17 avril 2025
Station d'épuration Leblond en Guyane
Frédéric Florent-Giard / Terra
Le Cerema, l'Association Nationale des Elus du Littoral et le Ministère de la Transition Ecologique, avec le soutien des Agences de l’Eau, l’Office Français de la Biodiversité et la Banque des Territoires, ont lancé un programme pour accompagner les territoires littoraux dans le déploiement de la Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT). Après 12 premiers territoires en 2024, 21 nouveaux projets portés par 20 collectivités ont rejoint le programme lors de la deuxième vague de l'appel à projets.

Ce programme vise à renforcer la gestion de la ressource en eau face aux effets du changement climatique et aux enjeux de résilience, dans le cadre du Plan Eau 2023, qui ambitionne de multiplier par 10 la réutilisation des eaux d'ici 2030.

 

Une approche globale sur la ressource en eau

La REUT permet de préserver la ressource en eau en réutilisant les eaux usées traitées, en particulier dans les territoires littoraux où l'eau retournant rapidement en mer peut être valorisée avant son rejet. Le littoral est un espace naturel sensible où les nappes phréatiques sont particulièrement sollicitées en période touristique estivale. L’enjeu est d’optimiser la ressource en eau pour nos usages agricoles, urbains, industriels ou environnementaux, tout en encourageant les mesures d’économies d’eau et en préservant les milieux naturels littoraux et marins.

La mesure 18 du Plan Eau lancé par le gouvernement a pour objectif de dynamiser la mise en œuvre de projets de REUT sur les zones littorales.

Ces projets sont menés avec un objectif de gestion résiliente et concertée de la ressource en eau, et avec l’ambition d’avoir un impact environnemental positif sur les milieux récepteurs. 

 

Carte des territoires lauréats des 1ère et 2 è vague du programme
 
L’opportunité de la REUT à l’échelle du territoire sera évaluée :

 

 

  • Au regard d’autres solutions de gestion durable de la ressource en eau, à commencer par les mesures d’économie et de partage de l’eau, ainsi que vis-à-vis d’autres modes de recours aux eaux non conventionnelles.
  • En intégrant les enjeux de territoire actuels et à venir.
  • En intégrant plusieurs stations d’épuration et unités de valorisation dans l’analyse du potentiel de REUT.
  • En analysant les bénéfices et les risques (notamment l’impact sur l’environnement) associés.

 

Un programme d’accompagnement pour construire des stratégies de REUT 

Le programme d’accompagnement soutient les collectivités littorales dans l’élaboration de stratégies de REUT adaptées à leur contexte. Il inclut plusieurs étapes d’étude :

  • Études d’opportunité : diagnostic territorial des tensions sur la ressource, des besoins actuels et futurs, des acteurs territoriaux et identification des stations d’épuration opportunes.
  • Études de préfaisabilité : analyse bénéfices-risques des projets et élaboration d’une feuille de route prévisionnelle.
  • Études de faisabilité : analyse coût-bénéfice technico-économique, social et environnemental du projet retenu.

Plusieurs collectivités (communes, intercommunalités, départements, régions, syndicats des eaux et d’assainissement, sociétés publiques locales) bénéficieront pour réaliser ces études : 

  • d’un appui technique du Cerema et d’un cadre méthodologique pour le montage et le suivi des études ; 
  • de subventions à hauteur de 80% maximum ;
  • d’une dynamique collective de partage d’expérience

21 projets lauréats de la 2e vague de l'appel à projets

Les collectivités reçues au programme  ont été désignées dans le cadre de la deuxième vague. Les études réalisées sur les territoires permettront d’identifier des stations adaptées pour la REUT et les usages adéquats. L’enjeu de ces études est aussi de réunir l’ensemble des acteurs, producteurs et bénéficiaires potentiels de la REUT, d’impulser le dialogue et de mettre en place la concertation. 

Les territoires qui ont rejoint l’appel à partenaires sont confrontés à des enjeux d’adaptation au changement climatique, de préservation de la ressource en eau, de développement économique, d’urbanisation et de tourisme croissant sur les territoires littoraux.

 

Hauts de France :

Département de la Somme (80): le Syndicat mixte Somme Ameva et le conseil départemental de la Somme vont réaliser une étude d’opportunité sur l’ensemble du territoire de la Somme, dont 5 stations sur le littoral. L'enjeu est la protection d’usages sensibles en littoral tels que la baignade ou la conchyliculture par l’évitement du rejet en période sensible. Cela concerne les stations rejetant en mer et celles plus en amont qui rejettent dans les marais et cours d’eau qui peuvent avoir un impact négatif lorsqu’ils arrivent dans la mer. 

Wikimedia Commons
Normandie :

Granville (50): Le groupement de syndicats mixte en assainissement (SMAAG) et en eau potable (SMPGA) vont réaliser une étude de faisabilité sur la station de Goélane à Granville pour soutenir l’étiage du cours d’eau "Le Thar", utilisé pour l’alimentation en eau potable. 

L’ étude d’opportunité et de préfaisabilité a démontré que la seule ressource en eau est superficielle, et qu’elle est très sensible aux précipitations et aux sécheresses (restrictions d’usage en 2022).

Bretagne :
Dinan - Cerema

CA Dinan agglomération (22) : Etude d’opportunité sur le territoire de Dinan Agglomération et étude de préfaisabilité sur 4 stations qui rejettent en mer, soit un potentiel de 600 000m3/an. Deux projets de REUT existent sur le territoire (Broons et Plancoet) et une étude d’opportunité a été réalisée : certains usages sont déjà identifiés, ils seront complétés dans le cadre de l’étude (deux golfs, un paysagiste, un pépiniériste, un maraîcher, des terrains de sport, des usages communaux).

CA St-Brieuc Armor Agglomération (22) : Etude de faisabilité sur deux stations Binic et Yffiniac pour différents usages (potentiel 36 000m3/an), faisant suite à une étude d’opportunité (Région et CCI Bretagne) sur 4 stations de St Brieuc Armor Agglomération. 

Auray Quiberon Terre Atlantique (56) : Etude de faisabilité sur 2 stations d’une zone très sollicitée en période estivale : Philibert et Crach. Une démarche de sobriété est menée depuis 2024 et que plusieurs usages ont déjà été identifiés (urbains, agricoles, espaces vert). L’étude sera menée avec une stratégie d’animation et de concertation pour optimiser le volume potentiel de REUT, soit 117 000m3 /an. 

Pays de la Loire :
STEU de l'île d'Olonne - Crédit : Les Sables d'Olonne Agglomération

Département de Vendée (85) : Etude d’opportunité portée par le département sur 32 stations dont 2 rejettent en mer pour mutualiser les moyens en ingénierie avec les collectivités (5 communes et 6 EPCI). Parmi les intercommunalités concernées, la CC Ile de Noirmoutier dispose déjà d’un retour d’expérience. Un enjeu de la démarche est l’implication des collectivités en vue d’une mise en œuvre opérationnelle de la REUT (ateliers géographiques prévus sur 4 secteurs). L’impact sur les milieux et la biodiversité (rejets dans les marais et cours d’eau) sera pris en compte.

CA de la Région Nazairienne et de l'Estuaire (CARENE) (44) :  Etude de faisabilité sur la station des Ecossiernes qui envisagera l’ensemble des usages. La collectivité est déjà engagée dans des démarches d’économies d’eau et de projets REUT.

Nouvelle Aquitaine :

CA La Rochelle (17) : Eude de faisabilité sur la station de la Rochelle qui dispose d’un potentiel REUT important (9 Millions de m³). L’ensemble des usages sera étudié (arrosage espaces verts communaux et terrains de sport, usages urbains, ...), en intégrant les évolutions climatiques.

CC Mimizan (40) : Etude d’opportunité pour la réutilisation des eaux non conventionnelles (dont la REUT) pour deux stations : Mimizan et Mezos. Plusieurs usages ont été pré-identifiés (industriels, loisirs, urbains), ainsi que les principaux consommateurs (papeterie, golf, campings). Une étude hydrologique sera menée pour évaluer les enjeux sur les eaux souterraines. L’enjeu est aussi de réduire l’infiltration des eaux usées traitées dans les milieux sensibles car ils peuvent être néfastes (azote, phosphore) et d’intégrer les perspectives liées au changement climatique.

CC des Grands Lacs (40) : Etude d’opportunité et de préfaisabilité sur 4 stations localisées à Sanguinet et Biscarosse dont une rejette en mer, en considérant les enjeux de qualité des rejets dans les milieux (bassin et forêt de pins). Plusieurs usages seront envisagés : lavage des véhicules (surveillance et rechargement des plages), arrosage des espaces verts, lavage des chaussées, bornes de puisage, hydrocurage des réseaux, usages agricoles ponctuels. 

Occitanie :
Fleuve Têt à Perpignan - Wikimedia Commons

CA Le Grand Narbonne (11) : Deux études sont prévues :

  • Mise à jour d’une étude d’opportunité et étude de faisabilité sur 2 stations, dont La Palme pour accompagner le projet de reconstruction, arroser le camping et le stade et réduire les impacts des rejets actuels dans les étangs sensibles..
  • Extension de la REUT sur la station de Narbonne pour doubler la capacité d’irrigation des vignes et atteindre 160 ha, soit une augmentation de 60 500m3/an. 

Perpignan Méditerranée Métropole (66) : Etude d’opportunité et préfaisabilité à l’échelle de la collectivité et de préfaisabilité sur les stations de Perpignan et Canet-en-Roussillon  qui présentent des volumes potentiels de REUT importants sur un territoire très impacté par les pénuries d’eau. Ainsi l’État s’est engagé depuis le 22 mai 2024, dans le Plan de résilience Eau des Pyrénées Orientales, avec les collectivités, les entreprises, les agriculteurs, et les acteurs du tourisme pour faire de ce territoire un démonstrateur des solutions et des processus d’adaptation pour une gestion sobre et résiliente de l’eau en conciliant la gestion de crise, des mesures d’urgence et la préparation de chantiers structurels d’adaptation. Ainsi plusieurs projets de REUT sont en cours d’étude sur le territoire.

Corse :
Calvi - Wikimedia Commons

CC de Calvi Balagne : Dans un contexte de tensions croissantes sur la ressource en eau, l’objectif est de réaliser une étude d’opportunité et de préfaisabilité pour réutiliser l’eau usée traitée de la station de Calvi, qui rejette en mer. Les usages envisagés sont plutôt urbains (nettoyage de voiries, hydrocurage, espaces verts). Le golf et le port de plaisance sont également identifiés. D’autres usages comme l’alimentation de canaux ou de zones humides pourront être analysés.

CC du Fium’orbu Castellu : Deux projets.

  • Ghisonnaccia : Réalisation d’une étude d’opportunité et de préfaisabilité en vue d’usages agricoles et touristiques des eaux usées traitées de la station à Ghisonnaccia, qui doit être reconstruite.
  • Dans la ville de Ventiseri, une étude d’opportunité et une étude de préfaisabilité permettront d’envisager les usages possibles des eaux usées traitées de la station (rejet de 112 000m3/an) pour la commune et la base aérienne (nettoyage infrastructures, défense incendie, ...), afin de réduire les prélèvements d’eau sur la ressource naturelle.
Outre-Mer :
Observatoire de l'eau de Guadeloupe

Syndicat Mixte de Gestion de l’Eau et de l’Assainissement en Guadeloupe (SMGEAG) : Etude d’opportunité sur l’ensemble du territoire de la Guadeloupe (sauf la CC Marie-Galante qui réalise une étude propre), soit 18 stations et préfaisabilité sur les stations à fort potentiel. Les enjeux sont de préserver la ressource en eau en quantité et réduire la pollution des milieux par les rejets d’eaux usées traitées. Deux usages ont déjà été identifiés : le golf de St François (station de Cayenne) et le Parc Paysager de Petit-Canal. D’autres usages seront étudiés : arrosage de terrains sportifs, d’espaces verts, de golf, nettoyage des voiries, hydrocurage, agricoles, industriels.

CC Marie-Galante – Guadeloupe : Etude d’opportunité sur les 6 stations de l’île pour étudier l’ensemble des usages avec l’objectif de réduire les prélèvements sur la ressource en eau. 

ODYSSI – Régie des Eaux de Fort de France - Martinique : Etude d’opportunité et préfaisabilité sur 3 stations de la CA du Centre de la Martinique (Dignon, Gaigneron, Pointe des nègres), en vue d’usages industriels et urbains.

Communauté Intercommunale des villes solidaires (CIVIS) – La Réunion : Etude d’opportunité et préfaisabilité sur 4 stations (Cilaos, Etang salé, St Louis, St Pierre) pour identifier des usages afin de contribuer à préserver la ressource en eau qui fait l’objet d’une forte pression en raison des prélèvements importants sur les ressources superficielles et souterraines, qui augmentent par ailleurs le risque d’intrusion saline.

CA du centre littoral (CACL) – Guyane : Etude d’opportunité qui porte sur les 15 stations de la collectivité, qui fait face à des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents et intenses, et souhaite réduire les prélèvements sur la ressource, améliorer la qualité des cours d’eau et limiter la remontée du biseau salé.

Les 12 lauréats de 2024 : Zoom sur les enjeux des territoires

 
 
5 territoires sont directement lauréats de l’aide financière : 
  • CC Bassin Marennes et Rochefort Océan, CC Ile Oléron, CC Ile de Ré (Nouvelle Aquitaine): en deux volets séparés, le porteur de projet Eau 17 souhaite mobiliser 14 stations d’épuration dont 5 rejettent en mer, pour réutiliser les eaux usées traitées dans l’irrigation et les espaces verts ou dans des bornes de REUT multiusage, en s’inscrivant dans une démarche globale de sobriété et d’économie de la ressource en eau.
  • Communauté d’agglomération Pays de l’Or (Occitanie) : La collectivité qui concentre des enjeux touristiques, environnementaux et agricoles, souhaite identifier les usages possibles pour les eaux usées traitées issues de 5 stations qui rejettent dans les étangs et lagunes. Elle mène déjà trois projets de REUT pour la revitalisation d’une zone humide, l’arrosage d’espaces verts et d’un golf.
  • Communauté d’agglomération Sud La Réunion (La Réunion) : Ce projet qui s’intègre dans un projet de territoire concerne une station de traitement des eaux usées isolée des autres, envisage une gouvernance avec les usagers. L’eau de la station pourrait être utilisée par un lycée agricole et des industries.
  • Commune de Sainte-Luce (Martinique) : La communauté d’agglomération Espace Sud Martinique porte cette étude d’opportunité sur les divers usages des eaux usées traitées d’une station rejetant en mer dont 50% doivent être réutilisées pour la distillerie.
  • Communauté de communes de Belle-Ile-en-Mer (Bretagne) : le projet porté par le syndicat départemental Eau du Morbihan concerne 6 stations d’épuration de l’île qui rejettent habituellement en mer, avec des usages envisagés dans l’agriculture, l’élevage, ainsi que des usages urbains et domestiques. En parallèle, une démarche visant la sobriété, avec la réduction des fuites sur le réseau, est menée dans ce territoire régulièrement confronté au manque d’eau.