26 mai 2021
Aménagement transitoire Quai de Chateaubriand - Rennes
Pour répondre aux besoins de distanciation physique de crise sanitaire de 2020, la ville et la Métropole de Rennes ont réalisé des aménagements de transition en faveur des cyclistes et des piétons. Le Cerema a contribué à l’évaluation des aménagements provisoires du centre-ville de Rennes en apportant un éclairage qualitatif et un retour sur la situation dans d’autres collectivités.

Des aménagements provisoires piétons et cyclables ont été réalisés dans le centre-ville de Rennes à l’issue du premier confinement pour répondre aux besoins de distanciation physique liés à la crise sanitaire, notamment :

  • une vaste zone de rencontre d’environ 1 km², autour du plateau piéton dans le centre-ville ;

  • la piétonisation de certaines rues pour les besoins d’extension des terrasses le vendredi soir et le samedi soir ;

  • la création d’aménagements cyclables dont une vélo rue sur les quais nord de la Vilaine accompagnés d’une modification du plan de circulation contraignant fortement la circulation automobile.

 

Carte des aménagements transitoires réalisés dans le centre-ville de Rennes (source : Ville et Rennes Métropole).

Dans le cadre de l’évaluation de ces aménagements transitoires, et pour objectiver la situation des commerces en cas de pérennisation, le Cerema a été sollicité pour apporter un éclairage qualitatif sur les liens entre la vitalité du centre-ville et les modes actifs. La démarche s’est appuyée sur 3 axes de travail :

  • des entretiens avec des collectivités ayant mis en place des aménagements provisoires ;

  • une analyse bibliographique sur les liens entre attractivité commerciale et modes actifs ;

  • la mise en perspective du contexte de Rennes au regard de ces éléments.

RETOURS D’EXPÉRIENCES DE COLLECTIVITÉS SUR LES AMÉNAGEMENTS PROVISOIRES

Huit collectivités avec un contexte similaire ont été interrogées (Bordeaux, Lille, Grenoble, Nantes, Les Sables d’Olonne, Saint Brieuc, Saint Nazaire, Strasbourg) pour illustrer les principaux points de leur stratégie : Quelle stratégie de mise en œuvre ? Quels outils de suivi lors du premier confinement ? Quelles réactions des usagers ? Quelles problématiques pour la pérennisation des aménagements ?

Quelques points saillants ressortent de ces entretiens :

La diversité et l’ampleur des aménagements provisoires réalisés dans les différentes collectivités interrogées sont très variables.

La plupart des collectivités ont focalisé la réalisation d’aménagements provisoires cyclables sur les grands axes où les besoins sont importants mais avec de l’espace disponible ; donc moins contraignants pour la circulation motorisée. Pour autant, des "marqueurs" forts de déploiement des aménagements cyclables provisoires peuvent être identifiés :

  • basculement des aménagements cyclables sur la voirie pour libérer les espaces piétons,

  • forte communication permettant d’identifier rapidement les aménagements temporaires,

  • aménagement de couloirs "bus + vélo" permettant une meilleure acceptabilité des aménagements cyclables couplées aux aménagements en faveur des transports en commun,

  • aménagements cyclables fortement liées à la problématique touristique.

vue d'une piste cyclable temporaire sur un boulevard du centre ville (une des deux voies mobilisées)
Aménagement provisoire à Rennes - Rennes Métropole

Les aménagements en faveur des piétons (piétonnisation partielle ou temporaire, zone de rencontre) sont le plus souvent liés à des problématiques commerciales ou de restauration. Les zones de rencontres sont le plus souvent difficilement perçues par les usagers qui n’osent pas toujours marcher sur la chaussée.

En revanche, les problématiques des personnes à mobilité réduite (information, détectabilité, ressauts, obstacles…) auraient mérité d’être mieux pris en compte, malgré l’urgence des besoins d’aménagement et leur complexité.

L’accueil par les commerçants de ces aménagements temporaires est généralement positif. Cela s’explique en partie parce que des démarches d’apaisement des vitesses et de limitation du trafic de transit dans les centres-villes, notamment dans les grandes métropoles, s’inscrit dans des politiques publiques de longue date et sont désormais acceptées. Les aménagements offrant un meilleur accueil des piétons sont généralement très bien perçus par les commerçants, particulièrement dans les zones touristiques.

Il est à noter que les réactions les plus épidermiques des commerçants sont dans des contextes où les commerces du centre-ville sont déjà fragilisés par de nombreux centres commerciaux périphériques.

La concertation pour la mise en œuvre des aménagements provisoires a été minimale dans la plupart des collectivités interrogées, soit pour justifier de la rapidité des aménagements, soit pour s’assurer d’une bonne acceptabilité d’aménagements peu sujets à débat. La concertation a généralement été faite avec les communes concernées pour les aménagements portés par les métropoles ainsi qu’avec les commerçants. Cependant, certaines collectivités ont souhaité s’inscrire dans une large concertation malgré le contexte sanitaire comme à Nantes par exemple.

La plupart des collectivités interrogées disposent déjà d’outils de suivi des différents modes de transports. Pour évaluer les aménagements provisoires, elles se sont appuyées sur leur observatoire des déplacements leur permettant de suivre les différentes pratiques (trafic automobile, fréquentations des transports collectifs…), des enquêtes qualitatives auprès des usagers ou encore des compteurs spécifiques de la fréquentation des aménagements par les vélos.

Les collectivités plus modestes, quant à elles, ont pu avoir quelques difficultés pour suivre les évolutions de trafic liées aux aménagements provisoires, le plus souvent par manque de moyens.

La pérennisation des aménagements s’inscrit dans plusieurs logiques :

  • Une nécessité de s’insérer dans des projets à plus long terme dans l’optique d’une refonte totale du profil de la voirie et/ou de l’aménagement des espaces publics. Cela implique une dépose des aménagements ou un maintien en version provisoire équivalent à une préfiguration de l’aménagement en cours de réflexion.

  • Un parti pris assumé par les élus dans la version provisoire des aménagements et qui peuvent éventuellement nécessiter des ajustements à la marge en concertation avec les communes .

  • Une volonté politique d’aller plus loin et de pérenniser des aménagements en faveur des piétons.

  • Une volonté de positionnement des élus à l’issue d’une évaluation complète des aménagements.

RETOUR BIBLIOGAPHIQUE

Les aménagements provisoires en faveur des piétons et des vélos réalisés dans le centre-ville de Rennes ont généré des mécontentements, notamment de la part de commerçants du centre-ville qui estiment que leur activité risque d’être pénalisée par ces mesures. Les élus de Rennes ont souhaité avoir un retour objectif d’études relatives à ce sujet.

Les différentes études françaises et étrangères analysées, nous apportent un regard intéressant sur le lien entre le développement des zones à priorité piétonne, l’attractivité commerciale et les modes de déplacements. Il ressort notamment les points suivants.

La piétonniation est un facteur d’attractivité commerciale mais également réponse aux attentes des clients

Les zones piétonnes permettent de valoriser l’attractivité commerciale et touristique des centres-villes. Elles répondent également aujourd’hui à une attente forte des clients, d’un environnement urbain de qualité, agréable, loin du stress engendré par la circulation automobile et qui permet de lier l’acte d’achat à la demande de promenade urbaine et de convivialité.

La piétonnisation engendre une évolution des établissements du périmètre

L’impact de la piétonnisation sur l’activité des commerces et l’offre commerciale (répartition des différents types de commerces) est complexe à aborder. Si les retombées économiques sont indéniables et reconnues en France comme à l’étranger, tout dépend du type de rues piétonnisées. Par ailleurs, il faut s’attendre à une évolution de l’offre commerciale qui vient renforcer les tendances déjà pré-existante et la disparition de certains types de commerces est inévitable.

Les commerçants ont des visions antagonistes de celles de leurs clients notamment sur leurs modes de déplacement

Ccontrairement à ce que pensent les commerçants, la part de la voiture dans les déplacements pour motif achats n’est pas majoritaire et est très largement surestimée par les commerçants comparativement aux pratiques constatées des clients, que ce soit à l’échelle des données nationales ou à l’échelle d’études plus locales.

Les demandes des commerçants en faveur de la voiture (flux de circulation, stationnement sur voirie) s’opposent parfois également aux aspirations des clients et des résidents qui aspirent à des villes plus apaisées, avec une présence réduite de la voiture sur l’espace public et moins de pollution.

Les piétons et les cyclistes sont de très bons clients

Les clients à vélo et surtout à pied sont plus nombreux que ce que l’on pense, ce sont également les clients les plus dépensiers. Leur panier moyen d’achat par commerce est inférieur à celui d’un automobiliste mais leur fréquence de visite est plus importante, ce qui au global en fait des clients plus fidèles. Le poids ou le volume d’achat n’est pas un critère de choix modal ni un critère pénalisant l’usage du vélo et de la marche, la solution étant de revenir plus fréquemment.

Enfin une grande part des livraisons dans des points relais est effectuée à pied, ce qui contribue à la multiplication des visites dans les commerces de proximité et renforce leur activité. La question du stationnement "dépose minute" pour le dépôt et le retrait des colis doit cependant peut-être être intégrée plus massivement dans les nouvelles réflexions sur les zones à priorité piétonne, au même titre que celle des livraisons.

Mise en perspective de la situation rennaise

A la lumière de ces premiers éléments, la connaissance des commerces du centre-ville et de la mobilité pour le motif achat à Rennes montrent un usage déjà important des modes alternatifs malgré certains facteurs qui peuvent fragiliser le tissu commercial rennais (travaux du métro en centre-ville, manifestations liées aux gilets jaunes, évolution des pratiques d’achat liées ou non à la pandémie...).

Une situation qui devrait être améliorée par l’arrivée de la seconde ligne de métro dans le centre-ville début 2022. Le renforcement de l’accessibilité du centre-ville converge également avec objectif de reconquête des espaces publics, de renouveau de la qualité de vie et de végétalisation du centre-ville, exprimé par les Rennais lors de la concertation Rennes 2030.

Fort de ces retours, en complément du bilan quantitatif de l’évaluation des aménagements provisoires, les élus ont validé à l’automne 2020 la pérennisation des aménagements réalisés dans le centre-ville rennais.