9 juin 2021
Vue d'une piste cyclable temporaire près de La Défense lors de sa mise en oeuvre
Arnaud Bouissou - TERRA
Un spécialiste du Cerema dans le domaine des mobilités, Flavien Lopez, est intervenu le 19 mai lors du COVID-19 Disaster Research and Prevention Symposium, un événement réunissant des experts américains et français pour faire émerger des enseignements collectifs de la crise du coronavirus.
Il a présenté la démarche française de développement d’aménagements cyclables et piétons provisoires, comme réponse aux changements occasionnés par cette crise en matière de mobilité.

flyer d'annonce de l'événementL’objectif de ce symposium organisé par le Gulf Coast Center for Precision Environmental Health (GC-CPEH), l’Office for Science and Technology (OST) de l’ambassade de France aux Etats-Unis, et la TEXAS Community Engagement Alliance (CEAL) était de partager les expériences au sujet de différents aspects de la crise sanitaire, qu’il s’agisse directement de santé publique ou des impacts indirects liés à la crise, tels que la qualité de l’air ou des bouleversements occasionnés sur la mobilité.

 

le retour d'expérience français sur les aménagements cyclables temporaires

Flavien Lopez, chef de projets aménagements cyclable et espace public au Cerema, a présenté le retour d’expérience français en matière :

  • De mesure en temps réel de l’évolution des trafics motorisés durant la pandémie ;
  • D’enjeux à satisfaire notamment durant les périodes de déconfinement, imposant aux usagers de l’espace public un strict respect des règles de distanciation physique ;
  • D’accélération des politiques favorables aux modes actifs pour répondre à ces enjeux ;
  • Des enseignements à tirer de cette période inédite.

En effet, ce retour d’expérience a été l’occasion de souligner combien ces méthodes d’accélération de politiques existantes et de mise en œuvre rapide d’aménagements provisoires ou de transition représentent une opportunité de réinventer la planification des mobilités pour faire face aux défis à venir.

Dès avril 2020 alors que le premier confinement était en cours et que la circulation automobile avait diminué de 70% (ce qui s’est ressenti au niveau de la présence de particules fines dans l’air des villes), le besoin d’organiser la mobilité pour le déconfinement s’est affirmé.

Il s’agissait notamment de trouver des alternatives aux transports en commun qui ne permettraient pas d’absorber la demande habituelle tout en garantissant le respect des règles de distanciation. Or les baisses significatives des trafics motorisés ont donné à voir un indéniable potentiel de réorganisation de l’espace public au profit des modes actifs.

C’est dans ce contexte que le Cerema a encouragé la possibilité de développer rapidement des aménagements cyclables et piétons temporaires en proposant aux différents acteurs de l’aménagement des outils méthodologiques pour ce déploiement.

Ce travail d’assistance s’est concrétisé par l’organisation de webinaires faisant témoigner des collectivités pionnières, la rédaction de guides "express" et une série de formations flash qui ont conduit au partage d’une doctrine commune.

 

C’est ainsi que des dizaines de collectivités ont reconfiguré leur voirie pour y intégrer des linéaires significatifs d’aménagements cyclables et piétons.

Pour créer des aménagements cyclables sécurisés, de l’espace a notamment été pris sur les voies motorisées et sur le stationnement. La démarche a également permis de tester et d’évaluer des solutions innovantes, qui ont depuis rejoint la doctrine portée par le Cerema.

Des créations et extensions de zones piétonnes, ou encore de zones de rencontres destinées à apaiser les circulations motorisées et à améliorer la cohabitation véhicules-piétons, ont aussi été réalisées.

Des réflexions spécifiques portant sur l’apaisement de la circulation aux abords des écoles ont également pris de l’ampleur (des expérimentations de fermetures temporaires ou complètes des rues d’entrée et sortie d’école).

Une accélération exceptionnelle des politiques cyclables

En quelques mois, plus de 1000 km d’aménagements cyclables ont été planifiés, et plus de 600 km réalisés, parfois sur des tronçons où les projets peinaient à se concrétiser jusqu’alors. Malgré le retour de niveaux importants de trafics motorisés, la plupart de ces aménagements ont été conservés voire pour certains d’ores et rendus pérennes.

Il s’agit d’une accélération sans précédent des politiques cyclables mises en œuvre sur le territoire national et de la mise en évidence des bénéfices d’un nouveau mode de réalisation des aménagements cyclables : la mise en place par les tests d’usage.

D’autres  dispositifs incitatifs ont aussi été déployés par l’Etat dans le cadre du "coup de pouce vélo" : aide à la réparation de vélo, aide à la remise en selle, aide à l’installation de stationnement vélo.

Et les résultats sont notables : par rapport à 2019 (période de référence hors Covid), on observe sur la période du 1er janvier au 2 mai une augmentation de 28% en moyenne de la circulation des vélos (dont 41% d’augmentation le week-end). Cette augmentation est très marquée sur tous les types de territoire : elle est la plus forte dans les espaces interurbains (+ 34%) et reste importante sur les territoires urbains (+28%) et en milieu rural  (+21%).

 

En conclusion, on peut mettre en évidence les bénéfices de la mise en œuvre d’aménagements provisoires ou de transition : rapides et peu coûteux à mettre en œuvre, ajustables voire réversibles, ils permettent d’engendrer des modifications rapides des usages en envisageant des transformations ambitieuses en matière d’affectation de la voirie. Ils permettent également de s’appuyer sur des usages réels pour déterminer les solutions d’aménagements pérennes à mettre en œuvre.

La réussite de cette démarche est néanmoins conditionnée à une communication forte, à une sélection pertinente des sites réaménagés, et à une conception adéquate de ceux-ci : les nouveaux aménagements ne verront circuler des usagers qu’à condition d’être connus, confortables et efficaces, notamment en établissant une nouvelle continuité cyclable ou en s’inscrivant au sein d’un réseau cyclable continu plus vaste.

De plus, les changements d’habitude peuvent prendre du temps et il est parfois nécessaire de maintenir ces aménagements un certain temps pour en éprouver l’utilité.