3 mars 2022
prairie dans une friche avec une sorte de chateau d'eau
L. Chrétien - Cerema
L’Etablissement Public Foncier de Lorraine et le Cerema ont décidé de mener ensemble une étude sur la prise en compte et la gestion de la biodiversité dans les friches, à travers l’analyse d’une dizaine de sites. Par ailleurs, une série d’indicateurs a été définie pour identifier celles qui présentent le plus fort intérêt en termes de compensation écologique.

L’Etablissement Public Foncier de Lorraine (EPFL, devenu l'EPF Grand Est) a entrepris il y a plusieurs années une réflexion sur la prise en compte de la biodiversité dans les friches avant qu’elles ne soient réhabilitées, en allant au-delà des seules espèces protégées.

 

Une expertise au croisement des enjeux d’aménagement, de biodiversité, de transition écologique

vue d'une vieille route au milieu de végétation basse
Crédit: L. Chrétien - Cerema

Cette prise en compte implique que des projets d’aménagement qui portent atteinte aux espèces protégées et à leur habitat doivent s’inscrire dans la séquence "Eviter, Réduire, Compenser".

En décembre 2017, l’EPFL et le Cerema, expert en matière d’aménagement du territoire et d’enjeux écologiques, ont signé une convention de partenariat de recherche et développement afin d’étudier la relation entre les sites en friche de l’EPFL et la biodiversité. Ce travail a mené à l’élaboration d’une méthodologie permettant de prendre en compte puis d’intégrer la biodiversité dans les projets de réhabilitation dans le cadre de la mise en œuvre de la séquence "Eviter, Réduire, Compenser" les impacts des projets d’aménagement sur la biodiversité.

L’enjeu était en outre de ne pas ajouter de la complexité aux démarches de réhabilitation des friches, et de veiller à la qualité des espaces naturels en évitant les pièges écologiques [1].

Cette étude répond à deux questions principales :

  • Comment développer une gestion proactive de la biodiversité dans les friches, afin que celles-ci soient réaménagées tout en préservant l’environnement ?
  • Quel est le potentiel des friches du territoire de l’EPFL en matière de compensation environnementale ?

 

Comment prendre en compte la biodiversité dans les projets ?

touffe de renouée du Japon sur le site de l'ancienne faïencerie de Sarreguemines
Renouée du Japon sur le site de l'ancienne faïencerie de Sarreguemines - L. Chrétien Cerema

Dans le cadre du premier axe de travail consistant à définir une méthodologie de prise en compte de la diversité biologique, le Cerema a commencé par étudier plusieurs sites pour identifier les difficultés rencontrées dans les projets de requalification liées à la prise en compte de la biodiversité, notamment des espèces protégées, et examiner comment ces sites peuvent s’intégrer dans les continuités écologiques. 

Les différentes étapes de développement de cette biodiversité sur les différents espaces constituant les friches (bâti, terrains nus, sol brut) ont ensuite été définies et mises en lien avec les actions de l’EPFL (Des espèces protégées ainsi que des espèces exotiques envahissantes peuvent notamment s’y développer). Une visite approfondie d’une dizaine de sites aux caractéristiques différentes et des échanges avec les responsables d’opérations qui y ont été menées ont permis de connaître leur évolution sur le long terme, leur contexte, leur configuration spécifique.

Ensuite, le Cerema a évalué dans quelle mesure, sur les différents sites étudiés au préalable, un zonage pouvait être mise en place afin d’identifier les espaces dans lesquels il est souhaitable ou non de laisser se développer la biodiversité. Les utilisations pressenties dans le cadre des projets de requalifications sont été intégrées dans cette évaluation. Un atelier avec les équipes de l’EPFL a permis d’affiner les propositions du Cerema autour des actions que l’EPFL pouvait mettre en place en termes d’organisation interne et de gestion des sites pour intégrer les enjeux de biodiversité dans les projets concernant les friches.

Des mesures de gestion conformes à la réglementation ont été proposées, telles que le zonage des sites en en différents espaces fonctionnels, le traitement en prairie pour favoriser une biodiversité transitoire, l’intégration aux projets d’aménagement de certains espaces paysagers, la prise en compte des continuités écologiques.

 

Il s’agit, après une démarche analytique, de laisser se développer la biodiversité à travers une gestion transitoire ou au contraire la maîtriser, en fonction des sites, des enjeux d’aménagement et des caractéristiques écologiques.

 

Dans les secteurs sur lesquels le développement de la biodiversité n’est pas souhaité, l’étude a identifié les mesures permettant de le limiter dans le respect de la loi : terrassement, mise en place d’obstacles, gestion des eaux, mise en place de clôtures, …), en s’interrogeant en particulier sur les coûts et la durabilité des aménagements.
Les mesures de gestion pouvant être préconisées ont été examinées, et des fiches actions résument les caractéristiques des sites ainsi que les recommandations de gestion.

 

 

Le Cerema a proposé des outils et actions d’une portée générale telles que :

  • Mettre en place un conseil stratégique dédié à la prise en compte de la biodiversité dans les friches,
  • Etablir une check list des actions à mener (obligatoires, recommandées ou optionnelles) pour la prise en compte de la biodiversité tout au long de la vie d’un site
  • Développer l’acculturation des équipes de l’EPFL à cette prise en compte, en mettant en place des formations, des visites régulières sur des sites, des échanges avec d’autres EPF…
  • Mettre en place aussi tôt que possible d’un zonage des sites en différents espaces en fonction des enjeux (biodiversité, compensation environnementale, aménagement et enjeux écologiques faibles…)
  • Développer une gestion transitoire dans les espaces qui présentent de forts enjeux de biodiversité,
  • Dans le cadre des projets d’aménagement, préserver des espaces végétaux existants, notamment en cas de présence de zone humide ou d’espèces protégées.

 

Quel potentiel des friches en matière de compensation écologique ?

Végétation poussant sur un mur avec des graffitis
Crédit : L. Chrétien - Cerema

Le second axe de travail portait sur l’étude du potentiel des sites recensés par l’EPFL en termes de compensation environnementale et de la constitution de réserves foncières dédiées. Cette approche doit donc croiser deux questionnements :

  • Le site présente-t-il, de par ses caractéristiques physiques, les milieux naturels qui le composent, et sa situation dans son environnement, un potentiel comme site de compensation environnementale ?
  • Le site est-il situé dans un environnement susceptible de subir, à court ou moyen terme, des pressions fortes, notamment sur le foncier "naturel", justifiant qu’il puisse être utilisé comme site de compensation ?

En fonction des informations disponibles, notamment dans la base de données de l’observatoire régional des friches, des paramètres variés explicités dans le rapport ont été observés pour chaque site. Des indicateurs et grilles d’évaluation accompagnent l’analyse de chacun d’entre eux, avec les sources de données disponibles. 

Ces paramètres correspondent à des enjeux spécifiques :

  • La pression d’aménagement sur le territoire où se trouve le site,
  • Les besoins fonciers des maîtres d’ouvrage et aménageurs,
  • Les caractéristiques des sites en termes de biodiversité
  • La possibilité de restaurer les milieux concernés en les intégrant dans la démarche de compensation,
  • La possibilité le cas échéant de valoriser d’autres services écosystémiques, par exemple en lien avec le cycle de l’eau, le paysage, l’atténuation des impacts du changement climatique.
  • Le positionnement des sites par rapport aux milieux protégés et inventoriés,
  • Leur positionnement par rapport aux corridors écologiques d’importance régionale.

Un indicateur général intitulé "intérêt potentiel de la friche en termes de compensation liée à la biodiversité" a été défini à partir de ces paramètres, pour hiérarchiser les sites en fonction de leur intérêt. Cependant le potentiel exact de chaque friche ne peut être défini qu’après une étude de terrain.

Les travaux menés sur ce sujet contribuent à la réflexion en cours sur l’inventaire des sites pouvant contribuer à la compensation écologique, sous l’égide de l’Office Français de la Biodiversité.