Cet article fait partie du dossier : Le Cerema et le Concours Capitale Française de la Biodiversité
Voir les 12 actualités liées à ce dossierLa commune de La Motte-Servolex et ses partenaires ont accueilli une visite inspirante à laquelle le Cerema a participé, autour de la thématique "Agir en faveur de la biodiversité" dans le cadre de la valorisation des dix ans du concours "Capitale française de la biodiversité". L’objectif de cette visite inspirante était de voir, échanger, discuter sur la base d’exemples concrets de la prise en compte de la biodiversité sur le territoire d’une petite commune.
Ce concours, créé en 2010, identifie, valorise et diffuse chaque année les actions des collectivités en faveur de la biodiversité. En 2020-2021, sa onzième édition se consacre au thème "eau et biodiversité" .
16 participants ont découvert différents sites sur le territoire de la commune et rencontré les acteurs impliqués dans les réalisations et projets. Les déplacements ont été grandement facilités par le prêt de vélos à assistance électrique loués par la Ville auprès de la vélostation de Chambéry.
La Motte-Servolex, commune savoyarde de près de 12 000 habitants, déjà reconnue en 2014 par un prix régional Auvergne-Rhône-Alpes sur la thématique "Agriculture urbaine et biodiversité", n’a cessé depuis 2008 d’agir en faveur de la biodiversité sur son territoire. Elle s’est dotée en 2014 d'un Plan d'Action Biodiversité (PABV) pour une durée de 7 ans et d’un budget annuel de 35 000 €. De plus, elle maintient son équilibre entre surfaces urbaine, agricole et forestière.
Des aménagements innovants en faveur de la biodiversité, aussi dans les petites villes !
Anthony Perrin, chargé de mission "environnement et développement durable" de la ville de La Motte-Servolex, a guidé les participants à travers le territoire de la commune pour découvrir plusieurs aménagements caractéristiques des actions mises en œuvre en faveur de la biodiversité en ville.
Un Système d’information géographique (SIG) recense ces aménagements afin d’en faciliter la gestion et le suivi. Il permet un rendu cartographique pour prendre conscience de la relation entre les aménagements réalisés et les corridors identifiés dans le Schéma régional de continuité écologique (SRCE) mais également avec la trame verte intra et interurbaine résiduelle (essentiellement les parcs et berges de cours d’eau).
Tous les aménagements sont accompagnés de panneaux d’information
Permettre à la faune de circuler en ville
1. Les prairies
Les pelouses des parcs sont remplacées par des prairies fleuries (semis de 26 espèces dont 14 variétés locales) sur lesquelles un seul fauchage est pratiqué à la fin de la floraison. Au bout de cinq ans, la densification de la prairie fait diminuer le nombre d’espèces présentes mais permet l’augmentation de la durée de la floraison. Cette action a été effectuée sur 1,4ha répartis en vingt sites.
- Des bacs de compostage collectifs ont été mis à disposition des habitants sur 15 sites. Les habitants apportent leurs déchets et une entreprise est chargée du mélange et du retournement.
- Treize bacs à potager ont été installés avec de la terre et un système de paillage. Ils sont tous cultivés par les habitants.
- Les ampoules des lampadaires ont été changées pour des diodes électroluminescentes dont la puissance est réduite à 10% à partir de 23 heures..
2. Les haies
Il s'agit d'une nouvelle façon de gérer les espaces verts pour recréer les corridors interurbains: depuis 2015, la commune a entrepris la plantation de haies vives réparties sur sept secteurs d’action. Elles sont composées de 24 espèces (dont des fruitiers et des espèces locales) plantées en racines nues afin de favoriser leur robustesse dans le temps.
Un contrat avec une entreprise assure l’entretien des haies (également des pieds les premières années, taille de formation, taille d’emprise) pour un budget de 7 000 €/an pour 3 km de haies. Ces haies sont plantées aussi bien sur des espaces publics que des terrains privés. L’idée étant de favoriser le déplacement de la faune sans tenir compte des limites administratives humaines.
Pour cela, des conventions sont passées avec des copropriétés, des entreprises, des particuliers et d’autres collectivités (notamment le département de la Savoie). Afin de garantir la pérennité de ces structures, ces haies sont toutes inscrites dans les prescriptions paysagères du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).
3. Les écuroducs :
Trois écuroducs (passage à faune à destination des écureuils) ont été installés dans des lieux identifiés comme accidentogènes pour cette espèce.
Il s’agit d’une corde en chanvre maintenue tendue entre deux arbres par un système de poulie et contrepoids.
Le suivi est réalisé grâce à un piège photographique, et depuis la mise en place du passage, on ne relève plus d’accident.
Malgré le faible coût d’installation (environ 2700€, par l’Office National des Forêts), ces systèmes restent encore très rares.
Permettre à la faune de s'installer en ville
1. Des nichoirs spécifiques pour des espèces cibles
La commune a choisi de favoriser les espèces présentes sur son territoire en installant des nichoirs spécifiques. Ainsi, elle possède des nichoirs à huppes, à chouettes effraies sur l’église, à martinets, à chauve-souris sur la maison de retraite.
Le dernier en date correspond aux exigences de la Chouette chevèche: installé à 3 m de hauteur dans un arbre avec un grand espace agricole disponible au Sud.
Toutes ces installations sont financées pour moitié par le département de la Savoie. Ce financement sera porté à 60% par le concours de la région dans le cadre du Contrat vert et bleu (CVB).La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) réalise le suivi des 60 nichoirs installés sur la commune.
2. Des cultures dérobées polliniques
La ville de La Motte-Servolex accompagne l’installation de cultures dérobées polliniques destinées notamment à nourrir les pollinisateurs, après des cultures de céréales à paille sur des terrains agricoles privés, depuis 2011.
Elle subventionne en effet depuis cette date les Bonnes Pratiques Agricoles (Cultures dérobée polliniques, engrais verts, plantation de haie bocagère, semis direct) à hauteur de 150€ par hectare.
Pour autant, la subvention était peu sollicitée en 2013 (moins de 3ha sur les 60ha en céréales à paille cultivés par an sur la commune), faute de temps et de moyens de semi pour les agriculteurs. La ville a donc proposé aux agriculteurs de prendre en charge la prestation de semis directement après la récolte de leurs céréales et de leurs pailles, prestation assurée par un professionnel agricole et facturée à la ville 110€ HT/ha.
En 2020, ce sont 26 hectares de cultures dérobées polliniques qui ont été semés et qui profitent aux abeilles, au sol et à la faune sauvage durant tout l’automne.
En 2021, la commune envisage la renaturation d’un cours d’eau et la mise en place d’un maraîchage communal dont la production serait utilisée par la cuisine centrale. Elle travaille également sur un projet de désimperméabilisation de la cour d’école Lamartine, avec création de jardins potagers, de haies vives et d’une mare écologique.
La Leysse retrouve sa place : des travaux de sécurisation de digues redonne sa place à la biodiversité
Christophe Guay, responsable du service Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) du Comité intercommunautaire pour l’assainissement du lac du Bourget (CISALB), a présenté le chantier de restauration de la Leysse.
La Leysse est une rivière chenalisée depuis 150 ans, favorisant l’installation d’habitations puis de zones industrielles depuis les années soixante-dix. Les anciennes digues, fragilisées par peu d’entretien, un boisement spontané et le passage de réseaux (eaux usées, haute tension, etc.), ne garantissent plus la sécurité des territoires en rive droite.
L’objet du chantier est double : la sécurisation des digues face à une crue centennale et la restauration de la biodiversité. Pour cela:
- les digues en rive gauche ont été reculées pour permettre à la fois le passage d’un débit important en cas de crue et de créer ou de reconnecter des zones humides.
- Les nouvelles digues sont plantées d’herbacées et de graminées, fauchées seulement après grainage.
- Le lit mineur a été aménagé avec quelques fascines afin que la rivière puisse créer ses propres atterrissements qui se végétaliseront seuls.
Le but du déversoir de 90 m de longueur est de protéger la zone aval du cours d’eau qui n’a pas encore été traitée. Il est dimensionné pour recevoir une crue vingtennale (soit 200m³/s alors que la crue centennale correspond à un débit de 570m³/s). Après avoir franchi le déversoir, l’eau arrive dans une fosse de dissipation puis dans les bois avant de rejoindre des terrains agricoles ou des zones naturelles.
Pour la zone d'expansion des crues, les cimenteries Vicat ont cédé une zone de bassins et de casiers de rinçage non utilisée. Cet espace contenait environ 80000m³ d’argile qui ont été en partie réutilisés dans la construction des nouvelles digues. Ensuite, cette zone d’expansion des crues a été rendue à la rivière. Spontanément, le lit de la rivière retrouve presque une forme de tresse et une aulnaie s’installe.
Interventions de l'ARRA, de l'ARB Ile-de-France et du maire de la commune
Durant la pause de midi, trois interventions sur des thèmes plus généralistes ont été proposées.
- Chloé Renouard, chargée de missions à l’Association Rivière Rhône-Alpes Auvergne (ARRA) a présenté le dispositif de reconnaissance des Territoires engagés pour la nature (TEN), un dispositif national porté par l’OFB et animé à l’échelle régionale. En Auvergne Rhône-Alpes, Martin Bé de l’ARRA en est l’animateur. Il s’agit de reconnaître l’engagement d’une collectivité en faveur de la biodiversité au travers de son plan d’actions, et non de juger des actions déjà réalisées. Le principe est d’inverser la logique d’appel à projets descendants en laissant la parole aux territoires.
- Gilles Lecuir, chargé d’études à l’Agence régionale de la biodiversité Île-de-France, a présenté le concours "Capitale française de la biodiversité" Il récompense les communes ou intercommunalités qui ont accompli des actions exemplaires autour d’un thème annuel, "eau et biodiversité" cette année. Les collectivités candidates présentent trois actions réalisées en régie ou via un partenaire. En Auvergne-Rhône-Alpes, afin de faciliter les candidatures, un dossier simplifié est à joindre au questionnaire du dispositif TEN.
- Luc Berthoud, maire de La Motte-Servolex, a partagé son engagement en faveur de la biodiversité. La réussite des actions repose selon lui sur un partage de tous les instants avec tous les acteurs du territoire mais surtout avec les autres élus de la commune et les élus des communes voisines, car il s’agit d’un combat pour nous-même et les générations futures. La préservation de la biodiversité n’est pas en opposition avec l’industrie durable. Ainsi, il travaille à l’implantation d’un site démonstrateur pour un transport par câble innovant, et à l’utilisation de l’eau froide du lac du Bourget tant en système de chauffage urbain que pour l’utilisation dans les industries déjà présentes sur Savoie Technolac.
Eco-Hameau des Granges: répondre à la demande sociale en réhabilitant un site industriel et en maintenant les écosystèmes
Pour répondre à la demande sociale de création de logements sur la commune, les élus de La Motte-Servolex ont fait le choix, depuis 2009, de ne pas augmenter la surface imperméabilisée (5200ha ont été imperméabilisés en 12 ans sur les deux Savoie afin d’accueillir plus de 3000 nouveaux habitants par an).
Pour cela, la réhabilitation d’une ancienne carrière a été préférée à l’urbanisation des terres agricoles. Ce projet de 17ha permettra d’accueillir, dès 2022, 1100 habitants répartis sur 560 logements pour un budget de 8 millions d’euros. Afin de favoriser la biodiversité, la volonté des élus est de dépasser les attentes réglementaires. Pour ce faire, la maîtrise d’ouvrage a été confiée à la Société publique locale de la Savoie (SPLS), concessionnaire de la ZAC, qui s’est entourée de trois bureaux d’études pour constituer son assistance à maîtrise d’ouvrage environnementale: Terre & Co (AMO HQE), l’Atelier du bocal (Paysagiste) et le cabinet Epode.
De plus, onze comités de pilotage ont eu lieu entre 2010 et 2017, avec la mise en place d’un processus d’échanges itératifs entre les participants: les associations de riverains, les services de l’État (DDE, DREAL mais aussi ABF), le CAUE, l’agglomération Grand Chambéry, Savoie Technolac, la commune du Bourget-du-Lac, l’Institut National de l’Énergie Solaire et l’association Tremblay Eco-vigilance.
Un hectare désimperméabilisé pour favoriser le fonctionnement d’une zone humide unique en France
Manuel Bouron du Conservatoire d’espaces naturels de la Savoie a présenté le caractère unique de la zone humide de la fontaine à Janon inclue dans les 16,9 hectares de la ZAC.
Aujourd’hui elle se divise en une zone forestière sur 98% de sa surface et une zone de tufière sur les 2% restant. La tufière abrite des espèces rares, comme la Drosera à longues feuilles. L’aulnaie, quant à elle, regroupe plus de 70 espèces de champignons, contre une cinquantaine en moyenne dans les autres aulnaies françaises, dont 20 sont menacées de disparition et 3 au bord de l’extinction.
Malgré son caractère exceptionnel, cette zone humide subit une dynamique d’assèchement puisqu’une route, créée pour la desserte de la carrière, bloque le cheminement de l’eau depuis de multiples sources situées en pied de falaise du plateau du Tremblay. Le projet avait donc pour objectif de résoudre le problème du maintien de l'alimentation en eau de la zone.
La suppression totale de cette route de 800m de longueur, soit 1 hectare de superficie de désimperméabilisation, a été identifiée comme l’action à mener en priorité dans le cadre du nouveau plan de gestion de la zone humide, qui intègre par ailleurs les mesures compensatoires de l’aménagement de la ZAC (parc nature notamment).
Maintenir la biodiversité présente et aller plus loin en termes de compensation
Emmanuelle Richard, de la Société publique locale de la Savoie (SPLS), concessionnaire de la ZAC, et Régis Dick, directeur du Conservatoire des espaces naturels (CEN) de la Savoie en charge de l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) et de la gestion future du parc nature et des mesures compensatoires, ont expliqué le scénario choisi et les mesures compensatoires prévues.
Le projet accueillera des logements sur socles de stationnement en pied de falaise et non épannelée sur celle-ci afin de protéger cet écosystème et de maintenir ce corridor écologique.
Un cahier des prescriptions paysagères rédigé en 2016 engage les promoteurs à un certain nombre d’actions en faveur de la biodiversité, en lien avec l’objectif labellisation Ecoquartier. Il fonctionne avec des "cibles" obligatoires et un système de 200 points à atteindre parmi des cibles optionnelles.
Comme exemple d’obligation, on peut citer les socles des bâtiments qui accueilleront des parkings mais avec des aspects extérieurs uniformisés afin de rappeler la carrière et des surfaces paysagées (important travail de coordination architecturale), et l’interdiction de clôtures imperméables à la faune. De même, un minimum de 5 nichoirs par bâtiment est imposé. Pour les parties optionnelles, la plupart des promoteurs ont choisi l’installation de jardins partagés sur le socle des bâtiments (40 à 80cm d’épaisseur de sol).
Le projet accueillera des logements sur socles de stationnement en pied de falaise et non épannelée sur celle-ci afin de protéger cet écosystème et de maintenir ce corridor écologique.
Un cahier des prescriptions paysagères rédigé en 2016 engage les promoteurs à un certain nombre d’actions en faveur de la biodiversité, en lien avec l’objectif labellisation Ecoquartier. Il fonctionne avec des "cibles" obligatoires et un système de 200 points à atteindre parmi des cibles optionnelles.
Comme exemple d’obligation, on peut citer les socles des bâtiments qui accueilleront des parkings mais avec des aspects extérieurs uniformisés afin de rappeler la carrière et des surfaces paysagées (important travail de coordination architecturale), ou l’interdiction de clôtures imperméables à la faune.
De même, un minimum de 5 nichoirs par bâtiment est imposé. Pour les parties optionnelles, la plupart des promoteurs ont choisi l’installation de jardins partagés sur le socle des bâtiments (40 à 80cm d’épaisseur de sol).
Deux enjeux environnementaux ont été identifiés lors des demandes d’autorisation:
- Les enjeux liés à la zone humide de la Fontaine à Janon : l’aménagement ne doit pas perturber son fonctionnement. La construction sur socles ne perturbe pas l’écoulement naturel des eaux. La construction de bassins de rétention et de noues paysagères amènent les eaux récoltées vers la partie nord de la zone humide et permettent la réhydratation de l’aulnaie qui s’asséchait suite à l’ancienne activité de carrière.
- Les enjeux de biodiversité: limitation de la destruction d’habitats favorables et maintien des corridors écologiques. Les 3 hectares déboisés seront compensés à 200% grâce à la plantation d’arbres de haute tige et de vergers à l’intérieur de la ZAC, de haies vives en limite du projet et des actions dans la forêt communale (reboisement d’une frênaie et création d’îlots de sénescence, zone volontairement abandonnée à une évolution spontanée);
Les habitats, notamment celui de l’Alyte accoucheur (amphibien se reproduisant au sein de la carrière à proximité de pièces d’eau) seront restaurés sur deux parcs: un parc urbain avec prairies et un parc nature des carrières sur 2,6ha. Les prairies seront semées avec des espèces locales (semis prélevés dans une prairie source de même sol). La semence se fera à l’aide d’un hydroseeder (mélange d’eau et de graines projeté) pour supprimer tout problème de bourrage du semoir.
Dans le parc nature, on retrouvera un étang et des mares ainsi que l’installation d’hibernaculums (agencement de pierres et de bois qui permet l’hivernage des amphibiens et des reptiles). Ce parc nature regroupe la majorité des mesures compensatoires de la ZAC. Une obligation impose la finalisation du parc nature deux ans après le début de travaux, soit avant l’arrivée des premiers habitants.
Pour maintenir les corridors écologiques, les bâtiments seront espacés de 17 m et une trouée de 50 m de largeur sera entièrement végétalisée. De plus, des aménagements favorisant le déplacement de la faune seront créés sur tout le périmètre de la ZAC. Ainsi, des lisses en chêne favorisant le guidage des amphibiens vers les crapauducs installés sous les voies d’accès aux logements seront aménagées également sur des terrains privés.
La mise en œuvre et le suivi des mesures compensatoires a été confié au CEN Savoie pour un budget de 200000€ financé entièrement par la commune.
Une Assistance à maîtrise d’usage (AMU), qui se prolongera trois ans après la livraison, conseillera les habitants dans l’appropriation du site. Pour la pérennisation du site, un classement Espace naturel sensible (ENS) est envisagé afin d’obtenir un droit de préemption fort.
Dans le dossier Le Cerema et le Concours Capitale Française de la Biodiversité