28 août 2025
Habitation région lyonnaise
Cerema
Depuis l’avènement des politiques publiques destinées à répondre aux engagements nationaux d’adaptation de l’habitat au changement climatique, l’essentiel des réflexions s’est concentré sur le parc construit après-guerre et jusqu’au début des années 70 et le choc pétrolier de 1973 qui a signé la première réglementation thermique en France.
Le parc d’avant 1945, relevant de modes constructifs, de matériaux et de techniques de construction pour la plupart disparus, se révèlent plus délicats à traiter. Parmi eux, le bâti en mâchefer occupe une place à part.
Matériau hétérogène, difficile à caractériser, intervenir sur du bâti en mâchefer de manière pertinente, respectueuse et qualitative n’est pas évident.
Le CAUE Rhône Métropole et le Cerema ont mené une étude permettant d’aider au repérage et à la reconnaissance du bâti en mâchefer, de livrer une caractérisation la plus complète possible du matériau et de proposer des stratégies d’intervention sur le parc de logement en mâchefer, tant sur le plan architectural que thermique.

A l'origine de la rédaction de guide, le CAUE Rhône Métropole a caractérisé les qualités architecturales du bâti de mâchefer dans la région lyonnaise. Ce matériau, résidu de l'incinération du charbon ou des déchets dans les usines d'incinération, est présent dans une part importante de constructions de logements réalisés jusqu’à la fin des arènes 50. A Lyon, la maçonnerie de mâchefer s’est principalement développée sous sa forme banchée, comme "pisé de mâchefer" employé pour toutes sortes d’éléments constructifs porteurs.

 

Le mâchefer, un matériau local recyclé pour le bâtiment

Enduit en façade - Cerema

En raison de sa mise en œuvre très empirique et de la provenance multiple des matériaux, le pisé de mâchefer a donné lieu a des compositions très variables d’un chantier à l’autre.

Utilisant des déchets de l’industrie, le matériau est économique, d’autant que le système constructif qui lui est associé est rationnel et efficace, en cohérence avec les moyens techniques modestes utilisés à l’époque de son utilisation massive. Issue d’une tradition constructive ancienne transmise de génération en génération, la concep­tion de l’habitat en pisé de mâchefer a fait appel au bon sens pratique pour se prémunir des risques et valoriser les potentialités de son environnement. 

Comme pour l’habitat en pisé de terre ou en pierre, maisons et immeubles collectifs en pisé de mâchefer sont caractérisés par une forme simple et compacte, qui limite fortement les surfaces de déperdition. 

De la même manière que le bâti ancien a de tout temps su mettre en œuvre des ressources locales (pierre, bois, terre) ou récupérées sur d’autres édi­fices, le bâti en mâchefer tire lui aussi sa matière première d’un "gisement de réemploi", celui des sites pourvoyeurs des scories de hauts fourneaux utilisées dans sa fabrication. 

Le Cerema a cherché à objectiver les caractéristiques physiques du matériau. En effet, comme pour toute rénovation de bâti ancien, les caractéristiques de l’ouvrage, notamment mécaniques, hygrothermiques et physico-chimique des matériaux employés doivent être prises en compte. C’est la condition sine qua non pour éviter les désordres et pathologies dus à des interventions inappropriées.

Une campagne d’essais sur des échantillons de pisé de mâchefer provenant de plusieurs chantiers lyonnais a été initiée par les Cerema afin de parfaire la connaissance des caractéristiques du matériau et d’identifier les incidences sur les projets de réhabilitation et d’amélioration thermique de ce patrimoine.

Ces connaissances permettent de donner des recommandations pratiques pour réhabiliter le bâti en mâchefer .Les échantillons proviennent de 4 chantiers de rénovation ou démolition situés à Lyon. En dehors de toute normalisation, les pisés de mâchefers sont marqués par une forte hétérogénéité, caractéristique des fabrications artisanales. Les résultats de tests et de mesures réalisé ne peuvent constituer par conséquent des données de référence valables pour tous les pisés de mâchefer. 

 

Caractéristiques du pisé de mâchefer

Le pisé de mâchefer présente en quantité variable, les composants suivants : 

  • Cendres et scories de houille pilées ou non et/ ou résidus et scories de fonderies métallurgiques (laitiers) pilés ou non
  • Chaux grasse  ou hydraulique, ciment
  • Granulats divers (sables , graviers, pouzzolanes naturelles ou artificielles pilées ou non, cailloutis).

1.1 Caractéristiques physiques et comportements  mécaniques : 

Masse volumique :

De manière générale, on peut retenir que le pisé de mâchefer possède une masse volumique relativement faible qui en fait un matériau de "maçonnerie légère" : une masse volumique variable de valeur intermédiaire égale à 1 200 kg/m3, soit deux fois plus "léger" que le béton plein.

Porosité :

Les essais réalisés indiquent une porosité importante et connectée avec une valeur moyenne de 23%. Par comparaison, le pisé de terre possède une porosité autour de 36% et le béton plein classique de quelques pourcents seulement. Cette porosité importante est à mettre en relation avec les phénomènes de capillarité afférents.

Résistance à la compression 

Les résistances moyennes mesurées sur les différents échantillons vont de 1,1 à 4,2 MPa, avec des écarts-types de 15 à 35 % de la valeur moyenne. En condition saturée (c’est-à-dire avec une teneur en eau comprise entre 22 à 28%), la résistance chute de manière variable en fonction des produits testés, avec des différences de 17 à 50 % relevées. Une forte résistance à sec n’est pas gage d’insensibilité à l’eau : ainsi, les produits les plus solides en condition sèche sont ceux qui ont présenté la chute de résistance la plus forte en condition saturée.

Résistance à l’arrachement : 

La question de la fixation dans la maçonnerie en mâchefer est un sujet délicat. En effet, le matériau étant réputé friable et hétérogène d’un bâtiment à l’autre, voire d’un lit de maçonnerie à l’autre sur une même construction, il n’existe aucun produit sous avis technique. Cette hétérogénéité pousse à la prudence : les calculs permettent, sur la base d’une quinzaine d’essais réalisés par site, de retenir une valeur correspondant à une classe 4 de résistance mécanique, valeur moyenne basse, obtenue après application d’un coefficient de sécurité additionnel, qui permet de préconiser une densité suffisante de chevilles pour fixer le dispositif d’ITE.

1.2 Caractéristiques et comportements hygrothermiques :

Les essais hygrothermqiues menés par le Cerema ont porté sur les mesures suivantes :

Conductivité thermique

Mesurée en W/(m.°K), la conductivité thermique est la capacité d’un matériau à conduire la chaleur. Plus sa valeur est petite, plus le matériau est isolant.

Les mesures réalisées par le Cerema selon la méthode du disque chaud ont permis d’obtenir des résultats de conductivités thermiques dont les valeurs sont trois à quatre fois moindres que celle d’un béton plein ordinaire de masse volumique équivalente. Ces valeurs sont également environ deux fois plus faibles que celle d’un parpaing en aggloméré de béton ou d’un pisé de terre crue). À titre de comparaison, un mur de 50 cm en mâchefer possède une résistance thermique de l’ordre de 1.8 m².°K/W, soit une résistance équivalente à un mur en béton revêtu d’une isolation en polystyrène expansé (PSE) de 6 cm d’épaisseur

Diffusivité thermique

La diffusivité thermique est une grandeur physique qui caractérise la capacité d’un matériau à transférer la chaleur. Elle dépend de la capacité du matériau à conduire la chaleur (conductivité thermique) et de sa capacité à accumuler la chaleur (capacité thermique volumique).

Les mesures de diffusivité thermique moyenne obtenues ont permis de déterminer une fourchette de valeurs plus faibles que celle d’un béton plein (mais plus élevées que celle d’un béton de pouzzolane.

Capacité thermique volumique sèche

Cette valeur est 2 à 3 fois plus faible pour le pisé de mâchefer que pour un béton plein classique ou un pisé de terre crue. Cela signifie que le mur en mâchefer, à volume équivalent, absorbera moins de chaleur en été lors des périodes chaudes qu’un mur en béton plein, un pisé de terre crue ou qu’un mur en béton de pouzzolane classique. Ainsi, pour la même chaleur apportée en été, sa température va davantage s’élever à volume équivalent qu’un mur de béton, un béton de pouzzolane ou un pisé de terre crue.

Inertie thermique

L’inertie thermique d’un bâtiment est sa capacité à échanger (à stocker, à conserver, puis à restituer) la chaleur de manière diffuse avec les éléments en contact. Plus cette inertie est élevée, plus le bâtiment mettra du temps à se refroidir en hiver et à se réchauffer en été. Une inertie plus importante permet d’améliorer le confort d’été et d’hiver en lissant les variations de la température intérieure. Un mur en mâchefer de 40 à 50 cm d’épaisseur aura un bien meilleur déphasage et une inertie par absorption aussi bonne qu’un mur en béton de 20 cm.

Points de vigilance en phase préparatoire du projet de maîtrise d’œuvre (cas des bâtiments de logement collectif) :

 

  • Lancer l’ensemble des diagnostics (patrimonial, technique, énergétique) en même temps le plus en amont possible ;
  • Echanger avec les services instructeurs (Service urbanisme, UDAP) sur la base des études de diagnostic ;
  • Confier le diagnostic technique, patrimonial, énergétique (y compris relevés, sondages, thermographie, équipements techniques, et visites des logements) à l’équipe de maîtrise d’œuvre chargée des travaux ;
  • ou confier une mission de synthèse des diagnostics à l’équipe désignée ;
  • Intégrer une simulation thermique dynamique (STD) pour contrôler le l'habitabilité d’été et calibrer finement les consommations prévisionnelles dès les premières estimations de coût global (phase DIAG ou APS) ;
  • Lancer un relevé partiel mais représentatif des locaux avant l’APD ;
  • Réaliser une étude de programmation en coût global pour les questions énergétiques (investissement travaux + coût de l’énergie), comprenant :
    • montants de travaux,
    • montants annexes (dont prestations intellectuelles, assurances, déménagements, etc.),
    • consommations énergétiques,
    • frais d’entretien et de maintenance,
    • frais de remplacement des équipements en fin de vie,
    • revalorisation de la valeur vénale du bien.
  • Réaliser des investigations complémentaires ("scans structure", diagnostic amiante, diagnostic plomb) lorsque cela s’avère utile pour la phase opérationnelle ;
  • Intégrer systématiquement des interventions sur l’optimisation de la ventilation et le remplacement des systèmes chauffage non structurés ou électriques.
L'étude est disponible sur le site du CAUE :