18 septembre 2018
Fontaine dans un EcoQuartier
Arnaud Bouissou - TERRA
L’objectif du projet Diaclimap est de développer un outil de diagnostic climatique urbain pour alimenter les démarches de planification urbaine et de conception des projets d’aménagement à l’échelle des quartiers. L’outil s’applique à la plupart des grandes et moyennes agglomérations de France métropolitaine.

Identifier la vulnérabilité des quartiers au phénomène d‘îlot de chaleur urbain

Mené dans le cadre d’un appel à projet de l’ADEME [1] destiné à accompagner les acteurs de la ville dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de politiques énergétiques et climatiques, le projet DIACLIMAP a été lancé en 2015 pour une durée de deux ans. Il vise à permettre aux  collectivités et à leur collaborateurs techniques de se doter d’un outillage adapté pour cartographier et comprendre le phénomène d’îlot de chaleur urbain [2] (ICU) sur leur territoire, et de cibler les enjeux et les besoins d’atténuer localement les pics de chaleurs estivaux.

L’outil développé par plusieurs équipes du Cerema, en partenariat avec le Laboratoire ERPI [3], est basé sur une approche liant les effets locaux du phénomène d’îlot de chaleur urbain et une classification géo-climatique des quartiers. Le projet a aussi  adopté une démarche de co-conception avec les destinataires potentiels pour répondre au mieux à leurs besoins opérationnels.

 

traitement de données pour la production d’indicateurs de diagnostic et d’aide à la décision

Le projet DIACLIMAP est organisé en trois volets complémentaires et interactifs :

1. Développer un outil de diagnostic climatique à l’échelle des quartiers, afin de caractériser l’effet de l’îlot de chaleur urbain et ses impacts à l’échelle d’un territoire urbain.

Sa fonctionnalité principale est de cartographier via des outils SIG [4] des unités urbaines auxquelles sont affectés des indicateurs de diagnostic et d’aide à la décision, en s’appuyant sur trois blocs élémentaires :

  • capture d'écran du logiciel, pour identifier les zones de chaleurUne méthode semi-automatisée de cartographie de la ville en zones climatiques locales (LCZ) [5]. En  utilisant un ensemble de bases de données géographiques standardisées, qui constituent les entrées de fonctions numériques spécifiquement développées, l’aire urbaine est classifiée à l’échelle d’îlots urbains en typologies urbaines homogènes répondant à un comportement climatique propre. Les indicateurs urbains sous-jacents, qui permettent d’attribuer chaque classe géoclimatique, sont accessibles pour alimenter le diagnostic urbain, en lien direct ou indirect avec les enjeux climat.
  • Un modèle statistique fournissant des indicateurs de potentiel d’ICU localisé.  Ces indicateurs ont été élaborés en établissant des corrélations statistiques à partir d’un échantillon de mesures mobiles de température d’air réalisées à l’aide d’un véhicule instrumenté [6] dans 13 LCZ sur le territoire de Nancy entre 2013 et 2016. Ces indicateurs caractérisent la dynamique de rafraîchissement nocturne des quartiers dans les conditions  propices à un ICU estival important. La confrontation de ces indicateurs climatiques et des typologies LCZ précédemment décrites permet de comprendre quelles configuration urbaines sont favorables ou défavorables au déstockage de la chaleur emmagasinée.
  • Une base d’indicateurs multithématiques et les méthodes de calcul associées pour caractériser la vulnérabilité des quartiers. En croisant des données propres au territoire urbain (démographie, typologie des bâtiments, demande énergétique, qualité de l’air, santé, etc.) avec les indicateurs typo-morphologiques (LCZ) et climatiques décrits précédemment, il est possible d’identifier des zones et des quartiers plus vulnérables climatiquement, ceci pouvant orienter les décisions de planification ou les propositions de scénarios d’aménagement.  

2. Evaluer de manière collaborative l’apport les méthodes et outils développés. Ce volet vise à mettre en œuvre une évaluation itérative de l’outil en construction et du positionnement des communautés de pratiques sur la prise en compte des ICU (experts, politiques, services techniques, usagers, etc.), via des entretiens individuels pour identifier les besoins et deux ateliers collaboratifs en approche Fab Living Lab, grâce aux compétences de l’équipe LF2L - ERPI. Ces travaux ont également permis de préciser les acteurs et les filières qui utiliseront l’outil DIACLIMAP.

3. Faciliter l’intégration du diagnostic climatique dans les démarches de planification. Ce volet propose d’identifier les différentes modalités dont les données produites peuvent être utilisées, au regard d‘enjeux et de leviers d’action, pour intégrer les enjeux climatiques dans la planification et la conception de scénarios urbains. Pour cela, un inventaire une analyse des documents de planification, ainsi que les marges de manœuvre pour un usage des cartographies de climat urbain et des divers indicateurs ont été identifiés, avec en lien avec le volet 2, un focus sur les  PLUi et PCAET.

 

Diffuser, améliorer et valoriser l’outil DIACLIMAP

Schéma représentant les îlots de chaleur urbainsDivers travaux complémentaires sont en cours , pour perfectionner les techniques cartographiques, et adapter plus finement la méthodologie à un cadre  opérationnel, à des échelles variées (ville, quartier, espace public) et en fin pour intégrer plus spécifiquement l’impact de la nature en ville.

La démarche devra pouvoir être utilisée par la plupart des villes moyennes de France métropolitaine exposées aux ICU.

Pour cela, des travaux d’innovation sont en cours d’élaboration en partenariat avec des collectivités pilotes, dont la Métropole du Grand Nancy, un terrain d’étude déjà investigué pour les travaux initiaux du fait de l’implantation locale du Cerema Est. Les services techniques souhaitent désormais s’appuyer sur la méthode pour approfondir la problématique vulnérabilité et énergie dans le cadre de la révision de leur PCAET. Plus récemment, deux autres territoire investis sur la thématique des ICU se sont portés volontaires pour mettre à l’épreuve la démarche DIACLIMAP : La Métropole Européenne de Lille et Clermont Auvergne Métropole.

Le projet a déjà été présenté à diverses occasions, à des journées techniques [7] et à des congrès scientifiques internationaux [8]. Afin de capitaliser et de diffuser au mieux les connaissances sur ces travaux, un site web sera prochainement mis en place par le Cerema.

Logo Cerema Effi-Sciences

 

 

 

 


[1] Appel à projets de recherche ADEME MODEVAL-URBA "Modélisation et évaluation au service des acteurs des villes de demain", édition 2014.

[2] L'îlot de chaleur urbain est un phénomène climatique qui consiste en un écart positif de quelques degrés entre le centre des agglomérations et les zones rurales ou naturelles périphériques. Leur existence est liée à différents paramètres, comme la densité et la forme urbaine, l’artificialisation des sols, les propriétés d’absorption et de stockage de la chaleur des matériaux de construction, les activités anthropiques (industrie, transport, équipements domestiques), la raréfaction d’espaces végétalisés, le climat régional. Les villes sont d'autant plus vulnérables aux vagues de chaleur, de plus en plus fréquentes, qu'elles sont constamment sujettes au phénomène d'ICU qui en intensifie l’impact sur les populations et infrastructures.

[3] Équipe de Recherche sur les Processus Innovatifs, Université de Lorraine (EA n° 3767)

[4] Système d’Information Géographique.

[5] Une Zone Climatique Locale (ou LCZ pour « Local Climate Zone »), concept adopté par la communauté scientifique internationale du climat urbain depuis les travaux de Stewart et Oke [2012], est une unité de surface urbaine, de la taille de quelques îlots ou d’un quartier, répondant au double principe d'homogénéité de composition urbaine et d'homogénéité climatique. Ce schéma repose sur une description en 17 classes (10 « urbanisées » et 7 « rurales ou naturelles »), permettant de qualifier n’importe quelle territoire via 10 indicateurs décrivant la morphologie des rues et des bâtiments, la nature et l’occupation du sol, le niveau d’activité anthropique et les propriétés thermiques des surfaces et des matériaux. Une publication du Cerema, Leconte et al. [2015], confirme que cette classification, peut être utilisée pour la caractérisation de l'ICU et du comportement climatique systématique de quartiers types dans des villes européennes moyennes.

[6] La mesure microclimatique mobile est une technique mise en œuvre au Cerema via un équipement dédié de la plateforme Carnot Cerema Effi-Sciences.

[7] Journée d’étude « Rafraîchissement urbain, froid renouvelable et réseaux de froid », FNCCR, Paris , 19 juin 2018.

[8] 10th International Conference on Urban Climate/14th Symposium on the Urban Environment, 6-10 August 2018, New York.

 

Dans le dossier Le Cerema mobilisé pour adapter le bâti au changement climatique

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