Cet article fait partie du dossier : Dossier "Vers des rues apaisées"
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Interview de Fabien Bagnon,
Vice-président de la Métropole de Lyon en charge de la voirie, de la proximité, des intermodalités et des mobilités innovantes et actives
En matière de sécurité routière, la stratégie "Vision Zéro" a pour objectif de mettre fin à tout décès ou blessure grave résultant d’accidents sur les routes et rues. Lyon est la première métropole en France à s’être officiellement engagée dans cette démarche. Quelles sont les motivations à l'origine de cette décision ?
À la vue des chiffres d’accidentalité sur la Métropole en 2020, j’ai souhaité profiter de mon mandat pour engager une approche systémique de la sécurité routière en m’inspirant des exemples de pays scandinaves ou de Montréal. Le fondement même de la démarche autour de deux questions initiales est intéressant : "Une collectivité doit-elle se fixer un objectif de réduction de l’insécurité routière?" Oui, bien sûr ! Puis "Quel seuil de tués ou de blessés graves est alors acceptable ?" Zéro, bien sûr, car qui pourrait accepter de voir ses proches décéder ou se blesser gravement sur la route ?
L’organisation territoriale en France aboutit à ce que la sécurité routière soit une compétence partagée. L’approche "vision zéro" ne peut se limiter à la seule entité métropole. Son partage avec les acteurs du territoire fait partie du concept. Ainsi une série d’ateliers a été organisée pour embarquer dans la démarche autant de partenaires que possible à commencer par les communes, avec le relais d’élus et de techniciens, ainsi qu’en interne. Le Cerema a participé à ces ateliers. Issus de ces travaux, un plan d’action comprenant dix-sept actions a été présenté à l’exécutif métropolitain, et ainsi aux maires des communes de la Métropole de Lyon, lors d’une conférence métropolitaine des maires.
Une charte d’engagement va désormais être proposée à la signature d’ici la fin de l’année afin de s’assurer du soutien de tous les élus ainsi que d’autres acteurs clés dont certains pourraient d’ailleurs être pilotes d’actions : le Sytral, la préfecture, des associations d’usagers…
Une collectivité doit-elle se fixer un objectif de réduction de l’insécurité routière ? Oui, bien sûr ! Quel seuil de tués ou de blessés graves est alors acceptable ? Zéro, bien sûr, car qui pourrait accepter de voir ses proches décéder ou se blesser gravement sur la route ?
En parallèle de cette dynamique partenariale en construction, comment la vision zéro est-elle intégrée dans vos services dès aujourd’hui ?
Un des besoins les plus importants identifié en interne a été celui d’un référentiel technique commun à l’échelle de l’agglomération qui intègre bien les enjeux de sécurité des usagers vulnérables. Le guide des aménagements cyclables de la Métropole est ainsi mis à jour dans ce sens, et nous sommes en train d’élaborer celui relatif aux aménagements pour les piétons.
Afin d’harmoniser les pratiques, j’ai également mis en place une revue systématique des projets de voirie pour qu’ils évoluent dans la même direction. À partir de l’année prochaine, l’analyse multicritère qui préside au choix des projets va intégrer, en plus des thèmes actuels (confort piéton, confort cycliste, végétalisation, imperméabilisation, coût…), des critères de sécurité des déplacements.
Cet outillage technique est essentiel pour accompagner le dialogue avec les élus locaux, notamment autour de sujets sensibles comme la suppression de stationnements lorsqu’ils génèrent des risques pour le déplacement des usagers. Si la compétence de voirie est bien au niveau de la métropole, le succès de tout projet nécessite en effet l’adhésion des élus locaux.
Dans cette démarche, quelles sont les actions majeures qui bénéficient à tous et en particulier aux usagers vulnérables ?
La vision zéro est associée à un partage plus fort de l’espace public. Le travail sur la sécurisation des plus vulnérables passe ainsi par la promotion de la ville apaisée et de la ville à 30 km/h, sur la base du volontariat. Cet apaisement est le point d’ancrage d’autres politiques publiques : soutien aux mobilités actives, santé publique, décarbonation... Il faut souligner que c’est souvent une demande des habitants de baisser les vitesses au moins dans leur rue, ce qui donne une plus grande légitimité aux élus locaux pour généraliser la mesure à l’échelle de leur ville.
La dynamique fut initiée dans la Métropole par une commune de la première couronne : Oullins. Cette expérience positive fut observée attentivement par les maires. Elle s’est ensuite étendue à Lyon et bientôt Villeurbanne. La dynamique de l’apaisement par le 30 km/h est lancée ! Vingt-deux villes l’ont déjà adopté, et une dizaine l’étudie actuellement.
Quels sont les points forts qui se révèlent, et à l’inverse les obstacles que vous rencontrez, lors de la mise en œuvre de la politique de Vision zéro ?
La sécurité des déplacements, avec tout ce qu’elle implique de drames humains, reste encore un sujet difficile à aborder en amont pour certains, même si accompagner un accident est toujours un moment difficile pour un élu. Il faut donc dépasser ce tabou.
La démarche de vision zéro se veut systémique, et en cela elle requiert l’engagement de tous. C’est là que réside son efficacité, mais également sa fragilité : toutes les actions ne sont pas aux mains de la Métropole. Après la phase de construction de la démarche, la signature prochaine de la charte d’engagement par l’ensemble des élus et des partenaires permettra de confirmer que tout le monde est bien au rendez-vous.
En termes d’outils d’accompagnement de la démarche de sécurité des déplacements, il faut également souligner le sujet du contrôle : les maires demandent unanimement à pouvoir mieux mobiliser ce levier. Les radars urbains, qui pourraient entrer en œuvre prochainement, sont ainsi très attendus.
L’objectif de zéro tué et de zéro blessé grave est un objectif de long terme. La Métropole de Lyon s’est-elle fixé des objectifs intermédiaires ?
La Métropole s’est effectivement donné un cap à moyen terme : il s’agit de réduire de moitié le nombre de tués et de blessés graves d’ici à 2030. Cet objectif peut paraître ambitieux mais c’est également celui que la France s’est assigné au niveau national dans le cadre de ses engagements internationaux.
Une évaluation des panneaux de cédez-le passage cycliste aux feux a été récemment réalisée en partenariat entre la Métropole de Lyon et le Cerema. Quel bilan tirez-vous de cette démarche ?
Cette évaluation a montré la pertinence du cédez-le passage cycliste, à la fois en termes de gestion des différents flux d’usagers, de cohabitation entre les différents modes et de sécurité de tous.
Plus globalement, cette démarche est représentative de nos attentes : la Métropole et ses services techniques sont confrontés à une pratique de la mobilité qui évolue sans cesse et qui questionne constamment nos référentiels méthodologiques. Par exemple, la forte croissance des flux de cyclistes sur les voies lyonnaises, le réseau express cyclable de l’agglomération, occasionne des problèmes de gestion des flux et de conflits aux intersections. Face à ces enjeux nouveaux, l’écosystème technique local – techniciens, bureaux d’études - manque parfois de recul et une expertise extérieure, comme celle que le Cerema apporte, nous est utile pour envisager de nouvelles solutions.
Pour en savoir +
Présentation de la démarche "Vision zéro" par la Métropole de Lyon lors de la 20ème édition du « Club accidentologie en milieu urbain » organisé par le Cerema du 22 au 24 novembre 2022
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