géographiques et non géographiques, et le laboratoire d’innovation territoriale @RCHIPEL, qui s’est donné pour objectif de travailler avec des partenaires dans le cadre d’un Plan d’Investissement d’Avenir autour de la problématique de l’ouverture des données : chercher les données, les collecter, les croiser, les cartographier, les valoriser.

Ce laboratoire a donné naissance à plusieurs projets : opendatalocale, e-formation, hackathons, urb@data…

Table ronde autour de deux exemples d’acteurs impliqués dans l’ouverture des données territoriale

Antoine Courmont de Science Po Paris a expliqué le changement de paradigme que supposait l’open data au sein d’une organisation : les données sont à l’origine attachées à des objets, des producteurs, des métiers, des activités économiques, attachement qu’il convient de défaire pour les mettre en circulation. Il n’existe généralement pas de catalogue des données d’une organisation et la notion de « données » n’a pas une définition partagée. Le travail d’identification des données disponible, puis les questions de sensibilité des données, de gestion des droits peuvent être difficiles. Le remplissage de métadonnées est une tâche supplémentaire pour pouvoir efficacement ouvrir, et permettre un usage alternatif de la donnée. Cela suppose pour le producteur de données un investissement conséquent, mais souvent négligé.

 

Pauline Dumontet a présenté le GIP eBourgogne-Franche-Comté, qui regroupe des collectivités territoriales et des services de l’Etat pour la dématérialisation des services publics. Ce service s’est construit autour de la mise à disposition et du partage des données géographiques au sein de la plateforme Ideo BFC , avec un pilotage Etat Région. Ce dispositif s’est étoffé en 2017 dans le cadre d’un territoire pilote pour l’open data.

Cette expérimentation a consisté à accompagner les collectivités du territoire dans l’ouverture de la donnée. Les niveaux d’acculturation à la donnée sont très variés, et les collectivités ont de nombreuses interrogations, d’abord sur des questions de réglementation et de connaissance des données, puis ensuite sur des questions techniques.

En écho aux propos d’Antoine Courmont, Pauline Dumontet a rappelé que le premier réutilisateur des données, c’est souvent l’organisation elle-même, et ses prestataires qui bénéficient en premier lieu de l’ouverture de leurs propres données. En cela l’open data favorise la modernisation de l’action publique.

Mais pour réussir à ouvrir ses données, il faut parvenir à dépasser des inquiétudes, parfois très personnelles, liées à l’attachement à la donnée du producteur de données. Se montrer, se mettre à nu dans son travail, oser être critiqué. Dans une organisation, passer le pas de l’ouverture des données nécessite de motiver tous les échelons, politiques et techniques.

 

  (nouvelle fenetre)Nathalie Vernus-Prost, de la métropole de Lyon, anime la plateforme de données du Grand Lyon www.data.grandlyon.com. La collectivité doit mettre en place un cadre de confiance autour de l’open data : le Grand Lyon est très attentif aux nouveaux usages qui sont faits de ces données, en animant des communautés de réutilisation des données. Il a mis en place deux licences particulières qui ont permis d’encourager les acteurs privés à de diffuser leurs données au côté de la métropole notamment parce que ce dispositif permet d’identifier les réutilisations faites des données.

Pour Nathalie Vernus-Prost, il y a des enjeux politiques forts derrière une politique d’open data. Beaucoup d’acteurs se positionnent comme producteurs de données alternatifs aux institutions publiques. Celles ci doivent regagner la maîtrise de leur territoire et de leurs politiques publiques, être un vrai contrepoids aux plateformes mondialisées pour offrir des services publics à la hauteur des attentes des citoyens, garantir la gouvernance de la donnée sur les territoires.

La donnée permet à une collectivité de renforcer son rôle de fédérateur des acteurs du territoire pour mener à bien les politiques publiques : ainsi Le Grand Lyon a renforcé l’exercice de sa compétence et sa capacité d’action autour de la maîtrise de la mobilité, à partir des données qu’il produit et rassemble, notamment les données que les délégataires de service public sont tenues de fournir au bénéficiaire ou encore les données du secteur privé. Elle procède de même avec sa nouvelle compétence énergie.

Parce que l’open data est avant tout un choix politique, il n’y a pas une, mais différentes politiques d’open data, qui renvoient à différentes finalités de politiques publiques.

 

En conclusion à la table ronde, l’animateur Stéphane Lévêque du Cerema a invité les participants à dresser quelques perspectives d’évolution et enjeux émergents autour de l’open data.

  • Pour Marc Léobet, la quantité de données ouvertes en France permet maintenant le développement de services très innovants, reposant sur l’intelligence artificielle, les objets connectés. Les territoires qui ont ouvert beaucoup de données seront bien mis en valeur par ces nouveaux services, mais les autres risquent de se trouver marginalisés.
  • Pour Pauline Dumontet : la question est maintenant celle de la production de connaissance territoriale par les acteurs publics et privés à partir des données disponibles.
  • Pour Nathalie Vernus-Prost , les collectivités doivent consolider le rôle de tiers de confiance autour de la donnée, par la veille et le partage d’information sur ce qui est fait de la donnée, pour être un vrai contrepoids aux plateformes mondiales, garantir la gouvernance de la donnée sur les territoires, et in-fine offrir des services publics à la hauteur des attentes des citoyens.
  • Pour Antoine Courmont il y a enjeu de compétences et d’expertise au sein des administrations, pour savoir concevoir et traiter la donnée, ainsi qu’un enjeu de démocratie et de débat public qui émerge, alors que le citoyen ne se mobilise encore pas beaucoup autour de ces données et leur traitement.
  • Pour Patrick Poquet, il faut encore convaincre et se convaincre de la nécessité de travailler sur l’open data. L’Etat dispose d’un patrimoine de données important et de référence, il faut en faire un outil de développement du territoire.

Présentation flash de données et outils

Aurélien Million a abordé la question des données pour la planification et l’action énergie-climat :
Les collectivités sont un acteur clé de l’action énergie-climat. Des données locales s’ouvrent sur les champs de l’atténuation du changement climatique (libéralisation des données énergie), de l’adaptation (simulations climatiques) et de la connaissance du contexte territorial.

Ces données permettent de sensibiliser et mobiliser les territoires, d’identifier leurs leviers d’action et de construire des stratégies territoriales.

Bruno Levilly a présenté ensuite les données issues des véhicules pour améliorer les politiques de mobilité :
Le numérique a bouleversé le système Infrastructure-Véhicules-Usager, avec l’arrivée d’opérateurs de données, et d’opérateurs de service tels que Waze. Demain les véhicules seront tous connectés et leurs données seront accessibles en temps réel.

Les données produites sont aujourd’hui des données privées, fermées, payantes et peu accessibles. Le Cerema a acquis des jeux de données pour expérimenter des usages possibles de ces données : identification de zones accidentogènes, cartes de flux…

Ces expérimentations poussent l’idée que les collectivités publiques devaient pouvoir accéder à ces données à caractère personnel, mais d’intérêt général. La loi sur les mobilités en préparation devrait annoncer des évolutions juridiques en ce sens.