Cet article fait partie du dossier : Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
Voir les 54 actualités liées à ce dossierLe Cerema a organisé le 11 mai 2023 un webinaire (rendez-vous mobilités du Cerema) consacré à la connaissance des mobilités pour aller au-delà de la vision du seul "jour moyen de semaine", traditionnellement interrogé par les EMC² (Enquêtes de Mobilités Certifiées Cerema). En effet, l’EMC² s’inscrit parmi les outils d’aide à la décision pour la création de nouvelles infrastructures et de nouveaux services de mobilités.
Les périodes dimensionnantes étant les heures de pointe de la semaine, les outils de connaissance, données d’entrée de la modélisation, se sont donc concentrés sur un jour type de semaine, représentant la contrainte moyenne exercée par la demande qu’on peut profiler facilement grâce aux nombreuses caractéristiques observées sur les ménages et les personnes. Or les modes de vie actuels sont de plus en plus individualisés, atypiques, et l’essor du télétravail pour une partie des actifs ne fait qu’accélérer ces différences. L’augmentation du temps libre, la démocratisation des voyages à longue distance, ont par ailleurs rendu les déplacements de week-end et de vacances plus prépondérants.
Il est donc apparu nécessaire d’élargir le spectre de la connaissance des mobilités, en s’appuyant sur des outils existants (EMC², enquête nationale de mobilité) et de nouveaux outils de mesure (Baromob).
Des intervenants du Cerema, de la métropole de Grenoble, de l’agence d’urbanisme de Rennes (Audiar) et de l’Ademe ont présenté leurs travaux et leurs analyses permettant ainsi de mieux connaître ces mobilités atypiques.
Quelles évolutions des mobilités ces dernières années ?
Les télétravailleurs post covid, des mobiles comme les autres actifs ?
Nouvelle forme d’organisation du travail, pour une partie des actifs, le télétravail et ses impacts en termes de comportements de mobilité a été le premier sujet abordé. Qui sont les télétravailleurs ? Sont-ils les mêmes qu’avant la crise sanitaire ? Comment se déplacent-ils le jour où ils télétravaillent ? Et les jours où ils travaillent en présentiel ?
- 24% des actifs déclarent télétravailler dans les EMC² post-covid contre 11% avant.
- 44% sont des cadres : 55% des cadres le pratiquent à présent contre 32% avant.
- Comme avant le covid, les télétravailleurs habitent en moyenne plus loin de leur travail que les autres actifs (21 km contre 9 km) mais cette distance s’est réduite de 8 km.
- Un jour moyen de semaine, 5% des actifs télétravaillent effectivement contre 1% avant. Le budget distance d’un télétravailleur qui travaille chez lui est 4 fois moins important que si il se rendait à son lieu de travail, 34% des déplacements sont alors réalisés à pied contre 18%. Il réalise 2.4 activités contre 3.1.
[Ces résultats sont synthétisés à partir des EMC² post covid]
Mobilité quotidienne d’un jour à l’autre avec Baromob 2022
Les nouvelles pratiques telles que le télétravail laissent penser que, pour une partie de la population, l’organisation des déplacements ne se réfléchit plus à la journée mais à la semaine. Les déplacements évités un jour donné peuvent être reportés sur un ou plusieurs autres jours de la semaine, voire du weekend. Seule une enquête hebdomadaire peut éclairer ces hypothèses : c’est l’objet du Baromob, réalisé en 2022 par le Cerema et l’Ademe.
En 2022, du lundi au vendredi, 1/5 des personnes âgées de 15 ans ou plus restent chez elles. Cette part double le dimanche. 30% se déplacent tous les jours, 30% ne se déplacent pas 3 jours dans la semaine. Pour ces derniers, le télétravail et l’inactivité professionnelle expliquent en partie cette immobilité. Pour les personnes mobiles, le nombre moyen de déplacements par jour est assez stable selon le jour (environ 3.3 déplacements) et plus faible seulement le dimanche : le télétravail n’a donc pas introduit de différences notables de niveau de mobilité entre les jours de la semaine.
L’importance des motifs à destination est à peu près la même selon le jour de semaine mais un vendredi moyen est moins dédié au travail (1/3 des déplacements du lundi au jeudi contre ¼ le vendredi). Les modes empruntés varient peu d’un jour à l’autre du lundi au vendredi avec une part modale de la voiture au 2/3 et des TC aux alentours de 8% (courte ou longue distance). Au niveau de l’individu, 10% effectuent le même nombre de déplacements chaque jour du lundi au vendredi, 4% changent tous les jours. Les femmes, les télétravailleurs et les inactifs, les personnes plus diplômées ont des programmes d’activité très différents d’un jour à l’autre du lundi au vendredi.
Mobilité quotidienne et pratique d’achats en ligne avec Baromob 2022
19% des personnes ne pratiquent jamais d’achats en ligne : les plus âgées et les plus modestes et les moins mobiles sont les moins adeptes de cette pratique. 11% des acheteurs déclarent acheter tout type de produit sur internet. Les modes d’accès au produit restent la livraison à domicile et le point relais.
Cependant, lorsqu’il s’agit de produits alimentaires, la livraison à domicile et le drive font jeu égal avec une préférence pour le second en milieu moins dense. 38% des personnes ont acheté des produits alimentaires en ligne au cours du dernier mois. La mobilité des personnes pour achats ne semble pas être réduite lorsqu’on pratique plus souvent l’achat par internet.
La mobilité du week-end
La deuxième séquence de ce webinaire a été consacrée à la mobilité du week-end. Pour présenter les principales caractéristiques de la mobilité du week-end, le Cerema s’est d’abord appuyé sur l’enquête nationale de mobilités (EMP 2018-19 logo ?) réalisée par le ministère de la transition écologique en dressant un panorama des déplacements de fin de semaine.
Sollicité de plus en plus par les collectivités pour en savoir plus hors des jours de semaine du lundi au vendredi, le Cerema a par ailleurs proposé une option week-end adossée à l’enquête cœur d’une EMC², pour quantifier la mobilité du samedi et du dimanche. Deux acteurs locaux ont présenté les résultats de leur récente EMC² accompagnée de cette option : la métropole de Grenoble (2020) et l’agence d’urbanisme de Rennes (2018). Les résultats principaux de l’enquête de Grande Région Grenobloise, avec quelques focus thématiques, ont été exposés. A Rennes, l’Audiar a présenté une étude spécifique sur la mobilité liée aux achats le samedi.
Au niveau national, les niveaux de mobilité quotidienne un samedi sont équivalents à un jour moyen de semaine que ce soit en fréquence de déplacements ou en km parcourus (25 km en moyenne) mais ils baissent fortement le dimanche en raison d’une forte proportion de personnes qui ne quittent pas leur domicile ce jour-là (deux fois plus qu’un jour moyen de semaine). Pour deux tiers des déplacements, on utilise la voiture en semaine ou le week-end, mais on l’utilise plus souvent à plusieurs le samedi et le dimanche par rapport à un jour de semaine. Les achats le samedi et les loisirs le dimanche sont les motifs les mieux représentés (plus d’un tiers contre respectivement un cinquième la semaine) dans ces journées alors que les déplacements vers le travail restent les plus nombreux en semaine.
L’enquête rennaise montre que les pratiques d’achats sont différentes la semaine et le samedi : on est prêt à parcourir plus de km, notamment vers les grandes surface le samedi, même si les déplacements vers les petits commerces représentent 50% des déplacements pour achats. L’enquête grenobloise nous apprend que 15% de la population âgée de 15 ans ou plus ne réalise jamais de déplacements de plus de 100 km le week-end contre 9% très fréquemment (2 fois par mois). Les habitants du centre-ville utilisent le train dans 12% des cas alors que plus de 80% utilisent la voiture lorsqu’ils habitent en périphérie ou zones moins denses. Ces pratiques de voyages à longue distance le week-end sont plus répandues parmi les ménages les plus aisés : 41% des km sont parcourus par les 25% des personnes les plus aisées nous apprend l’EMP au niveau national.
Ainsi ces présentations montrent toute la diversité des comportements de mobilité au-delà du « jour moyen de semaine » mesuré par l’EMC². Mais elles montrent aussi comment l’appréhension des niveaux de mobilité à ce niveau agrégé reste pertinente même une fois que le télétravail s’est plus massivement mis en place. Enfin, c’est le développement de nouvelles enquêtes qui a permis l’enrichissement de cette connaissance dans le temps, dans l’espace et à différents niveaux agrégés ou désagrégés.
Le replay :
Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema