Biodiversité et bâti en ville et village : journée technique de la communauté Biodiversité & Aménagement en Grand Est

26 septembre 2025
niches sous une toiture
Une journée technique sur la thématique "Biodiversité et bâti en ville et village", en particulier la prise en compte des espèces protégées lors de projets de construction/ rénovation de bâtiments, a été organisée le 16 septembre à l’agence de Nancy du Cerema à Tomblaine (54). Cette journée a été cadencée par des temps en session plénière riches en partage de connaissances et retours d’expériences et par des temps d’échanges spontanés autour d’un showroom de solutions d’aménagements en faveurs de l’intégration de la faune et de la flore dans le bâti.

Cette nouvelle journée technique organisée par le Cerema s’inscrit dans le cadre de la Conférence technique territoriale Grand Est. La thématique a été choisie suite à une consultation des membres de la communauté "Biodiversité et aménagement" en Grand Est. Pour mémoire, la première journée technique organisée en 2023 portée sur les infrastructures de transport terrestre et la trame verte et bleue. 

Durant cette journée, des interventions ont été réalisées par des acteurs de tous horizons dans le but d’aborder en profondeur le sujet, décliné en trois sessions. Après une mise en contexte de la thématique de la journée (crise climatique, crise énergétique, crise écologique), une session réglementaire a rappelé les dispositions à respecter concernant la préservation des espèces protégées dans tous les projets d’aménagement, y compris les projets de construction/rénovation de bâtiments. 

Une deuxième session a mis en lumière des méthodes et guides destinés à mieux intégrer la biodiversité dans le bâti et à destination de tous les porteurs de projets (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvres, etc.). L’après-midi s’est concentrée sur trois retours d’expériences qui ont illustré les éléments présentés le matin à différentes échelles territoriales (commune, conseil départemental, parc naturel régional). En guise de fil vert de la journée, le showroom était accessible aux participants lors des temps de pause.

 

 

1/ Protection des espèces : cadre réglementaire dans un contexte d’accélération de rénovation énergétique du parc bâti

La qualité de la construction : réglementation

Intervenante : Laurence WACK, Adjointe au Chef du pôle Construction Bâtiments Durables, DREAL Grand Est

 © Cerema2025, actualisée de Cerema2022

Le secteur du bâtiment, particulièrement dans ce contexte d’accélération de la rénovation énergétique, contribue aux pressions générées par les activités humaines sur la biodiversité. Cette intervention contextualise les différentes réglementations qui régissent le secteur de la construction et de la rénovation du bâti en France.

L’objectif est de répondre aux enjeux mis en avant dans la stratégie française énergie-climat : la sobriété, la décarbonatation ou encore l’adaptation au changement climatique. Les 3 réglementations majeures dans le secteur du neuf ou de la réhabilitation (RT2012 puis RE2020, RT existant et dispositif éco-énergie tertiaire) sont décrites, en soulignant l’impact qu’elles pourraient avoir sur les espèces qui utilisent les bâtiments pour réaliser tout ou partie de leur cycle biologique, dont des espèces protégées (oiseaux, chauves-souris, etc.). 

 

Le cadre réglementaire de la protection des espèces en France

Intervenante : Sophie OUZET, Cheffe du pôle Espèces et Expertises naturalistes, DREAL Grand Est  

En introduction, l’état alarmant de la biodiversité est rappelé avec notamment comme exemple la régression de 40% des effectifs de chauves-souris en 10 ans en métropole. La nécessité d’intégrer une étude d’impact sur la biodiversité environnante, dans tout projet d’aménagement du territoire, y compris de construction ou rénovation des bâtiments, est soulignée en réponse à la réglementation relative aux espèces protégées. Il est en effet rappelé que le bâti, qu’il soit ancien ou récent, accueille de nombreuses espèces animales - mais aussi végétales - et que la démarche de préservation de cette biodiversité sur chaque site commence par "connaître les espèces et leurs habitats". 

 

 

L’intervention se poursuit sur le décryptage de la réglementation relative aux espèces protégées, en particulier la séquence Eviter, Réduire, Compenser (ERC) avec la possibilité, en dernier recours, de mettre en place des mesures compensatoires.  Celles-ci s’intègrent dans un dispositif dérogatoire strictement limité et encadré, sous-réserve des justifications nécessaires (p.ex. pas d’autres solutions satisfaisantes) et de la mise en place de suivis déployés afin démontrer le bénéfice des mesures. La démarche d’un porteur de projet est décrite avec les étapes à suivre pour intégrer pleinement les enjeux de biodiversité selon l’environnement du projet.

Méthodes et guides : la connaissance de son territoire, socle de la démarche

Rénovation du bâti et faune sauvage

Intervenante : Alicia LECOMTE, Chargée de mission Faune et Bâti, LPO Alsace

La LPO illustre la multitude d’endroits, dans un bâtiment, qui peut devenir un habitat favorable aux espèces du bâti. Le déclin observé des populations d’oiseaux (p.ex. -46.2% de Martinets noirs entre 2001 et 2019 en France) et de chauves-souris résulte en partie des travaux de rénovation et de démolition/reconstruction qui entrainent la perte d’habitats. Le guide "Rénovation du bâti et biodiversité" a été publié par la LPO dans le but de renforcer la prise en compte des enjeux faunes dans les projets d’aménagement portant sur le bâti, en réponse aux enjeux énergétiques qui entrainent une pression accrue sur certaines espèces dont des espèces protégées. 

Paru en 2024, il est composé d’une série de fiches de recommandations avec plusieurs clés d’entrée, selon l’acteur qui prend en main l’ouvrage ou selon l’avancement du projet, en amont des travaux. Gratuit et consultable en ligne, l’ouvrage est le fruit d’un travail de co-construction avec de nombreuses structures.

Connaître et favoriser la biodiversité des murs

Intervenante : Sandrine LARRAMENDY, paysagiste conceptrice urbaniste, Chargée de mission, Plante & Cité

Le potentiel de capacité d’accueil de la biodiversité dans les murs et murets, quelle que soit leur fonction en ville comme en milieu rural, est assez méconnu. Plante et Cité a présenté la variété d’espèces de plantes qui peut se développer sur les murs en plus des oiseaux, reptiles et insectes parfois protégés. Les facteurs favorisant le développement de la flore sont mis en avant tout comme les mauvaises pratiques à éviter pour protéger la biodiversité des murs. 

Ces éléments sont rassemblés dans le guide pratique "Favoriser et connaître la biodiversité des murs", fruit de l’étude Murmur, conduite avec la volonté d’aider les acteurs dans le secteur du bâtiment à appréhender et préserver la biodiversité des murs dans leur projet d’aménagement. 

 

©Schématisation de l’intérêt des différents types de murs pour l’accueil de la biodiversité floristique et faunistique, Hélène BURGISSER HINDEN et Maud OIHENART 

3/ Retours d’expériences : un Conseil départemental, un Parc naturel régional et une commune 

Prise en compte des espèces protégées - dont la chauve-souris - dans la rénovation du patrimoine immobilier du CD de Meurthe-et-Moselle              

Intervenants : 

  • Grégory OLKIEWICZ – Responsable Unité Bâtiment, Service Grands Projets, Direction de l’Immobilier, CD 54
  • Giacomo JIMENEZ – Responsable technique, CPEPESC Lorraine

C’est à deux voix que le CD 54 et la CPEPESC Lorraine ont présenté le résultat de leur collaboration autour de la gestion du patrimoine immobilier du conseil départemental. Le CD 54 a choisi la forme d’un accord cadre pour solliciter l’expertise de l’association afin d’améliorer la connaissance des espèces protégées présentes dans ses bâtiments publics. 

Une soixantaine de diagnostics "simplifiés" a été réalisée en 5 ans pour identifier les espèces et localisés les habitats utilisés et utilisables. Dans 81% des cas, des enjeux liés à des espèces protégées ont été identifiés. Ces premiers inventaires ont orienté ensuite le choix des sites ayant besoin d’un diagnostic "détaillé". Aujourd’hui, les diagnostics "simplifiés" sont systématiques, dans les projets du secteur bâtiment du CD54 qui recommande de les intégrer dès les premières phases du projet, en partageant les conclusions à la MOE pour qu’elle anticipe les enjeux de biodiversité dans la conception des projets, le calendrier des interventions mais aussi lors des travaux sur chantier : "le facteur clé, c'est le temps".

Améliorer la protection des chauves-souris anthropophiles dans la Réserve de Biosphère Transfrontière Vosges du Nord-Pfälzerwald 

Intervenant : Loïc DUCHAMP - Conservateur de la Réserve Naturelle Nationale des rochers et tourbières du Pays de Bitche, PNR des Vosges du Nord 

Le PNR des Vosges du Nord a présenté un projet Interreg visant à déployer une démarche de préservation des chauves-souris anthropophiles dans le périmètre de la Réserve de Biosphère Transfrontière Vosges du Nord-Pfälzerwald. Cet Interreg fait suite aux conclusions issues des deux inventaires faunistiques réalisés à 17 ans d’intervalle sur le territoire. 

Une stratégie commune détaillée en 5 étapes a été déployée dans le but d’avoir une répartition homogène des aménagements sur le territoire ainsi que des critères communs de mises en œuvre (présence d’espèces protégées, combles accessibles, …). Le coût moyen des solutions mises en œuvre s’élève à 622€ : "c’est la maximisation du nombre de sites à aménager avec des solutions peu coûteuses qui a été privilégiée plutôt que la concentration sur quelques sites d’importants investissements".

Prise en compte des espèces protégées dans le cadre de la création d’un espace intergénérationnel à Flavigny-sur-Moselle (54)

Intervenants : 

  • Cathy GREINER - Déléguée Cadre de vie et Environnement, Commune de Flavigny-sur-Moselle
  • Matthieu GAILLARD – Chef de projet, Neomys
Aménagement réalisé pour la protection des espèces

La transformation d’un ancien presbytère en 4 logements pour seniors autonomes et la construction d’un bâtiment multifonctionnel sur le même site est un projet important pour la commune de Flavigny-sur-Moselle. C’est le retour de la DTT, lors du dépôt de permis de construire, qui a alerté la commune sur la prise en compte des espèces protégées au sein du projet de restructuration du site. Une étude d’impact "4 saisons" a été lancée par Neomys et a permis de découvrir la présence d’espèces protégées sur site (chauves-souris et oiseaux), de trouver des solutions d’évitement, de réduction et de monter un dossier de dérogation espèces protégées pour la mise en œuvre de mesures compensatoires. 

L’enjeu était de proposer des mesures favorables aux espèces protégées, ainsi que techniquement accessibles et à coûts mesurés pour la commune (évalués à 1,5% du montant total du projet). Le retour d’expérience de la commune enrichit le discours du bureau d’étude notamment à propos de la difficulté de communication avec les habitants de la commune qui s’interrogent sur les délais pris par le projet "à cause de la biodiversité". Deux ans ont été nécessaires pour réaliser l’étude "4 saisons" expliquant en partie le retard de la livraison du bâtiment. Le message transmis par la commune est commun à presque toutes les interventions : "La clé de la réussite c’est l’anticipation". 

Showroom : rencontres et échanges autour de solutions d’aménagements en faveur de la biodiversité

Les temps de pause ont été le lieu d’échanges et de rencontres autour de solutions d’aménagements favorables à la préservation ou à l’intégration des espèces protégées dans le bâti. A cette occasion :

  • la LPO et la CPEPESC, intervenantes dans la journée, ont pu présenter leur expertise sur la faune dans les bâtiments
  • la fédération nationale des producteurs en horticulture et pépinière Verdir était également présente pour mettre en lumière la mise en place d’infrastructures vertes et les bienfaits apportés par les végétaux.
  • Faune conservation, Nat’H et Symphonid ont fait le déplacement pour illustrer concrètement les propos de la journée avec différents modèles de nichoirs pour les oiseaux (martinets, hirondelles, chouettes effraies), de gîtes pour les chauves-souris voir des solutions plurispécifiques.
  • Enfin, l’espace était également partagé avec l’exposition produite par le MTE sur le sujet de la "Rénovation thermique et biodiversité".

 

 

 

4/ Conclusions :

Luc CHRETIEN – Chef du groupe Biodiversité Aménagement et Nature en Ville, Cerema Est

D’abord, un message fondamental a traversé toutes nos discussions : éviter, réduire, compenser. Cette séquence doit être notre boussole

L’évitement et la réduction doivent rester les priorités absolues, la compensation n’intervenant qu’en dernier recours. Et lorsque des mesures compensatoires sont mises en œuvre, il est indispensable de les suivre dans le temps, car sans suivi, impossible de savoir si elles sont réellement efficaces. La mise en œuvre de la séquence ERC s’appuie nécessairement sur un diagnostic, en amont des projets, pour éviter de passer à côté d’enjeux majeurs. L’accompagnement des maîtres d’ouvrage est quasi systématiquement nécessaire, pour les aider à comprendre, à décider et à agir dans le respect de la réglementation en vigueur.

 

Ensuite, cette journée nous a invités à interroger nos pratiques.

L’enjeu de la biodiversité doit être considéré au même niveau que celui de la rénovation des bâtiments, qu’il s’agisse de rénovation énergétique ou de rénovation du bâti ancien, entre autres. L’érosion du vivant fragilise notre capacité d’adaptation au changement climatique, tandis que le dérèglement climatique accélère encore la perte de biodiversité : climat et biodiversité sont indissociables.

Les échanges ont également mis en lumière la nécessité de clarifier certains éléments de langage réglementaire. Qu’entend-on exactement par "habitat utilisable" ou "habitat utilisé" ? Que recouvre la notion de "dérangement", ou encore celle d’ "atteinte intentionnelle" ? Qu’est-ce qu’un "bon état de conservation" au juste ? Ces termes, lorsqu’ils ne sont pas compris ou interprétés de la même manière par tous, deviennent sources de blocages, d’incompréhensions, parfois de tensions.

 

L’ensemble des diaporamas et ressources complémentaires partagés lors des échanges sont disponibles sur Expertise territoire, dans la Communauté Biodiversité et Aménagement Grand Est. 

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