26 avril 2024
Bâtiments logements Paris 19e
Laurent Laloge
Avec l’accélération du réchauffement climatique, les bâtiments seront de plus en plus exposés aux risques liés au climat, il est essentiel d’agir et d’accompagner les territoires dans la transition du secteur. C’est en ce sens que, les 7 et 8 mars dernier, s’est tenu le premier forum mondial Bâtiments et Climat, organisé par le Gouvernement français et le Programme des Nations Unies pour l’environnement, auquel le Cerema a participé.
Photo portrait Marjolaine Meynier-Millefert
 
Interview de Marjolaine Meynier-Millefert
Députée de l'Isère
Vice-présidente de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale

 


Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l’Isère, et vice-présidente de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale, revient sur cet évènement, ses objectifs et enjeux, mais surtout sur le rôle du Cerema pour contribuer à la transition du secteur bâtiment. 

 

Le Forum mondial Bâtiments et Climat s’est déroulé en mars dernier, avec pour thématique : « la décarbonation du secteur et la résilience climatique des bâtiments ». Comment cela s’est organisé ?

Jusqu’à la COP 26 de Glasgow, les conférences pour le climat avaient une approche générique des questions de transition environnementale. Le sujet était de rester autant que possible en dessous des 1,5°C, d'avoir une approche de sortie des énergies fossiles, d'avoir une logique de compensation aussi vis-à-vis des pays très impactés par la transition environnementale sans avoir, de côté, une contribution très forte au réchauffement climatique. 

A Glasgow, une dynamique s'est créée pour commencer à sectoriser les questions à l'intérieur des COP (conférences internationales pour le climat). C’était donc une initiative issue de cette conférence, que d’avoir une approche dédiée au secteur du bâtiment. L’idée étant de commencer à lancer des ateliers, des « breakthrough », avec pour logique d’une transformation massive des filières et notamment celle du bâtiment. C’est ainsi que se sont préparés les prémices du forum, et notamment lors de la dernière COP à Dubaï. 

 

Quels enseignements avez-vous pu tirer de ce forum, notamment sur la place de la France au niveau mondial, sur les enjeux abordés et les priorités évoquées ? 

Le secteur du bâtiment en France, représente, à peu près, la moitié de l’énergie que l’on consomme et environ ¼ des gaz à effet de serre. A l'échelle internationale, le poids carbone du secteur est encore plus important puisque cela augmente jusqu'à 40 % de gaz à effet de serre. C'est un secteur à enjeux très important. 

En France nous avons une capacité significative pour influer sur la stratégie de décarbonation du secteur bâtiment. Avec la réglementation environnementale 2020, nous sommes parmi les trois pays du monde à avoir une stratégie qui soit conforme pour la transition carbone du secteur. Cette dynamique, nous essayons de la partager tout en ayant une approche vraiment partenariale avec les pays. 

Malgré notre temps d’avance sur la réglementation, nous avons encore à apprendre sur beaucoup de sujets, et on peut le faire en partenariat avec les différents pays avec lesquels nous travaillons. 

C’est ce qui ressort par ailleurs de cet évènement, la collaboration entre les pays pour accompagner la transition du secteur. L’objectif au moment de la COP 28 et des débuts de l’organisation du forum, était de passer de 25 pays signataires de la « Déclaration de Chaillot », à 70. C’était tout l’enjeu de ce forum, dont on peut dire qu’il a été un succès.  

 

Y’a-t-il eu des nouvelles thématiques, des sujets particuliers sur lesquels l’ensemble des pays souhaiterait se pencher ?

Le forum a permis d’avoir une approche transversale de la transition du secteur bâtiment. L’objectif était d’engager tous les pays à faire en sorte qu’ils aient des logiques de standard ambitieux et de mettre en place des stratégies d’innovation dans la transition environnementale du secteur, soit par la mise en place de label, soit par la mise en place de réglementations environnementales. L’objectif était que chaque pays doit s’inscrire dans une trajectoire pour aller vers « zéro énergie, zéro carbone » - presque 0 énergie, presque 0 carbone - puisqu’on a conscience que c’est un idéal vers lequel on tend et qu’il est difficile à atteindre. 

Le but de ce forum et de nos travaux, est que chaque pays soit impliqué avec un nombre d’objectifs minimum qui prennent en compte tous les enjeux que l’on traite, notamment en France. L’accord de Chaillot était assez ambitieux sur tous ces sujets, cela a été un réel discours d’engagement pour tous les pays.  

 

En tant qu’élue, sur votre territoire, comment percevez-vous le rôle du Cerema pour contribuer à la mise en œuvre de ces objectifs internationaux et nationaux dans le secteur ?

Le Cerema s’est rénové depuis quelques années, notamment dans sa relation aux territoires. L’expertise de l’établissement sur les questions de maîtrise de l'énergie notamment, cette stratégie bas carbone à mettre en place dans tous les territoires en travaillant sur les dimensions d'adaptation, ce sont des éléments que, nous élus, suivons avec beaucoup d'intérêt. 

Le travail et les programmes lancés sur la qualité des environnements intérieurs ou les enjeux d'accessibilité, qui tiennent à cœur des élus, l’intégration des problématiques de vieillissement ou de handicaps sur les bâtiments publics, c’est un sujet très important pour lequel vous êtes des alliés. 

Je pense également au déploiement du dispositif CUBE avec ACTEE, ce programme porté et développé par la FNCCR, autour des établissements scolaires notamment. Il faut noter le travail qui a été mené sur le bâti ancien avec l’approche autour des matériaux biosourcés. Ce sont des choses intéressantes et aujourd'hui nous avons le ressenti que l’on a davantage la capacité à avoir accès à cette expertise. Cela passe également par le travail de mutualisation des savoirs au service des territoires que vous mettez en avant via la plateforme Expertises.Territoires, avec la mise à disposition de vos ressources, réunies à travers le temps. 

 

Quels seraient les enjeux majeurs à développer pour le Cerema dans le domaine du bâtiment, quelles perspectives ?

Arnaud Bouissou - TERRA

Pour l’ensemble du secteur du bâtiment l’enjeu va être de passer d’une logique « énergie », à une logique « environnement », puis à une logique « adaptation ». C’est le chemin que l’on est en train de suivre avec les réglementations : d'abord thermiques, très tournées vers l'énergie, puis des réglementations environnementales en approchant la dimension carbone et désormais une dimension adaptative qui va plus loin.  C'est un chemin à faire sur le long cours, pour lequel le Cerema a un rôle à jouer. 

Dans le même temps, on voit bien que le secteur du bâtiment est au croisement également des politiques, non seulement de transition énergétique et donc bas carbone, mais aussi de l'utilisation des sols. Là aussi votre expertise est très intéressante, sur les interfaces entre la dimension biodiversité et usage des sols

Cela s’illustre à travers le travail que vous menez sur les écoles de demain, autour de l'intensité d'usage à l'intérieur des écoles : comment est-ce que l’on peut mieux valoriser, mieux utiliser les écoles tout au long de l'année et tout au long de la journée et pas seulement pendant les heures de cours, de valoriser le temps passé dans ces écoles. 

La manière dont vous interfacez ces écoles avec leurs espaces publics et leur lien à la mobilité c'est au cœur des enjeux de réflexion du secteur bâtiment qui ne peut plus être considéré aujourd'hui simplement comme un consommateur d'énergie, mais qui devient vraiment, fondamentalement, une interface énergétique à l'échelle des territoires. 

C’est une dimension que, tant au niveau national que local, il va falloir que l’on réussisse à intégrer. Nous n’avons pas encore la pratique, il y a encore une approche très en silo entre énergie, biodiversité et mobilité. Néanmoins, c'est vraiment, je pense, l'avenir de la transition environnementale que d'approcher de ce sujet avec une vision 360 des enjeux, sur lequel vous pouvez nous éclairer.