Face aux enjeux conjoints du changement climatique et de l’artificialisation des sols, les villes doivent aujourd’hui relever un double défi d’apparence contradictoire : se densifier pour limiter l’étalement urbain tout en s’adaptant à l’aggravation de la surchauffe urbaine. En modifiant la morphologie des villes (surélévation, construction en dent creuse, etc.), la densification, selon ses modalités de mise en œuvre, peut accentuer certains facteurs de la surchauffe urbaine — occupation du sol, compacité urbaine, matériaux utilisés, chaleur anthropique — et ainsi y contribuer. Elle peut aussi entrer en tension avec certaines solutions d’adaptation (vertes, grises ou douces) qui visent précisément à rafraîchir la ville.

La densification : pourquoi est-ce un enjeu ?
La densification des espaces urbains est aujourd’hui un impératif pour limiter l’artificialisation des sols. Celle dernière engendre des impacts écologiques majeurs : perturbation du cycle de l’eau, perte de stockage carbone, déclin de la biodiversité (dont elle est la première cause de disparition dans le monde). L’étalement urbain a par ailleurs des conséquences socio-économiques : impacts sur l’activité économique agricole, dépendance à la voiture, allongement des distances, surcoût pour les collectivités en infrastructures (réseaux, routes, etc.).
Dans ce contexte, la densification vise à limiter l’étalement urbain en favorisant la construction dans les espaces déjà urbanisés. Elle peut prendre plusieurs formes : construction en dent creuse, surélévation, réhabilitation de logements vacants, division parcellaire, transformation d'usage de bureaux vacants, transformation de résidences secondaires en résidences principales...
Cet enjeu soulève cependant plusieurs interrogations :
Comment proposer une densité adaptée, en réponse aux modes de vie actuels et pour accompagner les évolutions futures alors que celle-ci encore souvent perçue négativement ?
La densité a généralement pour bénéfice la réduction des distances à parcourir, et donc s’accompagne d’un changement des mobilités. Mais elle implique également des logements et espaces extérieurs plus petits, et nécessite donc un point d’attention sur les quatre éléments suivants : qualité des logements (avec espaces extérieurs types balcons par exemple), offre de service de proximité et mutualisation de certaines offres pour gagner en espace et faciliter les mobilités (buanderie, location de voiture, transports en commun...), qualité des espaces verts y compris jardins partagés)...
Quel impact la densité peut-elle avoir sur la surchauffe urbaine ?
En effet, comme mentionné plus haut, en intensifiant la ville, la densification peut aussi aggraver la surchauffe urbaine : renforcement des formes urbaines (hauteurs, resserrement) créant des effets de canyons urbains, utilisation accrue de matériaux artificiels accumulant la chaleur, disparition des friches ou jardins urbains jouant un rôle de régulation, pression accrue sur les espaces verts restants, …
Trois échelles d’action à articuler pour concilier densification et lutte contre la surchauffe
Concilier densification et lutte contre la surchauffe urbaine nécessite d’agir à trois niveaux :
2 / Principe de connectivité :
Connecter durablement les espaces entre eux car aucun ne peut porter seul l’ensemble des fonctions écologiques ou sociales.
Un espace urbain ne peut assumer seul toutes les fonctions écologiques et sociales. Il doit s’inscrire dans un système interconnecté, permettant la circulation des espèces, des flux écologiques, des mobilités et des usages. Ce principe repose sur une approche systémique de la ville, inspirée des trames vertes et bleues, mais étendue aux usages humains et aux notions de confort thermique.
- A l’échelle du bâtiment : Il s’agit notamment de soigner les transitions intérieur/extérieur : lumière naturelle, ventilation croisée, vues dégagées, continuités végétales.
- A l’échelle du quartier : Il s’agit de travailler les trames vertes, bleues mais aussi de fraîcheur, qui doivent être conçues comme un maillage accessible et fonctionnel, et travailler sur la proximité des services et des commerces. La ville du quart d’heure s’inscrit dans cette logique : permettre à chacun d’accéder rapidement à des lieux de ressourcement, de soins, de services.
- À l’échelle de la ville ou de l’EPCI : On articule les trames écologiques urbaines avec les réservoirs naturels périphériques (forêts, zones humides, corridors agricoles). Il s’agit aussi de préserver des zones tampons entre ville et nature, permettant le passage des espèces et le rafraîchissement global du territoire.[l1]
3 / Principe d’évolutivité :
Penser les espaces urbains comme évolutifs et vivants et adapter leur usage au fil de la journée, des saisons et du temps.
Les villes doivent être capables de s’adapter dans le temps : aux saisons, aux heures de la journée, aux transitions climatiques et aux évolutions sociales. L’évolutivité implique de concevoir des espaces flexibles, capables d’évoluer sans artificialisation supplémentaire.
- À l’échelle du bâtiment : Cela passe par des logements modulables (division, extension, évolutivité d’usage) et par la prise en compte du confort thermique d’été, pour limiter le recours à la climatisation.
- À l’échelle du quartier : Les espaces publics peuvent être réversibles (cour d’école ouvertes, mobilier amovible, dispositifs de rafraîchissement saisonniers). L’entretien, la croissance végétale ou les usages peuvent y être pensés dans une logique cyclique.
- À l’échelle de la ville ou de l’EPCI : Cela suppose une planification souple, qui intègre les temporalités urbaines et climatiques. Le projet Time2Adapt, porté par la Métropole Européenne de Lille et le Cerema, illustre cette approche en adaptant les usages des espaces en fonction des pics de chaleur.
Quatre points de vigilance pour une articulation des enjeux maîtrisée
Certains points de vigilance doivent cependant être considérés pour garantir une bonne articulation entre densité et lutte contre la surchauffe urbaine :
