
Quelle formation avez-vous suivie ?
J’ai suivi mon cursus universitaire à l’École Polytechnique de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) avec une formation d’ingénieur mécanicien spécialisé en aéronautique et mécanique des fluides appliquée. Ensuite, j’ai réalisé, toujours à l’Université Libre de Bruxelles, un DEA ("Diplôme d’Études Approfondies".), en mécanique appliquée, puis une thèse de doctorat au “Service Traitement des Eaux et Pollution”.
Dès mes études, j’ai eu un goût prononcé pour l’analyse et la modélisation des phénomènes physiques, ce qui m’a naturellement orienté vers la recherche.
Pouvez-vous nous expliquer l’objectif et les enjeux de votre thèse ?
Ma thèse portait sur l’amélioration des modèles numériques unidimensionnels du transport des sédiments fins dans les rivières alluviales, notamment lors d’événements intenses comme les crues ou les chasses hydrauliques, au cours desquels ces sédiments étaient fortement remobilisés depuis le lit de la rivière.
L’un des principaux enjeux était de mieux appréhender les débits solides lors de ces événements et d’évaluer le transport des polluants associés aux sédiments fins. Lors de forts écoulements, les interactions entre les propriétés hydrodynamiques, sédimentaires et morphodynamiques évoluaient rapidement, rendant leur modélisation complexe et souvent imprécise.
Pour répondre à cette problématique, nous avons mis au point une nouvelle méthodologie qui intègre mieux l'influence des interactions entre frottement hydrodynamique, taux de remise en suspension et formes de lits et nous l’avons intégrée dans un modèle numérique pour reproduire des évènements de chasse hydraulique sur le Fleuve Jaune en Chine.
Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir la recherche ?
J’ai effectué mon mémoire de fin d’études au Service de Mécanique Appliquée de l’ULB. À la suite de ce stage, j’ai enchaîné avec un contrat de recherche avec Solvay-Inergy Automotive. Le travail a été effectué au sein du laboratoire universitaire mais avec de fortes interactions avec le centre R&D de Solvay, ce qui m’a permis d’appréhender le monde de la recherche publique et privée.
Ce qui m’a plu dans la recherche, c’est cette possibilité d’explorer des problématiques complexes et d’apporter des réponses innovantes, tout en restant connecté aux réalités industrielles et environnementales.
Quelles sont les grandes étapes de votre parcours en tant que chercheur ?
La première étape a été un changement de thématique entre mon cursus universitaire et la thèse de doctorat. Mon cursus universitaire était plus orienté machines hydrauliques et aéronautiques avec des enjeux industriels, alors mon sujet de thèse traitait des écoulements dans un milieu naturel en fleuve avec des enjeux sociétaux plus marqués (qualité des eaux, risques d’inondations). Par la suite, j’ai continué à travailler sur des écoulements en milieux naturels comme des estuaires, des fleuves et des zones côtières.
Je suis arrivé en France en 2009 pour réaliser un post-doctorat au Laboratoire d’Hydraulique Saint-Venant sur le site R&D d’EDF et j’ai ensuite été recruté au Cerema fin 2010.
Sur quoi portent vos travaux de recherche ?
Au fil des années, je me suis spécialisé sur la dynamique hydro-sédimentaire des estuaires avec une approche de modélisation numérique et de l’exploitation de mesures in situ. Mes travaux portent sur les interactions à petite échelle entre les processus hydro-sédimentaires et les interactions à plus grande échelle entre les estuaires et les zones côtières.
En tant que chercheur au Cerema, quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent au quotidien?
Sur les aspects plus scientifiques, je travaille au quotidien sur la confrontation des modèles numériques avec des données de terrain pour optimiser les paramétrisations des codes.
Nous sommes très souvent sollicités pour être une passerelle entre les gestionnaires et les acteurs de la recherche plus académiques ou parfois les bureaux d’études.
Le Cerema est labellisé institut Carnot avec Clim’adapt : qu’est-ce que cela représente pour vous en tant que chercheur au Cerema ?
La labellisation institut Carnot avec Clim’adapt nous rappelle le besoin de garder le cap de nos recherches sur des problématiques liées au changement global et d’apporter des connaissances et des outils pour accompagner les acteurs du territoire (industrie, collectivités) dans leur adaptation au changement climatique.
Elle nous inscrit également dans une dynamique de recherche partenariale, en renforçant les liens entre la recherche publique et les acteurs socio-économiques pour accélérer l'innovation et la mise en œuvre de solutions adaptées aux enjeux du terrain.
Avez-vous déjà été lauréat d’un appel à projets de ressourcement scientifique de Clim’adapt, l’institut Carnot du Cerema ?
Oui, j’avais été lauréat d’un projet Tremplin Carnot* (projet Inthrig) et de deux projets Clim’adapt Rhomarin en 2023 sur l’embouchure du Rhône, et Prisme en 2025 sur la Baie de Somme. Ces projets ont pour objectif d’approfondir la compréhension de la dynamique de ces milieux afin de développer des outils de prévision adaptés au contexte du changement climatique. Le projet Rhomarin a notamment permis d’initier et de renforcer des collaborations avec plusieurs acteurs privés, tels que la CNR, Sweetch Energy et les Salins du Midi.

Campagne de mesures in situ en Baie de Somme (Thèse Tatiana Goulas codirection M2C Rouen-Cerema)
*En 2016, le Cerema est intégré comme Tremplin Carnot pour une durée de 3 ans avec la « marque »
Quels défis rencontrez-vous dans vos projets de recherche ?
L’intérêt d’être un chercheur dans un établissement public consiste à mener des recherches en lien avec les politiques publiques. La contrainte réside à arriver à se garder assez de temps de recherche par rapport aux charges administratives et d’arriver à rester compétitif par rapport aux autres acteurs de la recherche.
Pouvez-vous nous parler d’un projet dont vous êtes particulièrement fier ?
Depuis 2015, j’ai travaillé sur différents projets de recherche sur l’estuaire de la Gironde en collaboration avec l’UMR CNRS 5805 EPOC. Ces projets répondaient à des demandes d’acteurs du territoire comme Énergie de la Lune pour évaluer le potentiel hydrolien ou le port de Bordeaux sur des problématiques hydrosédimentaires et de gestion de la navigation. Au fil des années et des projets (Gironde XL 3D, InterReg Ecclipse, ANR-FRQ Emphase), j’ai construit et valorisé en publications différents outils de modélisations numériques 2D ou 3D pour répondre à des besoins opérationnels du port (capacité d'accueil des navires).
Depuis 2013, j’ai participé à l’encadrement de deux thèses sur l’estuaire du Mahury et les échanges avec les bancs de vase en Guyane (Orseau 2016; Abascal Zorrilla 2019) ce qui a permis de tisser de nombreuses collaborations avec les laboratoires LEEISA, M2C, Epoc et Log et de participer à différents projets (Maestro, Ephemar).
Depuis 2022, je porte également un partenariat entre le Cerema et l’UMR M2C pour développer des recherches sur les risques hydrauliques à l’Interface Terre-Mer avec des applications sur l’estuaire de l’Orne, la baie de Somme et l’estuaire de la Seine.
Quelles sont les qualités requises pour être un bon chercheur ?
Il faut être rigoureux, persévérant et patient.
Certains projets mettent plusieurs années à se monter et parfois les graines que l’on sème ne donnent des résultats à plus long terme.
Quel conseil adresseriez-vous aux personnes qui voudraient s'orienter vers la recherche ?
Il faut arriver à concilier une concentration sur ces thématiques de recherche et une attention sur les évolutions de son environnement.
Un dernier message à partager ?
Être chercheur au Cerema n’est pas un long fleuve tranquille, mais les différentes sinuosités du parcours permettent de découvrir plein de nouvelles opportunités.
Equipe RHITME du Cerema à M2C Rouen