L’enjeu est fort pour les acteurs publics (services de l’Etat ou collectivités) de disposer d’une base nationale à grande échelle de l’occupation du sol, capable de faciliter la décision publique en matière d’aménagement du territoire et d’environnement.
Depuis 2012, les acteurs territoriaux, nationaux et notamment l’IGN et le Cerema ou encore le CNIG ont travaillé de concert pour aboutir à la création de spécifications (nomenclature, seuils de saisie, taux de couvert…) communes pour l’ensemble des territoires.
Une fois ce socle constitué, l’IGN en partenariat avec les services de l’Etat et les collectivités a alors entrepris la réalisation de la base de donnée à grande échelle, aussi appelée OCS GE.
Production grandeur nature
A partir de décembre 2013, la Région Midi-Pyrénées, l’Etat et l’IGN signaient la première convention qui marquait ainsi les débuts officiels de la production. Le département des Hautes-Pyrénées a alors été sélectionné comme pilote pour finaliser et ajuster les spécifications des processus de production avec les futurs utilisateurs avant de l’étendre à l’ensemble des départements de la région.
En 2014, un nouveau partenariat a été signé avec la région Pays de la Loire au travers de Géopal pour étendre la couverture nationale. Cet accord a été renouvelé en 2016 autour de la production de la mise à jour.
En parallèle, des contacts ont été pris avec des collectivités telles que La Communauté d’Agglomération de Niort qui a pris la décision de réaliser son OCS avec deux millésimes dont une mise à jour historique (antérieure au millésime initial) pour poursuivre le développement de cette base donnée.
Outre-Mer, l’IGN a produit le département de la Martinique et de Mayotte sur le modèle de l’OCS GE enrichie et adaptée aux spécificités des territoires ultra marins. Les OCS GE de la Réunion et de la région Bourgogne-Franche-Comté seront produites dans les prochains mois, également avec des nomenclatures enrichies.
A noter, qu’à ce jour, certains partenariats n’ont pu aboutir car les besoins1 étaient trop éloignés des préconisations du CNIG et du produit OCS GE associé.
L’OCS GE, dans les coulisses
L’OCS GE est une base de données vectorielle grande échelle, détaillant l’occupation du territoire selon une nomenclature emboîtée à deux dimensions : la couverture du sol (14 postes) et l’usage du sol (17 postes). Chaque sous-niveau précise davantage cette occupation, et appartient à une classe de couverture ou d’usage plus générale (ex : « Production primaire », « Végétation ligneuse »). Cette nomenclature peut être enrichie selon les spécificités des territoires, tout en restant compatible avec la nomenclature prévue par le CNIG. Des seuils de collectes permettent de représenter uniquement les éléments ayant une taille suffisante : pour les zones bâties, l’unité minimale de collecte est de 200 m². Pour les autres occupations, le seuil est de 500 m² à l’intérieur de la zone construite2 et de 2 500 m² au-delà.
La méthode de production actuelle de l’OCS GE repose sur différentes données millésimées, choisies pour leur représentation précise d’une catégorie d’occupation. Les éléments structurants comme le bâti et l’ossature (les réseaux routier, ferré, et hydrographique) sont issus de la BD TOPO®. Les zones de végétation s’appuient sur la BD Forêt® et le RPG (Registre Parcellaire Graphique). Ces informations sont ajustées et complétées par une photo-interprétation de la BD ORTHO®. Plusieurs millésimes peuvent être réalisés sur un même territoire grâce à des mises à jour successives. L’OCS GE est donc une donnée extrêmement intéressante pour quantifier et qualifier les évolutions du territoire (analyses diachroniques cohérentes dans le temps).
La production est co-pilotée par l’IGN et les commanditaires locaux ; l’étape de photo-interprétation est réalisée soit directement par l’IGN soit dans le cadre d’une sous-traitance pilotée par l’IGN.
Une donnée utile pour la décision publique
Cette donnée est très demandée par les collectivités. Elle est très utile pour les aider dans leurs prises de décision en matière d’environnement, d’urbanisme et de suivi de la consommation des espaces. Plusieurs exemples illustrent ce besoin.
Le Pays Vallée du Loir recherchait pour l’élaboration de son SCoT (Loi ALUR), une donnée de référence de qualité afin de réaliser une analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers entre 2005 et 2013.
Autre exemple, celui de GéoBretagne qui a utilisé dans le cadre de la Trame Verte et Bleue, l’OCS GE du Morbihan pour identifier les espaces non-fragmentés et les réservoirs de biodiversité potentiels. Les données OCS GE aident à déterminer les obstacles aux espaces naturels selon un ordre d’importance prédéfini (habitations, zones d’activités, réseaux routier et ferré). L’analyse de ces espaces permet de cartographier des perturbations écologiques.
Les évolutions prévues
L’action 7 du Plan national biodiversité souligne la nécessité d’avoir des données précises et de référence pour évaluer la consommation des espaces et son évolution : « Nous publierons, tous les ans, un état des lieux de la consommation d’espaces et mettrons à la disposition des territoires et des citoyens des données transparentes et comparables à toutes les échelles territoriales. »
De nombreuses données d’occupation des sols locales existent mais l’hétérogénéité de leurs spécifications rend hasardeuse leur comparaison les unes avec les autres. Selon une étude scientifique menée fin 2017 par l’INRA et l’Ifsttar3, au sein du panorama des données existantes, la plus adaptée au suivi de l’artificialisation des sols est l’OCS GE. La direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), en lien avec le Commissariat général au développement durable (CGDD) et la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), a donc souhaité que la production d’une OCS GE nouvelle génération à l’échelle nationale soit mise au point avec pour objectif d’obtenir sur l’ensemble du territoire et de manière pérenne une description homogène d’occupation de l’espace. L’IGN est chargé d’adapter la méthodologie de production en collaboration avec l’IRSTEA et le CEREMA. En combinant un effort plus ciblé de photo-interprétation (constitution de jeux de données d’apprentissage) à des techniques innovantes de télédétection (technologies de Deep Learning notamment), l’ambition est de raccourcir les délais de production et de proposer ainsi l’élaboration d’une OCS GE au niveau national avec une fréquence de mise à jour optimisée et à des coûts raisonnables. En complément, le traitement des fichiers fonciers de la DGFiP permettra de préciser la dimension usage de la nomenclature. Ces travaux seront l’occasion de concertations avec les collectivités régionales.
La disponibilité de l’OCS GE au niveau national, mise à jour sur une base régulière, permettra :
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d’aller plus loin sur les questions de connaissance du potentiel foncier mobilisable, et donc de cibler les terrains pouvant faire l’objet d’opérations en renouvellement urbain ;
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de statuer sur les questions de connaissance du tissu urbain, afin de mieux ajuster la densité des projets d’aménagement ;
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de mieux connaître les dynamiques de renouvellement urbain ;
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de mieux connaître les évolutions des espaces non artificialisés, notamment les transferts entre espaces agricoles, espaces forestiers et espaces naturels ;
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d’avoir une estimation du rythme d’imperméabilisation des terres ;
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de disposer d’un référentiel du bâti pour la définition de trames vertes et bleues.
D’ici mi-2020, des expérimentations de production plus automatisée de l’OCS GE seront menées dans le but de produire une zone test (arrondissement départemental) sur deux millésimes. La DGALN devrait ensuite commanditer progressivement la production semi-automatisée d’OCS GE pour aboutir à une couverture de l’ensemble du territoire (métropole et territoires ultra marins) à horizon 2022.
Auteur : IGN
1 Certaines régions manifestaient la volonté d’avoir des nomenclatures 1D (compatibles avec Corine Land Cover) ou des seuils de saisie plus fins.
2 Pour plus d’informations sur la définition de cette zone construite, se rapporter à https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/bases-donnees/ocs-ge
3 Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols : déterminants, impacts et leviers d’action (ESCO, décembre 2017)