2 septembre 2025
Vaches Parthenaises dans le bocage Deux-Sévrien
Thierry Degen - TERRA
Le Cerema a accompagné la communauté de communes dans la définition d’une stratégie bocagère durant 18 mois. Cet accompagnement comportait trois volets : la caractérisation globale du territoire (diagnostic), la rédaction d’un plan d’action opérationnel, la détermination des priorités d’intervention visant à préserver / restaurer le bocage sur la base des services rendus par les haies.

Depuis plusieurs années, l’agrandissement des parcelles agricoles, la disparition des prairies et certaines pratiques forestières ont contribué à la disparition des haies, entraînant une fragmentation du bocage. Face à cet enjeu la communauté de communes de Charente Limousine agit pour restaurer les haies, préserver les corridors écologiques afin de maintenir l’identité de son territoire tout en s’adaptant au changement climatique. 

 

L’outil de priorisation des sites de plantation

1/ Objectif

Face aux enjeux multiples de son territoire — préservation de l’identité paysagère, qualité de l’eau, ruissellement, érosion de la biodiversité et des sols — la communauté de communes de Charente Limousine a exprimé le besoin de disposer d’une méthode pour identifier les zones prioritaires de plantations de haies visant à restaurer les corridors écologiques et le maillage bocager. Pour répondre à cette demande, le Cerema a développé un outil opérationnel d’aide à la décision, intégré à un système d’information géographique (SIG), permettant de localiser les sites prioritaires pour la plantation de haies.

 

2/ Principe

L’approche adoptée repose sur l’hypothèse que les sites de plantation prioritaires sont ceux où les haies peuvent apporter des réponses concrètes aux enjeux identifiés, notamment en matière de lutte contre l’érosion, d’amélioration de la qualité de l’eau, de renforcement de la biodiversité et de valorisation paysagère

D’autres services rendus par les haies, telles que l’effet brise-vent, l’amélioration de la qualité de l’air ou la régénération des sols, n’ont pas pu être intégrés à l’analyse, soit par l’absence de données sur ces thématiques, soit parce que les données n’étaient pas pertinentes à l’échelle du territoire étudié.

 

3 / La méthodologie

     Schéma de principe de la méthodologie
Une analyse à l’échelle de l’hectare :

Le territoire des 58 communes a été découpé en mailles hexagonales d’un hectare, soit un total de 139 999 unités d’analyse. Ce choix d’échelle s’est imposé comme un compromis pertinent : il permet de rester cohérent avec la résolution des données disponibles, d’éviter une surcharge de données qui compliquerait les traitements informatiques, et d’assurer une lisibilité optimale des cartes produites. Par ailleurs, un hectare constitue une unité suffisamment fine pour correspondre à l’échelle d’une parcelle agricole, facilitant ainsi l’identification concrète des zones à privilégier pour la plantation de haies.

Chaque hexagone s’est vu attribuer une note globale, traduisant l’opportunité de planter ou non des haies, sur la base d’un cumul de critères liés aux différents enjeux environnementaux.

 

L’exclusion des secteurs sans enjeux

Certains secteurs ne pouvant accueillir des plantations, tels que les milieux forestiers et les surfaces en eau, ont été exclus de l'analyse. Après cette exclusion, 104 017 entités (hexagones) ont été conservées pour les traitements ultérieurs.

 

Les critères relatifs à l’état de la haie
Note obtenue pour la connectivité de haie, commune de Suaux

Ces critères permettent d’identifier rapidement les zones plus ou moins pourvues en haies, leur degré de connexion, ainsi que leur rôle potentiel dans la lutte contre l’érosion et le ruissellement : 

  • La densité de haies : permet de localiser les zones prioritaires pour favoriser la conservation des écosystèmes et assurer un environnement propice à la vie de nombreuses espèces animales et végétales,
  • La connectivité des haies : permet de localiser les zones prioritaires pour créer des corridors écologiques qui permettent aux espèces animales et végétales de se déplacer plus facilement d'un habitat à un autre.

Ces deux données permettent d’identifier rapidement les zones où il est nécessaire de planter des haies en raison de leur faible présence, voire de leur absence, ou d’un manque de connectivité, essentiel pour un bocage fonctionnel. À l’inverse, ces données aideront à repérer les zones où la haie est bien implantée et fonctionnelle sur 1 hectare, soulignant ainsi la nécessité de la préserver.

 

L’orientation de la haie par rapport à la pente
Plantation de haires bocagères en Nouvelle Aquitaine - Thierry Degen TERRA

L’objectif est d’analyser la disposition des haies en lien avec les courbes de niveau, afin de déterminer leur orientation par rapport à la pente. Cette orientation influence directement leur efficacité dans la lutte contre l’érosion des sols et le ruissellement de surface. 

Les haies perpendiculaires à la pente sont les plus efficaces. Elles régulent le régime des eaux en ralentissant les écoulements, favorisent l’infiltration des eaux de pluie et stabilisent les sols. Elles ont donc un rôle anti-érosif majeur. Les haies obliques à la pente exercent un effet modéré : leur impact sur l’érosion est présent mais moins marqué. Enfin, les haies parallèles à la pente jouent un rôle anti-érosif faible, leur effet se limitant essentiellement à une fonction de lisière ou de structure paysagère.

 

Les critères optionnels complémentaires

Afin de faciliter l’aide à la décision, trois indicateurs sont à disposition : maîtrise du foncier (intervention plus aisée sur les parcelles publiques), occupation du sol (cibler les zones où les plantations présenteraient un intérêt particulier) et inventaires communaux des haies (identifier les communes déjà engagées dans une telle dynamique).

 

Les critères relatifs aux services rendus par la haie

Quatre thématiques correspondantes aux enjeux ont été retenues et divisées en sous-thématiques. Une note, validée en comité technique, a été attribuée pour chacun des sous-critères pour tous les polygones. Il a été ensuite procédé à une pondération, également validée en comité technique, pour chacun des sous-critères afin de prioriser les plus déterminants au regard du critère considéré.

Les critères relatifs aux services rendus par la haie

 

 

Note obtenue pour le critère biodiversité, commune de Chirac

 

Attribution d’une note globale

La note globale de chaque hexagone est obtenue en additionnant le score des différentes thématiques après pondération, puis ajustée sur 20. Ainsi, plus une note est élevée au sein d’un hexagone, plus la plantation des haies doit être priorisée sur le secteur correspondant du fait d’un cumul d’enjeux.

 

Exemple de résultat obtenu pour la note globale sur la commune de Parzac

 

Plusieurs modalités d’entrée dans l’outil sont proposées, comme le résument les schémas ci-dessous : 

 

 

L’outil a été développé sous un système d’information géographique (SIG), à l’aide du logiciel QGIS, dans le but de le rendre simple d’utilisation, visuel et accessible. Ce choix permet de superposer plusieurs couches d’informations et de produire une analyse croisée par hexagone, en fonction des thématiques prioritaires définies par les utilisateurs. 

Chaque utilisateur peut ainsi adapter l’affichage selon les enjeux qu’il souhaite privilégier (biodiversité, paysage, érosion, ressource en eau), en lien avec ses missions ou les spécificités locales identifiées.

L’outil sera diffusé via des plateformes locales déjà bien connues des acteurs du territoire : celle de l’Agence Technique Départementale de la Charente (ATD 16) et celle du syndicat mixte départemental d’assistance aux collectivités dans le domaine de l’eau, dénommé Charente Eaux.