26 novembre 2021
Vue des quais du Wault à lille, le long de la Deule
Wikimedia Commons - Quai du Wault Lille
Le Cerema a contribué à une étude sur les logements en colocation à Lille pour établir un état des lieux d’un point de vue quantitatif, sociologique, ainsi que juridique et fiscal. Ce travail a été mené avec un groupement coordonné par Espacité, à la demande de la Métropole Européenne de Lille.

D’après le recensement 2018 de l’INSEE, 48 % des Lillois sont locataires du parc privé. Bien qu’ancienne, la colocation tend à se développer et s’ancre de plus en plus dans la logique des locataires comme des bailleurs. Le modèle peut notamment être attractif pour les étudiants souhaitant privilégier la vie en communauté et avoir accès à des logements plus spacieux1.

Mais on observe également une généralisation de ce mode d’habiter, notamment auprès des jeunes actifs. Les propriétaires, quant à eux, choisissent d’investir dans de grands biens proposés en colocation, leur permettant ainsi d’échapper au permis de diviser mis en place par la Métropole Européenne de Lille (MEL) en 2018 en réponse au phénomène important de fractionnement de grands logements.

 

Une vision transversale de la colocation souhaitée par la ville de Lille

Vue d'un quartier de LilleLe développement de ces offres de logements, principalement à destination des étudiants et des jeunes actifs, peut avoir des effets divergents vis-à-vis de la politique de l’habitat développée par la Ville de Lille et la MEL. Les grands biens deviennent inadaptés aux ressources des ménages familiaux, que ce soit à la location ou à l’acquisition, et, outre la qualité des biens mis sur le marché, la Ville s’interroge plus généralement, sur les effets de cette nouvelle forme d’offre sur le marché immobilier lillois dans son ensemble.

Face à ces constats, la Ville a souhaité disposer d’une vision transversale de ce que représente la colocation sur son territoire d’un point de vue quantitatif, sociologique mais aussi juridique et fiscal. En réponse à ces enjeux, le Cerema Hauts-de-France a intégré un groupement coordonné par Espacité pour réaliser le volet statistique de cette étude.

Cette mission s’inscrit dans le prolongement de précédents travaux du Cerema sur la colocation avec notamment la publication en 2019 d’une fiche de référence sur ce mode d’habiter. Elle s’appuie sur l’expertise du Cerema en matière d’observation à partir des données foncières et immobilières.

 

Elaboration d'une méthode d'observation

Une observation complexe

La quantification et la localisation des colocations, associées à une description des caractéristiques des logements et des colocataires se heurte à deux obstacles principaux :

  • D’une part, la diversité des situations que recouvre la notion de colocation et sa proximité avec d’autres modes de cohabitation ;
  • D’autre part, l’inadéquation des dispositifs d’observation habituellement utilisés dans le domaine du logement qui reposent souvent sur la notion de ménage en fournissant principalement des informations sur la personne de référence du ménage, concept peu pertinent en matière de colocation.

Le Cerema a donc exploré diverses options méthodologiques pour approcher le phénomène, dans un contexte où peu de démarches locales d’observation des colocations existent à notre connaissance.

 

Une utilisation innovante des fichiers du recensement

La méthode finalement privilégiée s’appuie sur les fichiers détails 2007 et 2017 du recensement. Ces fichiers sont issus de l’exploitation complémentaire du recensement de la population réalisé par l’INSEE et permettent de travailler à une échelle infra-communale, lorsque les effectifs sont suffisamment importants pour assurer la fiabilité statistique des données extraites.

Une dizaine de filtres ont été appliqués pour distinguer les individus en colocation sur des variables relatives aux types de ménages et de logements, liens à la personne de référence du ménage, âges des individus et statuts d’occupation.

L’existence de cette source depuis plusieurs années et sa relative stabilité ont permis d’étudier l’évolution du phénomène de la colocation sur 10 ans.

 

Quelques éléments de résultats

+ 50 % de colocations entre 2007 et 2017

 

En 10 ans, le nombre de colocations à Lille est passé de 3 450 à 5 170. 56 % des colocations se concentrent dans trois des 12 quartiers lillois que sont Lille-centre, Vauban-Esquermes et Wazemmes.

carte de l'augmentation des colocs

 

Les colocations sont constituées de deux personnes dans les 3/4 des cas, en 2017. On observe cependant une augmentation du nombre de grandes colocations qui se traduit par une part plus conséquente des logements de T4 ou plus dans le parc en colocation (37 % des biens en 2017 contre 28 % en 2007). Le taux de maisons (12 %) ainsi que le taux de logements loués meublés (17 %) sont en hausse de respectivement 3 et 6 points en 10 ans.

 

Les colocataires, des diplômés précaires

En 10 ans, le nombre de colocataires à Lille est passé de 7 100 à 12 100. Les 3/4 des colocataires ont entre 18 et 24 ans. Moins d’un colocataire sur deux vivait dans le même logement au 1er janvier de l’année précédente contre 64 % de l’ensemble des locataires du parc privé.

Le niveau de diplôme est particulièrement élevé : 96 % des colocataires ont le niveau bac ou plus contre 85 % des locataires du parc privé et 72 % sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur. Le taux d’actifs2 augmente (+4 points en 10 ans) mais avec une part élevée de contrats temporaires (CDD, apprentissage, stage rémunéré). Le CDI est ainsi minoritaire parmi les actifs en colocation.

 

conditions d'emploi des colocataires

 

Tous les quartiers lillois connaissent une augmentation du nombre de colocataires entre 2007 et 2017. Les plus fortes évolutions s’observent dans les quartiers de Fives, Moulins et Vauban-Esquermes avec des hausses supérieures à 80 %.

 

Pour conclure

L’état des lieux statistique de cette étude souligne donc l’augmentation marquée du nombre de colocations et de colocataires entre 2007 et 2017 ainsi que la tendance à une hausse des grandes colocations, au détriment des familles avec enfants qui diminuent de 7 % sur la même période. Des démarches d’observation similaires peuvent être réalisées sur d’autres territoires, à des fins notamment de comparaison, pour enrichir la compréhension du phénomène.

Ce travail quantitatif s’inscrit dans un projet plus large soulevant l’ensemble des problématiques liées à ce statut d’occupation, notamment juridiques et fiscales, et proposant des solutions pour une meilleure prise en considération de la colocation dans les procédures et campagnes de communication mises en œuvre par la Ville de Lille.


 

1 Ce besoin est d’autant plus grand à Lille que l’université compte près de 75 000 étudiants, soit 23 % de la population municipale

2 Certains de ces actifs peuvent par ailleurs être étudiants s’ils cumulent un emploi avec leurs études