25 avril 2025
Infographie territoires adaptés au climat de demain
Crédit : Claire Antoine pour le Cerema
Co-animé par le Cerema et la Fabrique des Transitions, le programme "Territoires adaptés au climat de demain (+4°C)" vise à aider 25 collectivités à construire leur stratégie et leur plan d’adaptation face au changement climatique. Les 21 et 22 novembre 2024, un premier séminaire a réuni une vingtaine de participants et participantes autour d’un double objectif : monter en compétence sur l’adaptation pour mieux en parler et mobiliser ; créer une dynamique collective basée sur l’écoute, la confiance et l’entraide. Pari réussi, comme l’illustre ce retour en images.

"Paris à 50°" : un retour d’expérience inspirant qui démontre le pouvoir du récit et des éléments de langage pour mobiliser

Alexandre Florentin, élu à la ville de Paris, a présenté l’action de la mission "Paris à 50°C" qu’il a présidée. Le travail de cette instance transpartisane a consisté à auditionner plus de 75 personnes, réaliser 3 visites de terrain durant 6 mois avant de délibérer sur les préconisations du rapport (téléchargeable ici). Cette démarche a nourri des plans stratégiques déterminants pour la ville de Paris : ses Plans Climat, Résilience, Santé ainsi que son Plan Local d’Urbanisme bioclimatique. Par ailleurs, elle a inspiré une série d’événements ou de productions artistiques autour de l’adaptation (BD, spectacle, film…). 

 

 

Un des partis pris de la Mission a été d’adopter une communication sensible et concrète autour du changement climatique, en partant d’un angle d’attaque extrême, les canicules à 50°, qui parle à toutes et tous. Ce témoignage a convaincu les participants et participantes de l’intérêt d’une approche incarnée, qui montre les impacts du changement climatique dans la vie quotidienne sur le territoire, pour mobiliser autour de l’adaptation.

“Nous devons revoir nos éléments de langage. […]  Il est important de trouver les bons termes pour les élus, nous devons passer d’un sujet pour les spécialistes à un sujet concret pour tout le monde, c’est-à-dire rendre accessible les enjeux d’adaptation en démystifiant le côté scientifique.", explique ce participant. Une autre : "Tous les élus ne sont pas sensibles à la dimension écologique. En revanche, ils accrocheront si on leur parle de protéger leur population. Pour nous agents, s’inspirer de ces pratiques est un changement de culture et de méthode."

 

Anticiper les risques climatiques : les préconisations de Météo France 

La directrice des services climatiques de Météo-France, Sophie Martinoni-Lapierre, a présenté la Trajectoire de référence de l’adaptation au changement climatique (TRACC) "La France à +4°C" ainsi que les services climatiques de l’opérateur. La directrice a mis en lumière l’hétérogénéité du réchauffement dans les différents territoires français. Elle a aussi insisté sur la nécessité de travailler les indicateurs climatiques non seulement en moyennes annuelles, mais aussi en moyennes saisonnières ou mensuelles, ainsi qu’en valeurs extrêmes. En effet, certaines conditions saisonnières ou certains extrêmes constituent des facteurs limitants (températures trop élevées pour le corps humain par exemple) particulièrement impactants et que la moyenne ne reflète pas. 

En complément des données chiffrées, l’intérêt des modèles utilisés réside aussi dans leur capacité à poser les conditions saines d’un débat, afin d’instruire les éventuelles controverses que ces projections peuvent susciter.

 

La présentation :

Piloter une démarche d’adaptation : les besoins et pistes de travail identifiés par les collectivités 

Lors d’ateliers, les participants et participantes ont formulé une série d’attentes et de propositions à porter auprès de leur direction et de leurs élus. 5 pistes se dégagent :

Faciliter un portage politique fort et transversal : il s’agit de permettre aux élus et agents de s’approprier ce sujet nouveau qu’est l’adaptation. Un portage politique transversal de l’adaptation nécessite du dialogue entre les différents services et directions, et entre les différents élus de l’exécutif. C’est ce portage politique qui donne le courage d’en parler, d’agir et d’aller plus loin…
 

 

Impliquer sur le temps long : une démarche d’adaptation doit s’envisager sur un temps suffisant pour prendre en considération tous les impacts du changement climatique, qui vont s’accumuler et s’intensifier dans le temps. Donc bien au-delà du mandat 2026 ! Ce temps long peut se découper en plusieurs séquences, en s’appuyant sur différents acteurs pouvant se relayer. De fait, il faut faire la différence entre le cap / l’ambition (horizon lointain) et certaines actions qui peuvent démarrer maintenant. Ce temps long, c’est aussi le temps nécessaire pour développer une autre approche organisationnelle. 

 

 

Changer les pratiques de travail, décloisonner et favoriser la transversalité : aujourd’hui, tous les participants et participantes ont le sentiment de fonctionner en silos, qui plus est, dans l’urgence. Or, piloter une stratégie d’adaptation nécessite de travailler en transversalité pour que les élus comme les agents développent un “réflexe adaptation” : celle-ci doit devenir un sujet incontournable, la matrice d’action du projet de territoire. Ce qui implique de coopérer de façon horizontale, mais aussi ascendante, en partant des besoins du terrain. Les décideurs ont à choisir le mode de management de leur stratégie d’adaptation. Cela interpelle plus largement le mode de dialogue au sein des collectivités.

 

 

Embarquer les acteurs, à chacune des étapes de la démarche d’adaptation : parler du changement climatique avec lucidité dans le territoire, écouter et embarquer toutes les forces vives du territoire pour co-construire une vision partagée puis un plan d’action, dans lequel chacun aura un rôle à jouer… Il s’agit de parvenir à embarquer à tous les niveaux : en interne, les élus et les services, sur le territoire (tous les EPCI, toutes les communes), et plus largement, les citoyens et citoyennes, acteurs socio-économiques, l’État. 

On doit pouvoir compter sur un collectif d’acteurs soudés. Or, force est de constater qu’il reste difficile d’embarquer la population et les parties prenantes du territoire, notamment au sein des communes rurales ou des populations vulnérables les plus touchées. Cela est probablement lié à la difficulté à raccrocher l’adaptation à la réalité du quotidien. 

 

 

Enfin, il y a l’enjeu des "moyens humains et financiers" : dans ces temps de restrictions budgétaires, comment faire mieux avec moins ? La coopération s’impose comme un outil essentiel pour dégager de la capacité à agir. Et cela passe d’abord par prendre conscience collectivement que l’inaction coûtera forcément plus chère que l’action.

 

 

La force du collectif entre pairs pour avancer : "ça fait du bien de créer ensemble une issue de secours !"

S’adapter au climat est une question nouvelle, complexe, transverse, difficile à porter au sein de sa collectivité. S’épauler entre territoires, partager ses pratiques et ses difficultés, se révèle une aide précieuse pour parvenir à déployer une stratégie. 

En témoignent les réactions des participants et participantes : “On se sent moins seul face à l’adaptation“. Ce qu’on se dit est très enthousiasmant et va à l’encontre de toutes difficultés que l’on peut entendre en interne sur les tensions, le manque de temps… : ça fait du bien de créer ensemble une issue de secours !

Ce 1er séminaire a ainsi permis aux collectivités de sortir de l’isolement et de trouver un nouvel élan grâce au cadre de confiance posé par la Fabrique des transitions et aux modalités de travail participatives. Les uns et les autres repartent aussi avec des idées concrètes dans la manière d’aborder l’adaptation, en particulier concernant le dialogue avec les élus et la direction : “On a bientôt rendez-vous avec le maire, on avait préparé un brief avec plein de données, de chiffres… on va revoir ce brief pour le rendre beaucoup plus stratégique”, raconte cette collectivité. 

 

Et après ? 

Les échanges vont se poursuivre. Ce séminaire pose la première étape d’un parcours d’animation plus large, prévu sur plus d’un an. La Fabrique des Transitions et le Cerema croisent et hybrident leurs expertises pour co-animer ces échanges fructueux entre pairs. Basé sur des apports extérieurs et l’entraide entre pairs, rythmé par des rencontres, le programme Territoires adaptés repose aussi sur une communauté numérique (la plate-forme Expertises.Territoires) réunissant les 25 territoires concernés. Leurs travaux et enseignements seront capitalisés de façon ouverte afin que tous les territoires français en bénéficient, au-delà du programme.