24 novembre 2022
vue de l'escalier entre les falaises depuis la plage
Cerema
Le Cerema a été sollicité par deux communes normandes pour étudier l'accès à la mer par une valleuse, un passage dans les falaises où un escalier est aménagé, et qui est dégradée suite à de nombreux mouvements de terrain. Après une étude du site, des solutions de confortement ont été proposées.

Doté d’une équipe ressource doublement qualifiée "Risques Naturels" et "Ingénierie du Littoral", le Département Géosciences et Infrastructures (DGI) du Cerema Normandie Centre est  reconnu depuis de nombreuses années pour ses implications et son expertise sur les thématiques littorales auprès des Institutions, Collectivités, Universitaires, Chercheurs ...

C’est donc tout naturellement que la commune de Sainte-Marguerite-sur-Mer s’est tournée vers le Cerema pour répondre à sa problématique.

 

1 - Problématique

Située à 8 km à l’Ouest de Dieppe, la valleuse [1] de Vastérival se localise sur les communes de Sainte-Marguerite-sur-Mer et Varengeville-sur-Mer. Elle est empruntée par un sentier débouchant, via un ouvrage, sur l’estran qui, lui-même, est bordé de falaises crayeuses littorales (22-25 m de hauteur). L’estran est un platier partiellement recouvert de placages de sable et de galets, guidés par l’interaction des différents courants (houle, marée, …) et du positionnement de la falaise et de l’ouvrage.

Cette valleuse, constituant l’un des rares accès à la mer entre le Cap d’Ailly et Dieppe (notamment pour les secours [2]), est affectée, sous l’effet des actions continentales, par de nombreux mouvements de terrains récurrents. Ces derniers génèrent des volumes de matériaux se propageant en point bas de valleuse. Par ailleurs, l’ouvrage permettant l’accès à l’estran est dégradé dans son intégrité et dans ses usages par les actions marines.

Le DGI a donc été sollicité fin 2021 pour, d’une part, diagnostiquer les mouvements de terrains affectant cette valleuse (200 m de long) et, d’autre part, proposer techniquement et financièrement des solutions visant à maintenir cet accès à la mer. 

Piloté par le DGI, ce travail a été complété par un inventaire synthétique des enjeux que cet accès à la mer représente pour le territoire, ainsi que par une évaluation du recul possible de la falaise dans les 20-30 prochaines années, et les conséquences possibles sur les aménagements actuels. Ces travaux ont été réalisés par le DLAB (Département Littoral, Aménagement, Bâtiment).

modélisation du site

2 - Constats

Cette valleuse protégée [3] et régulièrement fréquentée (pêche, plage, proximité du GR21, …), présente un flanc Est affecté par des glissements anciens et récents (cicatrices évolutives). Ces glissements sont issus de la conjonction d’un recouvrement superficiel de matériaux fins, d’une pente conséquente, de présence probable de circulation d’eau (ponctuelle), et de la recherche d’un profil d’équilibre (notamment par rapport aux glissements antérieurs proches).

La résultante du dernier glissement s’observe sur le sentier : il s’agit principalement et majoritairement d’un matériau fin et homogène, complété d’éléments crayeux présentant des volumes unitaires inférieurs à 1-2 dm³.

Au débouché de la valleuse, un front crayeux, vertical, d’environ 18 m de haut, pour 15 m de large, mobilise des éléments crayeux pouvant atteindre 5 dm³ et qui impactent la plate-forme supérieure de l’ouvrage (située à 8 m de hauteur par rapport à l’estran). Ces départs sont principalement liés aux conditions météorologiques (conjonction de l’alternance gel/dégel, variation de la teneur en eau entre hiver et été, ...) et de la géologie (discontinuités, ...).

 

schéma du glissement de terrainvue du chemin d'accès

 

L’ouvrage, quant à lui, est constitué de deux parties distinctes : une première partie" amont" (environ 10 m de long), structurée, massive, présentant un parement maçonné, portant un escalier bien marqué, et une seconde partie "aval" (environ 6 m de long), grossièrement bétonnée, moins structurée, s’appuyant sur des blocs rocheux et portant un escalier fortement érodé par l’action de la mer.

La partie "amont" présente une liaison bétonnée avec la falaise littorale. Du fait de l’hydrodynamisme local (pour partie contraint par la présence de l’ouvrage), le front de falaise s’est affouillé derrière cette liaison. Par ailleurs, on observe également dans cette partie "amont", un désordre conséquent ponctuel (vide d’environ 3,5 m³), évolutif, ainsi qu’un second désordre traversant. 

La partie "aval" (environ 6 m de long), repose sur un assemblage de blocs présentant de nombreux vides du fait de contacts non jointifs. Certes, ces vides favorisent la dissipation et l’amortissement de l’énergie de l’eau permettant ainsi de diminuer son action et son impact sur l’ouvrage, mais ces vides favorisent également la concentration de l’eau et des matériaux qu’elle transporte contribuant ainsi l’effet érosif. Le bétonnage insuffisant par endroits ne remplit pas l’ensemble des vides. Aujourd’hui ces vides ont évolué et ont tendance à desservir l’ouvrage en le fragilisant.

L’ouvrage est protégé par des blocs rocheux de protection (de l’ordre du m³) poussés et disposés grossièrement en "croissant" dans le but d’amortir et de dissiper l’énergie de la mer et ainsi diminuer son action et son impact.

vue du pied de la falaisevue des désordres sur l'escalier

3 - Propositions techniques et estimations financières

Concernant la valleuse, les solutions techniques de mise en sécurité (parades) proposées par le DGI sont de deux types : des parades actives qui s’opposent aux déclenchements des phénomènes en maintenant en place les éléments rocheux potentiellement instables, et des parades passives qui interceptent et/ou guident
les éléments rocheux mobilisés sur leur trajectoire. En complément de ces parades, le Cerema recommande également un suivi du site (visite annuelle, relevé de désordres, …).

vue du site d'étude et de l'escalierConcrètement, les matériaux mobilisables par les glissements potentiels futurs pourraient être maîtrisés en partie basse par l’implantation d’un écran à structure rigide disposé au point de concentration de la propagation des éléments générés ponctuellement ou par phases successives. Le front crayeux en partie terminale du flanc Est sera sécurisé, soit par une couverture grillagée (environ 300 m²), qui canalisera les éléments rocheux potentiellement instables en partie basse de front, soit par une opération annuelle de purge manuelle à la canne à purge par une équipe spécialisée de cordistes.

L’estimation financière de la mise en sécurité de la valleuse se chiffre entre 10 000 euros et 20 000 euros suivant les orientations choisies. Concernant l’ouvrage et l’accès à l’estran, le DGI propose trois principes de solutions possibles.

  • Le premier principe consisterait en la remise en état de l’ouvrage existant avec la mise en place d’un support de marche métallique sur la partie "aval" de l’ouvrage présentant un relief très lissé. Pour ralentir l’évolution de la dégradation de l’ouvrage, les différents vides (de contacts ou structuraux) seront injectés de béton. 
  • Le second principe consisterait en la destruction de la partie "aval" de l’ouvrage avec mise en place d’une passerelle métallique vers l’estran, et réparation de la partie "amont" de l’ouvrage. Les matériaux de déconstruction serviraient de protection à la base de la passerelle. Une passerelle métallique "transparente" à l’hydrodynamisme local ferait la jonction entre la partie "amont" de l’ouvrage et l’estran (radier sur le platier). Il s’agirait d’une passerelle répondant aux normes ERP. Elle permettrait le passage de deux flux (montant et descendant) et serait adaptée à l’environnement marin. La jonction de la passerelle avec l’estran présenterait des pièces "fusibles" permettant le changement et/ou la réparation en cas de dégradations liées aux conditions marines. On disposerait des blocs rocheux à proximité de l’arrivée de cette passerelle sur l’estran, afin de maximiser sa protection physique vis-à-vis des actions la mer. La partie amont de l’ouvrage serait remise en état comme pour le premier principe.
  • Le troisième principe consisterait à laisser l’ouvrage en l’état (protection de la jonction entre la valleuse et le platier), tout en implantant une passerelle métallique partant de la plate-forme et arrivant sur l’estran (radier sur le platier). Cette passerelle métallique ferait la jonction entre la plate-forme et l’estran. L’arrivée de cette passerelle sur l’estran serait décalée vers l’Ouest (avec une protection physique par blocs métriques disposés en croissants). Tout comme le second principe, cette passerelle serait « transparente » à l’hydrodynamisme local et répondrait aux normes ERP.

L’estimation financière de la mise en sécurité de l’accès à la mer, se chiffre entre 20 000 euros et 60 000 euros suivant les orientations choisies.

Les conclusions de ce travail ont été présentées aux différents élus, au SML76 (Syndicat Mixte du Littoral de Seine Maritime) ainsi qu’à la DDTM76 lors d’une réunion de restitution.

 


[1] Valleuse : vallée perchée ou débouchant sur une plage.

[2] Les autres accès se situent à 3 km à l’Est et/ou 3 km à l’Ouest de la valleuse de Vasterival.

[3] ZNIEFF 1 et 2, Site Natura 2000, …

Contact Cerema