29 novembre 2021
Lettres et chiffres peints en couleur sur le bitume des quais de Seine en 2013
Gérard Crossay - TERRA
Un atelier-débat sur le thème de la place du ludique en ville a été organisé par le Cerema sur le GroupeCo Quartiers de Demain mardi 16 novembre, dans la continuité de plusieurs rendez-vous aux thématiques connexes (les abords d’école, l’aménagement frugal…). L'objectif était de proposer un temps d’échanges, lui-même ludique, pour réfléchir sur l'ambition émergente de ludifier l’espace public.

Ce webinaire était proposé au sein du GroupeCO Quartiers de Demain et de ses rendez-vous destinés à échanger sur des projets qui contribuent notamment à redynamiser les villes et les bourgs. La communauté Quartiers de Demain a été lancée par le Cerema début 2021 pour réfléchir aux enjeux d'aménagement pour des villes et des territoires plus résilients et plus agréables à vivre.

 

Pourquoi un atelier-débat pour ludifier la ville ?

Sculpture en bois dans un parc
Crédit : Folk Paysage

La crise sanitaire a renforcé une tendance qui se dessinait déjà avant : celle du rééquilibrage des rapports de force dans l’occupation de l’espace public et la remise en cause de plus en plus évidente de la prépondérance de la voiture individuelle. Rendre les espaces publics aux piétons, et notamment aux enfants, devient un impératif évident mais dont l’application concrète sur le territoire est, elle, loin de l’être (au-delà des aires de jeux ou sportives dédiées).

Pour rendre ludique l’espace public, que les enfants mais aussi plus largement tous les publics, se sentent à nouveau en sécurité en ville, aient envie de pratiquer l’espace public, de se rencontrer, de faire une activité physique, de se détendre, les collectivités locales ont mis en place des expérimentations, des aménagements, parfois temporaires ou transitoires.

Ceux-ci permettent de tester un certain nombre de solutions mais posent aussi de nouvelles questions:

  • Comment ces aménagements, parfois très localisés, infusent-ils dans le reste de la ville ? Quels nouveaux usages, détournements, conflits apparaissent ? Quelle compatibilité est possible avec les usages pré-existants et les envies de chacun, notamment des riverains ? Comment la question du genre est traitée ou non ? Comment est prise en compte la question de l’accessibilité ? Est-ce que les aménagements de quartiers sont imaginés autrement par les acteurs et professionnels de l’urbain ? Qui est associé dans les phases de conception et réalisation, comment ?
  • Comment ces aménagements, souvent temporaires, trouvent-ils une place dans le temps long ? Quels matériaux utiliser pour tendre vers plus de sobriété ? Comment gérer "l’après expérimentation" ? Comment entretenir le dispositif, le reproduire ailleurs ? Que faire quand le temporaire dure et se dégrade ?

Des aménageurs et maîtres d'oeuvre ont expliqué comment ils abordent l'aménagement de cet espace, ont présenté certaines réalisations, puis les participants ont pu interagir et réfléchir à ces questions à l'aide de jeux d’images.

 

Mobiliser l'intelligence collective par le jeu

Pour traiter les thèmes du ludique et de la place du jeu dans la ville, il est apparu naturel de proposer un format qui soit lui-même divertissant et mette le jeu au service de la réflexion collective. C’est l’enjeu de l’intelligence collective, de plus en plus pratiquée dans le milieu professionnel, et qui permet une réflexion productive et une participation de toutes et tous, par l’utilisation d’outils et de méthodes sortant des sentiers battus.

Le Cerema a également développé des méthodologies d'ateliers dynamiques et participatifs, menés à travers des séquences variées pour réfléchir ensemble sur des thématiques et problématiques qui peuvent être très différentes. Le module Klaxoon retenu pour cet atelier sur la ville ludique est adapté au format des rendez-vous numériques et permet de mener une réflexion tout au long du webinaire  grâce au jeu et aux échanges.  

Ce webinaire a été organisé autour d’un fil rouge issu d’un jeu typique d’enfants : une marelle sur laquelle nous avons progressé au fur et à mesure, partant de la terre (une problématisation rationnelle des enjeux) vers le ciel et son "feu d’artifice" final, mêlant retours à chaud sur le webinaire et partage de bonnes idées. Ont alterné des temps participatifs et ludiques (jeux d’images pour lesquelles voter, quizz…) et des temps plus classiques de retours d’expériences de la part d’acteurs habituellement impliqués dans l’aménagement urbain (maîtrise d’œuvre, maîtrise d’ouvrage, aménageurs).

 

Marelle qui montre les différentes étapes de l'atelier

Ce rendez-vous a mis en lumière deux principaux enseignements :

  • La capacité d’adaptation des méthodes issues de l’intelligence collective : l’atelier-débat devait initialement rassembler une trentaine de personnes, nous avons été au final plus de 100 personnes connectées en même temps, pour 180 inscrits ! Bien que l’interaction n’ait pas pu être aussi poussée que ce qui était envisagé au départ, les méthodes d’animation choisies ont permis une agilité et une adaptation. La bonne appropriation de l’outil en ligne utilisé (Klaxoon) par la grande majorité des participants ainsi qu’un temps en sous-groupes ont permis de générer des échanges entre les participants malgré leur très grand nombre ;
  • La nécessité d’une relativité des outils numériques : bien qu’ils soient essentiels à la tenue de ce genre d’événement en visio-conférence, il est important de rappeler que tout le monde n’a pas les capacités (matérielles, informatiques ou personnelles) de se les approprier convenablement. L’importance d’un relais (prise de parole ou participation par le tchat) doit être soulignée afin d’assurer que personne ne se sente exclu de ces séances qui se veulent participatives et inclusives.

 

Les temps forts du webinaire

Ce temps d’échange aura été l’occasion de faire intervenir les trois grandes familles d’acteurs de l’aménagement urbain, qu’il soit ludique ou non :

Introduction

 

Folk Paysages : des contes pour concevoir des lieux magiques

Une maître d’œuvre, Adélaïde Fiche, paysagiste conceptrice de l'agence Folk Paysages, qui travaille auprès des collectivités et des aménageurs pour développer des projets de jardins écologiques, a présenté les enjeux des jardins conçus principalement pour les enfants et la démarche suivie : l'agence écrit un conte autour du lieu concerné par le projet, qui permet de le scénariser en faisant appel à l'imaginaire des enfants à travers des ateliers participatifs ou des chantiers école par exemple.

Un aspect important est aussi la transmission des savoir-faire: les personnes participant aux travaux apprennent des méthodes de plantation et de nouvelles pratiques avec les ateliers participatifs

Les projets répondent aux enjeux de sobriété en réutilisant des matériaux locaux, ou recyclés. Des jardins éphémères peuvent aussi être aménagés sur des friches, avec les habitants, des artistes, des visiteurs... La majorité des projets est conçue à l’agence, puis en régie au sein des communes.

 

A Grenoble, un service travaille sur l'espace public ET la citoyenneté

Un maître d’ouvrage, en la personne de Franck Quéré, responsable du service Espaces publics et citoyenneté de la Ville de Grenoble, a présenté l'objectif de son service: amener les habitants à s'approprier l'espace public grâce à huit outils créés ou adaptés par la ville, comme la Rue aux Enfants, les chantiers participatifs, la concertation, les jardins et vergers partagés.

Une marelle à la craie dessinée au sol qui a rencontré un succès autant auprès des enfants que des adultes (l'observation a montré que 10 % des personnes passant dessus jouaient avec) a été pérennisée, après un atelier participatif mené avec les habitants et des artistes. 

 

Des aménagements temporaires ludiques au service de la concertation citoyenne

Deux aménageurs sont ensuite intervenus. Anne-Sophie Lhermet, chargée de marketing et d’innovation à l’EPASE (établissement public d’aménagement de Saint-Etienne), a évoqué l'utilisation des aménagements temporaires comme moyen d'amener de la concertation citoyenne et de la participation dans les projets. Les aménagements temporaires sont aussi mis en place lors d'événements dans la ville.

 

Une ZAC en friche ouverte aux habitants à Villeurbanne

François Trichet, chef de projet Gratte-Ciel à la SERL (Société d'équipement et d'aménagement du Rhône et de Lyon) a présenté la démarche d'occupation temporaire sur le site de la ZAC des Gratte-Ciels à Lyon, pendant le temps long du projet de construction du quartier. La ville souhaite changer de l’aménagement classique et faire une ville plus gaie, plus inventive, plus vivante.

Le site est mis à disposition des habitants ou usagers et permet d’expérimenter des usages, avec également des activités commerciales ou culturelles. Il est ouvert aux riverains mais aussi aux professionnels afin de tester et d’expérimenter de nouvelles choses. Des activités y ont lieu, certains espaces sont occupés en continu, et une multiplicité d'acteurs s'y croise.

 

Conclusion

 

Quelles pistes pour la suite ?

sculptures rondes en forme de personnages sur un banc, sur une placeLes différents temps d’échanges durant le webinaire ainsi que les nombreux messages reçus montrent que la thématique abordée est porteuse. Les interventions témoignent de plusieurs expérimentations et études en ce sens dans les collectivités mais aussi un certain nombre de questionnements et de pistes de réflexion à poursuivre pour mettre en œuvre très concrètement des projets et transformer les pratiques.

Parmi les sujets évoqués durant le temps de travail collectif en sous-groupes autour de la réplicabilité de ces projets sur les territoires, trois thématiques ressortent plus particulièrement :

  • La nécessité de la prise de risque pour aboutir à ce type de réalisations ou d’expérimentations qui parfois n’entrent pas dans les standards : comment se faire accompagner et oser se lancer ? Comment anticiper les questions de sécurité et de responsabilité?
  • La question de l’inclusion qui est directement liée à ce type de projets, avec la prise en compte des citoyens aux différents stades : dès la réflexion et la conception, avec l’association de publics divers tels que jeunes, seniors, femmes, etc. mais aussi en phase de réalisation, avec la co-construction ou la co-gestion des espaces avec les habitants,
  • La question des échelles de territoires concernées par ces projets : encore peu de réalisations semblent voir le jour dans le périurbain ou le rural, où la question de promouvoir les modes actifs ne se pose pas dans les mêmes termes, même si certains retours d’expériences présentés montrent que les changements de pratiques sont en cours.

À partir des différents sujets abordés lors de ce webinaire, de nouveaux temps d’échanges pourront être organisés pour creuser certaines thématiques. Des ateliers débats avec des effectifs plus réduits permettront d'approfondir certaines réflexions et d’apporter des réponses en termes de méthodologie et de retours d’expériences qui pourront être profitables à tous.

Le lien avec les autres sujets d’investigation du Cerema tels qu’exposés en fin de webinaire (VAT – Ville accessible à tous – et  UVT – Une voirie pour tous, accompagnement des programmes ACV – Action cœur de ville – et PVD – Petite ville de demain, abords d’écoles, déploiement de la marche…) sont autant de possibilités de poursuivre ces travaux.

 

Dans le dossier Un groupe collaboratif pour réfléchir aux quartiers de demain

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