1 septembre 2017
Falaises entre le Cap Blanc-Nez et le Cap Gris-Nez
By Romainberth (Own work)
Comment prendre en compte dans un PLUi les identités multiples d’un vaste territoire ?

Un vaste territoire recouvre souvent plusieurs polarités. Les séparations naturelles – cours d’eau ou reliefs – comme fonctionnelles – multipolarisation – ont tendance à le découper en bassins de vie différents. Ainsi dans le cadre d’un PLUi, ce sont plusieurs identités qu’il est nécessaire de prendre en compte.

Lors de la réunion nationale organisée dans le cadre du partenariat "PLUi et grand territoire" qui a eu lieu le 7 novembre 2016 à Paris, un groupe a réfléchi à l’objectif suivant : « Prendre en compte les spécificités du territoire », selon la méthode « dessine-moi un chemin ». Les enseignements de cette réflexion sont explicités ci-après, ainsi que le schéma représentant le « chemin » dessiné par les participants. Ce « chemin » comprend trois étapes.

Étape 1 : définir des identités du territoire

La construction d’une vision partagée des identités du territoire constitue la première étape pour leur reconnaissance. Il faut alors concilier :

  • la définition d’un projet commun, d’une vision commune à l’ensemble du territoire intercommunal ;
  • l’affirmation de la multiplicité des dynamiques territoriales, et des identités.

Pour cela il est nécessaire de favoriser l’échange (à l’aide par exemple des techniques d’animation d’intelligence collective) et l’interconnaissance entre les différentes communes, pour aider à dépasser les stéréotypes. Une analyse des représentations des élus et de la population, aide à comprendre comment est perçu le territoire, quels sont les sous-ensembles homogènes, etc.

L’approche paysagère est de ce point de vue utile, car elle permet de recueillir les représentations, et se prête à la définition de différentes identités grâce aux unités paysagères.

  Illustration du PLUi de la Terre des 2 Caps (62)
  Le territoire de la Terre des 2 Caps (Pas-de-Calais) mène depuis longtemps des politiques paysagères, avec à l’origine le besoin     d’intégration d’un bassin carrier dans le milieu naturel environnant. La question paysagère infuse donc naturellement le PLUi, et aide à   définir des identités différentes grâce aux unités paysagères. En effet, le PADD structure le territoire selon ces unités, et les objectifs de   développement de l’urbanisation du PLUi sont adaptés à chacune d’entre elles :

  • dans le bassin carrier, lieu principal du développement de la communauté de communes, l’accent est mis sur la réponse aux besoins en logements ;
  • dans le secteur littoral, les objectifs visent à concilier rayonnement des stations touristiques et maintien de la population locale, tout en respectant une certaine densité pour préserver les milieux naturels, riches dans cette partie du territoire ;
  • dans l’arrière pays, l’objectif est de garder le fonctionnement de l’urbanisation en bourgs et hameaux, et d’éviter le mitage, pour préserver l’activité agricole et les caractéristiques paysagères.

  Les objectifs transversaux du PADD ont ensuite été rédigés au regard des enjeux paysagers du territoire.

 

Étape 2 : construire la vision d’un territoire équilibré

Une fois le diagnostic partagé, les composantes du territoire apparaîtront plus naturelles. Il est alors temps de construire un projet équilibré qui donnera une place à chacune de ces composantes. Plusieurs pistes peuvent être esquissées.

La localisation des services est un enjeu fort, pour ne pas délaisser certaines communes. Dans le parc naturel régional (PNR) du Morvan, lors d’un atelier sur le projet de territoire [Réseau Rural Français], les élus ont proposé la démarche « maillage pour tous », c’est-à-dire la définition des pôles de façon à ce que toute partie du territoire en soit à moins de 30 minutes ou 30 kilomètres. En outre, il est important de diversifier les services, qui ne doivent pas être à destination d’un seul type de population (exemple : développer les services à destinations de la jeunesse).

Dans les grandes communautés de communes, une partie du territoire est souvent rurale. Il peut alors être opportun de partir des caractéristiques des territoires ruraux pour construire le projet, ce qui permet de changer de posture par rapport à une approche seulement urbaine. Par exemple, « les activités agricoles occupant souvent une place prégnante en terme d’occupation spatiale, de paysages, d’identité territoriale et une place importante en terme d’emplois, cette thématique représente un enjeu fort, susceptible d’influencer la méthodologie d’élaboration du (…) diagnostic. » [Réseau Rural Français, ETD]

La question de l’urbanisation reste néanmoins centrale dans un PLUi. Là aussi, il est important de partir des caractéristiques de chaque espace. Par exemple, si les pôles urbains gardent un rôle d’accueil de population et de diversification de l’offre de logement, les secteurs plus ruraux sont caractérisés par un habitat vernaculaire, qui constitue un patrimoine à mettre en valeur et à entretenir.

Ainsi tout l’objectif de cette étape est de ne pas avoir de « blanc » sur la carte : l’ensemble du territoire est analysé et a des caractéristiques propres.

 

Étape 3 : favoriser la reconnaissance de chaque identité dans le projet

Sur la base d’une analyse de chaque composante du territoire, il est alors possible de déterminer les opportunités pour l’avenir de chacune d’entre elles. Il ne s’agit pas de calquer un seul modèle – le développement urbain ou commercial, par exemple – sur l’ensemble du territoire, mais de mettre en exergue les spécificités locales, la qualité territoriale*.

Voici quelques exemples de valorisation se basant sur les richesses locales :

  • Dans la prise en compte des zones humides dans son PLUi, la Communauté de communes du Val d’Amour (39) a choisi d’en urbaniser au sein des bourgs, et de prendre en charge la compensation en restaurant une grande zone qui est également devenue un parc. Ainsi, en hiérarchisant les enjeux selon les espaces, il est possible de concilier impératif de densité et besoin d’espaces naturels.
  • Le Grand Site de France « Bibracte Mont Beuvray » (71, 58) a su profiter d’un site archéologique pour développer la recherche et le tourisme, en faisant le lien avec les grands paysages.
  • La CC de la Vallée de la Bruche (67) a ré-ouvert les fonds de vallée boisés – permettant d’augmenter l’ensoleillement et de retrouver les paysages traditionnels – grâce à une action foncière forte et l’aide à l’implantation d’éleveurs.

D’autres pistes dont également à explorer, comme la constitution de filières agricoles pour développer les circuits courts, ou encore valoriser à l’export un produit phare.

L’écriture d’un argumentaire présentant les atouts de chaque composante du territoire sera alors une bonne base pour un projet équilibré qui donne sa place à chacun.


(*) La notion de qualité territoriale, popularisée par Bernard Pecqueur, « exige de sortir de la logique centrée sur la compétitivité entre les territoires pour aller vers une logique de différentiation. Le but est d’assurer une valorisation optimum du territoire, grâce à la planification, par la mise en perspective de sa spécificité locale. » La qualité territoriale est ainsi un potentiel à construire ou à chercher dans la culture locale, à l’image du panier de biens et services, qui permet par exemple d’élaborer une stratégie touristique locale. (source : Terres en Villes – Réseau rural)