22 septembre 2023
petit bassin d'eau en ville devant un immeuble
Cerema
Le 23 mai 2023, le séminaire "Valorisation des eaux de source en milieu urbain" a été organisé à Paris pour valoriser les résultats du projet de recherche ANR HUNIWERS (Impact historique de l'urbanisation sur la qualité de l'eau : étude diachronique en région parisienne), auquel a contribué le Cerema.
Il a été complété le 3 juin 2024 par un dernier séminaire destiné à ouvrir les perspectives sur d'autres régions et d'autres acteurs.

Le Cerema s’investit depuis 15 ans, notamment via son équipe de recherche Team,  sur la connaissance des systèmes d’adduction historiques en eau potable de la Ville de Paris (sources du Nord, sources de Rungis). Ce travail initié dans le cadre d’une recherche conjointe avec l’IFSTTAR a depuis bénéficié de différents financements.

Le programme EC2CO/Insu a  soutenu le projet "Hydrohisteau : Lecture Hydro-Géochimique de la  dynamique historique de la nappe superficielle urbaine des sources du  nord de Paris" (2012-2013). La Ville de Paris, par l’intermédiaire du  programme Paris 2030, a financé le projet "Histoires d’eau souterraine :  les nappes phréatiques superficielles à Paris vues au travers de deux  aqueducs. Etat des lieux, historique, et perspectives pour une meilleure  gestion de l’eau" (2014-2015).

Depuis 2018, le Cerema a été partenaire du projet ANR "Huniwers :  Historical impact of urbanization on water quality, a diachronic study  in Paris and surrounding areas” (Impact historique de l'urbanisation sur la qualité de l'eau, une étude diachronique à Paris et en région parisienne) de 2018 à 2023. Il a notamment piloté ou copiloté les tâches 1, 2 et 5 du projet. 

 

Le site web du projet

 

 
Le projet HUNIWERS 
est structuré en 5 tâches portant sur :
  1. Le cycle hydrologique et à la modélisation de deux bassins versants au Nord et au Sud de Paris, 
  2. La qualité des eaux (physico chimie) actuelle, 
  3. L’évolution temporelle de la qualité de l’eau retracée par l’étude des dépôts calcaires,
  4. Les mécanismes de transferts des polluants et la reconstruction historique 
  5. L’évaluation, en concertation avec les autorités / les agences régionales et locales, la possible (ré)utilisation des eaux des nappes perchées parisiennes comme ressource alternative.

Introduction

Présentation du projet HUNIWERS 

logo du projetLa première intervention de la journée a été réalisée par Edwige Pons-Branchu, professeur à l’Université Versailles-St Quentin, chercheuse au LSCE [1]  et coordinatrice du projet HUNIWERS qu’elle a présenté. Le projet ANR HUNIWERS s’étale sur 5 ans (2019 à 2024), rassemble 6 laboratoires partenaires et plus de 50 collaborateurs.

Il a pour objectifs principaux : 

  • L’utilisation d’archives "papier" et d’archives environnementales, en l’occurrence des spéléothèmes urbains, pour déterminer et comparer la qualité et la disponibilité passées et actuelles des eaux souterraines en région parisienne afin d’identifier les sources et modes de transferts de polluants.
  • D’établir un état des lieux des nappes de proche surface parisiennes, évaluer l'efficacité des politiques environnementales (impact sur les sources de polluants), et proposer en lien avec les autorités locales et régionales une utilisation alternative de cette ressource naturelle.

 

Témoignage introductif 

Jean-Louis Clervil, Directeur Adjoint Maîtrise d'Ouvrage et Patrimoine à Eau de Paris a rappelé le contexte historique et patrimonial de la région parisienne. 

L’histoire de l’eau à Paris est ancienne et centrale pour le développement de la ville dès l’Antiquité. Elle se poursuit au Moyen-Age et à la Renaissance avec la construction d’aqueducs et de réseaux comme les "Sources du Nord". Le XIXème siècle est une période de changements avec de grands travaux menés par Eugène Belgrand sous l’impulsion d’Haussmann. Elle est notamment marquée par la création du double réseau d’adduction en eau parisien : eau potable et eaux non potables.

Eau de Paris bénéficie actuellement de ressources en eau diversifiées et indépendantes, ce qui assure la résilience du système d’alimentation en eau potable. Les travaux de réhabilitation des réseaux pour réduire les fuites, mais aussi l’existence du réseau d’eau non potable, permettent par ailleurs de diminuer les consommations d’eau potable. 

 

Évaluation du potentiel de valorisation des eaux de source franciliennes

État des lieux des nappes de proche surface et apport des SIG historiques 

Localisation des sources en fonction de l’origine de la donnée en Ile-de-France.
Localisation des sources en fonction de l’origine de la donnée en Ile-de-France.

Affleurantes sur les coteaux bordant les plateaux et/ou buttes témoins oligocènes ou le long des versants des cours d’eau entaillant ces plateaux, drainées par des aqueducs souterrains, accessibles via les puits, les nappes de proche surface constituaient une ressource importante pour les populations.

Vulnérables et fortement impactées par l’urbanisation, cette ressource en eau a été peu à peu abandonnée et reste peu exploitée aujourd’hui. Un état des lieux de cette ressource a été réalisé dans le cadre du projet HUNIWERS. Le travail s’est appuyé sur des données cartographiques plus ou moins anciennes pour localiser les sources.

Des campagnes de terrain ont été organisées pour retrouver une partie de ces sources et prélever des échantillons afin de les caractériser d’un point de vue physico-chimique. Ces données ont également été comparées à des données d’archives lorsqu’elles existaient.

Une des difficultés du travail réalisé a été de localiser précisément ces sources et fontaines à partir des données cartographiques. Il apparaît que la vulnérabilité de ces nappes se traduit d’un point de vue qualitatif et quantitatif. Ainsi, l’urbanisation et la modification du fond géochimique entraînent une augmentation de la concentration en sulfates, nitrates et chlorures de ces eaux. Certaines sources ont aussi disparu au cours du temps. 

 

Présentation du groupe de travail 

Dans le cadre de la tâche n°5 du projet HUNIWERS [2], un groupe de travail a été constitué. Il a rassemblé une vingtaine de personnes ayant des profils divers (associations, bureaux d’études, collectivités territoriales, institutions, financeurs, laboratoires de recherche...). Les objectifs de ce groupe de travail étaient multiples : 

  • Évaluer le potentiel de valorisation des source issues des nappes perchées comme ressource alternative à l’eau potable 
  • Identifier des exemples de valorisation de ces eaux et réaliser des retours d’expérience
  • Déterminer les obstacles (techniques, financiers, réglementaires…) à la valorisation et proposer des leviers pour les surmonter

Une première session a été organisée afin de définir quels sont les perceptions et usages des eaux souterraines dans les territoires. Il apparaît que les eaux de source en milieu urbain ont un fort potentiel de valorisation malgré des difficultés telles que l’identification de la ressource ou la réglementation. Cette session a permis d’identifier des projets de valorisation pouvant servir de base à la réalisation de retours d’expérience. 

Une seconde session a permis l’identification des contraintes et leviers, de la conception à l’exploitation, d’un projet de valorisation de l’eau de source en milieu urbain. Ainsi, l’obstacle principal à la mise en place de ces projets est le manque de connaissances, d’outils et un cadre réglementaire peu clair. Pour faire face à ces difficultés, plusieurs leviers sont mobilisables comme une évolution du cadre réglementaire, un renforcement du portage politique ou le développement de compétences de "gestion des sources" à l’identique des anciens services des eaux et fontaines.

 

Table ronde n°1 : Quelles perceptions et perspectives de valorisation des eaux de source en milieu urbain ? 

La première table ronde de la journée a permis d’aborder les différentes perceptions et perspectives de valorisation des eaux de source en milieu urbain. Avec cette table ronde, l’objectif était de poursuivre les réflexions engagées lors du groupe de travail en élargissant la vision à d’autres territoires que l’Île-de-France. Ainsi, ont participé : 

  • Linda Abbas, Conseil Départemental du Val-de-Marne
  • Caroline Delcourt, Musée de l’eau et de la fontaine, Belgique
  • Catherine Pothier, INSA Lyon 
  • Nicole Bouillod, Ville de Lyon 

Plusieurs questions ont été posées :

 

1. Quelle est votre perception des eaux de source sur votre territoire ? Sont-elles plutôt perçues comme des contraintes ou des ressources ?

Table rondeLe premier thème abordé au cours de cette table ronde portait sur les perceptions des eaux de sources sur les différents territoires. Dans la région lyonnaise, les eaux de source sont rattachées à des aspects historiques avec un important réseau de galeries de drainage (Balmes). Elles sont considérées comme des contraintes à l’origine de catastrophes comme celle de Fourvière en 1930 ou l’effondrement de chaussées ou bâtiments suite à la formation de fontis. Afin de gérer ces différents accidents et effectuer la surveillance et l’entretien des Balmes, une commission des Balmes a été créée par la mairie de Lyon.

En Belgique, la notion d’eaux de source n’est pas précisément définie et s’accompagne d’un vide réglementaire. Le sujet est mal connu en milieu urbain. Toutefois, des cartes interactives et collaboratives existent pour les puits de forage. 

Les sources sont nombreuses dans le Val-de-Marne. Elles s’accompagnent d’enjeux de gestion avec des problématiques comme les eaux claires parasites permanentes (ECPP) ou des désordres sur les voiries. Le Plan Bleu lancé sur le territoire dès 2009 intègre la thématique des sources dont plusieurs projets de valorisation. 

 

2. Quelles actions avez-vous menées pour améliorer la connaissance de ces eaux de source ?

Afin d’améliorer la connaissance des eaux de source, plusieurs actions ont été mises en place sur les différents territoires. A Lyon, la commission des Balmes a œuvré pour l’acquisition de connaissances sur les galeries afin de combler le manque de cartographies historiques (les galeries ont été délaissées au profit de l’eau potable). 

En Belgique, un inventaire des fontaines de Belgique a été lancé. Initialement plus centré sur l’aspect historique, il y a aujourd’hui une volonté d’approfondir les connaissances sur la nature des eaux alimentant les fontaines. 

Dans le cadre de son Plan Bleu, le Val-de-Marne a réalisé une étude sur la cartographie des sources. 


3. Quelles actions de valorisation avez-vous menées ? Quelles perspectives de valorisation ultérieure ?

La valorisation des eaux de source a été le dernier point abordé lors de cette table ronde.
A Lyon, les eaux des galeries de drainage sont peu exploitées. Quelques utilisations sont recensées comme l’arrosage de plantes d’ornements par des associations et congrégations religieuses. Mais au niveau de la ville, les eaux de source sont une ressource à la marge en raison notamment des exigences sur la qualité des eaux ou des porteurs de compétences, différents pour l’entretien des espaces verts (Ville de Lyon) et la gestion de l’eau (Métropole du Grand Lyon). Toutefois, une volonté de développement de la valorisation de cette ressource a été évoquée. 

Le musée de l’eau et de la fontaine (Belgique) a identifié plusieurs projets de valorisation qui n’utilisent pas directement les eaux des nappes perchées comme en contexte francilien mais qui œuvrent dans le même sens comme le Bois de la Cambre à Bruxelles qui est un captage historique, encore utilisé aujourd’hui ou bien au niveau de la ville de Gand où un projet de valorisation des eaux d’exhaure a été mis en place et permet aux habitants d’accéder à ces eaux pour l’arrosage ou le remplissage des chasses d’eau des sanitaires. Un projet similaire a aussi été mis en place à Bruxelles. 

Dans le Val-de-Marne, les eaux de source sont utilisées dans plusieurs projets de valorisation comme l’arrosage de jardins familiaux à Limeil-Brévannes, l’alimentation d’une fontaine à Orly ou des aménagements urbains à Vitry-sur-Seine. Des actions de valorisation du travail de cartographie ont aussi été menées mais les aspects juridiques ainsi que les aléas pouvant être associés à la présence de sources (inondations de caves...) ont limité le rayonnement de cette valorisation. 

 

Les présentations et la valorisation graphique :

Les retours d’expérience 

Pour la seconde partie de la journée, trois retours d’expérience ont été présentés : 

  • La valorisation patrimoniale des eaux de source sur le Domaine de Versailles par Daniella Malnar, Service des Fontaines du Château de Versailles
  • L’eau de source comme alternative à l’eau potable par Mathilde Stoskopf, EPT Grand Paris Seine Ouest (GPSO) et Mathilde Baudrier, Association Espaces
  • La résurgence de la Petite Saussaie, Elsa Cortesse, Vitry-sur-Seine et Anaëlle Liberman, Cogicité

 

Valorisation patrimoniale 

tableau du grand canal à Versailles
Le Grand Canal à Versailles 

Le premier retour d’expérience traite de la valorisation patrimoniale des eaux de sources sur le Domaine de Versailles. Le service des fontaines du château de Versailles gère les eaux brutes et potables du domaine ainsi que l’entretien et le fonctionnement des fontaines. Le réseau historique construit à l’époque de Louis XIV a été déconnecté.

Aujourd’hui le service des eaux et fontaines du château travaille sur la reconnexion des sources. Ainsi, des eaux de source (et des eaux pluviales) sont utilisées pour le fonctionnement des grandes eaux. En 2010, un travail a été engagé sur les sources du domaine et, en 2018, un plan de gestion est établi afin de reconnecter trois sources au réseau pour compléter l’alimentation du grand canal. 

Le réseau hydraulique du château de Versailles est documenté avec une cartographie historique riche. Un SIG temporel regroupe l’ensemble des données disponibles afin d’étudier l’évolution des eaux et des fontaines de Versailles. 

Ce travail a permis d’identifier de nombreuses sources dont : 

  • les eaux de Mortemets, 
  • la fontaine ferrugineuse de Marie-Antoinette dont la résurgence a été retrouvée et aménagée pour que les habitants puissent utiliser l’eau, 
  • la source de Chèvreloup qui fait l’objet d’un partenariat avec des lycéens pour des études topographiques.

Ainsi, les perspectives de valorisation sont nombreuses et peuvent même être élargies à d’autres lieux comme le domaine de Saint-Cloud où les sources historiques sont encore utilisées pour l’alimentation en eau du domaine. De même, un travail a été mené sur les eaux thermales et canaux de Bagnères-de-Bigorre. Une autre idée évoquée est la création d’un centre de ressources à Versailles pour apporter une aide à la gestion des eaux de source en gravitaire aux personnes intéressées. 

 

L’eau de source comme alternative à l’eau potable 

Dessin d'un futur bassin alimenté par les sources locales
Projet de bassin alimenté par les sources locales dans un square. Crédit : Urbictus

Le second retour d’expérience est présenté à deux voix par l’Etablissement Public Territorial Grand Paris Seine Ouest (EPT GPSO) et l’association Espaces. Espaces participe à l’étude de l’utilisation des ressources en eau non potable disponibles sur le territoire de GPSO. La démarche s’est déroulée en 3 étapes : 

  1. Bilan de l’utilisation des ressources en eau "alternatives" et inventaire des sources et rejets d’eaux d’exhaure pouvant être utilisés
  2. Sélection de projets 
  3. Étude des projets : concertation d’acteurs, proposition technique de travaux et estimation des coûts

Pour la partie diagnostic, Espaces s’est appuyé sur des données historiques et sur les connaissances des communes et associations locales et historiques. Un SIG a été utilisé en partenariat avec Veolia pour cartographier les ressources. Cet outil permet aussi un échange simplifié d’informations entre acteurs. Enfin, des analyses qualitatives et quantitatives sur certaines des sources identifiées ont été réalisées. 

Suite à cette phase de diagnostic, une phase d’étude et montage des projets a été lancée. La première année des études a permis de montrer que les principales difficultés associées à l’arrosage des espaces verts ou le nettoyage des voiries avec de l’eau de source sont : 

  • L’accessibilité (stationnement, pentes trop fortes),
  • Des temps de remplissage trop longs pour les agents,
  • Un manque d’entretien (pompes endommagées, cuves de stockage).

Face à ces difficultés, des leviers peuvent être mobilisés comme un stationnement adapté, un système de démarrage facile des pompes ou l’intégration de l’entretien dans les contrats des prestataires. 

L’exemple de la source Saint-Germain à Sèvres a été développé. Cette source alimente deux fontaines, elle est utilisée dans le système de climatisation du collège de Sèvres et un projet d’aménagement d’un square avec l’alimentation d’un bassin est prévu. Il est à noter que la réalisation de ce projet a été facilitée par les nombreux usages de l’eau. 

 

L’eau de source dans les aménagements urbains 

Parc réhabilité
Aménagement du projet Les Rives du Parc - Vitry-sur-Seine

Le dernier retour d’expérience concerne la résurgence de la Petite Saussaie à Vitry-sur-Seine. Il est présenté à deux voix par la commune de Vitry-sur-Seine, maître d’ouvrage et le bureau d’études Cogicité, membre du groupement de MOE. Ce projet prend son origine dans le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme de 2011 où il est indiqué l’importance du développement de projets urbains intégrants la nature et le patrimoine paysager. Le projet de résurgence de la Petite Saussaie est lancé en 2016, en poursuivant plusieurs objectifs : 

  • le retour de l’eau en ville,
  • la restauration de la qualité de l’eau de la source,
  • l’amélioration du cadre de vie.

La conception du projet a débuté par la recherche de la source avec un travail bibliographique, des visites de terrain et mesures de débit. Ensuite, les intentions du projet ont été établies avec la volonté d’intégrer : 

  • différentes typologies et états de l’eau (bassin, cheminement, jardin humide, bruit de l’eau...), 
  • une mise en scène de la topographie,
  • la nature unificatrice de l’eau, 
  • un aqueduc pour mettre en valeur l’eau .

La circulation de l’eau est entièrement gravitaire. Le projet a été livré en 2021. C’est un succès auprès de la population. Toutefois, certaines difficultés ont été rencontrées. La phase d’exploitation constitue le principal point dur du projet. Une notice d’entretien a été établie ainsi que des visites avec les services techniques en amont mais des confusions sur le service responsable de l’entretien sont rencontrées. L’évolution de la gouvernance avec la création des EPT a aussi fait l’objet de réajustements. 

 

extrait de la facilitation graphique
Extrait de la facilitation graphique - Crédit : www.mai-lan.fr

 

Les présentations et la valorisation graphique :

Table ronde n°2 : Quel cadre réglementaire pour valoriser les eaux de source en milieu urbain ? Constats actuels et perspectives 

2e table rondeLa seconde table ronde de la journée a permis d’aborder les aspects réglementaires de la valorisation des eaux de source en milieu urbain. Avec cette table ronde, l’objectif était d’approfondir les aspects réglementaires qui sont largement ressortis des échanges lors du groupe de travail. Les participants à cette table ronde sont : 

  • Nina Guikovaty, Syndicat Intégré Assainissement et Rivière de la région d’Enghien-les-Bains (SIARE),
  • Charles Hazet, Direction de l’Eau et de la Biodiversité (DEB) au ministère de la Transition écologique,
  • Raphaël Povert, Agence Régionale de santé Ile-de-France (ARS),
  • Emmanuel Morice, Agence de l’Eau Seine-Normandie (AESN).

Plusieurs questions ont été posées : 

 

1.Quelle est la spécificité des eaux de source en ville par rapport aux autres eaux non conventionnelles ?

S'agit-il d'une ressource alternative à l'eau potable comme les autres, ou doit-elle être traitée de façon particulière ?

Le premier point abordé permet de comprendre comment sont considérées les eaux de source relativement aux différents acteurs : services techniques, institutions et financeurs. 
Pour la DEB, les eaux de source font partie des eaux non conventionnelles (ENC), mais elles sont moins bien identifiées que celles pour lesquelles il existe des usages industriels, comme les eaux usées traitées. Elles peuvent être classées dans la catégorie des "eaux issues du milieu naturel" comme les eaux pluviales.

  • Pour l’AESN, les eaux de source sont considérées par le prisme du financement, elles appartiennent à la catégorie des "eaux non potables".
  • Pour l’ARS, les eaux sont triées selon leur usage. Les eaux de source étant peu utilisées, il y a un vide concernant leur classement.
  • Pour le SIARE, les eaux de source constituent à la fois une contrainte et un danger mais sont aussi reliées au patrimoine hydraulique, très développé sur ce territoire. 

 

2. Quelles sont les réglementations applicables actuellement ?

L’absence de cadre réglementaire clair a été souligné lors des deux sessions du groupe de travail. Ce temps fort de la table ronde a permis de faire un état des lieux des réglementations applicables actuellement. 

La DEB fait part de deux textes à retenir : 

  • L’arrêté de 2010 [3] sur l’irrigation et l’arrosage des espaces verts avec des eaux usées traitées. Ce texte est figé et ne touche pas directement les eaux de source. Des pistes d’évolution sont évoquées comme l’adaptation des seuils. 
  • Le décret de mars 2022 [4] sur la réutilisation des eaux usées traitées. Ce décret ouvre les perspectives d’utilisation des ENC en identifiant certains usages sans toutefois distinguer tous les couples ressources/usages, en particulier les usages de l’eau de source. 

La plateforme France Expérimentation permet à tout pétitionnaire de faire une demande, pour un projet donné pour obtenir une dérogation. Elle est un levier mobilisable afin de pallier le manque de réglementation sur l’utilisation des eaux de source.

Du côté de l’ARS, il est rappelé que la réglementation actuelle autorise pour les usages domestiques uniquement l’utilisation d’eau potable. Un usage domestique est défini par tout usage avec un contact direct à la population : hygiène, piscines, fontaines d’ornement...  Il existe un système dérogatoire pour l’utilisation d’eaux non potables avec instruction préfectorale et avis de l’ARS. Ce système est principalement utilisé pour les eaux grises mais pourrait être adapté pour les eaux de source. 

extrait de la facilitation graphique

 

3. Quels leviers de financements actuels ? 

Cette question a été posée à l’AESN. Les projets financés doivent s’inscrire dans le cadre du 11ème programme d’action, arrivant à terme en 2024. Plusieurs types de projets sont éligibles

  • les projets avec un objectif d’économie d’eau (hors sujet ici),
  • les projets visant l’utilisation des ENC pour économiser l’eau potable,
  • les projets de déconnexion d’ECPP dans le cadre de la réhabilitation des réseaux (actions moins subventionnées que les projet d’économie de la ressource ou d’amélioration de la qualité du milieu naturel)

La principale limite réside dans la quantification de l’économie. Ainsi des projets de substitution d’eau potable par des ENC sans réduction des volumes d’eau utilisés sont rarement éligibles au financement.  

 

4. Quel est le point de vue opérationnel d’un syndicat d’assainissement sur ces éléments réglementaires et financements ? 

Le SIARE a mis en avant la question de la transposition opérationnelle de ces différents critères réglementaires et financiers. Malgré la demande existante des communes, la valorisation des eaux de source reste compliquée en raison de difficultés diverses : 

  • problèmes de gouvernance, 
  • manque de cadrage réglementaire,
  • aspects financiers. 

  
5. Quelles évolutions à venir d'un point de vue réglementaire et financier, à l'aune notamment du Plan Eau, du 12ème programme de l'AESN ?

Quels leviers pour faire émerger la valorisation de ces eaux ?

Le 12ème programme de l’AESN commencera en 2025. La phase d’écriture est en cours avec la possibilité d’identifier de nouveaux enjeux à financer comme la valorisation des eaux de source, sans toutefois de garantie que ces enjeux seront inscrits dans le champ d’actions du programme. 

Avec l’annonce du Plan Eau, le 29 mars 2023, la DEB confirme que l’utilisation des ENC va être facilitée (4 mesures du Plan Eau les concernent). De nombreux travaux sont engagés pour cadrer l’utilisation de ces ressources avec l’analyse des projets existants dans l’idée, à terme, de créer un cadre pour les usages les plus fréquents et encourager le développement de projets. Les autres perspectives envisageables seraient liées à l’intégration au programme France 2030 d’un volet Eau ou la création d’un programme d’actions sur le modèle du POPSU (Plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines). 

Pour l’ARS, les perspectives d’évolutions réglementaires nécessitent dans un premier temps le développement de connaissances sur les eaux de source dont leur qualité, quantité et risques associés. L’aspect risque est aussi évoqué par l’AESN. L’ARS, en collaboration avec la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports Ile-de-France (DRIEAT) et la région Ile-de-France travaille à l’élaboration du PRSE4 [5], qui pourrait comprendre des actions liées à l’usage des ENC. 

Le SIARE indique que malgré les perspectives de construction d’un cadre réglementaire, il faut conserver des possibilités d’études au cas par cas pour les situations complexes comme celles pouvant être retrouvées sur leur territoire (eaux sulfatées). 

 

La valorisation graphique :

Conclusion

La conclusion de cette journée a été donnée par Yann Fradin, co-fondateur de l’association Espaces et vice-président d’Emmaüs France. Il rappelle qu’étymologiquement la source réfère à la notion de commencement. Avec l’urbanisation et l’oubli progressif des eaux de source dans les villes, il y a un véritable enjeu à faire évoluer les mentalités actuelles pour redonner leur place aux eaux de source, mais aussi pour faire resurgir les anciens cours d’eau qui ont souvent complètement disparu du paysage urbain. 

Pour les sources et les cours d’eau, il est indispensable de penser aux problématiques de gestion. Si certaines tâches peuvent être réalisées par les services techniques, associer des habitants ou des associations permet d’améliorer l’entretien en assurant des passages réguliers, tout en contribuant à la sensibilisation du public. Sur ce point, les pratiques des anciens cantonniers sont riches d’enseignement. 

 


[1] Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, UMR8212

[2] "Evaluer, en concertation avec  les autorités / les agences  régionales et locales,  la possible  (ré)utilisation des eaux des nappes  perchées parisiennes comme ressource  alternative"

[3] Arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts

[4] Décret n° 2022-336 du 10 mars 2022 relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées

[5] 4ème Plan Régional de Santé Environnement de la région Ile-de-France 

Synthèse du séminaire du 3 juin 2024

Ce dernier séminaire s'est tenu à l'Observatoire de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Après un mot d’accueil prononcé par V. Ciarletti, directrice de l’Observatoire de Versailles Saint Quentin-en-Yvelines, E. Pons-Branchu coordinatrice du projet a introduit la journée en rappelant les principaux objectifs et faits saillants du projet Huniwers. Les 4 sessions de la journée ont ensuite été consacrées à :

  • La présentation des eaux de sources parisiennes (lien entre les tâches 1 et 2) par le Cerema en illustrant le contexte historique, géographique et hydrogéologique des sites d’études (Sources du Nord de Paris et aqueduc Médicis au sud de Paris) (E. Dumont), en présentant les travaux menés en termes de connaissance et de modélisation hydrologiques de ces deux hydrosystèmes (D. Ramier) mais aussi en termes de connaissance de la physico-chimie des eaux actuelles basée sur des campagnes de prélèvement de différents types d’eau (pluie, eau potable, eaux usées et pluviales, nappes phréatique et sources) et d’analyses d’une centaine de paramètres physico-chimiques (P. Branchu). Le résultat marquant est que les eaux coulent toujours dans ces hydrosystèmes alors que les sols de ces bassins versants, permettant la recharge par les eaux de pluie, se sont largement imperméabilisés au cours de l’urbanisation, ceci implique l’arrivée d’eau complémentaire à la seule recharge des nappes par l’infiltration des eaux pluviales. Sur la base de la signature physico-chimique particulière ces eaux il est proposé que la recharge soit en partie assurée par les fuites des réseaux d’assainissement (eaux usées eux pluviales).
  • La présentation des travaux réalisés par M. Fernandez (postdoctorant LSCE-CNAM du projet) autour de la dynamique historique d’occupation des sols et la contamination des sols, er par J. Garargnon (doctorante LSCE - EDYTEM du projet) sur la reconstitution de la qualité (concentrations en hydrocarbures aromatiques polycycliques des eaux du passé par l’études des carbonates secondaires. G. Monvoisin a illustré la présence et le prélèvement de concrétions carbonatées dans les réseaux souterrains sous Paris (aqueducs, carrières).
  • Une vision plus prospective questionnant la possibilité de transposer l’approche Huniwers dans d’autre contexte : les eaux de Versailles (D. Malnar, E. Pons-Branchu), les anciens aqueducs notamment romains (G. Surmelih), les galeries souterraines de captage d’eau à Lyon (E. Bernot, S. Gaillot).
  • Une présentation du travail réalisé autour de la valorisation des eaux de source dans l’aménagement basée sur les principaux messages (freins, leviers, …) issus du séminaire de mai 2023 (cf. plus haut) (E. Dumont) et une mise en perspective autour des eaux de sources et plus largement du recours aux eaux non conventionnelles en ville (B. de Gouvello).
  • La capitalisation des données historiques (bancarisation des données et métadonnées) avec l’exemple des couches SIG produites par Huniwers accessibles via la solution open data Heurist (M. Fernandez