13 juillet 2022
Réhabilitation d'une friche en Ariege : vue de panneaux sur le projets dans la courée d'une bloc de maisons anciennes
Damien Carles TERRA - Réhabilitation d'une friche urbaine en Ariège
Alors que venaient de paraître deux importants décrets d’application de la loi Climat et résilience, relatifs aux nouvelles règles encadrant l'artificialisation des sols, une centaine d'acteurs locaux de la région Hauts-de-France a participé le 5 mai dernier à une matinée technique dans les locaux du Cerema de Lille pour échanger autour de l’objectif Zéro Artificialisation Nette.
Il s’agissait de présenter le panorama des outils développés par le Cerema et ses partenaires en vue d’aider à la mise en œuvre territorialisée de cet objectif.

Ce retour des conférences technique territoriales dans la région était attendu comme en témoigne le nombre d’inscrits très supérieur à la capacité de l’amphithéâtre, ce qui a conduit à organiser une seconde session le 5 juillet rassemblant elle aussi une centaine de personnes. Le sujet, dans le contexte des nouvelles règles d'utilisation des sols (notamment le Décret n° 2022-762 et le Décret n° 2022-763 du 29 avril 2022), est en effet au coeur des réflexions dans les territoires.


Des enjeux pluriels et complexes

vue d'un champ destiné à etre gagné par les lotissementsLa prise en compte de cet objectif "Zéro Artificialisation Nette" dans les territoires soulève de nombreux enjeux et notamment en matière :

  • De questionnement et d’objectivation des besoins de développement résidentiel et économique,
  • D’identification et d’optimisation des opportunités de développement en renouvellement urbain et donc de repérage des gisements potentiels.
  • D’optimisation des extensions urbaines en matière de consommation foncière, via un travail sur la densité notamment.

Ces enjeux sont bien sûr politiques mais supposent aussi un renouvellement des approches techniques notamment en matière :

  • De mesure et ce à diverses échelles : nationale, régionale et locale, avec notamment l’échelle des EPCI et des SCOT.
  • D’observation, avec une exigence de travail très fin à l’échelle de parcelles susceptibles de permettre le renouvellement urbain, du fait de la vacance du bâti, de la présence d’une friche, ou encore de l’existence d’un gisement foncier potentiellement mobilisable.
  • D’anticipation : en effet, les stratégies foncières se déclinent nécessairement sur le temps long et l’artificialisation d’aujourd’hui est le résultat de décisions prises il y a plusieurs années par différents acteurs. 
  • De prospective : les acteurs ont besoin de penser les devenirs possibles de leur territoire sur le temps long, exercice particulièrement difficile puisque loin de pouvoir s’appuyer sur une prolongation de tendance, il suppose notamment du fait du changement climatique et de ses impacts de penser des bifurcations et des ruptures, que ce soit en matière de comportements des acteurs économiques et des ménages mais aussi pour élargir la question de la sobriété foncière à la sobriété des modes de vie.

Face à cette pluralité d’enjeux, le Cerema développe, avec ses partenaires dont le Ministère de la Transition Ecologique, des outils pour accompagner la mise en œuvre opérationnelle de l’objectif Zéro Artificialisation Nette et sa déclinaison dans les stratégies foncières.

 

Répondre à l’enjeu de la mesure : le portail national de l’artificialisation

Carte montrant les flux d'artificialisation sur la période 2009 -2020 (surtout sur les littoraux)
Carte montrant les flux d'artificialisation sur la période 2009 -2020  - Cerema

En réponse à l’enjeu de la mesure de l’artificialisation, le Cerema a présenté aux acteurs le portail national de l’artificialisation, dont il est un des contributeurs.

 

Portail de l'artificialisation

 

Le Cerema alimente ce portail via la diffusion d’indicateurs communaux de consommation d’espace annuelle, en flux entre espaces NAF (Naturels, Agricoles et Forestiers) et Artificialisés, sur la période 2009-2020. Ces flux sont calculés à partir des fichiers fonciers, et les indicateurs sont en téléchargement libre. Les données sont ventilées en fonction de l'usage des parcelles consommées (habitat, activité économique, mixte).

Une cartographie web est également proposée ainsi qu’un tableau de bord permettant de visualiser des indicateurs clés à l’échelle des EPCI et leurs communes, des départements et des régions.

Le portail met également à disposition du public l’ensemble de la méthodologie relative à la méthode de calcul utilisée avec notamment les biais, les choix qui ont été fait, ainsi que les précautions d’interprétation. Enfin, il est possible d’y consulter plusieurs rapports d’analyse (déterminants de l’artificialisation, densité).

Les débats ont notamment porté sur :

  • Des questions de temporalité : la source fiscale des fichiers fonciers est la base Dgfip- Majic qui reprend les données liées à la taxe foncière, la consommation d’espace est en général mesurée au moment où l’opération commence (déclaration d’ouverture de chantier). Cela signifie aussi que certains impacts liés à l’opération auront eu lieu antérieurement à la date prise en compte dans l’outil : ainsi, lorsqu’une parcelle agricole est consommée, il est possible que l’activité agricole se soit arrêtée plusieurs années auparavant. Cela signifie aussi que le changement effectif d’usage pourra n’être visible que plus tard, en particulier si l’opération est importante et comporte plusieurs phases. Les modes d’occupation des sols comme l’OCSGE mesurent l’artificialisation au moment où celle-ci apparaît sur la photographie aérienne. 
  • La nature de ce qui est observé : les chiffres fournis considèrent que dès lors qu’un bâti apparaît sur une parcelle précédemment classée en usage naturel, agricole ou forestier, elle devient intégralement artificialisée. D’autres méthodes de mesure notamment à partir de modes d’occupation du sol (l’OCS 2D dans la région hauts-de-France ou l’OCSGE à venir de l’IGN) permettront d’appréhender d’autres dimensions de l’artificialisation.
  • La maille de significativité des indicateurs. Si les indicateurs sont en effet fournis à une échelle communale, l’attention a été attirée sur le fait qu’il convient d’interpréter avec une grande prudence la trajectoire annuelle de consommation à cette échelle. Pour certaines communes en effet, il n’est pas rare d’observer une absence d’artificialisation certaines années. Le rythme d’artificialisation apparaît de ce fait haché sans que cela reflète une tendance structurelle. 

 

schéma conso d'espace / Imperméabilisation

 

Enfin, la question de la description de l’usage du foncier consommé a été abordée : sur ce point les fichiers fonciers permettent une grande richesse d’analyse et apporteront un enrichissement de l’OCSGE. Une étude exploratoire est notamment en cours associant le Cerema et l’Union Régionale pour l’Habitat des Hauts-de-France en vue de tester une méthode d’estimation de la consommation d’espace par le logement social.

En conclusion, le Cerema a insisté sur l’importance des retours utilisateurs et la comparaison avec des sources locales pour améliorer la méthode et sa documentation.

 

Repérer et connaître le parc vacant de longue durée en vue d’une remobilisation 

schéma des données utilisées dans lovacMises en place dans le cadre du plan national de lutte contre les logements vacants en 2020 par la DGALN en partenariat avec le Cerema, les données LOVAC sont mises à disposition des collectivités et services de l’Etat. Elles permettent :

  • Le repérage et la caractérisation fine des logements vacants, et en particulier des logements vacants depuis plusieurs années.
  • La prise de contact avec les propriétaires à des fins de connaissance (notamment sur les causes de la vacance) et avec un objectif incitatif opérationnel (proposer des solutions adaptées).

Ces données sont d’ores et déjà massivement utilisées par un spectre très large d’acteurs, EPCI, communes et services déconcentrés principalement.

Plusieurs actualités sur ce projet ont été évoquées :

  • La diffusion du nouveau millésime portant sur la vacance au 1er janvier 2020. 
  • Celle-ci s’accompagne de l’ajout de nouvelles variables, notamment l’adresse à partir de la Base Adresse Nationale (BAN) et les prix de marché à partir de DV3F. et l’adresse (car jusqu’ici les données étaient géolocalisées à la parcelle à partir de l’identifiant parcellaire fiscal)  et la diffusion s’enrichit d’un module de cartoviz
  • Des données agrégées plus complètes sont également proposées.

 

Urbansimul : outil d’analyse et d’aide à la décision des acteurs publics du foncier

Visualisation UrbansimulHistoriquement développé par le Cerema et l’INRAE sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur puis en Loire Atlantique, Urbansimul se déploie désormais à l’échelle de la France métropolitaine. Cette application en ligne est ouverte gratuitement sur demande aux acteurs publics (services de l’Etat, Collectivités, Etablissements publics, Agences, …) ayants droits des données foncières, ainsi qu’à leurs prestataires. Le développement de l’offre "socle national", sa maintenance est entièrement prise en charge par le Cerema dans le cadre d’un financement du Plan de Relance par le Ministère de l’Ecologie.

La plus-value est la capacité de l’application à compiler et exploiter des informations issues de plusieurs bases de données nationales géo localisées le plus souvent à une maille de l’unité foncière [1], pour en permettre une analyse du foncier disponible.

Cette plus-value applicative est renforcée par sa disponibilité en tant que service web collaboratif cartographique, rendant l’utilisateur autonome pour sélectionner ses données et les filtrer via de nombreux indicateurs. Ainsi, sur le site Web, l’utilisateur visualise directement en vue cartographique aérienne ou en 3D les unités foncières non bâties constructibles, les unités foncières bâties mais densifiables, et les "gisements fonciers potentiels" [2].

Urbansimul National affiche pour chaque unité foncière une série de données associées (superficie, occupation, statut de propriété, âge des constructions…), des enjeux (réglementaires des PLU, associés aux risques naturels, relatifs au patrimoine naturel et paysager…).

Enfin l’application dispose d’un module pour apprécier le prix des marchés fonciers et immobiliers à une échelle fine.
 

exemples d'utilisations

 

Se projeter sur les besoins en logement : l’outil Otelo au service du volet résidentiel du ZAN

Exercice incontournable des PLH, SCOT et autres PLUI ou PLUI-H, et particulièrement sensible dans le contexte du Zéro Artificialisation Nette, l’évaluation des besoins en logement suppose pour chaque territoire la mobilisation de nombreuses bases de données et indicateurs et une méthode de calcul parfois complexe à appréhender. Pour faciliter cet exercice, le projet Otelo porté par la DGALN et le Cerema en partenariat avec l’INSEE, propose :

  • Une méthode d’évaluation des besoins en logements 
  • La mise à disposition auprès des utilisateurs de packs de données prêts à l’emploi 
  • Une application Web à destination des services centraux et déconcentrés de l’Etat, des collectivités territoriales et des partenaires publics, permettant une mise en œuvre facile de la méthode et un paramétrage flexible.

facade d'immeuble de logementsL'outil s’accompagne d’un dispositif d’accompagnement comprenant un guide méthodologique, un podcast, une foire aux questions, des vidéos de démonstrations et un webinaire en replay, et bien sûr une adresse mail de contact.

Otelo est un outil prospectif qui invite les utilisateurs à se projeter à un horizon pouvant aller jusqu’à 2050 sur les devenirs possibles du territoire, du point de vue du logement. Cette projection se fait à partir de scénarios démographiques territorialisés mis à disposition dans Otelo par l’INSEE, mais aussi d’hypothèses sur les dynamiques attendues du parc de logement, en matière notamment de taux de vacance ou de part des résidences secondaires, hypothèses qu’il appartient aux acteurs locaux de définir. 

Ainsi, loin d’apporter un chiffre incontestable sur le besoin en logement, Otelo outille les acteurs pour qu’ils se projettent sur des scénarios plus ou moins souhaitables de besoins en logement et sur les leviers dont ils disposent pour faire advenir les scénarios qu’ils estiment les plus souhaitables.

De nombreuses utilisations d’Otelo sont envisageables dans le cadre du ZAN, par exemple en appui de la ventilation des objectifs de consommation d’espace par le logement des SRADDET, ou encore via l’identification des conditions à réunir pour diminuer la production de logements neufs, notamment en matière de remobilisation du parc existant.
Otelo s’arrête au calcul du besoin en logement à l’échelle de l’EPCI.

La question de la confrontation de ce besoin aux capacités foncières, ou encore de la déclinaison de ce besoin à une échelle plus fine notamment communale, sont les étapes suivantes pour lesquelles le Cerema peut accompagner les utilisateurs y-compris à partir d’autres outils.

 

En guiSe de conclusion 

Le déploiement d’outils au service des stratégies foncières dans le contexte du ZAN, notamment par le Cerema, n’a évidemment pas vocation à apporter une réponse toute faite aux enjeux politiques posés par l’exigence de sobriété foncière. Elle vise principalement à mettre à la disposition du spectre le plus large des acteurs locaux des données expertisées, mises en relation entre elles, et prétraitées sous la forme la plus facilement utilisable et ergonomique possible. 

L'objectif est en effet que les acteurs locaux passent le moins de temps possible à obtenir les données, à les traiter et à les mettre en forme, de manière à dédier un temps maximal à l’analyse des dynamiques territoriales et à la définition, au suivi et à l’évaluation de leurs politiques foncières. Le Cerema peut aussi les accompagner en ce sens, en aidant dans un premier temps à l’utilisation de ces outils, en les complétant localement, mais aussi en proposant des prestations d’analyse en aval pour relever le défi de l’objectif ZAN.

Un prochain évènement sera organisé en région Hauts-de-France en fin d’année 2022 sur la thématique du repérage et de la revitalisation des friches. Ce sera l’occasion de présenter deux outils développés par le Cerema, Cartofriches et Urbanvitaliz, mais surtout de partager nos expériences sur ce sujet.

 


[1] Îlot d’un seul tenant composé d’une ou plusieurs parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ; échelle spatiale retenue pour le repérage des gisements.

[2] Unité foncière ou partie d'une unité foncière nue disposant d'une disponibilité réglementaire et physique a priori suffisante pour envisager une construction (logement, activité).