6 octobre 2025
recyclage des matériaux sur un chantier
Cerema
Première déconstruction de bâtiment labellisé 2EC (Engagement Economie Circulaire) dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le projet Ki a fait l'objet d'une démarche d'économie circulaire accompagnée par le Label 2EC : Pitch Immo et le Cerema présentent le retour d’expérience.

La prévention et la gestion des déchets, un défi majeur pour le secteur de la construction et de l’aménagement

Afin d'exploiter le gisement des déchets de la construction qui représente 213 millions de tonnes chaque année, soit 69% des déchets produits en France, L’Etat français a déployé, depuis une dizaine d’années, une réglementation favorisant l’économie circulaire, avec notamment la loi AGEC[1] de 2020, qui impose aux producteurs de déchets de déconstruction d’assurer une gestion vertueuse de ces déchets depuis le chantier jusqu’à la filière de valorisation ou d’élimination finale (diagnostic PEMD[2], hiérarchie des modes de traitement, tri, traçabilité, filière REP PMCB[3]).

Depuis 2021, le label national 2EC a pour objectif d'accompagner les porteurs de projets pour développer et promouvoir l’économie circulaire dans les territoires à travers la labellisation de projets de construction et d’aménagement.
 

Le projet Ki :

Localisé en plein cœur de Lyon, au sein du quartier de la Part-Dieu, le projet Ki est porté par le promoteur Pitch Immo et dessiné par l’agence internationale d’architecture Sou Fujimoto. Il s’agit de la déconstruction du bâtiment existant, l’ancien siège régional de la Caisse d’Epargne, et de la construction d’un nouveau programme mixte (commerces, bureaux, logements) sur sept niveaux.

La maîtrise d’ouvrage, Pitch Immo, a souhaité en faire son premier projet d’ampleur en matière de réemploi et d’économie circulaire sur Lyon. Ainsi, il s’est accompagné des sociétés d’ingénierie spécialisées en réemploi R-USE et Minéka, de la maîtrise d’œuvre déconstruction LEI et du groupement d’entreprises Razel-Bec/SEEM. 

 

Les objectifs d’économie circulaire initialement fixés dès 2021 sont : 

  • Le réemploi de 13 tonnes de mobilier fixe ;
  • Le réemploi de 50% des éléments identifiés dans le diagnostic ressources ;
  • La valorisation de 89% (en poids) de tous les déchets de déconstruction ;
  • La valorisation de 90% (en poids) des bétons armés.

Les principaux résultats :

Le bilan de la démarche d’économie circulaire :

Atteinte des objectifs d'économie circulaire :
  • 23 tonnes de mobilier fixe ont été réutilisées (l'objectif était de 13 tonnes)
  • Réemploi de 50% des éléments recensés dans le diagnostic ressources : 39 produits, équipements, matériaux ont recensés dans le diagnostic des ressources. 43 ont fait l'objet d'un réemploi (8), d'un reconditionnement en vue d'un réemploi (3) ou d'une réutilisation (32).
  • Valorisation de 98 % de tous les déchets de déconstruction (en poids, et l'objectif de départ était de 89%.
  • 100% des bétons armés ont été recyclés (l'objectif était de 90%).
Priorité au réemploi des matériaux et à la valorisation des déchets

Conformément à la hiérarchie des modes de traitement, l’ensemble des acteurs du projet Ki ont privilégié le réemploi et les filières de valorisation (recyclage, remblayage de carrière, valorisation énergétique) à l’élimination des déchets. Les déchets ultimes ou dangereux ont été évacués vers des installations d’élimination autorisées.

 

Recyclage et réemploi :

Mise en œuvre d’une logistique de stockage au service du réemploi et de la réutilisation

Le réemploi et la réutilisation des produits, équipements, matériaux et déchets impliquent une logistique adaptée. Les éléments ont été :

  • Identifiés puis déposés précautionneusement sur chantier (dévissage, déclipsage, découpage, désassemblage) ;
  • Triés et massifiés par nature sur le chantier ;
  • Conditionnés et manutentionnés spécifiquement selon leurs particularités (sur palette, sur dalle, sur chevalet, en fagots) ;
  • Transportés en sites de stockage temporaires : (i) intérieur dans le cas de la nécessité d’un stockage hors d’eau, hors d’air et sécurisé, ou (ii) extérieur ;
  • Filmés, scotchés et étiquetés ;
  • Préparés au réemploi (dépoussiérage, nettoyage, décroutage, décollage, dégraissage, détartrage, désinfection).

 

La parole à la maîtrise d’ouvrage

Nous avons recueilli les conseils de Mme Primard, responsable du projet Ki :

Phase de déconstruction du bâtiment précédent - Cerema

1/ Inscrire le réemploi comme un objectif dès la phase de programmation en s’appuyant sur les expertises spécifiques des AMO Réemploi

  • Le réemploi demande une organisation spécifique (tri, stockage, transport) qui peut complexifier les délais classiques de chantier. Une planification adaptée est nécessaire et la demande de moyens logistiques, en particulier pour le stockage, doit être intégrée dans les dossiers de consultation des entreprises (DCE) de démolition.
  • La mobilisation de professionnels du réemploi (AMO Réemploi) dès le démarrage du projet est essentielle pour sécuriser la démarche et identifier les leviers d’action à chaque étape du projet.

2/ Réaliser un diagnostic ressource dès que possible

  • Lorsqu’il y a déconstruction, un diagnostic produits, équipements, matériaux, déchets (PEMD) planifié bien en amont est indispensable pour repérer les matériaux réemployables et anticiper leur traitement. Celui-ci doit être réalisé par l’AMO Réemploi pour identifier les ressources réemployables.
  • Sur le projet Ki, 365 tonnes de matériaux et équipements avaient été identifiés par l’AMO Réemploi R-USE.

3/ Prévoir du temps et des moyens pour la logistique du réemploi, notamment en termes de stockage

  • Le réemploi demande une organisation spécifique (tri, stockage, transport) qui peut complexifier les délais classiques de chantier. Une planification adaptée est nécessaire et la demande de moyens logistiques, en particulier pour le stockage, doit être intégrée dans les dossiers de consultation des entreprises (DCE) de démolition.
  • Les appels d’offres doivent valoriser les savoir-faire en réemploi, via des critères d’évaluation et des clauses spécifiques, tout en favorisant l’innovation et l’expérimentation.
  • Le stockage temporaire des matériaux entre leur dépose et leur réutilisation nécessite des conditions logistiques et sanitaires précises, à anticiper dans le phasage du projet.
  • Nous avons eu besoin, pour ce projet, de lieux de stockage intérieur et extérieur situés en banlieue lyonnaise. Ces lieux de stockage avaient été identifiés en amont mais il ne nous a pas été possible de réemployer les portes du projet in-situ car nous ne pouvions pas maîtriser l’hygrométrie du lieu de stockage. Ce type de contrainte aurait par exemple dû être identifié en amont de la démarche.

4/ Conjuguer ambition et réalisme opérationnel

  • La démarche de réemploi nécessite une certaine flexibilité : les objectifs initiaux peuvent être ajustés en fonction des contraintes techniques, réglementaires ou logistiques rencontrées.
  • Cela a été le cas sur le projet Ki : l’entreprise de démolition a identifié des ressources supplémentaires et d’autres ont été écartées de la piste réemploi. Notre objectif de valorisation était initialement de 365 tonnes, revu à 285 tonnes après quelques essais de dépose non concluants.

5/ Garantir la traçabilité et la conformité des matériaux réemployés avec l’AMO Réemploi et le bureau de contrôle

  • Des documents techniques, essais, fiches de traçabilité ou validations permettent de rassurer les parties prenantes et de garantir la qualité des matériaux réutilisés.
  • R-USE nous a proposé plusieurs livrables permettant de garantir cette traçabilité : fiches matériaux suite au diagnostic qui étaient transmises aux repreneurs, carnet de solutions circulaires pour le réemploi in-situ sur le projet Ki, notice réemploi pour exposer notre démarche dans le DCE et un tableau de suivi fixant des objectifs et évolutif au fur et à mesure de la déconstruction.

6/ Valoriser la démarche par une communication transparente permettant à tous de capitaliser sur l’expérience pour enrichir collectivement les pratiques futures

  • Mettre en lumière les actions menées, les résultats obtenus et les enseignements tirés renforce la légitimité du projet et contribue à une dynamique collective. C’est pourquoi nous partageons aujourd’hui notre expérience auprès du Cerema et faisons partie du collectif du Booster du Réemploi.
  • Documenter les réussites, les difficultés et les arbitrages permet de nourrir les projets à venir et de faire progresser collectivement la filière du réemploi.
     

Dans le dossier Economie circulaire dans les chantiers du BTP: Le dossier sur le Label 2EC

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