16 janvier 2020
Approche systémique des nouvelles mobilités
Les nouvelles mobilités apportent des réponses alternatives à l'usage individuel de la voiture, complétant les services déjà proposés par les transports en commun. Une approche systémique (service – co-construction – infrastructure) peut faciliter leur développement.

Dans les collectivités territoriales, le champ de la mobilité est en forte évolution. Ce mouvement a été impulsé dans les années 1990 suite à la loi sur l’air qui appelait à des solutions différentes de l'usage individuel de la voiture.

A partir de là, les collectivités se sont mobilisées ; certaines avaient déjà enclenché la démarche. Dès lors, tramway, bus à haut niveau de service... n’étaient plus pensés uniquement pour permettre à des personnes non motorisées de se déplacer, mais pour gagner des parts de marché par rapport à la voiture "solo". Cela s’est également traduit par le partage de l'espace public et la place croissante accordée aux piétons.

Vélos en libre serviceIl est apparu assez rapidement qu’une offre de déplacements alternative basée uniquement sur des transports publics attractifs ne pouvait pas répondre à une demande "de porte à porte", de plus en plus diffuse du fait de la périurbanisation et de la flexibilité accrue du marché du travail (qu'il s'agisse des horaires ou des lieux).

De nouveaux services de mobilité ont été mis en œuvre par les collectivités territoriales dans les années 2000 : vélos en libre-service, autopartage, covoiturage. Si les flotte de vélos ont répondu rapidement à une demande importante, en revanche, pour l’autopartage et le covoiturage, les résultats ont été mitigés. De leur côté, les sites internet de covoiturage souffraient souvent du manque d'accompagnement des collectivités territoriales, qui constitue un élément essentiel à leur développement.

Co-voiturageLes années 2010 ont vu la large diffusion des smartphones auprès du grand public. Le numérique "à portée de tous en permanence" a permis le développement d'offres nouvelles, essentiellement portées par des opérateurs privés, à la recherche de marchés rentables.

Les atouts du numérique sont indéniables : souplesse avec possibilité d'information en temps réel, massification des flux, utilisation de l’intelligence artificielle pour mieux connaître les besoins et les habitudes des abonnés…

Mais le numérique comporte aussi des contraintes : inégalités d’accès aux offres de mobilité, faible développement dans des zones peu denses, déresponsabilisation du conducteur sur le choix du trajet pouvant influer négativement sur leurs dépenses énergétiques…

 

La LOM, des compétences étendues pour les collectivités territoriales

La Loi d’Orientation des Mobilités étend les compétences des collectivités territoriales afin qu’elles puissent accompagner efficacement le développement d’offres de mobilité.

panneau d'aire de covoiturage
CCO -Cober 17

En réalisant des partenariats avec les opérateurs privés, les collectivités territoriales pourront s’assurer que les offres sur leur territoire sont complémentaires entre elles, mais aussi, s'inscrivent dans les objectifs des politiques publiques.

Ainsi la loi leur a-t-elle ouvert la possibilité de financer certains trajets de covoiturage au moyen d’une participation accordée au conducteur et/ou au passager, cette information leur remontant via l’opérateur. En ce qui concerne les vélos/trottinettes/scooter en libre-service sans station, elles pourront édicter des règles concernant le positionnement des véhicules sur l’espace public (stationnement et circulation).

De plus, la loi met l'accent sur la co-construction des offres de mobilité entre opérateurs, collectivités et acteurs économiques. Si l'approche du transport public peut être globale, les offres actuelles de mobilité nécessitent une adaptation fine, au plus près aux besoins des usagers.

C'est ainsi par exemple que le covoiturage peut desservir les salariés d’une zone d’activité ou deux pôles urbains proches. Selon le cas, le service diffère (application, signalisation d’arrêts selon un concept de ligne de covoiturage), tout comme l’animation autour des dispositifs (selon le cas, plan de mobilité dans les entreprises, animation territoriale au moyen d’une agence de la mobilité et d’ambassadeurs de la mobilité…).

 

Les offres de covoiturage sur le territoire grenoblois

site de la plateforme de covoiturage de grenoble
Plateforme de covoiturage de Grenoble

Une simple plate-forme de mise en relation se révélant insuffisante, le Plan de Déplacements Urbains de l’agglomération grenobloise prévoit la mise en place d’un écosystème permettant de massifier le covoiturage. Il agit tant sur les infrastructures (voies réservée sur l’A480, parkings de covoiturage) que sur la tarification, l’intermodalité ou encore la conduite du changement.

Une ligne de covoiturage a été expérimentée en 2017-2018 pour compléter les horaires d’une ligne de transport en commun existante en aménageant des arrêts dédiés et en indiquant via une application les horaires de passage des bus ainsi que des conducteurs (ces derniers étaient indemnisés et les passagers payaient le même tarif que pour les transports publics). Un service d’auto-stop en zone peu dense créant une communauté de conducteurs et de passagers a également été mis en œuvre.

Enfin, l’accompagnement au changement se révèle indispensable pour obtenir les évolutions attendues et se matérialise par différentes manifestations sur le territoire.

Une approche systémique, en trois piliers

Le Cerema propose d’examiner les offres de mobilités dans les territoires avec une approche "triptyque" identifiant clairement le rôle et la place des différents acteurs concernés.

Approche systémique des nouvelles mobilités

L'une des trois entrées de ce schéma concerne les "services de mobilité " (covoiturage, autopartage, TC…) : ils doivent être complémentaires et assurer l’atteinte d’objectifs de politique publique. Cela passe aussi par des tarifications adaptées. Les tarifications intégrées facilitent, du point de vue de l’usager, le passage d’un mode à l’autre sur un même déplacement ou encore l’usage d’un mode donné, un jour, et d’un autre, le lendemain.

Une autre entrée concerne "la co-construction et l’animation". Il s'agit d’intégrer le plus d’acteurs possible à la démarche, afin que les services proposés répondent de façon optimale aux besoins et puissent s’adapter si cela est nécessaire.

Une entrée enfin concerne les "infrastructures". Il s'agit de permettre à la collectivité territoriale d’inscrire spatialement ces nouvelles offres de mobilités (voies réservées covoiturage, nombre de places réservées à l’autopartage ou au covoiturage…) et d’en faire des marqueurs publics. La maîtrise des infrastructures est également un levier de régulation pour les collectivités, leur permettant de promouvoir certaines offres par rapport à d’autres (cf partage de l’espace public entre piétons et trottinettes en libre-service)

Les offres de covoiturage sur le territoire toulousain

Le covaffiche du pass ecomobilitéoiturage s’intègre dans la politique des déplacements pour répondre à plusieurs enjeux tels que l’accès à l’emploi, la desserte fine des territoires et l’intermodalité covoiturage – transport collectif. Un pass écomobilité est intégré au support de paiement du service de transport en commun et permet d’avoir une réduction sur le service d’autopartage ainsi que de bénéficier de la garantie de retour pour les covoitureurs.

Dès 2010, Tisséo Collectivités proposait un appui important à l’animation. Le service s’appuie sur une équipe de trois conseillers en mobilité. Les établissements qui décident de signer la convention covoiturage doivent désigner des référents covoiturage, formés pour promouvoir le covoiturage dans l’entreprise.

Tisséo Collectivités travaille également sur l’implantation de spots de covoiturage. Plus de quarante spots sont en place sur le ressort territorial. L’objectif envisagé est d’en mettre en place une trentaine par an sur la période 2018-2020. Des partenariats ont également été conclus avec des opérateurs de covoiturage afin de mieux desservir certaines parties du territoire.

Pour plus d’informations :

  • Présentation de Jean ROBERT de l’approche systémique lors des journées sur la mobilité dans les villes européennes à Strasbourg, novembre 2018

  • Rapport d’étude Covoiturage courte distance, Cerema 2018

  • Guide « Autopartage et territoires », Cerema 2018

  • Fiche « Vélos en libre-service sans station – Premier état des lieux », Cerema 2018

  • Guide « VLS avec station : de l’étude de faisabilité du service à la mise en œuvre », Cerema 2019

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Auteur : Jean ROBERT, chargé de projets « Véhicules Partagés » au Cerema

Article publié dans la revue "Ingénierie territoriale AITF" : le n° 44 d'avril 2019

Couverture du magazine Ingénierie territoriale 44 avril 2019