28 novembre 2024
Arrachage de renouée asiatique
Laurent Mignaux - TERRA / Arrachage de renouée asiatique
Le groupe Risque, Eau, Biodiversité du Cerema Hauts-de-France a organisé le 29 octobre 2024 une Conférence Technique Territoriale sur la thématique des espèces exotiques envahissantes. Concentrée sur les nouveaux enjeux liés aux EEE en contexte urbain et semi-urbain, elle a rassemblé plus de 80 participants dans l’amphithéâtre du Cerema Hauts-de-France et en visioconférence simultanément !

Les échanges organisés par le groupe Risque Eau Biodiversité de la direction territoriale Hauts-de-France ont permis à un large panel d’acteurs, gestionnaires d’espaces naturels, de s’exprimer autour de la restauration des écosystèmes dégradés par les EEE dans un contexte de développement des services d’adaptation fondés sur la nature. Représentants de services de l’Etat (DREAL, DDTM, DRAAF…), d’établissements publics (VNF, EP de bassins, INRAE…), de sociétés à capitaux publics (RTE, SNCF réseaux…) ou de collectivités territoriales (MEL, CUD, ville de Villeneuve d’Ascq, CMVS, CD59, CD60…) mais aussi d’associations (GON, CBNBL, CPIEs…) ou de structures privées (Colas…) ont pu découvrir, après quelques rappels introductifs sur le contexte régional en Hauts-de-France, deux "nouveaux" outils de gestion : la brigade d’intervention EEE du Cen Normandie et le guide Cerema "EEE et infrastructures de transport - Définition d'une stratégie de pilotage et d'une démarche d'actions".

Enfin, un focus sur les nouveaux enjeux de l’aménagement a été fait portant notamment sur les Espèces Non Indigènes marines, et sur trois retours d’expérience en matière de gestion dans le cadre de la création et d’entretien d’aménagements : la CUD a présenté sa politique de gestion des EEE, puis G. Lemoine (référent biodiversité d’ECT) est revenu sur le projet qu’il mène avec la commune de Mazingarbe afin de réaménager le pied du terril 49 tout en éradiquant la population de Berce du Caucase présente. L’INRAE et SNCF réseaux ont conclu la journée en complétant la présentation faite en 2021 avec les nouvelles données obtenues lors du suivi de bâchage de la Renouée du Japon.

Durant cette journée, il a été constaté que les connaissances autour de la lutte contre les EEE se développent, mais que face aux nouveaux enjeux et à une gestion parfois complexe, le partage d’expériences, la création d’outils facilitant le partage d’informations et la mise en réseau des acteurs sont essentiels

 

Cette approche collaborative est cruciale pour une gestion efficace et une veille des EEE sur le long terme, notamment vis-à -vis de nouvelles introductions d’espèces. Ceci est valable en milieu terrestre comme en milieu aquatique et marin. La lutte contre les EEE doit donc être intégrée et pensée de manière globale dans tout projet d’aménagement.

 

Le Cerema a également accueilli à ce sujet le 14 novembre la journée annuelle stratégie EEE portée par l'Agence Régionale de la Biodiversité Hauts-de-France. Sa thématique était tournée autour de la collaboration et de la mise en place de synergies dans les Hauts-de-France concernant les EEE. Des outils utilisés sur ces sujets ont été élaborés par le Cerema (annuaire des acteurs et Cart'EEE) et mis en avant lors de cette journée également.

Actualités et nouveaux outils

La stratégie Hauts-de-France Espèces Exotiques Envahissantes

 

Mélinda Turpin a présenté les actualités de la stratégie régionale EEE (2022-2026), pilotée par la DREAL et animée par le CEN HdF. Cette stratégie, mise en œuvre dans le cadre de l’Agence Régionale de la Biodiversité créée en 2023, dispose d’une brique dédiée au sein du pôle Mobilisation et appui aux acteurs. Elle est élaborée collectivement avec les acteurs de la thématique, en intégrant les enjeux et besoins locaux, pilotée par la DREAL HdF, et animée par Mélinda au CEN. Elle a pour but d’être opérationnelle sur le territoire, tout en étant structurée autour des cinq axes de la stratégie nationale.

Mélinda a exposé dans sa présentation les différents outils d’animation, outils numériques et papier, groupes de travail, journées d’échanges, etc. à la disposition des acteurs du territoire. Ces outils ont pour objectif de créer du lien, des synergies entre les acteurs, mais aussi de sensibiliser aux problématiques liées aux EEE. Dans le cadre de la coordination de la gestion au sein des HdF, l’ARB a également préfiguré le Collectif d’Intervention et d’Animation EEE : dispositif d’alerte, coordination des sollicitations et redirection vers les intervenants (réseau d’acteurs régionaux, formateurs, groupes de travail, brigade pour les espèces priorité 1) qui doit être soumis au COPIL ARB le 25 novembre

 

 

La journée régionale EEE du 14 novembre a permis de participer à des ateliers de définition des attentes des acteurs du territoire par rapport au rôle de référent prévu par ce dispositif.

Le Cerema participe à la stratégie régionale en tant que membre du Groupe d’Experts Scientifiques et Techniques et en proposant des outils numériques (Cart’EEE [avec l’Agence de l’Eau Artois Picardie] et annuaire des acteurs des Hauts-de-France).

La brigade EEE du CEN Normandie

Jean-François Dufaux a pu compléter la présentation précédente en y ajoutant le témoignage de l’expérience de la brigade d’intervention EEE de Normandie.

Après avoir détaillé les différentes actions sur le terrain des deux équipes composées de trois personnes, basées à Caen et Rouen depuis 2019, il a fait le point sur leur mode opératoire, ainsi que leurs moyens techniques et financiers.

La brigade est financée par les partenaires (Fonds Européen de Développement Régional, DREAL Normandie, Région Normandie, Agence de l’Eau Seine Normandie) à hauteur de 100000€ par an.

La brigade effectue dans les collectivités des interventions et de la prospection, tout en réservant des créneaux pour les interventions d’urgence. Les demandes d’intervention sont, généralement, planifiées lors des échanges avec les partenaires durant et après un conventionnement. Les interventions sont hiérarchisées en fonction de l’espèce, de l’émergence et de la localisation du foyer, ainsi que de la période pour les espèces à fructification. Ces interventions, sont rendues possibles, entre autres, par la mise à disposition de matériels et EPI très divers pour le travail notamment en milieu aquatique (canoé, float tube, etc.). La brigade forme, sensibilise et accompagne également les acteurs aux enjeux des EEE, et effectue une veille cartographique de la présence des espèces au fil de ses interventions. La brigade EEE n’intervient que sur les espèces végétales, notamment les 30 espèces les plus prioritaires (10 en priorité 1 et 20 en priorité 2) sur le territoire normand.

Le guide "EEE et infrastructures de transport - Définition d'une stratégie de pilotage et d'une démarche d'actions"

Christophe Pineau a présenté ce guide destiné aux gestionnaires d’infrastructures, qui propose des éléments pour identifier et cartographier les principales EEE. Sa rédaction a été pilotée par le Cerema, et a bénéficié des apports de la DGITM, de DIR, du centre de ressources sur les EEE, de Vinci Autoroutes, VNF et la SNCF pour leurs retours d'expériences.

La présentation a permis d’expliquer comment prendre en compte les EEE dans les pratiques de gestion. Le guide porte sur la gestion des espèces exotiques envahissantes sur les grandes infrastructures linéaires de transport (voies ferrées, routes, canaux), aussi bien dans le cadre de nouveaux projets que de réseaux existants, et aborde principalement les espèces végétales.

Christophe a également décrit les éléments de réflexion pour la construction d’une stratégie de gestion globale sur un réseau. Enfin, il a présenté rapidement les fiches proposant des pistes pour mettre en place une stratégie de lutte efficace face à certaines espèces végétales susceptibles d’impacter négativement les réseaux et l’environnement en France hexagonale.

RESSOURCES UTILES

ENI marines

Les enjeux liés aux Espèces Non Indigènes (espèce exotiques) marines et à la biosécurité ont été abordés par Amélia Curd et Cécile Massé. L’introduction de la moitié des espèces exotique en Europe étant liée au trafic maritime, il convient de privilégier la prévention et la gestion des voies et vecteurs à l’origine de cette introduction. En effet, l’introduction des ces ENI marines engendre des pressions écologiques, économiques et sanitaires.

Dans le cas des ENI marines, la biosécurité consiste donc majoritairement en la gestion des eaux de ballast (traité adopté par l'Organisation maritime internationale [OMI] : depuis le 8 septembre 2024, tous les navires de la flotte marchande mondiale sont censés être équipés d’un système de traitement de ses eaux de ballast), de l’encrassement biologique ( "biofouling" : guidelines en cours de mise à jour et recherche d’avancées technologiques dans les revêtements de coques et systèmes de nettoyage) et de la contamination accidentelle des conteneurs et marchandises.

La navigation de plaisance n’étant pas régie par les règles du commerce international, il s’agit également d’un poste où la sensibilisation et la prévention sont les moyens de lutte les plus importants : certains réseaux proposent notamment des supports d’information concernant les gestes de biosécurité "vérifier, nettoyer, sécher" .

Gestion des aménagements urbains et périurbains : REX

La gestion des EEE à la CUD

Julie Adjovi et Anne Lecoeuche sont intervenues afin de revenir sur l’expérience de la Communauté d’Agglomération de Dunkerque dans la gestion des EEE dans les espaces naturels (1277ha sur la CUD). En effet, la problématique n’y présente pas d’enjeu dans les espaces anthropisés.

Dans un paysage typique de polders (espace gagné sur la mer et asséché grâce à la technique), très plat et maillé d’un réseau hydraulique dense, les usages divers des espaces de nature entrainent la nécessité de plans de gestion sur l’ensemble des grands espaces naturels. En effet, le changement climatique représente une menace majeure pour ces milieux (submersion marine, retrait du trait de côte, prolifération des EEE…). La CUD a donc engagé des actions en faveur de la biodiversité notamment en se dotant du label  "Territoire Engagé pour la Nature" en 2021, et en créant un bureau local de la biodiversité en 2022, pour accompagner les porteurs de projets dans la séquence ERc, et suivre les données naturalistes du territoire.

Ainsi, pour chacun de ces espaces naturels, la CUD dispose d’un plan de gestion sur 10 ans composé entre autres d’un état des lieux, d’inventaires de terrain, d’une analyse paysagère et d’un plan d'actions.

De cette manière, les EEE présentes sont connues, suivies et cartographiées, et diverses mesures de lutte sont mises en œuvre :

  • Des fiches simplifiées sur la reconnaissance et le type de gestion à adopter sont transmises aux agents,

  • Pour les espèces végétales, des coupes ou arrachages répétés permettent d’atteindre un affaiblissement ou une limitation du développement,

  • Pour les espèces animales, des marchés ont été passés pour la gestion du frelon asiatique (mesures sélectives et de prédation) et du rat musqué (piégeage), qui permettent également une cartographie.

Le terril 49 : transformer un site abimé en espace forestier et verger à graines

Guillaume Lemoine a commenté le traitement de la berce du Caucase sur un site de Mazingarbe, dans le cadre de la réhabilitation du pied du terril 49. La population de berce est un enjeu important du chantier qui fait l’objet d’une gestion et d’un suivi dans le temps.

Le groupe ECT propose un modèle d’aménagement du foncier non-bâti au service des territoires qui utilise les terres inertes issues des chantiers de la construction. Il réhabilite ainsi des sites délaissés ou des friches pour leur donner un nouvel usage non bâti. En parallèle, l’entreprise, disposant du label "Entreprise Engagée pour la Nature" , s’est créé un plan d’action contre les EEE, la formation et la production de supports de sensibilisation pour ses agents.

En partenariat avec la Commune de Mazingarbe, le projet présenté concerne le site du pied du terril 49, cédé au Conservatoire d'Espaces Naturels des Hauts-de-France pour en assurer sa protection foncière. Au pied du terril, les terrains abandonnés sont envahis par les divers déchets et colonisés par la Berce du Caucase.

Le projet associe l’installation d’un verger à graines, la création d’une forêt urbaine et la mise en place d’une circulation douce pour la promenade. L'apport de terres inertes permet de créer de nouveaux modelés nécessaires au projet et de recouvrir la Berce du Caucase afin de contrôler sa prolifération. 

L’économie circulaire des terres des chantiers locaux permet d’autofinancer cet espace naturel et de détente, écologique et pédagogique. 

RESSOURCES UTILES

Le bâchage de la Renouée sur les dépendances SNCF : deuxième REX

Anne Petit et Marie-Anne Dusz étaient intervenues en 2021 pour nous présenter leur expérimentation de bâchage de la renouée. Retrouvez leurs interventions dans notre article ci dessous :

En 2024, elles nous ont proposé un retour sur 7 ans de suivi expérimental unique, sur 5 questions de recherche, avec des fiches techniques issues du retour d’expérience, et un protocole complet pour le bâchage.

Ce long suivi a permis d’étudier l’impact de la distance du bord de la bâche au foyer de renouées, ainsi que le type d’ancrage au sol, le type de raccordement des lés, la technique de connexion au matériel (pied de pylône notamment), et la durée du bâchage optimale pour un entretien minimum au long de la gestion par bâchage. Par ailleurs, il a été constaté lors du premier débâchage que le massif avait disparu en surface : le bâchage en bord de voie ferrée est donc un moyen efficace de limiter l’impact de la renouée à court terme et potentiellement de l’éradiquer à long terme.

En revanche, la reproduction sexuée de la renouée a été constatée sur le terrain !

 

La suite du projet prévoit de nouveaux paramètres d’expérimentation (composition de la bâche, durée de vie des rhizomes…) et une étude de l’impact de la méthode sur le sol et la communauté végétale.

Le replay :