La journée a été ouverte par la Direction Générale de la Prévention des Risques et le Cerema. Elle a rassemblé plus de 70 spécialistes de la prévention des risques, de l’aménagement du territoire et de l’action foncière, dans les services de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, le réseau scientifique et technique et le milieu universitaire et de la formation.
L’ensemble des participants ont pu ainsi échanger autour de 3 thématiques :
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Urbanisme et outils fonciers au service de la gestion des risques ;
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La spécificité des problématiques agricoles ;
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la reconfiguration des territoires vis-à-vis des risques par des politiques foncières.
Les échanges, qui ont été très nourris et appréciés, ont montré l’importance des démarches expérimentales et l’indispensable travail collaboratif entre les différents acteurs, pour la réussite de la mise en œuvre globale d’une politique foncière à visée prévisionniste efficiente. Cette journée a également permis de faire ressortir la nécessité d'inscrire des projets et des politiques à long terme en prenant en compte les aspects sociaux dès le début de la démarche.
Urbanisme et outils fonciers au service de la gestion des risque
L’adaptation des territoires littoraux au changement climatique : un exemple de transformation programmée des territoires
Centre Européen de prévention de Risque d'Inondation (CEPRI) – Margaux Knispel
Que faire des enjeux soumis aux risques littoraux, dans un contexte d’érosion et de montée du niveau de la mer, alors que l’aménagement du littoral (sous pression) a été pensé uniquement sur une logique économique, sans prendre en compte les risques?
Les enjeux exposés en France et ailleurs sont très importants et le coût des pertes liées au changement climatique se chiffre annuellement à l’horizon de la fin du siècle à plusieurs milliards d’Euros. Il est nécessaire de bien considérer l’exposition globale et ne pas se limiter à un seul aléa. Mais aussi penser à pérenniser les financements autres que ceux mobilisés sur la construction ou le renfort d’ouvrages de protection, sans aucune garantie de pérennité.
Il faut passer du "lutter contre" au "vivre avec" en raisonnant sur plusieurs échelles de temps : à court terme en sécurisant les ouvrages existants, à moyen terme en ayant une politique d’adaptation territoriale et à long terme en se posant la question du recul stratégique.
Plusieurs propositions de lois ont émergé récemment qui ont conduit à esquisser le contour d’outils de gestion qui pourraient amener des solutions. Parmi ceux ci, deux nouveaux outils dans les lois en cours de débat :
- Zones d’Activités Résilientes et Temporaires (ZART)
- Bail Réel Immobilier Littoral (BRILi), où la collectivité achèterait le terrain, et le louerait temporairement (ce qui financerait l’achat)
Par ailleurs, il y a une contradiction apparente avec la loi littoral : il ne faudrait pas délocaliser les enjeux pour les implanter sur des secteurs soumis à la loi littoral, d’où un régime dérogatoire à mettre en œuvre.
La question qui mérite d’être posée est : À droit constant, que peut-on faire ?
- Permis temporaire (qui implique la remise en état à la fin de la durée de péremption du-dit permis) qui doit être réservé à des situations exceptionnelles, qu’il est sans doute nécessaire de renforcer, juridiquement parlant, mais qui reste a priori plus fort que le BRILi, qui lui reste un bail qui risque de permettre aux entreprises de se soustraire à leurs obligations (en se mettant en liquidation par exemple)
- Bail emphytéotique.
A droit constant, on a déjà des outils, parfois à renforcer, sans qu’il soit forcément nécessaire d’en inventer de nouveaux, donc le cœur du problème n’est pas les "outils d’urbanisme", mais le financement de la mise en œuvre des actions de recomposition spatiale.
Les prérequis sont un nécessaire diagnostic commun entre l’État et les collectivités ainsi qu’une acceptabilité sociale de délocalisation des enjeux et des modalités de cette délocalisation. Enfin la stratégie devra se pencher sur le cas des activités dépendant de la proximité de la mer.
Présentation d'Urbansimul
Cerema – Christine Grimal, et DDTM13 – Ondine Le Fur
UrbanSimul est un outil d’analyse et de simulation de l’occupation du sol à l’échelle de l’unité foncière sur l’ensemble de la région PACA. Il est accessible à l’ensemble des acteurs publics de la région. Il fonctionne sous la forme d’un service web collaboratif et permet de :
- Visualiser en ligne les espaces, avec le foncier potentiellement constructible et les sols à protéger,
- Télécharger les données associées aux unités foncières et les intégrer à son SIG,
- Générer un diagnostic communal instantané avec des comparaisons à d’autres territoires,
- Tester l’effet de données expérimentales,
- Mettre à jour et consolider les données sources sur son territoire,
- Intégrer des informations terrains sur les disponibilités foncières.
Il permet notamment de mieux comprendre les dynamiques foncières sur un territoire donné en intégrant davantage de données dispersées. Il a notamment été utilisé sur le Plan de Prévention des Risques d'Incendies de Forêt (PPRIF) de Marseille en phase d’élaboration pour déterminer le nombre et la surface des unités foncières que cette nouvelle servitude soustrayait réellement à l’urbanisation potentielle (impact de la zone rouge inconstructible).
Pour la gestion du risque feu de forêt dans les Bouches-du-Rhône, une carte d’aléa départementale d’aléa des feux de forêt subi est disponible sur tout le département.
Dix PPRIF sont en cours d’élaboration ou approuvés. Dans le reste du territoire il est réalisé des porter-à-connaissance, basée sur la carte d’aléa départementale.
L’agglomération marseillaise présente une rapide extension de la zone urbanisée avec un "grignotage" de la forêt par l’urbanisation, de typologie variée allant du collectif dense à un habitat individuel. Il est plutôt mal desservi et exposé à un risque d’incendie auquel on peut attacher de manière globale et grossière une période de retour de 60 ans environ.
Urbansimul a été utilisé dans le cadre de la mise en œuvre du PPRiF, après la phase de concertation publique (5 réunions publiques avec environ 300 personnes présentes), et pour l’enquête publique officielle. Le but était d’estimer au préalable l’ampleur de la mobilisation de la population à l’enquête pour mieux dimensionner les moyens à déployer pour mener à bien cette procédure. Le constat était que 534 ha "constructibles" au sens du PLU étaient situés dans la zone rouge du projet de PPRIF (incluant tout de même des espaces inconstructibles de par leur fonction, leur utilisation, ou leur relief).
Dans Urbansimul, si on intègre toutes les contraintes existantes, le PPRIF n’impacte finalement que 99 ha de foncier mobilisable dont uniquement 15 ha de parcelles non bâties. L’outil a été également utilisé pour anticiper les questions, en étudiant de plus près là où le PPRIF contraignait le plus des terrains à construire … On peut retenir de cette expérience que cet outil permet de passer moins de temps à la recherche de données pour réaliser un constat pour se concentrer dans la définition d’actions pour la suite.
Guide national sur la gestion des risques cavités souterraines
Cerema – Nathalie Bérenger
Ce guide a été publié en 2017, et est téléchargeable gratuitement sur le site du Cerema. Il été conçu dans le cadre du Plan national cavités (2013-2015) porté par le Ministère de la transition écologique et solidaire. C’est la première fois qu’un guide "non technique" paraît au sujet des risques cavités souterraines.
Le guide aborde les questions de responsabilité, la propriété, les actions à mener, dans quel cadre (police, urbanisme, …), dans quel délai, sous quel financement. Il tente de répondre à plusieurs questions : comment faire concrètement de la gestion territoriale du risque cavités ? Que faire en cas d’évènement ? (travaux d’urgence ou extrême urgence, soutient de la population …) Quels sont les financements mobilisables ?...
Les obligations en termes de prise en compte du risque cavités dans l’aménagement du territoire et la gestion de l’urbanisme :
- Les maires doivent intégrer le risque dans les documents de planification (Scot, PLU, …)
- Dans les autorisations d’occupation du sol (CU permis, …)
- Appliquer les mesures des PPR
Les outils :
- Mise en œuvre des procédures d’acquisition à l’amiable et d’expropriation des biens menacés
- Outils d’aménagements dont les PAPRICA, Plans d’Action pour la Prévention des RIsques CAvités (le même principe que les "PAPI", mais pour les risques cavités) - en test actuellement.
Liens utiles sur les risques cavités souterraines
Acquisition a l’amiable/expropriations dans le Var
DDTM83 – Yannick GRUFFAZ, Pascal PELCZAR
Les services de l’État du département du Var ont procédé à 23M€ d’acquisitions sur les cinq dernières années.
- Bargemon (cavité, gypse) - 1992: 6 biens ont été sinistrés. Les propriétaires ont refusé les propositions d’acquisition à l’amiable, il a donc été nécessaire de recourir à des expropriations au travers d’une procédure qui a duré plus de 10 ans pour un montant de 3M€.
- Le Luc (cavité, gypse) – 2014 : La commune a acquis à l’amiable 13 lots en 2017 pour 1,6 M€ (+ 500 000€ pour la déconstruction, délicate ). Les habitants du village confirment la présence d’une ancienne mine de gypse, mais les plans n’ont pu être trouvés.
- Inondations en Dracénie – La Motte - 15 juin 2010 : Les évènements de juin 2010 ont conduit à l’acquisition de 48 biens sinistrés suite aux épisodes de 2010, 2011 et 2012. Sur la commune de la Motte, les inondations ont érodé les berges qui se sont effondrées sous les maisons alors que la zone n’était pas inondable. Il a été acquis à l’amiable 9 maisons qu’il a ensuite fallu déconstruire (pour 330 k€). Il a fallu également dépolluer les berges et les remettre à l’état naturel.
Ordre des actions à mener lancer des acquisitions à l’amiable (NB : toutes les étapes ne sont pas obligatoires).
- Arrêté de péril
- Arrêté CATNAT
- Analyse coût/avantage (réhabilitation protection/acquisition)
- Purge des litiges Assureur/assuré
- Décision d'acquisition (commune, intercommunalité, Etat) et maitrise d’ouvrage
- Connaissance de l’aléa (qui peut être évolutif)
- Obtention des subventions fonds Barnier en complément des assurances
- Vente des parcelles devant notaire au maitre d’ouvrage public
- Études et travaux de démolition puis de mise en sécurité
- Reclassement en zone naturelle au titre du PLU.
L’ensemble de ces actions prend au minimum 3 ans.
Problématiques agricoles
Gestion de l’espace de mobilité de la Berre et du Rieu
(Syndicat de la Berre et du Rieu) - Kriss Sans et Thomas Pasquali
L’établissement public territorial de bassin (EPTB) Aude couvre le Bassin Versant de l’Aude, sur 6 départements, et fédère 7 établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux (EPAGE) qui mettent en œuvre la stratégie en tant qu’organismes opérationnel.
Le Syndicat Mixte des Milieux Aquatique et des Rivières (SMMAR) a porté 2 Programmes d'Actions de Prévention des Inondations (PAPI) et un 3e est en cours de réflexion.
Plus précisément, le bassin versant de la Berre et du Rieu a connu trois inondations majeures en 1999, 2005 et 2014. Suite aux inondations dramatiques de 1999, avec de très gros dégâts matériels mais sans victimes sur ce territoire, il a émergé le besoin d'une organisation et de la fédération des acteurs.
En effet, ces événements consécutifs sont à l’origine de la prise de conscience que le secteur agricole doit contribuer à la gestion des risques (la principale activité agricole est viticole).
En 1999, 2005, 2011, 2014, les indemnisations au titre des "calamités agricoles" ont toujours porté sur les mêmes parcelles. Le SMMAR a fait la proposition aux élus en 2014 (n’avait pas fonctionné en 2005) de déplacer ces zones agricoles, en associant les acteurs de monde agricole, dans un objectif d’éviter de refinancer à chaque inondation les mêmes dommages aux exploitations.
Il a été proposé de faire une acquisition de terrain agricole (vigne) sur une zone d’expansion naturelle du cours d’eau sur laquelle il est observé les points de débordement. Cela avait déjà été tenté en 2005 mais le projet n’a pas pu être mené à terme. Pour effectuer ces acquisitions, il a été réalisé une cartographie dépassant largement les zones inondées où ont été notamment mises en relief les "points de débordement" - car les dégâts sont importants sur ces éléments spécifiques, sans nier l’utilité du transport solide.
Un diagnostic a été engagé, intégrant une expertise des points de débordements. Une cartographie des 8 sites d’acquisition a été établie, avec un objectif double : dynamique du cours d’eau et réduction des risques.
Le recensement des parcelles à conduit à identifier 60 ha de terrain le long du cours d’eau. La première question qui vient à l’esprit est celui de l’estimation, mais aussi de la relocalisation. Pour mener à bien le projet il a été nécessaire d’établir un partenariat avec la chambre d’agriculture, l’Établissement Public Foncier, (France Domaine) et l’Agence de l’Eau et d’établir un barème de prix partagé dans l’objectif d’avoir l’adhésion du monde agricole au projet.
Le principe recherché est l’achat des parcelles à l’amiable, sans Déclaration d’Utilité Publique (DUP). Exemple du site des Graves : Le scénario d’aménagement sur les parcelles (nombreuses parcelles, mais seulement deux propriétaires) consiste à enlever le merlon le long du cours d’eau et à créer un chenal secondaire dans le méandre. Les deux propriétaires étaient favorables à l’acquisition pour des raisons différentes : l’un pour solder et partir à la retraite, l’autre, plus jeune, pour ne pas avoir à réinvestir à nouveau après avoir subi deux fois des réparations suite aux inondations.
L’acquisition a donc été réalisée à l’amiable avec relocalisation des cultures, sans recours à une procédure de DUP. Les prix ont été validés par France Domaine et l’opérateur foncier était l’EPF. Un plan de financement, pour l’ensemble des sites, a été construit pour une acquisition évaluée à 400 K€. La clé de répartition des financements a été la suivante : Agence de l'Eau-RMC (50 %), CD11 (27 %), Région Occitanie (3 %), Autofinancement syndicat (20 %) .
En matière de retour d’expérience, les difficultés portent sur:
- le morcellement parcellaire,
- les blocages de propriétaires,
- l’évaluation des coûts annexes,
- le phasage et la justification vis-à-vis des financeurs,
- l’évaluation de la nature des sols pour le barème des prix.
Les points positifs portent sur la démarche impliquant beaucoup d’acteurs, la gestion à l’échelle d’un bassin versant, la gestion en direct des sites, le rôle de la démarche comme outil de sensibilisation et le travail sur les barèmes de coûts.
Gestion du foncier pour re-agriculturer la basse vallée de l’Argens
Syndicat mixte du bassin versant de l’Argens (SMA) – Delphine Barriau, Sébastien Perrin.
Le Bassin Versant (BV) de l’Argens a été touché par une inondation le 15 juin 2010 qui a causé de nombreuses victimes et 1 milliard d’euros de dommages. Cette mémoire de l’inondation est à l’origine de la création du SMA qui regroupe 8 EPCI. Sur le BV, 107 000 hab se trouvent en Zone Inondable sur 330 000 hab au total et beaucoup d’enjeux en ZI.
Le projet de réduction de la vulnérabilité du territoire porte, sur plusieurs zones d’aménagement sur le BV, sur le déplacement des enjeux, la réduction de vulnérabilité des enjeux restants, la mise en place de protections et à plus long terme le reprofilage des cours d’eau, avec un objectif d’avoir une stratégie foncière locale sur l’aménagement combiné à une stratégie foncière globale. En 2014, l’Atelier National avait fait émerger le concept de parcs agricoles.
Le projet de territoire couvre plusieurs volets :
- place de l’urbanisation, PPRI,
- réouverture de la vallée de l’Argens,
- mobilités douces pour faire découvrir le territoire (tourisme), en tenant compte de la dimension hydraulique, environnementale avec le massif des Maures et la volonté de rouvrir l’espace agricole de la basse vallée.
L’agriculture sur le BV Argens couvre un grand panel de filière, arboriculture, maraîchage, fleur coupée… c’est un des derniers espaces agricoles du secteur. Il y a une forte dimension hydraulique du projet : sur 96 millions d'euros, 27 sont dédiés à la basse vallée. Le projet s’appuie sur la volonté de réduire la fréquence des inondations et de sécuriser, en créant des hameaux agricoles hors d’eau, pour construire et centraliser dans un même point des centres d’exploitation (identification de zones dans le SCOT pour implanter les hameaux).
Il y a également la volonté de réduire la fréquence d’inondation pour que les exploitants puissent de nouveau ré-investir. En effet beaucoup de jeunes voudraient s’installer mais les sujets inondation et la loi littoral, qui empêche la construction de bâtiments en rupture de la zone urbaine y compris si c’est du bâtiment agricole, reste un frein. En parallèle, le volet économique est traité, avec l’objectif de créer une plateforme de circuit court, compte tenu de la zone de chalandise locale très importante.
Reconfigurer les territoires vis-a-vis des risques par des problématiques foncières
Pour une politique intégrée en faveur de la gestion du trait de cote
EPF Occitanie, Sophie Lafenêtre
Un EPF est un établissement public qui a pour vocation de faire de l’acquisition et du portage de foncier pour les projets d’intérêt public, très majoritairement à destination des collectivités territoriales (98% en Occitanie, contre 2% seulement pour l’Etat, notamment dans le cadre des communes carencées).
Le cœur de métier reste les domaines de l’habitat et des projets d’aménagement urbain, mais il y a aussi un axe prévention des risques, principalement risque inondation, par exemple en préfinançant l’achat du foncier pour les digues, puis en revendant au MOa lorsque le projet est prêt. Les EPF peuvent intervenir dans le cadre des sujets risques techno également (ndlr mise en œuvre des mesures foncières – dispositif d’expropriation et de délaissement).
Le cas de la commune de Vias
La commune de Vias est à la croisée de plusieurs sujets :
- gestion du cordon dunaire,
- campings en zone de risques littoraux (submersion et déferlement). Avec cet élément de contexte important : les campings représentent 10 à 15 % des recettes fiscales de la collectivité.
- important secteur "cabanisé" (qui aujourd’hui sont très souvent devenues des constructions pérennes avec un accès direct à la plage depuis des espaces protégés, et ce sur 300 ha).
Pour l’EPF, la question n’est pas tant de savoir comment gérer ces problèmes spécifiques que de savoir quel est le projet global pour gérer ce territoire dans le futur.
C’est seulement une fois le projet défini que l’on pourra trouver des solutions de portage foncier. Les représentants de l’EPF allant sur le terrain, au contact direct des propriétaires, il lui est indispensable d’être en mesure de clairement expliquer aux gens le projet qui justifie leur départ.
L’idée initiale était de faire de la réserve foncière en attendant de voir ce qui allait se passer, l’EPF a temporisé. Il est en effet très important de ne pas acheter à un mauvais prix. Acheter trop haut risque de faire s’emballer le marché local alors qu’acheter trop bas risque de crisper les propriétaires et bloquer la situation (à noter que l’enjeu est considéré de taille à deux ans d’une échéance électorale).
L'achat de la totalité des parcelles concernées reviendrait à près de 100 millions d’euro, ce qui est l’équivalent de plusieurs années du budget de l’EPF, et ce, pour acheter des terrains très chers (valeur de ces biens "habités" très recherchés) pour les revendre à de très faibles prix en tant que terrains naturels : en simplifiant, cela représente donc près de 100 M€ de pertes + les coûts de gestion à assumer derrière … Ce rapide calcul est l’argument qui justifie, pour partie, la non-action de l’EPF pour l’instant.
Création d'une Zone d'Aménagement Différée
Parallèlement, la création d’une Zone d’Aménagement Différée (ZAD) offre la possibilité de préempter : c’est l’art de ne pas acheter en proposant des tarifs suffisamment bas pour que le vendeur retire sa vente (tout en espérant que le propriétaire n’accepte pas la préemption, ce qui "lancerait la machine" avant que le projet soit prêt, et qui conduirait à ce que l’EPF se retrouve avec du foncier acquis cher sur les bras).
En général, l’EPF ne propose pas la mise en œuvre d’une ZAD avant d’avoir une idée bien claire du projet. Dans le cas de Vias, cette option a été choisie, car il a été constaté un très grand nombre de transactions (environ 60) en 8 ans, ce qui est anormal pour un secteur comme celui-ci : signe que les prix vont rapidement monter.
L’EPF présente le diagnostic détaillé réalisé sur le secteur, qui revêt une importance toute particulière pour la construction de la stratégie : il est nécessaire de savoir qui sont les gens avec qui il faudra négocier.
Quelques éléments importants :
- 3000 parcelles appartenant à des privés
- beaucoup de parcelles bâties (ou tout du moins aménagées)
- En très grande majorité, il s’agit de propriétaires seuls ou de deux personnes (le couple) ce qui représente des cas plus aisés à traiter que quand l’on doit parler avec une indivision d’une quinzaine de personnes.
- une majorité de gens de plus de 60 ans avec lesquels il est plus facile de discuter de "projet de vie" qu’avec des individus plus jeunes en leur proposant de leur racheter le foncier et de rester locataire avant que l’EPF récupère le bien à leur décès.
- peu de propriétaires occupants à l’année avec la possibilité de leur proposer des solutions différentes de celles proposées aux occupants temporaires.
Une stratégie adaptée à la population concernée
Ces diagnostics sont très importants pour le négociateur et permettent d’orienter les stratégies à mettre œuvre en fonction des populations concernées. Une des pistes de stratégie serait de racheter les zones les moins exposées pour y relocaliser des propriétaires qui accepteraient de se déplacer. Mais qui faut-il reloger en premier ? Une idée serait de cibler les occupants à l’année, qui sont peu nombreux.
Pour explorer ce scénario, il faut identifier les parcelles les moins exposées, estimer à combien on peut les acheter et savoir combien de personnes il serait possible d’y réinstaller.
Il y a toutefois une difficulté réglementaire importante : on reste en terrain non constructible, donc avec l’interdiction de reconstruire sur ces parcelles, même les moins exposées : pas de solution à ce jour. Il s’agit d’un des scénarios envisagés et l’EPF n’est pas en mesure de dire s’il sera choisi.
La question de la stratégie à adopter, qui se pose pour les petites parcelles privées, se pose également pour les campings : est-il plus intéressant de racheter les terrains du camping ou au contraire les terrains situés à l’arrière pour envisager que le camping puisse s’éloigner du rivage ? Au final, les enjeux sur le secteur sont :
- Réussir à acheter le moins cher, mais cela est difficile dans la mesure où France Domaines estime le bâti illégal comme du bâtiment légitimement bâti
- Réussir à ce que la situation ne se dégrade pas d’avantage or cela continue à se construire
- Réussir à ce qu’il n’y ait pas de transmission aux héritiers
- Réussir à valoriser le portage foncier
- Sécuriser en amont les cessions c’est-à-dire savoir à l’avance à qui on va vendre
- Lien avec les réflexions actuelles sur l’utilisation du Fonds Barnier sur les sujets trait de côte.
Approche plurielle pour une adaptation aux risques : Exemple du renouvellement urbain dans le quartier de Kaweni à Mamoudzou
DEAL Mayotte (Charlotte Mucig) et Actes et Cités (Florianne Le Moigne)
Quelques éléments de contexte sur l’île de Mayotte :
- 45 % du territoire en aléa fort (tout type d’aléas confondus), 92 % tous aléas confondus, ce sur un territoire qui a un grand besoin de développement.
- Parc de logement massivement dégradé : 76 % sans confort de base dont 37 % de logement de fortune.
- 4380 logements de fortune en zones d’aléas fort, dont des constructions dans le lit des ravines uniquement sur le territoire de la communauté d’agglomération Dembeni-Mamoudzou
- Beaucoup de constructions sans permis de construire : difficile de donner un chiffre exact.
Devant ces éléments il y a une nécessaire priorisation notamment mise en avant par le Plan d’Action pour le Développement de Mayotte rédigé par le CGEDD. Malgré cela toute intervention de l’État est très complexe, car on se heurte souvent à une absence de propriété foncière.
L’enjeu est donc de trouver des outils qui pourraient être adaptés avec la situation très particulière de l’île.
Il n’y a pas encore de PPR approuvés sur l’île mais certains sont à l’enquête publique actuellement, leurs règlements ont été écrits en association avec la collectivité. Ils contiennent notamment la possibilité de démolir/reconstruire en aléa fort de mouvement de terrain sous réserve de diminuer la vulnérabilité avec notamment un objectif de pouvoir remplacer les ensembles de structures fragiles par des petits collectifs.
Tout cela peut également conduire à des mesures fortes d’évacuation et de démolition.
Par ailleurs il y a un dispositif "fonds de prévention des risque naturels majeurs" (FPRNM) spécifique aux DOM (équivalent de l’expropriation pour des personnes sans droit ni titre) :
- barème de calcul de l’estimation très peu favorable pour les habitants
- peut financer la démolition mais pas le relogement temporaire, ce qui ne facilite pas la mise ne place de ces mesures.
- Il y a cependant des difficultés à mener des actions globales sur les quartiers compte tenu du problème d’éligibilité des personnes par exemple, la personne doit pouvoir apporter la preuve que son installation sur place a plus de 10 ans, ce qui est très difficile en pratique. Au sein d’un même quartier, certaines personnes ne sont donc pas éligibles, ce qui conduirait à laisser des habitats isolés. Il n’y a pas de solution aujourd’hui mais la DEAL essaie d’avancer petit à petit.
Il y a donc une nécessité de trouver des solutions innovantes, quitte à ce qu’elles ne soient que temporaires. La commune de Mamoudzou a ainsi missionné le bureau d’études Actes et Cités (association urbanistes, architectes, juristes …) pour explorer des pistes qui pourraient apporter des esquisses de solution. Cette association a travaillé notamment sur le quartier de Mahabourini dans le cadre du Nouveau protocole de Renouvellement Urbain (NPRU) de Kaweni.
Les caractéristiques de la parcelle étudiée :
- absence de services, d’infrastructures, une grande précarité, une forte exposition aux risques naturels
- environ 290 constructions, pour 1800 personnes sur une parcelle communale donc aucun habitant propriétaire du foncier.
- ¼ français, ¼ sans titre de séjour, ½ avec titres de séjour temporaires
- dans les années 2000, transformations d’un secteur agricole en un gros pôle économique de la cité.
Éléments mis en perspective par le prestataire :
- Les habitants sont contraints de développer des méthodes innovantes de construction pour pallier aux fortes pentes et instabilités des terrains : au-delà des risques naturels il y a des risques structurels liés à la façon de construire
- La "durcification" (construction de plus en plus en matériaux de type briques ou parpaings pour remplacer les matériaux de type bois et tôles) est un moyen pour les habitants de légitimer l’habitation illégale puisque c’est un moyen de prouver que l’on est là depuis longtemps.
- Élaboration d’une cartographie des risques à l’échelle de la zone, à une autre échelle que celle du PPR, ce qui permet de lister pour chaque bâtiment les risques concernés.
- Il n’est pas envisageable de construire de manière parasismique dans ce quartier, mais des réflexions sont menés par rapport aux mesures d’évacuation du quartier
- Perception du risque : Il y a une sous-estimation évidente du risque.
Proposition de stratégie :
- Travail nécessaire sur la culture du risque et sur la diffusion de bonnes pratiques constructives à travers des dispositifs d’auto réhabilitation encadrée ou d’auto construction encadrée permettant de limiter la vulnérabilité du bâti aux aléas (sans pour autant le légitimer)
- Prise en compte dans l’aménagement (PPR)
- Organiser la gestion de crise
- Création d’espaces refuges de proximité en aménageant des cheminements et les espaces publics pour permettre aux habitants de se mettre en sécurité en cas d’événement.
Les propositions formulées sont loin de pouvoir régler la situation, mais ces solutions temporaires permettent de réduire la vulnérabilité des habitants de ces quartiers.