Les 14 et 15 juillet 2021, l’est de la France, l’ouest de l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ont fait face à un phénomène météorologique de type "goutte froide" lié à la dépression "Bernd", qui a entraîné des inondations importantes sur ces secteurs. Si la France a été relativement peu impactée par rapport à ses pays voisins, le Pays-Haut lorrain a néanmoins subi des précipitations intenses.
De nombreux cours d’eau, tels que la Chiers et la Crusnes, sont entrés en crue à une période où ils sont habituellement en situation d’étiage. La commune de Longuyon, située à la confluence de ces deux rivières, a été particulièrement touchée, avec plusieurs dizaines de centimètres d’eau atteintes par endroit, notamment dans le centre-ville.
Au regard du caractère inhabituel de cet événement, un retour d’expérience s’est imposé pour tirer des enseignements et définir des mesures de réduction de la vulnérabilité. Celui-ci s’est traduit, entre autres, par :
- une campagne de levés de laisses de crue dans les jours qui ont suivi l’événement (informations à retrouver sur la plateforme nationale collaborative des repères de crues) ;
- l’organisation d’une conférence technique territoriale le 4 mai 2022 à Longuyon en présence des acteurs locaux (collectivités, Syndicat Intercommunal d’Aménagement de la Chiers et de ses affluents, Service Départemental d’Incendie et de Secours, gestionnaires des ouvrages, services de l’État, Cerema…), pour établir un bilan des témoignages et de la manière dont la crise a été gérée en 2021 ;
- la publication d’un rapport de retour d’expérience par la mission interministérielle IGEDD-CGE-IGA ;
- la production et le porter-à-connaissance en 2023 d’une cartographie des zones inondées par la crue de juillet 2021 à Longuyon ;
- la réalisation entre 2023 et 2025 d’études techniques confiées au Cerema par la DDT de Meurthe-et-Moselle, telles qu’une analyse de l’événement pour mieux comprendre les mécanismes ayant conduit à ces inondations majeures, et des diagnostics de vulnérabilité, présentés ci-après : le premier à l’échelle de la commune de Longuyon, le second sur un EHPAD de cette commune.
Diagnostic à l’échelle de la commune de Longuyon
La commune de Longuyon est située au nord du département de la Meurthe-et-Moselle, à environ 18 km au sud-ouest de Longwy. Elle fait partie de l’arrondissement de Val de Briey et de la Communauté de Communes Terre Lorraine du Longuyonnais (CCT2L). D’une superficie d’environ 30 km², la commune comptabilise environ 5 200 habitants selon les derniers recensements, soit une densité de 173 habitants par km². Longuyon concentre 34 % de la population totale de la CCT2L, qui compte 27 communes-membres.
La commune est située à la confluence de la rivière Chiers et de son affluent en rive gauche, la Crusnes. Elle est également traversée par une vingtaine de ruisseaux, tels que le ruisseau de Sorbey.
Son territoire est exposé à plusieurs types d’aléas inondations : débordement de cours d’eau, inondation par rupture ou par dépassement du niveau de protection des systèmes d’endiguement existants, remontée de nappe, ruissellement. Les crues les plus fortes connues sur le bassin versant de la Chiers se sont produites en décembre 1993, en janvier 1995, et plus récemment en juillet 2021.
La méthodologie appliquée pour la réalisation du diagnostic territorial sollicité par la DDT, est celle proposée dans le Référentiel national de vulnérabilité aux inondations, publié en 2016 et mis à jour en 2018.
Elle consiste à calculer un ensemble d’"indicateurs" permettant de poser un diagnostic sur l’exposition des enjeux du territoire face au risque d’inondation, et de faire émerger des thèmes d’actions prioritaires pour réduire leur vulnérabilité.
Ces indicateurs s’organisent autour des trois objectifs de la Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation (SNGRI), puis selon une arborescence thématique en "axes" et en "sources" qui permettent de caractériser plus finement la vulnérabilité du territoire sous différents aspects. Les méthodes de calcul de certains indicateurs ont été expérimentées dans le cadre du projet national AgiRisk, qui propose un outil d’aide à la réalisation de diagnostics territoriaux personnalisés de vulnérabilité aux inondations.
3 objectifs :
La démarche de diagnostic comprend quatre principales étapes : les choix préalables en matière d’indicateurs et de scénario d’inondation de référence, la collecte des données, le calcul des sources de vulnérabilité, et la proposition d’un plan d’actions.
La couche des zones inondables qui a servi de base au diagnostic, considère uniquement le phénomène d’inondation par débordement de la Chiers et de la Crusnes. Elle résulte d’une combinaison de plusieurs modèles hydrauliques existants et de la cartographie des zones inondées en juillet 2021, ce qui permet de retenir une emprise maximisée des zones inondables et d’avoir une évaluation exhaustive des enjeux pouvant être impactés par une crue majeure. Elle ne constitue pas une cartographie d’aléa officielle et opposable.
À l’issue d’échanges entre la DDT et le Cerema, 70 indicateurs ont été retenus pour l’étude sur Longuyon. Les informations nécessaires à leur calcul ont été collectées essentiellement à partir de bases de données publiques (BD TOPO® de l’IGN, recensement de la population par l’Insee, fichiers fonciers retraités par le Cerema…), mais également auprès des acteurs locaux (collectivité, gestionnaires de réseaux, DDT…) et sur le terrain, depuis l’espace public. Celles-ci datent en majorité de 2023.
Les résultats ont ensuite été agrégés par source de vulnérabilité, et cartographiés pour chaque objectif de la SNGRI. Pour chacune des sources, un code couleur traduisant d’une manière globale l’impact d’une crue majeure sur les enjeux a été appliqué, afin d’avoir une représentation plus visuelle de la vulnérabilité des différentes composantes du territoire d’étude. Les critères utilisés ne sont pas nécessairement cumulatifs, ni exhaustifs.

Le diagnostic territorial a finalement fait ressortir les principaux constats suivants :
10,7 % des surfaces urbanisées de la commune sont en zone inondable, ce qui représente environ 25 hectares, et autant en matière de surfaces agricoles.
Sur les quelques 5 200 habitants que compte la commune de Longuyon, 20 % sont exposés au risque de débordement de cours d’eau. En ajoutant les employés des entreprises et les populations saisonnières, cela représente 1 423 à 1 886 occupants en zone inondable, majoritairement concentrés en centre-ville. La mise en danger est particulièrement importante pour les personnes occupant des bâtiments situés dans les zones fortement inondables (plus d’un mètre d’eau) et ne disposant pas d’un étage refuge
Plusieurs établissements sensibles ou stratégiques sont exposés, notamment trois maisons de retraite, une Maison de Santé, la mairie et le centre de secours de Longuyon. Pour ce dernier, un déménagement hors zone inondable est prévu d’ici une dizaine d’années, ce qui contribuera fortement à la réduction de sa vulnérabilité et à l’amélioration de la gestion de crise.

Plusieurs axes routiers structurants (routes européenne et inter-départementales, avec trafic important et passage de poids lourds) peuvent être coupés à la circulation en cas d’inondation, y compris plusieurs rues du centre-ville. Il est rappelé qu’une hauteur d’eau de 30 cm et une vitesse d’écoulement importante suffisent, par expérience, pour qu’un véhicule léger soit déplacé par la force de l’eau. Il est donc fortement déconseillé de s’engager sur des voies inondées.
Plus de 130 recommandations d’actions ont pu être formulées suite au diagnostic pour améliorer la résilience du territoire face au risque d’inondation. Celles-ci ont été classées pour la plupart selon les axes d’actions habituels d’un PAPI. Plusieurs études et travaux sont d’ores et déjà prévus dans le "PAPI Meuse 3", qui a été labellisé en janvier 2025 et constitue un levier important dans la mise en œuvre opérationnelle de mesures de réduction de la vulnérabilité. L’ensemble des actions préconisées pour le territoire représente un investissement de quelques millions d’euros qui vise à répondre aux enjeux de sécurité des personnes, de réduction du coût des dommages sur le long terme, et de facilitation du retour rapide à un fonctionnement normal du territoire après un événement.
Les principales recommandations sont les suivantes :
- La mise hors d’eau de tous les stocks et matériels stratégiques ou sensibles situés sous la cote de crue de référence, est une mesure souvent simple, peu coûteuse et réalisable rapidement, qui permet de protéger les biens et de favoriser un retour rapide à la normale. La réalisation de cette mesure de manière permanente permet de rentabiliser le temps de préparation à la crise ;
- L’achat et la mise en œuvre de dispositifs de protection active (batardeaux), et la pose de clapets anti-retour sur les réseaux d’eaux usées dans le bâtiment, sont utiles pour retarder l’infiltration d’eau à l’intérieur des locaux ;
- Le colmatage des voies d’eau potentielles et la rehausse des équipements techniques pouvant être touchés par les eaux d’inondation, sont des mesures pouvant être mises en œuvre à l’occasion d’opérations d’entretien ;
- Le remplacement des matériaux sensibles à l’eau constitue des travaux lourds qui peuvent être réalisés après une inondation, ou à l’occasion d’une rénovation lourde du bâtiment, en intégrant dans la mesure du possible les effets du changement climatique. La prévention du risque d’inondation peut s’inscrire d’une manière pertinente dans la gestion du patrimoine immobilier des équipements. Certaines actions peuvent en effet trouver des synergies avec des objectifs d’amélioration ou de valorisation du patrimoine bâti (performance énergétique, mise aux normes réglementaires, sécurité-incendie, confort d’usage…). Le principe est de profiter de l’opportunité de travaux d’entretien, de rénovation ou de mise aux normes, pour engager des travaux de réduction de la vulnérabilité face au risque d’inondation. Par ailleurs, une matérialisation de la hauteur inondable dans le bâtiment permet de contribuer à la prise de conscience du risque d’inondation dans les travaux et aménagements futurs.
- Dans tous les cas, il est préconisé de formaliser une procédure de mise en sécurité des personnes et des biens en cas de crise, et d’identifier les missions prioritaires de maintien du service, au travers d’une fiche réflexe « risque inondation » à intégrer au Plan Bleu de l’EHPAD. À ce titre, un guide méthodologique a été publié en 2022 par le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.

Les rapports d’étude sur CeremaDoc :
Contact Cerema
Sébastien Thiery, chargé d’études risques, vulnérabilité et aménagement - Cerema Est



L’EHPAD "Louis Quinquet" compte parmi les établissements sensibles existants sur le territoire de la commune de Longuyon, en raison notamment de l’accueil de personnes vulnérables rendant leur évacuation complexe en cas de crise.


