Cet article fait partie du dossier : Mobility as a service MaaS
Voir les 16 actualités liées à ce dossierLe MaaS permet de les réguler, de mieux les faire connaître, et de les connecter entre-eux, reliant ainsi les territoires et leurs habitants.
Le terme « intermodalité » renvoie à l’utilisation successive de plusieurs modes de transport pour réaliser un déplacement. En théorie, il embrasse tous les modes, mais dans la pratique, les politiques intermodales mises en œuvre jusqu’à aujourd’hui étaient surtout centrées sur les transports publics et la voiture personnelle. L’élargissement des politiques intermodales au vélo et aux nouveaux services de mobilité est plus récent et partiel, se traduisant essentiellement par des aménagements physiques aux abords des gares ou pôles d’échange, et allant parfois jusqu’à l’intégration de services de location de vélo en libre-service ou d’autopartage sur un support billettique interopérable.
Le MaaS permet de pousser plus loin le concept d’intermodalité, en proposant des outils qui vont faciliter cette pratique complexe : information multimodale complète avec calculs d’itinéraires intermodaux, tarification et processus d’achat combinés (sous forme d’abonnement multimodal, de paiement à l’usage avec un processus unique d’achat de titres pour un trajet intermodal, ou encore avec un système de post-paiement et une facture unique multimodale en fin de mois), et support unique pour accéder à chacun de ces services. Le tout pour un bouquet de services de mobilité.
Néanmoins, pour être efficace, le Maas doit s’appuyer sur une offre performante, et donc aussi sur une « offre intermodale » performante. La coordination spatiale (et temporelle pour les offres de transport à horaires) est donc primordiale et nécessite en conséquence des aménagements physiques et organisationnels réels, hors de la sphère du numérique. Si cet effort a parfois déjà été réalisé dans les pôles d’échanges multimodaux et autres parcs-relais, il devra dans les années à venir s’étendre à tout le territoire, car les nouvelles technologies rendent maintenant envisageables de nouvelles pratiques intermodales plus diffuses. On peut ainsi stationner sa voiture proche d’un arrêt de transport et poursuivre son trajet en transport collectif. L’amélioration de la marchabilité devient donc un enjeu autour de chaque arrêt, et donc sur tout le territoire !
QUEL MAAS POUR QUEL TERRITOIRE ?
Le MaaS est un concept. Il va se traduire différemment en fonction de l’offre disponible sur le territoire, en fonction des objectifs poursuivis, et en fonction de sa population cible.
La singularité du MaaS est d’avoir le transport capacitaire (Mass transit) comme colonne vertébrale, mais la personnalisation fine des solutions de déplacement comme réelle plus-value.
En effet, pour être attractifs, les outils MaaS doivent fournir un service personnalisé, adapté aux conditions temporelles et spatiales du trajet souhaité, ainsi qu’aux préférences et capacités de l’utilisateur. Le panel des offres et des fonctionnalités proposés doit donc s’adapter aux objectifs du système : aider les touristes à se déplacer vers les lieux touristiques, inciter les habitants à choisir des déplacements plus vertueux, voire viser des gains financiers pour des MaaS privés…
Chaque autorité organisatrice de la mobilité doit donc analyser l’ensemble des offres disponibles sur son territoire (publiques ou privées), identifier les priorités parmi ses politiques publiques, pour enfin définir sa stratégie en termes d’aide à la mobilité. Le niveau minimal consiste à donner une simple information sur les offres qu’elle organise… Le niveau maximal consisterait à proposer une vraie mobilité servicielle, avec intégration complète de tous les modes pour toutes les fonctionnalités (information, réservation, achat, validation…). Cette question se pose différemment pour une AOM locale ou pour une région.
LE MAAS URBAIN
C’est naturellement en milieu urbain qu’apparaissent les systèmes les plus avancés vers le MaaS. À Montpellier, les fonctionnalités et l’intégration sont assez avancées, mais restent appliquées à des offres publiques. Le Compte mobilité de Mulhouse (achat et validation par smartphone pour l’autopartage Citiz et accès aux parkings privés par carte) et Moovizy 2 à Saint-Étienne (réservation et paiement pour les taxis, parkings privés, et l’autopartage Citiz) sont les premiers en France à proposer une intégration complète d’offres privées dans un MaaS. En Europe, les premiers furent proposés par des MaaS privés comme Whim à Helsinki (avec taxis et locations de voiture) ou plus récemment Ubigo à Stockholm (taxis, locations de voiture et autopartage), mais les MaaS publics s’y mettent petit à petit : taxis à Hanovre ; autopartage, vélos et scooters en libre-service à Berlin. Rassembler toute l’offre – publique et privée – dans un même système a un double avantage : il permet de proposer encore plus de trajets intermodaux pertinents, et il devient l’outil incontournable des mobilités, avec une visibilité accrue, qui sert les intérêts de chaque opérateur.
Mais dans les grandes agglomérations, le périmètre institutionnel est souvent trop limité par rapport à la réalité des bassins de vie. Ainsi, à Grenoble, le projet de MaaS pourrait dépasser le ressort territorial métropolitain et s’adresser également aux territoires avoisinants. Le MaaS deviendrait alors un élément clé pour faire le lien entre le milieu urbain et le milieu périurbain.
Le projet de loi d’orientation des mobilités est construit dans ce sens. Il institue en effet les bassins de mobilité, qui « regroupent » plusieurs AOM. Et à partir de 2023, c’est à l’échelle de tout un bassin de mobilité qu’un MaaS devra proposer une offre de transport, devenant ainsi un vecteur de la structuration du projet de territoire.
LE MAAS RÉGIONAL
Mais en dehors des AOM importantes, les petites villes et villes moyennes ne pourront vraisemblablement pas investir autant. Et c’est bien sûr encore plus le cas en zone
peu dense. Pour ces territoires, le MaaS ne pourra venir que d’une initiative régionale. La complexité d’un dispositif de MaaS régional est de proposer à la fois des fonctions communes utiles à tous les territoires, tout en restant modulaire et ouvert pour que des MaaS urbains puissent se développer en se basant sur cette architecture régionale pour rationaliser l’ensemble et diminuer les coûts. En Autriche, à Vienne, le MaaS mis en place par l’opérateur public WienerLinien s’appuie ainsi sur des itinéraires calculés par une plateforme nationale et sur des produits tarifaires gérés par une plateforme régionale.
La difficulté dans les zones peu denses, c’est précisément que les offres de mobilité mobilité sont limitées. Pour proposer une mobilité servicielle, il faudra donc organiser ces offres en rabattement vers les axes structurants lorsqu’ils existent, et il faudra s’assurer que la plate-forme réunit 100 % des offres existantes : taxi, covoiturage ou encore transport à la demande ne pourront pas être mis de côté, comme c’est souvent le cas pour des MaaS urbains.
Les MaaS régionaux rendront plus visible un ensemble de services de mobilité, avec une information multimodale et intermodale, avec un support de validation commun et un système de tarification combinée. Ils seront ainsi un objet concret qui fera le trait d’union entre toutes les mobilités, et entre les différents bassins de mobilité, concrétisant ainsi pleinement leur rôle réaffirmé de chef de file de l’intermodalité.
ET AU NIVEAU NATIONAL ?
L’État français a renoncé il y a quelques années à mettre en place un calculateur national public, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. La SNCF s’est donc naturellement positionnée sur ce créneau, ajoutant petit à petit l’information sur les réseaux urbains pour commencer ou terminer son itinéraire. La SNCF étoffe maintenant son offre en vendant des titres de transport de tiers sur son application « L’Assistant » (la CTS à Strasbourg pour commencer), devenant ainsi de fait le candidat le plus sérieux au titre de Maas national. Ce service vise les déplacements interurbains de longue distance : pour la SNCF, il ne s’agit pas de concurrencer les collectivités, mais plutôt d’éviter l’apparition d’acteurs globaux qui pourraient vendre - entre autres - des billets ferroviaires.
Auteur :
Laurent CHEVEREAU, Directeur d’études « Mobilité servicielle - MaaS » au Cerema
Illustrations :
- En-tête de l'article : Antoine Couffinet (licence CC - BY - NC - ND)
- Application l'Assistant : SNCF
Article publié dans la revue TEC Mobilité intelligente : le n° 244 de janvier 2020
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