Les enquêtes ménages (EMC2) réalisées depuis montrent une baisse de la mobilité moyenne de la population, de l'ordre de 10%, après des décennies de stabilité. Quatre ans plus tard, quelles modifications de pratiques sont encore à l’œuvre ? L’offre de transport et les fréquentations sont-elles revenues aux niveaux précédents la crise ?
Cet article résume une étude en cours des impacts sur les transports générés par la crise sanitaire et l’évolution des comportements de déplacement des Français. Il s'appuie à la fois sur la littérature produite sur le sujet, et sur certaines analyses réalisées par le Cerema. Les DREAL Bretagne et DREAL Pays de la Loire étant commanditaires de l’étude réalisée par le Cerema Ouest, un zoom particulier est fait sur ces deux régions.
Le développement du télétravail et ses impacts sur les déplacements
Durant la crise sanitaire, le télétravail a été fortement incité, voire même imposé pour les activités le permettant lors des pics épidémiques, par le gouvernement Français. Lors de la première période de confinement en mars 2020, la Dares estime à environ 25% la part des actifs du secteur privé en télétravail et à 25% ceux mis en situation de chômage partiel. Début 2021, la Dares évalue la part des télétravailleurs réguliers parmi les salariés du privé (y compris actifs en congés, arrêt…) à 15% (19% hors congés) soit 3 fois plus qu’avant Covid (source : Dares, enquête Acemo Covid).
Dans les EMC2 (Enquêtes Ménages Déplacements Certifiées Cerema) post-Covid, 23% des actifs interrogés déclarent faire du télétravail. En 2022, un jour moyen de semaine, sur l’ensemble des actifs, 5,6% sont effectivement en télétravail à leur domicile (le jour de description des déplacements lors de l’EMC2), contre 1% avant Covid. Pour approfondir l’analyse du télétravail dans les EMC2 post-Covid, un article dédié à ce sujet est disponible ici.
Dans sa synthèse de septembre 2023, l’AURAN relève que la pratique du télétravail s’est fortement développée sur le territoire de Nantes Métropole depuis 2020, puisque selon le baromètre mobilité de 2022, 43 % des actifs déclaraient pratiquer du télétravail, contre 30 % en 2020 avant le second confinement. De plus, même si tous les métiers ne sont évidemment pas concernés, la pratique s’est élargie en touchant un plus grand nombre d’activités. En moyenne, en 2022, la moitié des télétravailleurs le faisaient au moins un jour par semaine (avec toutefois une forte disparité d’usage, notamment selon les métiers).
Les "effets rebonds" de la pratique du télétravail, tels que des nouvelles mobilités quotidiennes depuis le domicile, ou encore la relocalisation des logements ont été recensés par l’Ademe et Greenworking dans une étude de 2020. Cependant, tous ces effets ne sont pas quantifiables aujourd’hui, du fait d’un manque de recul et d’une multiplicité de facteurs autres que le télétravail. Il semble cependant que le télétravail amène des modifications dans les habitudes sur la semaine, ou sur le mode utilisé :
- nouveaux déplacements près du domicile : courses, nouvelles activités sportives ou familiales ; cependant les premières analyses montrent que ces activités seraient en réalité soustraites du week-end ;
- des reports modaux vers les modes actifs ont été relevés lors des "focus groupes" organisés par l’Ademe, de part des déplacements plus proches du domicile et moins complexes (par rapport à un trajet domicile-travail comprenant différents arrêts).
Une possible relocalisation du domicile, plus éloigné du lieu de travail grâce à la réduction du nombre de déplacements pendulaires, n’a pas encore été mesurée, ce qui peut notamment s’expliquer par le temps long nécessaire pour un tel changement de vie. La fréquence maximale du nombre de jours de télétravail dans la plupart des entreprises n’est pas propice à un éloignement conséquent du lieu de travail (autre région par exemple).
Une évolution des habitudes d’achat qui se confirme
D’après l’analyse réalisée en 2020 des EMC2, les achats sont le deuxième motif de déplacement dans les territoires, après l'activité professionnelle, et représentent plus de 20 % des déplacements sur un jour moyen de semaine. La période de crise sanitaire a favorisé le développement de nouvelles pratiques d’achats, de par la crainte de sortir de chez soi ou d’être proche physiquement d’autres personnes.
En 2020, les Français préfèrent faire leurs courses alimentaires dans les supérettes et supermarchés plutôt que dans les grands hypermarchés (source Insee, comparaison des chiffres d’affaires). De plus, la pratique du Drive se développe fortement (+13% en 2020). Le phénomène des livraisons de repas à domicile va également se développer très fortement en 2020, notamment en raison de la fermeture administrative des restaurants et lieux de restauration. Ainsi, entre août 2019 et août 2020, d’après les chiffres publiés par la plateforme Uber Eats, le nombre de livraisons a progressé de 130%.
Ces nouvelles habitudes de consommation en ligne se confirme avec le temps. L’analyse Baromob 2022, publiée par le Cerema, l’Université Gustave Eiffel et l’Ademe, indique que 38% des personnes ont acheté des produits alimentaires en ligne au cours du dernier mois. Cependant, la pratique de l'achat par internet ne semble pas réduire la mobilité pour les achats en magasin. L’achat en ligne ne faiblit pas, et continue de progresser en 2023 : 106 milliards d’euros ont été dépensés en ligne (produits et services confondus) en France, une hausse de 10,5% sur un an (source : FEVAD).
Les déplacements en voitures individuelles ne sont toujours pas revenus aux niveaux de 2019
Les déplacements routiers ont été fortement affectés par le Covid-19 pour diverses raisons : restrictions de circulation, arrêts d’activité professionnelle, mises en chômage partiel et recours exceptionnel au télétravail. La voiture individuelle a été un refuge au pic de la crise sanitaire, ce moyen de locomotion permettant d’être isolé des autres et répondant à la peur de la contamination. Il est possible de visualiser l’évolution du trafic des véhicules sur l’outil Dataviz du Cerema, ce qui donne une perspective très intéressante sur les flux routiers lors de la période de forte crise sanitaire en 2020 et 2021.
Le bilan annuel 2022 des transports, publié par le Service Données et Études Statistiques indique que le transport de voyageur retrouve quasiment son niveau d’avant crise sanitaire. Avec 999,7 milliards de voyageurs-kilomètres, le transport intérieur de voyageurs poursuit sa reprise en 2022 et n'est plus que 3,4 % en deçà de son niveau de 2019.
Grâce à la concaténation des données de comptages routiers sur les régions Bretagne et Pays de la Loire (données de comptage des gestionnaires des réseaux nationaux et départementaux - Conseils Départementaux, Vinci Autoroute, Direction Interdépartementale des Routes Ouest), il est possible de voir l’évolution du trafic entre les années pré et post-Covid.
On voit ainsi qu’en Bretagne, l’année 2020 a vu une diminution d’environ 15% du trafic routier (tous axes confondus). Il aura fallu attendre 2022 pour retrouver (et dépasser de 2 points) le niveau de trafic de 2019.
Cependant, en 2022 le trafic routier (tous comptages confondus) n’a pas encore retrouvé le niveau qu’il aurait pu avoir en prévision linéaire, en l’absence de la crise sanitaire (prévision linéaire réalisée par le Cerema).
En région Pays de la Loire, la diminution de trafic a également été de 15% en 2020. En 2021, le trafic est revenu au niveau qu’il était en 2016. En 2022, l’indice était supérieur de 1 point seulement à celui de 2019.
Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, le trafic routier tous véhicules n’a pas retrouvé le niveau qu’il aurait pu avoir en prévision linéaire, montrant ainsi que la crise sanitaire a eu un très fort impact et a causé une diminution des flux routiers.
Il n’est pas statistiquement représentatif de faire un zoom sur les zones urbaines denses de Bretagne (peu de données de comptages routiers transmises par les gestionnaires pour les années 2021 et 2022), ni sur les zones rurales (réseau de comptages routiers distendu). Cependant, nous pouvons faire ce travail d’observation plus fin sur les métropoles ligériennes, où l’on observe des situations contrastées.
Ci-dessous, une première observation du trafic tous véhicules, autour des trois pôles urbains, avec un indice 100 en 2016, où l’on observe que le trafic routier autour d’Angers a été beaucoup moins impacté par les différents confinements et couvre-feux de 2020.
Zone géographique autour d’Angers :
Le réseau routier d’Angers et ses environs a vu une diminution assez faible de son trafic en 2020, en comparaison avec la moyenne régionale (-5,5% par rapport à 2019 contre -15%). Ci-contre, les points de comptage pris en considération sont indiqués en jaune sur la carte. En 2021, le trafic était encore inférieur de 3,5 points à 2019.
Une prévision linéaire du trafic a été réalisée à partir des données de trafic routier depuis 2011. On remarque ainsi qu’en 2022 le trafic a quasiment atteint les chiffres de prévision du trafic, les impacts de la crise sanitaire ont donc été résorbés, d’un point de vue du trafic routier.
Zone géographique autour du Mans :
Le réseau routier autour du Mans a connu une baisse significative de son trafic tous véhicules de -16,4% en 2020 par rapport à 2019 (-21,5% par rapport à la projection de trafic attendu en 2020). Ci-contre, les points de comptage pris en considération sont indiqués en jaune sur la carte. En 2021, le trafic était encore inférieur de 2 points à 2019.
La projection linéaire du trafic tous véhicules depuis 2011 permet de se rendre compte que, même si le trafic routier en 2022 dépasse celui de 2019, il reste encore 5 points en dessous du niveau estimé en l’absence de la crise sanitaire.
Zone géographique autour de Nantes :
Le trafic sur le réseau routier étudié autour de Nantes a diminué de -18% entre 2019 et 2020, plus fortement que la moyenne régionale. Cette diminution est même de -24% par rapport à la projection de trafic attendu en 2020. Ci-dessous, les points de comptage pris en considération, particulièrement autour du périphérique nantais, sont indiqués en jaune sur la carte.
En 2021, le trafic était encore inférieur de 10 points à 2019. En 2022, le trafic routier de 2019 n’avait toujours pas atteint son niveau de 2019 (-4 points), et accusait un retard de 11 points par rapport à la projection linéaire du trafic depuis 2011.
Cette forte contraction du trafic peut s’expliquer notamment par la pratique plus fréquente du télétravail au sein des actifs de la métropole. En effet, une étude de 2023 de l’AURAN montre que 43 % des actifs de Nantes Métropole déclarent pratiquer du télétravail au moins un jour par semaine. Cette analyse des trafics routiers tous véhicules de 2022 montre que les flux ne sont pas encore revenus à la hauteur des tendances des années 2010.
Après l’effondrement du covoiturage durant la crise sanitaire, la pratique prend de la vitesse
Le covoiturage a connu une forte chute de la demande en 2020 en raison des confinements et restrictions de circulation successifs. Une analyse du Registre National de Preuves de Covoiturage réalisée en août 2021 montre que les trajets courte distance ont fortement diminué suite au 1er confinement et peinaient à revenir à la normale. Le graphique ci-dessous présente le nombre de trajets enregistrés au niveau national et sur certains réseaux locaux.
Cependant, l’évaluation réalisée dans le cadre du dispositif incitatif Aléop Covoiturage de la Région Pays de la Loire sur la période janvier 2021 – juillet 2022 permet de mettre en évidence une forte progression (+500% sur un an !) de la pratique du covoiturage observée dans le RPC [1] sur la région, et ce malgré une période encore marquée par les restrictions liées au COVID. L’année 2022 marque donc une forte reprise de la pratique du covoiturage, cette hausse se confirmant en début d’année 2023 (voir graphique ci-dessous présentant le nombre de trajets mensuels pour la région Pays de la Loire).
Cette accélération de la pratique du covoiturage organisé a été favorisée par la mise en place d’incitations financières par les collectivités (par exemple le dispositif Aléop en région Pays de la Loire qui rétribue les conducteurs et finance en partie le trajet des passagers). De plus, l’augmentation forte des prix du carburant début 2022 suite à l’éclatement de la guerre en Ukraine semble avoir contribué au développement de la pratique.
[1] Le Registre de Preuve de Covoiturage est une base de données des trajets de covoiturages effectués par le biais d’un opérateur de covoiturage qui fournit ces données. Le registre est également un intermédiaire entre les collectivités et les opérateurs de covoiturage lorsqu’une subvention est versée aux passagers ou aux conducteurs, en vérifiant que le trajet rempli bien les conditions du conventionnement.
Le vélo, grand gagnant des transports urbains
Début 2020, avant le début de la crise sanitaire, 2,9% des actifs se déplaçant pour aller au travail le font principalement à vélo, ce chiffre est légèrement supérieur à 2019 (2,5%) [2].
À la sortie du 1er confinement en mai 2020, de nombreuses villes et collectivités se sont inspirées des techniques de l’urbanisme tactique [3], pour créer des pistes cyclables temporaires, appelés coronapistes. Ces infrastructures permettaient de répondre à l’accroissement du nombre de pratiquants du deux-roues en ville, et de favoriser l’offre alternative à la voiture individuelle alors que la capacité des transports collectifs était fortement diminuée. Ainsi, la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB) estimait en juin 2020 que plus de 1000 km de coronapistes avaient été créées en France en 2020.
Ces aménagements aisément reconnaissables par leur peinture jaune (synonyme de leur caractère temporaire) ont été mis en place très rapidement car demandant peu de moyens (simples plots ou glissières béton, peinture pour les matérialiser, pas d’études préalables d’estimations de trafic). Un guide de recommandations techniques a été publié à la sortie du premier confinement afin d’orienter les collectivités dans la création de ces pistes provisoires.
Ces coronapistes ont rendu très visible la place du vélo en ville, et ce mode de transport a trouvé un support politique très fort lors de la crise sanitaire. Le "coup de pouce vélo" mis en place par l’Etat en mai 2020 a soutenu la pratique par les Français, en finançant la réparation de près de 1,2 millions de vélos (réparation gratuite à hauteur de 50€ chez les partenaires agréés).
Dès 2021, certaines collectivités ont profité du succès de ces aménagements transitoires pour les améliorer et les pérenniser, dans certains cas. Par exemple, la maire de Nantes, Johanna Roland a annoncé en février 2021 que 21 km de pistes cyclables seraient pérennisés.
Les observations de Vélo & Territoires confirment une tendance à la hausse de la fréquentation des aménagements cyclables en 2021 avec 18 % de passages de vélos par rapport à 2019 et +26 % par rapport à 2017. La fréquentation progresse quelle que soit la pratique et quel que soit le milieu observé. Bien qu’enregistrant les taux de croissance les plus importants, la pratique en milieu rural et la pratique de loisirs (respectivement +17 % et +19 % chacune par rapport à 2019) ne sont pas celles qui impactent le plus la moyenne nationale.
En effet, les volumes comptabilisés en milieu urbain et pour la pratique utilitaire (+18 % chacun par rapport à 2019) sont tels qu’ils pèsent fortement sur l’image nationale. À échantillon comparable, sur les cinq dernières années, le nombre de passages de vélos enregistrés par les compteurs a augmenté de 26 %. Cette croissance s’accélère après une phase de stabilité entre 2018 et 2019, précédentes années de records pour les compteurs partagés avec la Plateforme Nationale des Fréquentations (PNF).
En 2022, la fréquentation cyclable augmente de 13 % au niveau national par rapport à 2021. Ce chiffre masque deux tendances différentes. D’un côté, la poursuite d’une forte progression des pratiques utilitaires (+15 %) et urbaine (+14 %). De l’autre côté, une progression modérée, voire une stagnation pour les autres milieux (+2 % en périurbain et +4 % en rural) et pratiques (+3 % pour les loisirs, +5 % pour la pratique mixte). Ces dernières semblent atteindre un nouveau plafond. Les motifs de déplacement sont réalisés grâce au typage des compteurs en fonction de l’usage de la voie. Cette catégorisation, réalisée selon le profil horaire et journalier des données produites par les compteurs observés, permet de classer les compteurs présents dans la PNF en trois catégories : utilitaires, mixtes et loisirs.
Selon les chiffres communiqués par l’observatoire du cycle, porté par l’Union Sport & Cycle, 2,8 millions de vélos ont été vendus dans l’Hexagone au cours de l’année 2021, soit 4 % de plus qu’en 2020.
Toujours d’après l’observatoire, le vélo a été le moyen de transport le plus vendu en France en 2022. Près de 2,6 millions de vélos neufs ont été vendus, ce qui représente 43% des moyens de transport individuels vendus. Ce qui place le vélo largement en tête devant les trottinettes (26,5%) et les voitures (26%). Cette croissance des ventes est portée par les vélos à assistance électrique (VAE), avec 738 000 unités vendues en 2022, soit 28% des ventes de vélos en volume. Les incitations gouvernementales et les aides à l’achat (notamment pour les VAE) ont contribué à la progression des ventes.
D’après l’Union Sport & Cycle, en 2023, le marché du vélo connait un certain essoufflement, avec une baisse de volumes vendus de 14% (2,23 millions de vélos neufs vendus), les volumes de ventes de VAE baissant de 9%. L’année dernière, les VAE ont tout de même représentés 30% des ventes de vélo, soit une hausse de 2 points par rapport à 2022. L’Union Sport & Cycle explique ce recul par un contexte économique difficile pour les Français (inflation, crise énergétique) mais maintient ses prévisions d’une part de marché des VAE atteignant 35% en 2025 et 50% en 2030.
À Rennes, 3e ville française de plus de 100 000 habitants dans le palmarès des "villes cyclables" de la FUB, les services à la mobilité de la ville ont pu observer une hausse de 66 % de la pratique cycliste entre 2019 et 2021. L’’agence d’urbanisme locale, l’AUDIAR, a publié une synthèse des travaux d’étudiants réalisés entre septembre 2020 et avril 2021, permettant de décrire les mesures prises et leurs effets sur la pratique cyclable, avec comme terrain d’étude la métropole rennaise. L’AUDIAR constate ainsi que les nouveaux aménagements temporaires (urbanisme tactique) ont été globalement bien reçu par les habitants mais que les cyclistes expérimentés regrettent une séparation avec les véhicules motorisés non satisfaisante [4]. Une enquête en ligne réalisée en avril 2021 par la métropole avait tout de même décelé une volonté de changement de pratique par les habitants, avec 19% qui déclaraient vouloir développer leur usage du vélo.
D’autres collectivités bretonnes développent également des stratégies pour promouvoir la pratique cycliste. Par exemple, Landerneau a lancé un service de vélos en libre-service en mai 2021. Cela représente plus de 1 800 utilisateurs. De même à St-Brieuc où un service a été créé en en mai 2022.
L’EMC2 réalisé sur la Grande Région Angevine entre septembre 2021 et 2022 montre une progression de la part modale du vélo en 10 ans (comparé à l’EMC2 de 2012). L’agence d’urbanisme angevine a ainsi comparé les deux enquêtes, en retravaillant les périmètres géographiques. La part modale vélo a ainsi doublé en 10 ans sur Angers Loire Métropole (ALM), pour atteindre 6%.
Le territoire des Sables d’Olonne a également eu deux enquêtes mobilités réalisés, une en 2010 et une fin 2021. La part modale du vélo a été multiplié par trois en 10 ans pour atteindre 6% (en comparaison le vélo représente 3% des déplacements du département vendéen).
[2] Données enquête annuelle INSEE (janv/fév), sur les personnes de 15 à 74 ans ayant un emploi ou en apprentissage, en France métropolitaine.
[3] L’urbanisme tactique peut se traduire comme une approche novatrice, pour penser l’espace public, en partant des usages, à partir de l’expérimentation d’aménagement légers et peu couteux.
[4] AUDIAR, Pratique vélo et urbanisme tactique - Premiers enseignements des aménagements post-covid, Synthèse Janvier 2022.
Les transports collectifs urbains ont été très impactés par la crise sanitaire
En mars et avril 2020, lors du 1er confinement lié à la crise sanitaire, la fréquentation des transports en commun a diminué de 90%. En France, tous les réseaux de transports en commun ont ainsi dû diminuer leur offre, à la fois en raison de cette baisse de la fréquentation et de nombreuses absences de chauffeurs.
En 2022, sur certains réseaux la fréquentation est revenue quasiment à celle de 2019 mais beaucoup de réseaux (notamment dans les villes moyennes) restent sous les fréquentations de 2019. Dans le Grand Ouest, les résultats de la fréquentation des réseaux sont contrastés. Les graphiques ci-dessous présentent à la fois l’évolution de l’offre des différents réseaux (nombre de kilomètres commerciaux offerts, ordonnée de gauche) et l’évolution de la fréquentation (nombre de voyages effectués sur le réseau, ordonnée de droite). À Nantes Métropole en 2022, la fréquentation était toujours légèrement inférieure à 2019 (-7% de voyages par rapport à 2019). Pour 2023, les premières annonces de la Semitan présagent d’une fréquentation qui revient enfin au niveau de 2019.
Quant au réseau de Le Mans Métropole, il souffre encore de la désaffection des usagers (-16% de voyages en 2022 par rapport à 2019), les chiffres n’étant pas encore disponibles pour 2023. Pourtant durant ces trois années 2020 à 2022, la population de ces métropoles a continué d’augmenter, ce qui contraste avec ces taux de fréquentation qui ne retrouvent pas les niveaux de 2019.
À Rennes Métropole, les chiffres de l’offre et de la fréquentation sont positifs et peuvent s’expliquer par l’ouverture de la deuxième ligne de métro à l’automne 2022 (absence de chiffres de fréquentation pour 2021).
Le transport ferroviaire tire son épingle du jeu
D’après le bilan annuel du SDES, le transport ferroviaire de passagers atteint un niveau record en 2022 (+6,6% par rapport à 2019 en nombre de voyageurs-kilomètres), avec notamment une forte croissance pour les TGV (+10,6%) et les trains sous conventions des conseils régionaux (+24,8%). Pourtant, ce mode de transport a été, lui aussi, fortement impacté par la crise sanitaire : en 2020, la déprogrammation des trains de voyageurs a atteint plus de 25%, un chiffre historique (-17 points par rapport à 2019).
L’offre en trains.km parcourus en 2020 a ainsi diminué de 21% par rapport à l’année précédente. Cette baisse a été plus forte sur les réseaux commerciaux domestiques et internationaux que sur les réseaux conventionnés (-13% pour les TER), en raison d’un appel des autorités organisatrices de transport à maintenir l’offre.
D’après l’Autorité de Régulation des Transports (ART), la fréquentation retrouve une forte croissance avec plus de 100 milliards de passagers.km transportés en 2022, un chiffre supérieur de 2 % au niveau de 2019. Les services conventionnés TER et Intercités ont connu la plus forte progression depuis 2019, avec une hausse de +12 %. Les services commerciaux ont également connu un fort regain avec une hausse de +4 % depuis 2019, malgré une reprise plus lente des services internationaux.
Après avoir été fortement marqués pendant deux ans par la crise sanitaire, les taux d’occupation des services ferroviaires voyageurs retrouvent leur niveau de 2019, traduisant une reprise de la demande. Le niveau estimé sans crise sanitaire (prévision linéaire) n’est pas encore atteint (voir graphique ci-dessous) mais la courbe de croissance forte montre une belle dynamique et une attirance des voyageurs pour le train, après une décennie 2010 plutôt morose. Cette progression est d’ailleurs très nette sur les services commerciaux domestiques, avec un niveau record de 74% de taux d’occupation, en hausse de 2,5 points par rapport à l’avant-crise.
Sur les lignes conventionnées, l’augmentation de la demande est supérieure à l’augmentation de l’offre dans la plupart des régions. Ainsi, les lignes Intercités ont vu leur fréquentation augmenter de 13% entre 2019 et 2022, pour une offre en hausse de 9%.
Les chiffres communiqués par la SNCF sont également positifs pour l’année 2023 : le train à grande vitesse a enregistré un nouveau record de fréquentation, avec 122 millions de passagers transportés, en hausse de 4 % par rapport à 2022. Le TER continue lui aussi de connaitre un succès de fréquentation, avec +7% en 2023 (soit une hausse de +21% par rapport à 2019). Les trains Intercités ont eux aussi connu une croissance soutenue, avec 11 millions de voyageurs (+4,5 %). Ces chiffres sont à mettre en comparaison avec l’année 2019, où le nombre de passagers.km est en croissance de +4,7% par rapport à 2018, après une décennie en dents de scie.
Un marché des cars longue distance qui se structure
L’offre des cars longue et moyenne distance était en plein développement à l’aube de la crise du coronavirus, suite à la libéralisation du transport de voyageurs par car en 2015 (dits "cars Macron"). Durant le premier confinement, en mars 2020, les deux opérateurs nationaux Blablabus et Flexibus ont totalement interrompu leurs services. La reprise a été progressive à partir du mois de juin puis durant l’été 2020.
L’Autorité de Régulation des Transports fait le constat, dans son rapport annuel de 2022 sur le marché du transport par autocar, que l’activité s’accentue mais n’a pas encore retrouvé son niveau de 2019. En 2022, l’offre atteint 84% de celle de 2019 :
Ainsi, l’offre s’est resserrée à la fois sur le nombre de destinations desservies (-18% d’unités urbaines desservies entre 2019 et 2022) et le nombre de départs quotidiens (-22% entre 2019 et 2022).
Le taux d’occupation moyen a lui augmenté, grâce à la reprise de la demande. Entre 7,8 et 9,3 millions de passagers ont emprunté les cars SLO en 2022 sur des liaisons domestiques (fourchette de valeurs afin d'assurer le secret des affaires, prescriptions de l'INSEE), soit une hausse de plus de 90 % sur un an et la fréquentation retrouve un niveau équivalent à celui de 2018.
Il est intéressant de noter que l’ART constate une très forte augmentation du nombre de déclarations de SLO pour les trajets de 100 km ou moins en 2022, ce qui montre un repositionnement de l’offre sur des liaisons locales.
La collecte automatisée des données de l’ensemble des trajets au départ et à l’arrivée de la région Pays de la Loire en 2020 montre la très grande agilité des opérateurs à modifier leurs services en fonction des contraintes et de la demande. Ainsi, après avoir totalement arrêté leurs services lors du premier confinement, le nombre de trajets offerts à l’été 2020 représente près de 90 % de l’offre proposée un an avant. Cette performance est d’autant plus remarquable que, dans le même temps, plusieurs autorités organisatrices de liaisons routières régionales connaissent de grandes difficultés de recrutement de chauffeurs pour assurer leur plan de transport. C’est le cas notamment de la région des Pays de la Loire. À fin 2022, 115 lignes SLO sont actives dans la région, dont 15% sont infrarégionales. Les trois liaisons infrarégionales les plus fréquentées sont : Angers-Nantes, Angers-Le Mans et Le-Mans-Nantes, d’après l’ART.
En région Bretagne, au 31 décembre 2022, 170 lignes SLO sont actives, dont 27 % concernent des liaisons infrarégionales. Les trois liaisons infrarégionales les plus fréquentées sont : Brest-Lorient, Lorient-Rennes et Rennes-Vannes, d’après les chiffres des fiches régionales de l’ART.
Le secteur aérien peine à retrouver sa croissance d’avant crise sanitaire
En 2020, en nombre de passagers, le transport aérien en métropole est réduit de moitié (-56,8 %), tandis que le transport aérien total (métropole, outre-mer et international) est réduit de deux tiers (- 69,8 %) par rapport à l’année précédente.
Les compagnies aériennes, afin de limiter leurs coûts dans ce contexte où la population subit des restrictions de circulation, réduisent fortement leur offre à partir de mars 2020 [5]. Si les compagnies traditionnelles (comme Air France, Lufthansa, British Airways, etc.) maintiennent un certain nombre de vols, certaines compagnies à bas coûts comme Easyjet arrêtent tout simplement de faire voler leurs avions pendant plusieurs mois.
Au cours des années suivantes, le transport aérien peine à retrouver son niveau d’avant crise. En 2021, le trafic de passagers en France est encore à 39% du niveau d’avant crise, les flux internationaux souffrant plus (34,2% de la fréquentation 2019) que les flux nationaux (59,6%), au gré des nouvelles vagues épidémiques et des fermetures de frontières [6]. Par exemple, les Etats-Unis ont rouvert leurs frontières aux touristes étrangers seulement en novembre 2021 après un an et demi de fermeture.
Certaines analyses publiées en 2022 faisaient état d’une augmentation forte de la demande de déplacements en avion, supérieure aux projections de de l’Association du transport aérien international (IATA). L’expression "revenge travel" ("voyage de revanche") est alors apparue pour qualifier cette demande forte après deux ans de privations forcées.
Cependant, la fréquentation reste inférieure à son niveau d’avant la crise sanitaire, sur toutes les liaisons. Ainsi, en 2022, le nombre de passagers est encore inférieur d’1/5e à celui de 2019 (-19.3% sur les lignes intra-métropole, -19,8% sur les lignes internationales).
Dans le dernier baromètre mensuel de la DGAC consulté (décembre 2023 [7]), le trafic mensuel de passagers en France est revenu pour la première fois au niveau de 2019 (décembre 2019). Sur les vols intérieurs (outres mers inclus) le trafic est encore à 85,8% du niveau de 2019. On constate que le trafic sur les vols internationaux est revenu au niveau de 2019 (103,7%). Le graphique ci-dessous montre cependant que le secteur aérien n’a pas rattrapé le retard de trafic généré par la crise sanitaire avec 34 points d’écart sur la prévision linéaire de trafic. Il sera intéressant de surveiller les hausses de trafic sur les prochaines années afin de constater si les taux de croissance se stabilisent.
En mars 2024, d’après la DGAC, Le trafic intérieur français s’élève à 78,8% de son résultat de mars 2019. Ce taux demeure notablement plus restreint sur le trafic intra-métropolitain (73,1%) et plus particulièrement sur les lignes desservant Paris (70,2%). Les liaisons desservant les Outre-mer pour leur part, affichent des résultats proches de ceux de 2019 (98,0%). Ces chiffres montrent une certaine stagnation du trafic aérien intérieur, dont l’origine peut provenir soit d’un report modal, vers le train ou la voiture notamment, soit d’une diminution des déplacements des Français.
[5] Chiambaretto P., Bildstein C., Mayenc E., Bennouri M., Grall M., Chappert H., Fernandez A-S(2020). «Transport aérien : l’impact du COVID-19 sur le comportement des Français », Les Carnets de la Chaire Pégase, n°2
[6] Ouest-France, Covid-19. Quels sont les pays qui ferment leurs frontières pour se protéger du variant Omicron ?, 30 novembre 2021
[7] Direction Générale de l’Aviation Civile, TendanCiel n°124, décembre 2023
L’année 2024 marquera sans doute une stabilisation des nouveaux comportements de mobilité
Malgré des évolutions fortes dans les habitudes de déplacement des Français (télétravail, diminution de la mobilité observée dans les premières EMC2 post-Covid, augmentation de la pratique du vélo, …), la fréquentation des modes de transport collectifs est à nouveau à la hausse. Les transports en commun urbains et le transport aérien peinent à retrouver leur niveau d’avant crise mais 2024 devrait voir un retour à la normale des fréquentations. Quant au transport ferroviaire et au covoiturage, ces modes se distinguent par une forte progression de leur utilisation.
La conjoncture économique a contribué à leur succès (augmentation du prix du carburant notamment), il sera donc intéressant d’observer comment les Français s’empareront de ces modes de transport plus écologiques en 2024 et au-delà. La direction territoriale Ouest du Cerema publiera fin 2024 un rapport d’études sur l’impact de la crise sanitaire de la Covid 19 sur les différents modes de transport et sur la demande de mobilité, à la fois au niveau national et dans les régions Bretagne et Pays de la Loire. Ce rapport présentera des tendances sur l’évolution des déplacements touristiques et professionnels, ainsi que des perspectives sur les évolutions nécessaires pour respecter les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone pour les transports.