23 novembre 2018
Salle de conférence
Cerema Sud-Ouest
Le 09 octobre 2018, le Cerema a organisé une journée technique risques et territoires sous l'égide de la COTITA Sud-Ouest à Bordeaux. Elle a rassemblé près de 80 acteurs locaux et nationaux : services de l’État, collectivités territoriales, établissements publics, universités, syndicats mixtes et bureaux d'études privés, autour de la thématique du risque ruissellement. Cette journée a permis de mettre en lumière les besoins de connaissance de cet aléa et de présenter les méthodes d'évaluation et de traitement pour ce risque encore mal connu.

L'ouverture de la journée par Didier Felts et Ronan Roué du Cerema, Emmanuel Vullierme de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et Aurélie Langlamet de la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) a permis

Didier Felts et Ronan Roué du Cerema, Emmanuel Vullierme de la DGPR et Aurélie Langlamet de la DEB.
Didier Felts et Ronan Roué du Cerema, Emmanuel Vullierme de la DGPR et Aurélie Langlamet de la DEB.

de mettre la lumière sur les besoins de connaissance de l’aléa ruissellement, phénomène encore mal identifié et qui touche de nombreuses collectivités.

Les nombreuses actualités réglementaires ont été présentées par la DEB :

  • la loi Fesneau avec remise d’un rapport du gouvernement au parlement sur la maîtrise des eaux pluviales et du ruissellement ;
  • le rapport sur les eaux pluviales porté par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) ;
  • la loi Ferrand relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.  

Les trois temps forts développés

  • la connaissance de l’aléa ;
  • l’évaluation et la gestion du risque ruissellement ;
  • le lien entre risque ruissellement et autres politiques publiques.

 

Première séquence : connaissance et cartographie de l’aléa

Le phénomène de ruissellement relativement peu documenté nécessite un apport de connaissance, notamment au travers de la modélisation de l’aléa.

 

1 - Présentation d'une étude sur trois méthodes complémentaires

Présentation du contexte
Présentation du contexte

Une comparaison de trois méthodes fait l’objet de l’étude présentée par Gwendal Sénéchal d'ISL Ingénierie (société d’ingénierie indépendante), elles se révèlent complémentaires :

  • l'extraction des zones de concentration des écoulements (Exzeco), qui s’appuie sur des relevés topographiques et permet d’identifier les zones de concentrations des écoulements  ;
  • la méthode de cartographie de l'aléa inondation par ruissellement intense pluvieux (IRIP), qui  permet de caractériser la sensibilité du bassin versant au ruissellement en identifiant les zones de production, de transfert et d’accumulation.

    Exzeco et IRIP permettent de caractériser la sensibilité du bassin versant au ruissellement à de grandes échelles ;

  • et le logiciel de modélisation numérique Telemac 2D s’appuie directement sur les données de pluie et caractérise les écoulements. Cet outil permet de définir l’aléa hauteur / vitesse à de petites échelles avec une topographie fine de l'ordre du km2.

Pour traiter le volet assainissement des eaux pluviales : ouvrages de rétention, réseaux structurants,... d’autres outils plus spécifiques sont nécessaires tel que Canoe, logiciel d'hydrologie urbaine.

 

2 - Démonstration par l'exemple d'un bassin versant rural

Vincent Rémy et Thomas Lejeune du Cerema présentent l’exemple d’un bassin versant rural soumis au ruissellement, phénomène accentué par la formation d’une croûte de battance du sol.

Pour caractériser l’aléa ruissellement, trois méthodes complémentaires ont été employées :

  • IRIP utilisée avec quatre paramètres : la battance du sol, la perméabilité, la pente et l'occupation du sol.
  • la cartographie de ruissellement de surface (CRUS) pour pondérer les facteurs, notamment la battance et l’occupation du sol.
  • Exzeco pour identifier les zones de transfert et d’accumulation.

 

Deuxième séquence : Évaluation et gestion du risque ruissellement

1 - Évaluation du risque ruissellement à l'échelle du bassin versant

Alexandre Poiraud du Bureau d’études Inselberg et Mikaël Thomas d'Epidor présentent une étude menée sur la connaissance de l’aléa ruissellement sur le territoire du bassin versant de la Dordogne.

Deux bureaux d’études ont été missionnés :

  • le premier pour la caractérisation pédologique du bassin versant. Cette étude met en évidence la nécessité d’une donnée de qualité avec environ 200 carottages réalisés ;
  • le second pour l’étude géomorphologique du bassin versant.

Pour spatialiser l’aléa, des cartes de sensibilité ont été produites.

Présentation du schéma régional
Présentation du schéma régional

Une application a été réalisée sur le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de Bergerac pour étudier la prise en compte des cartes de susceptibilité dans le document d’urbanisme, étape difficile du changement d’échelle et qui nécessite un regard d’expert.

Une note d’enjeu a été élaborée pour chaque zone AU (zone naturelle du PLUi destinée à être urbanisée à court ou moyen terme).

Il reste à étudier la reproductibilité de la méthode et à partager ces éléments de réflexion aux échelles plus pertinentes des schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou des schémas d'aménagement et de gestion de l'Eau (SAGES).

 

2 - L'intervention du Cerema sur le territoire de l'Arc méditerranéen

Après avoir évoqué des évènements historiques en matière de ruissellement sur l’Arc méditerranéen, Christophe Moulin du Cerema décrit une intervention menée sur ce territoire.

Cette étude comprend un volet sur la modélisation de l’aléa et la mise en œuvre d’un plan d’actions pour gérer le risque ruissellement.

Le procédé utilisé était :

  • la capitalisation et analyse des données issus d’évènements ;
  • l'identification de secteurs à risque important ;
  • le repérage de l’ensemble des outils disponibles et des acteurs concernés ;
  • la définition d’un référentiel d’actions.

Des recommandations ont été rédigées sous la forme de fiches sur des sujets tels que la connaissance des phénomènes, le schéma de gestion des eaux pluviales, la gestion de crise, la prévision et surveillance, la réduction de la vulnérabilité…

 

3 - L'étude d'évaluation de zones exposées au risque en Hauts de France

Swann Lamarche de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Hauts de France présente une étude d’évaluation des zones exposées au ruissellement dans sa région.

La méthodologie employée reposait sur :

  • l’utilisation d’Exzeco
  • la prise en compte des pentes
  • le croisement avec les zones urbanisées.

L’objectif était ainsi de définir les bassins versants comprenant des zones urbaines importantes et un risque de ruissellement.

Il s’agit d’un outil d’aide à la décision, qui alimente les stratégies régionales de priorisation en lien avec les autres politiques publiques : agriculture, biodiversité, planification… mais qui n’est pas directement opérationnel dans les politiques d’aménagement

 

Troisième séquence : Lien entre risque ruissellement et autres politiques publiques

La prise en compte du risque ruissellement se traduit au travers de la politique publique du risque mais se retrouve également dans les politiques agricoles et de gestion des eaux pluviales.

Quels sont les leviers d’actions possibles ?

 

puce  Planter des haies en protection

Les phénomènes de coulées de boues par ruissellement sont courants. Le type de culture et la disparition des haies viennent renforcer le phénomène.

Définir une stratégie d'intervention
Définir une stratégie d'intervention

Thomas Breinig du syndicat mixte interdépartemental de la Vallée de la Lèze décrit une politique volontariste de lutte contre le ruissellement sur leur bassin versant avec plantations de haies sur la période 2006-2017.

Un travail en plusieurs étapes a été mené :

  • prélocalisation pour estimer le linéaire de potentiel ;
  • travail de modélisation pour connaître le temps d’allongement de transfert de crues ;
  • élaboration de notices techniques sur le mode de plantations et les espèces ;
  • rédaction d’un protocole de maîtrise foncière.

La prise en compte d’une déclaration d’intérêt général s’accompagne de conventions simples passées avec les propriétaires agricoles qui ont en charge l’entretien des haies.

Au total, 30 km de haies ont été plantés pour un coût de 300 000€.

Au-delà de l’investissement dans le programme d'action de prévention des inondations (PAPI) d’origine se pose la question de la pérennité de la démarche, par exemple : que vont devenir les haies à l’avenir ?

 

puce  Établir une doctrine locale sur le risque ruissellement

Après avoir caractérisé l’aléa ruissellement avec la méthode Exzeco, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM 30) s’est orientée vers la réalisation d’une note de cadrage portée par le Préfet du Gard et définissant une zone potentielle de ruissellement.

Présentée par Patrick Martelli de la DDTM 30, cette note énonce les principes à respecter et les règles à appliquer selon le degré de connaissance du risque et en fonction de l’importance des enjeux du projet.

Elle donne également des outils pour mieux appréhender le risque d’inondation par ruissellement.

En parallèle, la DDTM 30 a rédigé un cahier des charges pour réaliser un zonage pluvial a minima et un logigramme qui schématise la prise en compte du ruissellement selon le niveau de précision de la connaissance de l’aléa.

 

puce  Intégrer le risque dans les prescriptions du zonage pluvial

L’évènement pluvieux du 19 septembre 2009 provoquant une inondation a été suffisamment marquant sur le territoire de Bayonne-Anglet-Biarritz pour enclencher au niveau local, par les collectivités, une politique de gestion des eaux pluviales pour la maîtrise des ruissellements urbains.

Yvan Gaime de la communauté d'agglomération Pays Basque (CAPB) présente cette politique publique : les collectivités ont mené une réflexion en profondeur pour intégrer l’aspect risque par ruissellement des eaux pluviales dans les prescriptions du zonage pluvial.

Ce zonage permet aux collectivités de disposer sur leur territoire d’une connaissance du niveau de risque inondation par ruissellement par secteur de sous-bassins versants, l’objectif étant de traiter les risques forts associés à une pluie de période de retour de trente ans.

Une étude de vulnérabilité du territoire a été intégrée dans la démarche aboutissant à l’énoncé de règles curatives et préventives.

 

puce  Maintenir une gestion de qualité

Le syndicat Intercommunal du Bassin d'Arcachon (SIBA) mène une politique ambitieuse en matière de gestion des eaux pluviales sur le territoire de l’agglomération d’Arcachon.

Depuis 1983, le SIBA instruit tous les actes d’urbanisme en imposant pour les particuliers l’infiltration à la parcelle et pour les opérations immobilières, une solution compensatoire avec suivi des travaux au-delà de 500m² imperméabilisés.

Entre 1996 et 2005, l’accent a été mis sur la réalisation de schémas directeurs d’assainissement des eaux pluviales.

Et enfin, de 2000 à 2014, des travaux structurants ont été réalisés.

Les orientations actuelles portent sur le maintien d’une bonne qualité des eaux de baignade, une bonne gestion de la nappe d’eau souterraine et enfin la caractérisation des micropolluants dans les rejets pluviaux.

 

Didier Felts et Aurélie Langlamet concluent ces journées. Le bilan se résume en deux points à conforter :

  • l’importance de la modélisation de l’aléa ruissellement ;

  • la nécessité d'identifier de quelle manière ces éléments cartographiques peuvent aider à prendre en compte le ruissellement dans les documents d’urbanisme, premiers leviers d’actions en matière d’aménagement.

La journée a également mis en exergue les outils déployés par l’État ou les collectivités qui prennent à bras le corps la problématique du ruissellement sur leur territoire au travers de schémas directeurs des eaux pluviales.