25 août 2025
Bassam Moujalled : chercheur au service du confort thermique et de la performance énergétique
Bassam Moujalled, chercheur au Cerema Centre-Est au sein de l’équipe BPE (Bâtiments Performants dans leur Environnement), est spécialiste du confort thermique et de la performance énergétique des bâtiments. Ingénieur en génie civil, il a soutenu une thèse sur le confort thermique dans les bâtiments ventilés naturellement. Il travaille sur la performance des systèmes de ventilation et d’étanchéité à l’air ainsi que sur le confort thermique dans les bâtiments, en se basant sur des mesures in situ et des enquêtes auprès des occupants. Passionné par l'application de ses recherches aux enjeux pratiques, il collabore régulièrement avec des industriels pour améliorer la qualité de l’environnement intérieur. Entretien.


Quel a été votre parcours académique et professionnel ?

Mon parcours académique débute au Liban où j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur en Génie Civil à l’Université Libanaise en 2001. Animé dès le départ par une volonté de poursuivre mes études et de m’orienter vers la recherche, j’ai rejoint la France pour effectuer un D.E.A. (Diplôme d'Études Approfondies) en Génie Civil à l’ENTPE (école de la transition écologique et solidaire). J’ai ensuite poursuivi un doctorat en Génie Civil à l’INSA de Lyon (Institut National des Sciences Appliquées), au sein du Laboratoire des Sciences de l’Habitat de l’ENTPE.

Après l’obtention de ma thèse, j’ai poursuivi trois années de postdoctorat dans le même laboratoire. En 2009, j’ai intégré le Cerema après avoir réussi le concours externe de chargé de recherche du développement durable. J’ai d’abord exercé au Cerema Sud-Ouest, avant de rejoindre en 2016 le Cerema Centre-Est, au sein de l’équipe de recherche BPE.
 

Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir la recherche ?

La recherche s’est imposée comme un choix naturel, guidé par ma quête de connaissance, ma curiosité scientifique, et mon goût pour l’expérimentation.
 

Pouvez-vous nous expliquer l’objectif et les enjeux de votre thèse ?

Mes travaux de thèse ont porté sur l’étude du confort thermique dans les bâtiments naturellement ventilés, à travers une approche combinant une étude expérimentale in situ et une modélisation dynamique du confort.

 Ces travaux s’inscrivaient dans le contexte du développement durable et de la lutte contre le changement climatique. En effet, les bâtiments représentent près de la moitié des consommations énergétiques en France. L’amélioration de la performance énergétique des bâtiments est l’un des piliers de la politique environnementale depuis le début des années 2000. Dans ce contexte, le confort thermique représente un enjeu clé, à la fois pour réduire les consommations d’énergie et pour garantir la qualité des environnements intérieurs, essentielle au bien-être et à la santé des occupants. Néanmoins, l’impératif de sobriété énergétique ne doit pas se faire au détriment du confort et de la qualité des espaces de vie. 
Cela impose une nouvelle manière d’aborder le confort thermique, en intégrant les nombreuses interactions entre l’occupant et le bâtiment, non seulement physiques mais aussi comportementales. J’ai ainsi adopté une approche systémique pour appréhender cette complexité multidisciplinaire. L’objectif était de développer un outil capable de représenter la dynamique du confort thermique à travers ces multiples interactions, notamment les comportements d’adaptation des usagers.
 

J’ai ainsi adopté une approche systémique pour appréhender cette complexité multidisciplinaire.

Quelles ont été les grandes étapes de votre carrière en tant que chercheur ?

La première grande étape de ma carrière a été mon stage de recherche réalisée dans le cadre du D.E.A., qui m’a permis de prendre conscience des enjeux du développement durable dans le domaine du bâtiment. Cette expérience a renforcé ma motivation à orienter mes travaux vers l’énergétique des bâtiments, après une formation initiale en Génie Civil et Structure.

L’obtention de ma thèse a ensuite été une étape essentielle pour exercer le métier de chercheur, suivie de la réussite au concours de chargé de recherche, qui m’a permis d’intégrer le Cerema. Enfin, la création de l’équipe de recherche BPE a marqué une avancée significative dans la structuration de nos activités scientifiques au sein du Cerema, en insufflant une dynamique collective forte. J’ai activement contribué à la construction de cette équipe, et je me réjouis d’en faire partie. Elle bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance croissante, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

  

Quels sont les axes principaux de vos travaux de recherche ?

Mes travaux s’articulent autour de deux axes principaux. Le premier porte sur le bâtiment, à travers la caractérisation de la performance globale des systèmes de ventilation et de l’étanchéité à l’air des bâtiments, depuis leur conception jusqu’à leur réception et leur évolution dans le temps. Le second axe se concentre sur l’occupant, en étudiant son confort thermique et son comportement, notamment pendant les périodes chaudes. L’objectif est de mieux comprendre les interactions multiples entre l’occupant et le bâtiment, et de les intégrer dans les outils d’ingénierie.

Présentation de la soufflerie
Présentation de la soufflerie à Christopher Wood et Xiaofeng Zheng de l'université de Nottingham. (@B.Moujalled) Personnes de gauche à droite : Xiaofeng ZHENG, Madeline CORLOUER, Christopher WOOD, Adeline MELOIS, Bassam MOUJALLED

  

En tant que chercheur au Cerema, quels sont les sujets qui vous mobilisent au quotidien ?

Sur le terrain en juillet 2023 pour des mesures du confort thermique, avec Mathilde Hostein (doctorante), Ibtissame Fankouch (stagiaire) et Bassam Moujalled (@B.Moujalled).

Sur le plan scientifique, une part importante de mes travaux concerne la réalisation de campagnes de mesure in situ, qui associent des mesures physiques à des enquêtes auprès des occupants. La collecte, le traitement et l’analyse des données en contexte réel sont essentiels pour fiabiliser et améliorer les outils d’ingénierie.

Par ailleurs, mes activités s’enrichissent grâce à des échanges réguliers avec les équipes opérationnelles. Ces échanges, dans les deux sens, permettent à la fois d’apporter un appui scientifique à leurs projets et de faciliter nos missions sur le terrain, en nous appuyant sur leur connaissance fine du territoire. Cette collaboration étroite entre recherche et opérationnel fait, selon moi, toute la richesse et la force du Cerema.

  

Le Cerema est labellisé institut Carnot avec Clim’adapt : qu’est-ce que cela représente pour vous en tant que chercheur ?

C’est une marque de reconnaissance et de confiance sur la qualité scientifique de nos travaux. Cela facilite et favorise le transfert de nos connaissances vers les entreprises et les collectivités, au service de l’adaptation des bâtiments au changement climatique. Ce transfert est également enrichissant pour nos activités, car il nous permet de mieux comprendre leurs besoins et leurs contraintes.

  

Avez-vous déjà été lauréat d’un appel à projets de ressourcement scientifique de Clim’adapt, l’institut Carnot du Cerema ? Si oui, sur quel projet ?

Oui, avec ma collègue Adeline Mélois, nous avons obtenu en 2023 un financement de ressourcement scientifique de l’institut Carnot Clim’adapt pour améliorer et faire évoluer la soufflerie. Ce dispositif expérimental a été développé en partenariat avec l’ENTPE dans le cadre de la thèse d’Adeline, que j’ai co-encadrée, afin de caractériser l’impact du vent sur la mesure de la perméabilité à l’air des bâtiments.

Ce ressourcement nous a permis d’améliorer la fiabilité des mesures et d’identifier des solutions pour générer de la turbulence, notamment grâce aux simulations numériques en CFD (Computational Fluid Dynamics)*. La soufflerie servira également de base pour une nouvelle thèse, récemment lancée, cofinancée par l’ADEME et un mécène américain.

*Modèles de simulation tridimensionnelle des écoulements fluides

Ce ressourcement nous a permis d’améliorer la fiabilité des mesures et d’identifier des solutions pour générer de la turbulence.
Mesure in situ du renouvellement d’air par méthode de gaz traceur
Mesure in situ du renouvellement d’air par méthode de gaz traceur

 Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans vos recherches ?

Le premier défi pour tout chercheur est de financer ses recherches, plus particulièrement dans un contexte de réduction des moyens. Cela nous pousse à diversifier les sources de financement, à travers différents guichets ou prestations contractuelles. Ces montages peuvent être longs, complexes, et parfois ils n’aboutissent pas. Heureusement, au Cerema, nous pouvons compter sur l’appui précieux de la MAP (Mission d’Appui aux Projets), pour nous accompagner dans le montage de projets.

Nous sommes récemment confrontés à une autre difficulté : trouver et recruter des doctorants et post-doctorants, un problème peut-être lié à un manque d’attractivité des métiers de la recherche auprès des jeunes. Malgré tout, l’équipe BPE demeure très attractive grâce à son rayonnement international, ce qui lui permet d’attirer des étudiants et des chercheurs étrangers. Toutefois, nous nous heurtons là aussi à des difficultés administratives pour les recruter.

Nous sommes récemment confrontés à une autre difficulté : trouver et recruter des doctorants et post-doctorants.

Pouvez-vous nous parler d’un projet dont vous êtes particulièrement fier ?

Je pense notamment à une prestation de recherche contractuelle menée en 2024 avec la société Anjos, spécialisée dans la fabrication de composants pour les solutions de ventilation. Avec l’appui d’un postdoctorant spécifiquement recruté pour ce projet, j’ai accompagné l’entreprise dans la conception et la réalisation d’un banc d’essai innovant, destiné à caractériser les performances des systèmes de ventilation en matière de qualité de l’air intérieur.

Labellisé par le pôle de compétitivité Tenerrdis, ce projet a bénéficié d’un soutien financier de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons également mobilisé notre réseau en associant le laboratoire LOCIE de l’Université Savoie Mont Blanc, reconnu pour son expertise sur les polluants gazeux et particulaires.

Les travaux ont été valorisés par trois articles dans des conférences internationales, et un article dans une revue scientifique en cours de rédaction. Cette collaboration se poursuit aujourd’hui à travers une thèse Cifre (Conventions industrielles de formation par la recherche), et un projet de Laboratoire Commun entre Anjos et le Cerema, en cours de montage.
 

Selon vous, quelles sont les qualités essentielles pour être un bon chercheur ?

Au-delà de la curiosité, de l’esprit critique, et de la patience, l’esprit d’équipe est, à mon avis, un atout essentiel pour pouvoir mener avec succès ses projets de recherche. Si les travaux de thèse sont par essence individuels, il est ensuite indispensable de savoir travailler en équipe et d’ailleurs de s’ouvrir à d’autres disciplines. Cette capacité à travailler en collectif, dans une logique de complémentarité, est un véritable levier de réussite.

Au-delà de la curiosité, de l’esprit critique, et de la patience, l’esprit d’équipe est, à mon avis, un atout essentiel.

Quel conseil donneriez-vous à celles et ceux qui souhaitent s’orienter vers la recherche ?

J’ai l’impression qu’aujourd’hui, il y a moins de vocations et d’intérêt pour la recherche. Pourtant, la recherche est plus que jamais indispensable à la société face aux immenses défis de la transition écologique. 

Restez curieux et laissez-vous tenter par cette belle aventure !

 

Quels sont, selon vous, les enjeux majeurs de la recherche dans votre domaine dans les années à venir ?

L’adaptation des bâtiments au changement climatique représente l’un des enjeux majeurs de la transition écologique. Cependant, cette transition ne doit pas être uniquement énergétique. La question de la qualité des environnements intérieurs est également cruciale, notamment en ce qui concerne la qualité de l’air intérieur et le confort thermique. La multiplication des vagues de chaleur présente un risque non seulement pour le confort, mais aussi pour la santé des occupants des bâtiments. Cela nécessite une meilleure prise en compte des occupants, à travers leurs besoins et leurs actions adaptatives, dans la conception et la gestion des bâtiments neufs et rénovés.

 

Avez-vous des collaborations avec d’autres laboratoires, institutions ou acteurs du territoire ?

Les collaborations sont au cœur de nos activités de recherche. Qu’il s’agisse de projets nationaux ou internationaux, la dynamique partenariale est essentielle pour répondre à la complexité des enjeux liés à l’adaptation des bâtiments.

J’ai mentionné plus haut les collaborations avec l’ENTPE et le LOCIE. Nous travaillons également avec le CEA et la société Dorémi dans le cadre du projet JUSTAIR, porté par l’ADEME.

Plus récemment, le projet PEPR VF++, dédié aux enjeux de surchauffe urbaine et aux solutions de rafraîchissement, a démarré avec la mobilisation de 16 partenaires : laboratoires, collectivités, bureaux d’étude et bailleurs sociaux. Ce projet inclut notamment une collaboration en cours de formalisation avec le laboratoire LIED (Laboratoire Interdisciplinaire des Énergies de Demain).

 

Participez-vous à des projets européens ou internationaux ?

Depuis 2016, je suis membre du réseau TAAC (TightVent Airtightness Associations Committee), qui regroupe 51 experts issus de 19 pays autour de la mesure de la perméabilité à l’air des bâtiments. Je suis impliqué dans plusieurs groupes de travail de TAAC et, plus généralement, dans le réseau international AIVC (Air Infiltration and Ventilation Center) depuis plusieurs années.

Par ailleurs, je participe également au programme de recherche EBC (Energy in Buildings and Communities Programme), notamment à la nouvelle annexe IEA EBC Annex 95 and Users TCP – Human-Centric Buildings for a Changing Climate, qui vient de démarrer. Ce réseau de chercheurs internationaux vise à promouvoir la conception de bâtiments favorisant le confort, la santé et la productivité des occupants, en tenant compte de leurs besoins physiques et psychologiques. Ces collaborations se concrétisent par des activités bien définies, incluant notamment des publications communes.

 

Menez-vous des activités complémentaires à la recherche (enseignement, expertise, encadrement d’étudiants) ? Si oui, pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui, ces activités complémentaires sont indissociables pour moi de la recherche. La transmission du savoir est au cœur de notre métier, et cela permet également de donner le goût de la recherche.

J’encadre aussi bien des stagiaires que des doctorants ou des post-doctorants. Par ailleurs, je réalise également des expertises, et je peux notamment citer une expertise effectuée pour la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) portant sur le confort thermique dans les vigies des tours de contrôle.

Avec Mathilde Hostein et son jury de thèse pour sa soutenance le 11 décembre 2024. De gauche à droite :Mohamed EL MANKIBI, Bassam MOUJALED, Marjorie MUSY, Mathilde HOSTEIN, Manuel GAMEIRO DA SILVA, Christian INARD, Gilles FRAISSE (@Cerema)

 

Intervenez-vous dans des forums, colloques ou événements scientifiques ? Si oui, lesquels ?

Oui, la participation à des colloques et conférences scientifiques est essentielle pour valoriser nos travaux, confronter nos approches et nourrir les échanges au sein de la communauté scientifique. Je participe en moyenne à une ou deux conférences par an. Parmi celles-ci, je peux citer les conférences annuelles de l’AIVC (Air Infiltration and Ventilation Centre), auxquelles j’essaie de participer régulièrement.

 

Bassam MOUJALLED, Max SHERMAN @ Cerema
Lors de la remise du prix du meilleur article à la conférence internationale de l’AIVC en 2019 à Gand (Belgique)De gauche à droite : Gaelle GUYOT, Adeline MELOIS, Bassam MOUJALLED, Andrés LITVAK, Sylvain BERTHAUT(@Cerema)
Avec l’équipe BPE du Cerema à la conférence AIVC, Copenhague – octobre 2023. Adeline Mélois, Nolwenn Hurel, Mathilde Hostein, Valérie Leprince, Gaelle Guyot, Benedikt Kölsch, Andrés Litvak, Bassam Moujalled, Baptiste Poirier © Cerema
En intervention lors du Winter school au Green Energy Park au Maroc le 12 février 2025 (@Green Park Energy, Maroc)

Un dernier message à partager ? 

L’émergence de nouvelles technologies, et en particulier de l’IA, impacte déjà les différents métiers dont la recherche. Cela doit nous interroger sur leur utilisation et la manière de les intégrer dans nos activités professionnelles.


Publications de Bassam Moujalled
Chercheur au sein de l'équipe BPE du Cerema


Bassam est auteur de plusieurs publications scientifiques dans des revues scientifiques [1-20], il partage ses connaissances lors de conférences et de formations. Il enseigne à l'ENTPE à Lyon, où il forme les futurs experts en génie civil et en efficacité énergétique des bâtiments. Par ailleurs, il intervient dans des projets collaboratifs au niveau national et international, notamment dans des initiatives liées à la transition énergétique et à la réduction de l'empreinte carbone dans la construction.