Ce document constitue le rapport final de l’évaluation de juillet 2020.
Les principes généraux de la méthode déployée
La méthode d’évaluation a été déployée autour de quatre thématiques : les vitesses pratiquées, l’accidentalité, l’acceptabilité et les effets sociétaux. Un calcul socio-économique a également été réalisé. Basée sur une approche scientifique, cette méthode a été soumise à la relecture d’experts nationaux et internationaux.
La méthode repose sur le principe d’une évaluation « avant » et « après » mise en œuvre de la mesure sur le réseau considéré. Le reste du réseau routier français a été retenu comme groupe de contrôle, ce qui permet de tenir compte des effets contextuels.
La pandémie du Covid19 a perturbé fortement les déplacements en France du premier semestre 2020, tant en volume qu’en structure. Elle a compromis le recueil de certaines données sur le début d’année. Ce contexte a conduit à mener l’évaluation globale sur les 18 mois après la mise en œuvre de la mesure, soit de juillet 2018 à décembre 2019.
Les résultats de l’évaluation
Une réduction des vitesses pratiquées dès le 1er juillet 2018
L’abaissement de la vitesse maximale autorisée a une influence non linéaire sur les vitesses pratiquées. Ainsi, dans le cadre de la mesure 80 km/h, une baisse de 3,3 km/h sur les vitesses moyennes pratiquées par l’ensemble des usagers est relevée par l’observatoire dédié du Cerema (basé sur 143 millions de passages de véhicules). Cette baisse est conforme aux résultats de la littérature internationale.
Le 1er juillet 2018 marque une réelle rupture dans l’évolution des vitesses pratiquées sur les routes concernées par la mesure. La baisse des vitesses s’inscrit dans la durée jusqu’en décembre 2019. Elle concerne l’ensemble des vitesses, y compris les plus élevées. L’écart entre les vitesses les plus lentes et les vitesses les plus élevées reste stable.
Une baisse très significative du nombre de tués sur le réseau concerné
L’impact de la mesure correspond à une baisse de 12 % du nombre de tués sur le réseau considéré, réseau « hors autoroute » et « hors agglomération », par rapport au reste du réseau routier français (avec une estimation de l’erreur de 3,6 %).
Ainsi pour les 18 mois après la mise en œuvre de la mesure, où les données du BAAC sont définitives et labelisées par l’Autorité de la Statistique Publique, une baisse de 331 tués sur le réseau considéré est constatée par rapport à la période de référence 2013-2017. En tenant compte des mois de janvier et février 2020, où les données sont estimées, la baisse du nombre de tués s’élève à 349 sur 20 mois.
Sur le reste du réseau routier français, l’évolution est différente avec une stagnation du nombre de tués par rapport au niveau de référence.
L’impact de la mesure est plus mesuré sur le nombre d’accidents corporels. En effet, sur le réseau considéré, il se stabilise au niveau de la référence. Il faut cependant souligner la réduction de la gravité des accidents avec une baisse de 10 % du taux de mortalité.
Un allongement du temps de parcours, inférieur à la perception des usagers
En termes de circulation, l’observatoire Cerema n’a pas relevé d’impact de la mesure sur l’écoulement du trafic. En effet, il n’y a pas eu de création supplémentaire de pelotons de véhicules, ni de réduction du temps entre les véhicules qui se suivent.
En revanche, un allongement moyen des temps de parcours de 1 seconde par kilomètre a été calculé, par analyse comparée d’un historique de données de véhicules flottants sur trois mois en 2017 et en 2019.
Ceci correspond pour des trajets de 50 kilomètres à une perte de 50 secondes en semaine. C’est largement inférieur au temps perdu perçu par les usagers, qui ont tendance à surestimer le temps gagné lorsqu’ils roulent vite. En effet, lors des enquêtes réalisées en octobre 2019, les répondants déclaraient perdre plus de 2 minutes pour ce type de trajet.
Une légère amélioration des impacts environnementaux
Concernant les effets environnementaux, les analyses ont montré que la mesure entraînait une légère diminution des principaux polluants atmosphériques et des nuisances sonores, bien que cette dernière ne soit pas perceptible par l’oreille humaine. Les résultats obtenus, bien que modestes, sont conformes à la littérature antérieure sur le sujet.
Une progression continue de l’acceptabilité de la mesure
Plusieurs vagues d’enquête réalisées par un institut de sondage, sur de larges échantillons représentatifs de la population française, montrent une acceptabilité de la mesure qui ne cesse de progresser depuis sa mise en œuvre. La part des personnes favorables à la mesure passe ainsi de 30 % en avril 2018 à 43 % en octobre 2019 et 48 % en juin 2020.
L’évolution positive a été la plus forte parmi les personnes “tout à fait opposées” à la mesure, leur part étant passée de 40 % en avril 2018 à 23 % en octobre 2019 et 20 % en juin 2020. Cette évolution est particulièrement marquée pour les personnes habitant en zone rurale et dans les villes de moins de 20 000 habitants.
Les enquêtes, en lien avec la littérature antérieure, ont montré que la réduction de l’accidentalité et notamment de la mortalité a un impact positif sur le niveau d’adhésion à la mesure.
Un bilan socio-économique positif montrant l’efficience de la mesure
Le calcul socio-économique estime un gain de 700 Millions d’euros sur une année, en comparant 2017 et 2019. Il a été réalisé dans le cadre du référentiel d’évaluation des projets de transport de la DGITM de 2014.
Le bilan socio-économique met en évidence une efficience certaine de la mesure qui présente un faible coût d’investissement ainsi que des résultats positifs en termes d’atteinte des bénéfices sociétaux par rapport aux coûts sociaux. Les bénéfices sociétaux résident principalement dans les gains d’accidentalité (1,2 milliards €). Ils sont en cohérence avec l’effet attendu de la mesure. Le principal coût social de la mesure est lié aux pertes de temps de parcours (entre 720 et 920 millions €). Il est largement compensé par la réduction de l’accidentalité, auquel s’ajoute les bénéfices liés à la moindre consommation de carburants et à la baisse des émissions de CO2.
Au final, des résultats positifs qui seraient encore meilleurs avec un plus fort respect des limitations de vitesse
La mesure n’a pas encore pleinement atteint les effets escomptés. En effet, en décembre 2019, 58 % des conducteurs de véhicules légers circulaient encore au-dessus de 80 km/h dont 35 % entre 80 et 90 km/h. La littérature indique que ces excès de vitesse inférieurs à 10 km/h sont principalement perçus par les usagers comme peu dangereux et peu répréhensibles, alors qu’ils jouent un rôle important dans la mortalité routière française.
Des marges de progrès sur le respect de la vitesse demeurent donc. La progression constante de l’adhésion à la mesure permet d’espérer une amélioration de son respect.