Adapter les mobilités au changement climatique - Retour sur le Rendez-vous Mobilités du 25 septembre 2025

21 octobre 2025
Adaptation des moblités au changement climatique
Source : Alstom
En matière d’adaptation des systèmes de mobilités au changement climatique, les réflexions se structurent désormais à la fois aux échelles nationale et locale, notamment grâce à l'impulsion des mesures du PNACC3. Celles-ci visent à identifier les vulnérabilités, à planifier et à mettre en œuvre des solutions adaptées.
Ce Rendez-vous Mobilités avait pour objectifs de préciser les enjeux tels qu’ils se dessinent aujourd’hui, de partager des premiers exemples concrets de stratégies et d’actions menées sur les territoires, et de présenter des outils ainsi que des ressources méthodologiques pour faciliter le passage à l’action.

La conférence en ligne a réuni 435 participants.  Elle s’est déroulée en trois temps forts. 

Retrouvez ci-dessous l’ensemble des présentations des intervenants avec un résumé des points clés, ainsi qu’en fin d’article, l’enregistrement vidéo de la séance pour revivre le Rendez-vous Mobilités dans son intégralité. 

 

1 - Les enjeux et grandes orientations nationales

Dans cette séquence, Marie Carrega, cheffe du bureau de l’adaptation au changement climatique, à la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) du ministère de la transition écologique a posé les enjeux de l’adaptation au changement climatique et les grandes orientations inscrites dans le PNACC3 (3e Plan national d’adaptation au changement climatique).

On retient que : 

  • Les scénarios scientifiques du GIEC indiquent une trajectoire de réchauffement à horizon 2100 de +3 °C au niveau mondial, soit environ une moyenne de +4 °C pour la France métropolitain
    Scenario tendanciet de réchauffement

  • Cette trajectoire est jugée réaliste, même si elle reste incertaine et non souhaitable. 

  • Un tel réchauffement bouleversera profondément les conditions de vie en entraînant une aggravation de tous les risques naturels, avec des phénomènes plus nombreux et plus intenses de vagues de chaleur, d’incendies, d’inondations, de submersions marines, de recul du trait de côte, de cyclones et de retrait-gonflement des argiles.

PNACC3

  • Le  PNACC 3 vise à mettre en place des mesures à horizon 2030, 2050 et 2100 pour s’adapter progressivement au réchauffement attendu en France. Il s’articule autour de 5 axes : Protéger la population; Assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels; Assurer la résilience économique et la souveraineté alimentaire, économique et énergétique; Protéger notre patrimoine naturel et culturel; Mobiliser les forces vives de la Nation pour réussir l’adaptation au changement climatique .

  • Concernant les transports et les mobilités (mesure 30 du plan), l’approche retenue est celle de la résilience, c’est-à-dire la capacité à maintenir un niveau de service malgré les perturbations. Cinq actions principales sont engagées.

  • Enfin, Marie Carrega rappelle que s’adapter ne signifie pas renoncer, mais anticiper, dans l’espoir que ces mesures ne soient jamais pleinement nécessaires. 

 

2 - Retours d’expériences de territoires

La deuxième séquence de ce webinaire a permis d’explorer différents territoires, illustrant concrètement les réflexions et les actions menées pour mettre en œuvre l’adaptation au changement climatique à diverses échelles.

2.1 - Diagnostic de vulnérabilité au changement climatique des infrastructures et services de transport sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Élaboration d’un plan d’actions multi-partenarial.

Une présentation croisée effectuée par Anne Gabrielle Descharrières, cheffe de la mission prospective au sein de la Direction des Infrastructures et Grands Équipements de la Région Sud et Arnaud Verquerre, chargé de mission planification écologique dans les transports à la DREAL. 

On retient que :

  • Il s’agit d’une étude « recherche et développement », pilote au niveau national et citée dans le PNACC3.

  • Lancée en août 2024, elle est financée à 50/50 par la l’État et la Région et a été confiée a un groupement piloté par le Cerema, associant le BRGM et les sociétés HydroClimat et GeographR. 

  • Elle mobilise tous les gestionnaires de réseaux qui ont signé une charte d’engagement.

  • Elle couvre l'ensemble des infrastructures et services de transport d’intérêt national et régional, et concerne tous les modes de transports : routiers, ferroviaires, maritimes, fluviaux et aériens. 

  • Les livrables attendus : 

    • une cartographique des risques physiques pesant sur les infrastructures par aléa et niveau de réchauffement

    • une hiérarchisation des infrastructures les plus sensibles (physiquement et fonctionnellement)

    • un plan d’actions multi-partenarial d’adaptation

Une méthode en 10 étapes

2.2 - Impacts de l'aléa rocheux sur les mobilités dans le département de l'Aude 

Une présentation réalisée par Frédéric Lacoste, responsable investissement à la division territoriale du conseil départemental de l’Aude.

On retient que : 

  • Le département de l’Aude, avec ses 4200 km de routes traversant quatre massifs montagneux, est fortement exposé aux risques naturels, notamment les chutes de blocs amplifiées par le changement climatique. 

  • Conséquences : de plus en plus de RD impactées, des territoires contraints par l’isolement que peut créer un éboulement, des déviations complexes en zone de montagne, des impacts directs sur les secours, les scolaires, l’aide à la personne.

  • Classification du risque mobilité lié à l’aléa rocheux en quatre classes sur le département du CD11
    Classification du risque "mobilité" lié à l’aléa rocheux, en quatre classes 

    Pour mieux gérer ces risques, le CD 11 a fait appel au Cerema afin de développer un outil d’aide à la décision à l’échelle départementale, permettant de hiérarchiser les zones à sécuriser.

  • L’étude combine l’aléa rocheux (4 niveaux) et les enjeux de mobilité pondérés selon les usages (travail, secours, tourisme, scolaire).

  • Résultats et perspectives : Une carte de risque a été produite, servant à la fois à la prévention, à la planification des travaux et à la fondation du plan de gestion des risques départemental, outil central pour prioriser les futures actions.

  • Rapport publié : Aléa rocheux et mobilité, Développement d'une méthode pour évaluer le risque chute de blocs à l'échelle du département de l'Aude  – Cerema – Mars 2025 

2.3 - Adaptation de la voirie et des espaces publics : le projet urbain Lyon Part-Dieu  et les travaux menés au niveau national 

Après l’échelle régionale et département, c’est à l’échelle du quartier et de l’espace public que sont explorées les façons de traiter les enjeux de l’adaptation au changement climatique. 2 présentations ont été faites.

L’exemple du projet Lyon Part-Dieu. 

Une présentation réalisée par Delphine Lacroix, directrice de ce projet à SPL Lyon Part-Dieu.

On retient que :

  • Le quartier de la Part-Dieu est un chantier de plus de 50 ans, démarré dans les années 1960, avec une architecture moderne influencée par le courant du brutalisme, un urbanisme de dalle et de déconnexion des flux. Le projet urbain s'est ensuite construit au fil de l'eau dans les années 70. La gare n’a été intégrée qu’en 1983, structurant l’espace public.

  • La SPL a eu pour objectif de réinventer la Part-Dieu. 177 hectares concernés avec des enjeux centraux autour de la gare, du pôle d’échanges multimodal (PEM) et des espaces publics attenants.

  • Quatre grandes orientations stratégiques : assurer une révolution paysagère ; travailler sur un immobilier plus responsable (réhabilitation plutôt que démolition) ; développer un hub des mobilités décarbonées; s’engager fortement pour relever les défis climatiques (accords de Paris, SNBC, Lyon 2030).

  • Aménager l’espace public autour de la gare, c’est avant tout savoir gérer plus de 500 000 déplacements/jour,  40 millions de voyageurs/an et 550 trains/jour. Autrement-dit cet environnement se caractérise par une forte densité d’usages, où la répartition modale se structure principalement autour des déplacements à pied, à vélo  et en transport collectif.

  • La “révolution paysagère” constitue une commande forte de l’équipe municipale. Il s’agit de créer des îlots de fraîcheur avec des plantations luxuriantes multi-strates (basse, arbustive, arborée). L’objectif sur le mandat en cours est d’accroître de +15 % l’espace public du quartier. 

  • Des espaces publics robustes avec des sols en granit pour résister à l’intensité d’usage et des îlots plantés. Mais aussi des espaces apaisés dans le cœur de la Part-Dieu, avec des espèces de quartier. 

  • Le “Bois de la Part-Dieu” : un projet emblématique qui allie projet immobilier et développement de l'espace public. 56 % de l’espace public sera végétalisé à terme, avec notamment la transformation d’un îlot bâti en une pièce végétale qui fera pas loin de 12 000 m². Une superficie importante pour un espace qui permet l'évacuation des flux de la gare vers le centre-ville de Lyon (150 000 piétons/jour, 10 000 vélos/jour/sens de la piste cyclable qui le traverse). L’espace sera conçu selon une approche phytosociologique, combinant écologie, fraîcheur et usage intensif.
     

    La révolution paysagère

Les travaux menés au niveau national par le Cerema

Une présentation faite par Nicolas Furmanek, chef de projets voirie urbaine et résilience à la DtecTV du Cerema. 

On retient les principaux types d’activités suivants :

Rapport "Adapter la voirie urbaine au changement climatique"
  • Production d’ouvrages, fiches, rapports. Sont cités par ex, le rapport « Adapter la voirie urbaine au changement climatique. Recueil d'exemples de solutions d'adaptation », publié en janvier 2024. Ou encore la fiche sur le réaménagement de la place de Francfort à Lyon ( en lien avec les travaux menés par la SPL Lyon Part-Dieu), publiée en 2020.

  • Animation et/ou participation à des groupes de travail nationaux sur les sujets de la transition écologique des parcs de stationnement ; des solutions organisationnelles d’adaptation au changement climatique; de l’adaptation des transports collectifs aux vagues de chaleur, ou encore des travaux de coopération internationale, par exemple dans le cadre du projet Interreg Nord Ouest Europe (sous réserve de candidature acceptée) pour adapter les infrastructures cyclables et marchables au changement climatique.

  • Action de valorisation, diffusion des connaissances, au travers d’animation d’évènements ou de formations. Pour rappel, un précédent rdv Mobilités, en juin 2022, a porté exclusivement sur la question de l'adaptation au changement climatique au service d'une voirie plus résiliente et inclusive.

2.4 - La vision d’un opérateur de mobilités : intégration des enjeux climatiques dans les opérations de transport + le projet TERRA (arrêt de TC adaptés)

Pour conclure cette série de retours d’expériences, Transdev a présenté sa stratégie d’adaptation en lien avec les acteurs publics, puis une expérimentation de conception innovante d'arrêt de TC pour faire face aux fortes chaleurs.

L’adaptation au changement climatique des mobilités, by TRANSDEV 

Une présentation réalisée par Mathieu Saulgeot, responsable du groupe Stratégie Climat et Environnement.

On retient que : 

  • Présent dans 20 pays, TRANSDEV est un opérateur et intégrateur global de mobilités (bus, tramways, trains, ferries, vélos, etc.) au service des collectivités, des entreprises et des usagers.

  • Trois aléas climatiques ont été identifiés comme ayant des impacts majeurs sur les activités du groupe: les inondations (dégâts sur dépôts, flottes et circulation), les tempêtes (chutes d’arbres, coupures de courant, dégradation du matériel), les vagues de chaleur (inconfort à bord et conditions de travail dégradées).

  • Conséquences principales des aléas climatiques : 

    • sur l’humain : conditions de travail et de voyage détériorées, risques sanitaires (chaleur, pollution, incendies), hausse du risque d’accidents

    • sur le matériel : dégradation ou destruction des véhicules et équipements, maintenance accrue

    • sur l’activité : retard ou arrêt du service, modification des habitudes de transports en cas de chaleur et diminution de la fréquentation.

  • Stratégie d’adaptation de Transdev : 2 priorités. Passer à l’action (dépasser le simple diagnostic des risques) et standardiser les solutions (bâtir une résilience commune à tous les sites)

  • Adaptation des opérations : 

Adaptations des opérations
  • Rôle de l’écosystème : Transdev insiste sur une adaptation collective et coordonnée, impliquant : les fournisseurs (conception de véhicules et d’équipements résilients), les gestionnaires de réseaux (adaptation des infrastructures routières et ferroviaires), les autorités organisatrices (intégration des enjeux climatiques dans les cahiers des charges et l’offre de transport).

Le projet TERRA : adapter les arrêts des transports en commun au réchauffement climatique par le prisme du bien être des usagers

Une présentation réalisée par Christine Colon, directrice Pilotage Innovation chez Transdev.

On retient que : 

  • Lancé en 2021 et piloté par Transdev avec la TAM (le réseau de transport montpelliérain) et Montpellier Méditerranée Métropole, le projet Terra (4 ans) a combiné recherche, design, ingénierie et expérimentation urbaine dans une approche centrée sur la collaboration inter-acteurs (public, privé, design, recherche…).  Il a été mené dans le cadre du Laboratoire LEMON (Laboratoire d’expérimentation des mobilités).

  • Objectif : concevoir des arrêts adaptés aux fortes chaleurs, en mobilisant des principes de rafraîchissement passif et en intégrant le confort physique et émotionnel des usagers.

  • Inspiré des solutions traditionnelles des pays chauds, le projet a produit une dizaine de prototypes reposant sur trois piliers : confort, performance thermique et modularité, avec des matériaux comme la terre crue, la céramique, les végétaux et les ombrières.

  • En 2024, un prototype biomimétique a été expérimenté .

Prototype biomimétique
  • Résultats des différentes expérimentations : 

    • Qualitatifs : 98 % des usagers ont apprécié le design innovant et la rupture avec les arrêts classiques. Sentiment de fraîcheur accrue, moins d’oppression, plus de confort. Certains voient ces arrêts comme des espaces de pause autonomes ouverts à tous.

    • Quantitatifs : 15 à 20°C de différence mesurée entre les prototypes et un arrêt classique exposé au soleil.

 

3 - Les outils, méthodes et accompagnements disponibles

La troisième et dernière séquence de la conférence a été l’occasion de présenter quelques outils, méthodes et dispositifs d’accompagnement, proposés par le Cerema et ses partenaires, pour renforcer la résilience face au changement climatique.

En quelques mots : 

  • Marie Colin (référente technique en résilience des infrastructures et adaptation au changement climatique à la DtecITM du Cerema) a présenté la méthode ASAIT, une démarche cadre en 10 étapes pour aider les gestionnaires à renforcer la résilience de leurs réseaux de transport. Cette méthode repose sur la définition des objectifs de résilience, la connaissance des aléas et de leur évolution potentielle, l’analyse des vulnérabilités et la priorisation des actions d’adaptation. Le Cerema développe autour de cette méthode une doctrine technique, des fiches pratiques, des formations et un accompagnement des collectivités.

 

  • Sabine Roux (cheffe de projets Services express régionaux métropolitains à la DtecTV du Cerema) a présenté l’adaptation de la méthode ASAIT aux SERM (Services Express Régionaux Métropolitains) qui doivent faire l’objet d’une évaluation de leur vulnérabilité fonctionnelle (mesure 30 du PNACC 3). Cette approche prend en compte les spécificités locales et les connaissances de terrain, tout en intégrant la dimension systémique de ces services : infrastructures, réseaux d’alimentation, matériel roulant, bâtiments techniques, dispositifs d’information des usagers, etc.

 

  • Florent Buchwalter (directeur de projet décarbonation et régulation des trafics à la DtecTV du Cerema) a mis l’accent sur la préparation de gestion de crise et l’adaptation des Plans de Gestion de Trafic (PGT) face à la multiplication des événements climatiques extrêmes. Il a rappelé que ces plans, bien qu’existants, doivent être déployés plus largement, notamment dans des territoires étendus ou encore peu préparés, afin d’assurer une meilleure anticipation des perturbations et une coordination renforcée des interventions. 

 

  • Caroline Hamon (pilote de la stratégie éditoriale du CRACC à la DtecTV du Cerema) a présenté le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique, une plateforme Web partenariale "Cerema–ADEME–DGEC–Météo France".  Pour comprendre, s’inspirer et agir, ce centre propose un espace d’information et de sensibilisation + un espace de ressources comportant plus de 200 retours d’expériences, 1 000 documents, 115 acteurs répertoriés. C'est aujourd'hui le site de référence public sur l'adaptation.

     

  • Nicolas Beaupied (directeur de projet Adaptation au changement climatique à la DtecTV du Cerema) a conclu en présentant la Mission Adaptation, lancée fin 2024. Cette initiative issue du PNACC 3, réunit plusieurs partenaires : l’ADEME, le Cerema, l’OFB, les Agences de l’eau, Météo-France, la Banque des Territoires, l’ANCT et l’ANAP. La Mission se veut un service d’orientation et de premier conseil à destination des collectivités, pour initier, déployer ou renforcer une démarche d’adaptation au changement climatique (pouvant aller de la stratégie au projet opérationnel). Elle facilite la mise en relation des acteurs territoriaux avec des référents du Cerema et de l’ADEME, qui les guident vers les dispositifs et les opérateurs publics les plus adaptés à leurs besoins.

 

4 - L'enregistrement vidéo de la séance

 

Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema

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