2 juin 2021
Vue aérienne de la ville de Béziers
Wikimedia Commons
Dans le cadre du 3ème Plan Régional Santé Environnement, la DREAL et l'ARS Auvergne Rhône-Alpes ont piloté et financé, avec l’appui du Cerema, une série de deux webinaires (en décembre 2020 et février 2021) à destination des collectivités et de leurs partenaires sur la thématique de la lutte contre les îlots de chaleur urbain et la surchauffe urbaine.
Ce dossier constitue une synthèse des éléments présentée lors de ces webinaires.

Eté après été, canicule après canicule, sécheresse après sécheresse, le constat est sans appel : en plein centre-ville, dans certains quartiers denses et très urbanisés, le stress thermique est plus important encore qu'en périphérie.

Les conséquences de ces épisodes de chaleur extrême sont nombreuses, non seulement sur la santé des personnes les plus vulnérables, mais aussi d'un point de vue économique, social et bien sûr environnemental.

Malheureusement, ces épisodes devraient s'aggraver au cours des prochaines années et décennies. Sans prise en considération de cet enjeu et sans actions adaptées pour l’atténuer et s’y adapter, les usages de ceux qui vivent et pratiquent la ville seront vraisemblablement perturbés par cette hausse des températures.

Les stratégies de rafraîchissement basées sur le recours à des technologies "actives" de climatisation permettent évidemment de limiter à court terme les effets de ces épisodes et ainsi de préserver les plus fragiles. Mais, à moyen et à long termes, ces solutions ne font qu'aggraver la situation en rejetant de la chaleur et des gaz à effet de serre à l’extérieur des bâtiments climatisés. L'attractivité, la praticabilité et la « vivabilité » des centres urbains en seront inévitablement impactées.

Il est donc urgent d'agir pour limiter le réchauffement des quartiers concernés, et viser le rafraîchissement des lieux soumis à la surchauffe urbaine.

Vous êtes élu, technicien territorial en charge de la mobilité, de l'aménagement des espaces publics, de la voirie, des espaces verts, de la transition écologique…  et la surchauffe urbaine devient localement un sujet d'attention croissant ? Découvrez les méthodes actuelles existantes pour établir un diagnostic sur votre territoire afin de déterminer à quel niveau vous êtes concerné par le phénomène de surchauffe urbaine et d'identifier les zones à enjeu sur lesquelles il vous faut agir en priorité.

Matériaux, présence d’eau en ville, végétalisation, circulations douces, actions de sensibilisation… Quels outils utiliser ? Quel niveau d’expertise mobiliser ? Quels moyens mettre en œuvre ? Quels leviers activer en priorité ? Quels écueils éviter ? On vous dit (presque) tout ce que l’on en sait à ce jour.

La surchauffe urbaine, qu'est-ce que c'est ?

schéma

Dans le contexte de changement climatique déjà enclenché depuis des décennies, les questions de surchauffe estivale deviennent de plus en plus prégnantes dans tout type de territoire. Les températures de l’air moyennes, mais également la fréquence des vagues de chaleur, leur intensité et leur durée, augmentent de plus en plus rapidement sur l’échelle de temps.

On peut qualifier la surchauffe urbaine comme une problématique globale et composite qui s’exprime de jour comme de nuit avec des répercussions de l’échelle globale des villes jusqu’à celle d’un citadin dans sa rue ou son habitation.

A l’échelle de l’agglomération, on parle du phénomène d’'îlot de chaleur urbain (ICU), qui consiste en un écart de quelques degrés en température d’air, habituellement de 2 à 6°C mais potentiellement plus important dans des conditions extrêmes, entre les centres-villes densément bâtis et artificialisés et les zones rurales aux caractéristiques d’occupation du sol à dominante naturelle. Il se manifeste surtout la nuit, et en cas de canicule sur plusieurs jours successifs, le manque de rafraîchissement nocturne en ville est source d’impacts défavorables sur la santé des populations sensibles.

En journée, la surchauffe urbaine s’exprime plutôt de manière dispersée et localisée dans des espaces urbains minéraux et confinés, et augmente le stress thermique subi par les usagers. Ce stress dépend non seulement du niveau de température de l’air, mais aussi de l’exposition au rayonnement solaire et infrarouge (« surfaces chaudes ») et au manque de ventilation naturelle. On parle alors d’inconfort qui est plus ou moins impactant en fonction de la fragilité et des activités des citadins.

Parmi les causes principales de la surchauffe urbaine, on recense :

  • l'occupation du sol : la prépondérance de sols minéraux et la rareté voire l'absence de végétation et d'eau ;
  • la morphologie urbaine qui limite la circulation de l'air ou favorise le piégeage et l’absorption du rayonnement solaire et infrarouge ;
  • les matériaux utilisés qui emmagasinent la chaleur la journée et la restituent la nuit ;
  • le dégagement de chaleur issu des activités humaines.

Il s’agit donc d’un phénomène complexe, multi-échelle, dont l’identification et la caractérisation nécessitent le recours à des méthodes et outils adaptés et souvent issus de la recherche.

 

Les enjeux de la surchauffe urbaine

boussole résilience

La surchauffe urbaine a des conséquences importantes sur les individus et le fonctionnement des villes. Elle interpelle de nombreuses dimensions de l’aménagement urbain et peut apparaître dans les grandes agglomérations comme dans les zones densifiées des plus petites villes.  Il est donc indispensable d'en appréhender dès à présent l'ensemble des enjeux  :

  • sur la santé, notamment des plus vulnérables (personnes âgées, enfants, personnes souffrant de maladies chroniques ou de pathologies cardio-respiratoires)  -> Plus d'infos sur le 4e plan national santé environnement 2020-2024
  • sur le confort et le bien-être des habitants ;
  • sur la résilience des territoires soumis à des pressions conjuguées (climatique, foncière, d'entretien des espaces, de crises sanitaires…) ;
  • sur la praticabilité des espaces publics et d'attractivité des centres-villes (en matière résidentielle, commerciale, de services publics…) ;
  • sur les consommations énergétiques (en particulier en raison du recours à la climatisation) ;
  • sur l'adaptation des réseaux urbains, du patrimoine immobilier et des infrastructures ;
  • sur la biodiversité animale et végétale ;
  • sur la présence de l'eau en ville.

La problématique de surchauffe urbaine peut être adressée, à l’échelle communale, dans les démarches de planification et d'aménagement urbain. Afin de mieux l’intégrer dans les Plans Locaux d’Urbanisme, Valence Romans Agglomération a rédigé, dans le cadre de son Plan Climat Air Énergie Territorial, des recommandations pour favoriser la cohérence des politiques d’urbanisme avec les enjeux énergie-climat.
Extrait du webinaire 3/12/20 : 2h01mn06s

Cette approche de la surchauffe urbaine peut aussi être intégrée à une démarche plus globale du territoire. La boussole de la résilience, élaborée par le Cerema, constitue un cadre de réflexion et d’action en apportant des repères pour comprendre la complexité de cette notion de résilience. Elle permet d’accompagner un processus de prise en compte, qui doit être collectif. La boussole s'adapte à toutes les typologies de territoires (communes rurales ou urbaines, petites ou grandes) et également à différentes échelles, depuis le projet d’aménagement jusqu’à des territoires régionaux. Elle contribue à favoriser et à pérenniser la praticabilité et l'attractivité de la ville pour aujourd’hui et pour l'avenir.
Extrait du webinaire 4/2/21 : 1h51mn37s

 

Mon territoire est-il vulnérable ?

nature en ville

Vous êtes élu d'une commune située dans une agglomération urbaine ou vous êtes en charge de l'urbanisme, de la voirie, des espaces verts ou encore de la mobilité au sein d'une collectivité, vous avez un projet d'aménagement en maturation ou vous êtes en cours de révision de votre PLUi ou PLH? Vous souhaitez savoir si votre territoire est fortement impacté ou à minima concerné par la surchauffe urbaine, et, le cas échéant, identifier les zones vulnérables ? Voici un petit éventail de démarches, de méthodes et d’outils de diagnostic inspirants présentés lors du webinaire organisé le 4 février 2021.

Point d’attention sur la mise en œuvre de ces démarches : Ces démarches sont mobilisables pour tout type de zones urbanisées. Cependant, pour la majorité d’entre elles, leur mise en œuvre nécessite une expertise forte ou un accompagnement, compte-tenu de la complexité de mise en œuvre ou des compétences nécessaire pour l’analyse des données de sortie. Notons aussi que certaines démarches impliquent un investissement qui appellent à une vision de long terme et des coopérations intercommunales.

  • L'outil TACCT (Trajectoire d'Adaptation au Changement Climatique des Territoires), développé par l'ADEME, permet d'intégrer la surchauffe urbaine dans les projets de territoires et d'élaborer une politique d'adaptation au changement climatique comprenant le diagnostic, la construction de la stratégie d'adaptation, le plan d'action et enfin l'étape de suivi et d'évaluation.
    Extrait webinaire 4/2/21 : 12 min
  • L’observatoire MustarDijon (Measuring Urban Systems of Temperature of Air Roud Dijon) de l’Îlot de Chaleur Urbain s’appuie sur un réseau de mesures météorologique en continu déployé par un laboratoire de recherche sur le territoire de Dijon Métropole avec de nombreux partenaires (ADEME, CNRS, ARS, Météo France). Près de 50 stations de mesures ont été installées sur tout le territoire de manière pérenne, pour non seulement caractériser et cartographier l‘ICU, mais aussi localiser les îlots de fraîcheur urbains de jour et de nuit.
    Extrait webinaire 4/2/21 : 37 min
  • Le projet MapUCE, financés par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche) et coordonné par le CNRM (Centre National de Recherche Météorologique), a permis de produire des bases de données pour alimenter des simulations climatiques réalisées sur une cinquantaine de villes françaises. Les enjeux ciblés étaient d’estimer l’impact sur le confort d'été et la consommation énergétique des bâtiments. Ce projet interdisciplinaire, réunissant des climatologues, des géomaticiens, des urbanistes, des juristes, des architectes et des sociologues a aussi permis un accompagnement plus soutenu sur 3 collectivités pilotes (La Rochelle, Aix-Marseille et Toulouse) pour l’intégration des éléments quantitatifs de diagnostic dans les documents d’urbanisme.
    Extrait webinaire 4/2/21 : 59mn40s
  • Le projet Diaclimap, porté par le Cerema, a consisté au développement d’une méthode de diagnostic  des ICU à l’échelle des quartiers. L’imagerie satellitaire haute résolution et le recours aux bases de données géomatiques de référence, permettent de produire une cartographie de la ville en zones climatiques locales (LCZ) et ses indicateurs quantitatifs associés. Un croisement avec des mesures microclimatiques mobiles et une approche multicritère en prenant en compte les critères de vulnérabilité permet de produire des données utiles pour alimenter les démarches de planification. Le cas d’étude de référence était la Métropole du Grand Nancy, et des travaux sont toujours en cours pour consolider la reproductibilité des méthodes utilisées.
    Extrait webinaire 4/2/21 :1h26mn30s

Divers outils permettent de produire des éléments de diagnostic, et ce aux différentes échelles d’intérêt. Les mesures météorologiques in-situ (température, hygrométrie, vitesse du vent, rayonnement solaire, etc.) fixes ou mobiles peuvent être combinées à des enquêtes de terrain permettant d'intégrer une dimension qualitative. Chaque territoire peut bénéficier d'un diagnostic adapté à ses besoins, à son budget et à ses objectifs.

Voici quelques retours d'expériences évoqués lors du webinaire du 3 décembre 2020 :

  • A Clermont-Ferrand, dans le cadre du réaménagement de la place Delille, le Cerema a accompagné la Métropole, en lien avec l'agence d'urbanisme locale, pour caractériser le phénomène de surchauffe urbaine. Outre une instrumentation fixe et mobile sur la place et ses abords pour relever les températures et l'hygrométrie, de jour et de nuit, une enquête détaillée sur les ressentis des populations fréquentant cette place a été effectuée, notamment pour identifier les plus vulnérables grâce au déploiement d’une méthode innovante. On observe de nuit, une température plus élevée de 2 à 3 degrés sur la place par rapport à la périphérie.
    Extrait webinaire 3/12/20 : 1h19mn
  • Dans le quartier de Lyon Confluence, 18 ans de retours d'expériences permettent de mieux comprendre comment intégrer la question de la surchauffe urbaine et des îlots de chaleur urbains à toutes les échelles de quartiers. Les Indi-En (indicateurs environnementaux), développés par le bureau d'études Tribu, donnent des éléments plus précis sur les enjeux liés à la surchauffe urbaine en associant un « coefficient de Rafraîchissement Urbain » et l’indicateur de « Rugosité Minérale». Les Indi-En sont aussi déclinés pour la gestion des eaux pluviales et la biodiversité.
    Extrait webinaire  3/12/20 : 55 min

Quels leviers actionner ?

Olivier Brosseau / Terra

De nombreuses solutions existent et ont été expérimentées pour limiter la surchauffe urbaine et rafraîchir les espaces urbanisés. Parmi ces actions, celles relevant de la végétalisation et de la réintroduction de la nature en ville sont parmi les plus mises en œuvre.

  • A Strasbourg, le Centre sportif universitaire a été conçu selon des techniques bioclimatiques afin de réduire le besoin de chauffage et de climatisation et de s'adapter aux futures évolutions climatiques. Semi-enterré, il bénéficie du rafraîchissement sous-terrain tandis que des ouvertures permettent à l'air de circuler pour assurer le rafraîchissement global. Enfin, le rayonnement solaire garantit un apport suffisant de lumière et de chaleur par temps froid qui dispense presque toute l'année d'utiliser des systèmes de chauffage.
    Extrait webinaire 3/12/20 : 1h42mn50s
  • La métropole de Lyon a développé le plan Canopée, mettant l'arbre au service de l'adaptation de la ville au changement climatique, et en particulier de la lutte contre la surchauffe urbaine et les îlots de chaleur urbains. Rue Garibaldi, l'arbre, et plus généralement la végétalisation et la perméabilité du sol, ont été combinées à l'utilisation de matériaux à fort albédo et à l'introduction de l'eau pour rafraîchir l'espace public.
    Extrait webinaire 3/12/20 : 2h26mn
  • Le Projet Sesame, élaboré par le Cerema, vise à conseiller les collectivités dans le choix des essences d’arbres plantés. Développé avec la Ville de Metz et Metz Métropole, cet outil permet de choisir quelle essence planter en fonction des services rendus espérés : réduction des îlots de chaleur, support de biodiversité, fixation des particules fines, rôle paysager... Cette méthodologie prend également en compte les contraintes que peuvent représenter les végétaux : risque allergique, branches cassantes, dépôt de miellat, etc.
  • A Grenoble, le projet de réaménagement des cours d'école destiné à améliorer leur confort thermique, notamment en période de fortes chaleurs, grâce à une désimperméabilisation partielle, a fait l'objet d'une étude approfondie prenant en compte non seulement des données quantifiables mais aussi l'écoute des usages de cet espace par ceux qui le pratiquent, notamment des enfants. Les circulations, les flux, les pratiques pédagogiques et récréatives ont été prises en compte au travers d'ateliers. Un diagnostic sensible et un diagnostic des usages ont été confrontés aux souhaits et aux freins (notamment financiers), permettant de donner corps à un projet réaliste.
    Extrait webinaire 3/12/20 : 27mn30s

Un projet est toujours le fruit d'une co-construction

Atelier collaboratif

A l'instar de l'expérimentation menée à Grenoble, un projet d'atténuation de la surchauffe urbaine est toujours le fruit d'une co-construction partenariale. Différents outils se développent pour faciliter, guider et évaluer la qualité de participation autour d’un projet.

L’outil ClimaSTORY est un support ludique d'animation et de réflexion collective créé par AURA-EE en 2019 et enrichi grâce aux contributions de nombreux partenaires. Les solutions d'adaptation au changement climatique se déclinent en 5 thèmes d'activités économiques : agriculture et forêt ; industrie ; tourisme, commerce et artisanat ; sécurité et santé ; aménagement, gestion des ressources et de la biodiversité.

La boussole de la participation élaborée par le Cerema est un outil disponible sous forme d'application web, qui a pour objectif de guider dans la construction d'une démarche participative. Elle apporte des repères à partager, voire à co-consruire avec l'ensemble des parties prenantes, et permet de rendre compte du travail accompli et de dresser un bilan.
Extrait  webinaire 4/2/21 : 1h51mn37s

 

Les replays

Webinaires "La résilience urbaine et le confort thermique face aux effets des îlots de chaleur urbains"