8 novembre 2024
Pont Saillans
Le Cerema a engagé en 2020 une démarche axée sur la mise en œuvre de l'intelligence collective, à travers un projet de recherche-action collaboratif consacré au biomimétisme territorial. L'ambition : faire de ce courant qui s'inspire du Vivant un nouvel art de concevoir les projets pour des territoires résilients.
Cette recherche-action s'inscrit dans un moment historique où les enjeux liés au dérèglement climatique et à l'effondrement de la biodiversité nous font prendre conscience de l'atteinte des limites physiques, naturelles et biologiques, avec la dégradation irréversible des ressources. Le séminaire de clôture du projet a eu lieu le 23 mai 2023 et les livrables sont disponibles.

Les services de l’État à l’origine de cette démarche ont fait le constat de la difficulté à changer le "logiciel" des projets d’aménagement et les blocages pour réellement penser et mettre en œuvre la transition écologique. Au gré des rencontres est né le projet de recherche-action "S'inspirer du Vivant pour des territoires résilients" dont l’originalité repose sur trois aspects : la diversité des participants, le processus méthodologiques et la mobilisation de la notion de biomimétisme territorial.

 

Le biomimétisme : de quoi parle-t-on ?

Le concept de "Développement Durable" a placé sur un plan d'égalité les 4 dimensions : économie, social, environnement et culture. Dans un contexte d'effondrement de la biodiversité, de nouvelles théories voient le jour. Elles placent l'environnement (biosphère) comme la dimension centrale et invitent à concevoir les projets en positionnant le vivant, la biosphère (eau, air, sol, biodiversité...) comme condition nécessaire et préalable à toute activité humaine.

 

Apparu en 1969 sous la plume du biophysicien Otto Schmitt, le terme Biomimétisme renvoie à une philosophie et un ensemble d'approches conceptuelles interdisciplinaires, prenant pour modèle la nature pour relever les défis auxquels nous avons à faire face et réussir ces transitions.

 

La démarche de recherche s'appuie sur une éthique du biomimétisme entendue comme une approche de l'innovation visant la résilience et la régénération des territoires. Elle est aussi une posture alliant humilité, remise en question et reconnexion : questionner notre place en tant qu'humain faisant partie d'un tout, apprendre et s'inspirer du Vivant afin d'esquisser des sociétés résilientes.

 

Le constat est partagé et alarmant : la biodiversité s’effondre, le climat se dérègle et la manière dont nos territoires sont aménagés a un fort impact sur ces phénomènes

Pour changer le regard, les porteurs de la démarche ont fait le pari que prendre davantage en compte le vivant et son fonctionnement au moment de l’émergence des projets d’aménagement peut influencer les trajectoires territoriales vers des futurs souhaitables. L’objectif est donc de transformer nos manières d’aménager et de vivre sur nos territoires de façon à créer et entretenir les conditions propices à la vie comme le fait le reste du monde vivant. 

Pour cela, les chercheurs sur le biomimétisme territorial préconisent d’appliquer les principes de fonctionnement des êtres vivants (nbp ; pas de toxicité persistante, utilisation des déchets comme matériaux, pas de surexploitation des ressources, s’appuyer sur la coopération et la diversité …) à nos projets territoriaux. Le biomimétisme territorial et les principes du vivant sont donc utilisés tout au long du projet comme une source d’inspiration pour influencer les trajectoires territoriales vers des futurs souhaitables. 

Nature = Futur ! Biomimétisme, le vivant comme modèle

La démarche a été menée en 3 phases:

  1. Créer une dynamique collective et découvrir le biomimétisme territorial
  2. Prototypage de la méthodologie
  3. Expérimentation sur les territoires

Chaque phase a été ponctuée d'ateliers qui ont permis de se connaître et d'initier la démarche, puis de construire une méthodologie pas à pas afin de déployer des expérimentations. Par exemple un atelier 3D mapping en juillet 2020 a été l'occasion de réfléchir avec le Dre'Lab aux modes d'accompagnement des projets, d'affiner la connaissance du système d'ingénierie territorial, aux leviers pour faire évoluer les pratiques. Un voyage apprenant dans la Drôme a permis de comprendre le passage de la problématique de sauvegarde de la rivière au projet de territoire Biovallée et comment le territoire était appréhendé par les acteurs comme entité vivante.

 

Retour sur le séminaire de clôture du 23 mai 2023

Comment un territoire peut s’inspirer du vivant pour réussir sa transition et tendre vers des futurs souhaitables ? C’est à cette question qu’ont répondu collectivement le 23 mai 2023 à Valence, les 80 participants du séminaire de restitution "S’inspirer du vivant pour des territoires résilients". Associations, citoyens, collectivités territoriales, service de l’État, etc. se sont retrouvés pour partager les apprentissages du projet de recherche-action qui, pendant 3 ans, a permis d’explorer de nouvelles manières de faire émerger des dynamiques de transition territoriale permettant une autre relation au monde vivant.

Le séminaire de restitution organisé le 23 mai 2023, à l’instar de l’ensemble de la démarche, s’est donné pour objectif de mettre en présence des représentants variés (citoyens, associations, Société Coopérative de production SCOP, structures publiques) de dynamiques de transition territoriale. Cela a permis de croiser les expériences afin de favoriser l’enrichissement mutuel. 

 

 

La matinée du séminaire de restitution a été dédiée à ces dynamiques territoriales : l’association Biovallée, la recherche action "Saint-Germain en Transition", la commune de Saint-Pierreville … ont tenu des stands et présenté leur démarche, réussite et questionnement. Une table ronde a ensuite permis de partager les enseignements de la démarche de recherche-action. Le philosophe Patrick Desgeorges, membre de l’Institut Michel Serre a questionné,  mis en perspective et éclairé cette démarche par une introduction percutante et une animation de la table ronde. 
La journée a été ponctuée d’interpellations originales grâce à la "Tribut du Verbe", duo de slameurs qui ont porté un regard frais sur cette démarche et mis en mots, avec humour et poésie.
 

Témoignages sur le projet - Séminaire de restitution

Cette démarche exploratoire nous a ainsi invités à changer de regard sur les politiques publiques d’aménagement du territoire (passer de la plate-forme à aménager à un territoire vivant à ménager) et à esquisser une feuille de route pour la conception des politiques et programmes publics de l’aménagement, biodiversité et paysage : Régénérer, Relier, Équilibrer et assurer l’équité, Mailler le territoire, Miser sur la diversité, Favoriser l’autonomie/souveraineté. 

 

Principaux enseignements :

  • Apprendre à s'appuyer sur la réalité territoriale, sur les acteurs, les atouts du territoire : l'expérimentation a pris appui sur des contacts existants, et a parfois été complétée par une enquête territoriale. Cela a montré le potentiel de démarches exploratoires amont en créant les conditions pour que les personnes rencontrées deviennent actrices de la démarche, en positionnant les services de l’État dans une horizontalité et une équivalence avec les autres acteurs. Cette étape préalable est une condition indispensable à toute démarche de projet de transition.
  • Apprendre de l'expérience, favoriser la transmission des savoirs. L'enjeu n’est pas tant d’accumuler des savoirs et des connaissances que de nourrir par l’expérience sensible, culturelle et située, des dynamiques relationnelles et des inspirations croisées. Pour cela, créer un espace de réflexivité dans le dispositif même de la démarche est incontournable.
  • Apprendre à coopérer, permettre de nouvelles alliances locales : La composition et l'organisation d’une gouvernance territoriale adaptée à la conduite de la transition, en construisant des modes de faire qui promeuvent l'intelligence collective, l’auto-organisation, l’entraide, la solidarité par l’engagement direct des acteurs territoriaux aux côtés des habitants dans des démarches de "co-responsabilité". Pour les services de l’État, il s’agit d’accueillir les initiatives et les expériences plutôt que de chercher à les impulser depuis le haut, dans une posture d’écoute territoriale et d'accueil. 
  • Apprendre à changer de regard et s'inspirer du vivant : développer les compétences qui permettent de mettre en œuvre un cadre pour l’action territoriale, basé sur le ménagement et le soin, considérant le territoire comme un sujet vivant et non plus comme un objet ou une ressource. Idem pour la communauté humaine, qui est une communauté écologique, vivante, mouvante.
  • Apprendre à lâcher-prise et à accueillir l’émergence : L’accompagnement proposé par le Presencing Institute, avec la théorie U qui a structuré la recherche-action tout au long de ses quatre années, a invité les participants à articuler une posture d’ouverture, de curiosité et d’humilité avec un processus itératif, émergent et contenant.
La recherche-action a montré qu’un modèle alternatif est possible, 
celui d'une coopération partenariale basée sur les éléments suivants :
  • le principe d’équivalence entre les personnes,
  • l’interconnaissance des acteurs,
  • la reconnaissance individuelle de chacun au sein du groupe,
  • l'absence a priori d'objectifs prédéfinis,
  • la co-construction d’une intention claire,
  • l'absence de jugement (facilitée par la convergence des attentes individuelles autour d'une “cause” commune explicite, permettant une référence collective partagée).

Une recherche-action qui entre en résonance avec d'autres projets

Cette recherche-action s'inscrit dans la continuité de précédents projets, qui ont consisté pour le Cerema à accompagner des territoires dans l'élaboration d'un projet de territoire résilient.

Un "projet de territoire" pour "aménager la Communauté d'agglomération Ouest-Rhôdanien dans la transition énergétique" :

Dans le cadre de ses réflexions stratégiques en matière d'aménagement, de l'élaboration de son plan climat air énergie territorial (PCAET) et de l'installation de son conseil de développement, la Communauté d'agglomération de l'Ouest Rhodanien a conduit en 2017 une réflexion participative pour élaborer un projet de territoire.

Le Cerema a accompagné la COR dans l'organisation et l'animation de cette démarche en trois ateliers, qui ont permis de produire collectivement des éléments de diagnostics et de questionnements.

Suite à cette démarche, la COR a souhaité poursuivre ses réflexions sur une orientation de ses aménagements en faveur de la transition énergétique. En 2018, quatre journées ont ainsi été organisées avec l'appui du Cerema. Elles ont réuni élus et partenaires institutionnels autour de binômes de techniciens référents de la COR et d'experts du Cerema.

"Participons à l'avenir du territoire", un projet de territoire pour la Communauté de communes Entr'Allier Besbre et Loire :

Confrontée à de nombreux enjeux sociaux (vieillissement de la population, faible densité, baisse d'attractivité...), la Communauté de communes Entr'Allier Besbre et Loire a souhaité construire un projet de territoire. En partenariat avec la DDT03, le Cerema a conduit en 2018 une démarche d'ateliers associant élus et acteurs du territoire, dans le but de mener une réflexion participative citoyenne commune.

A l'issue de ces ateliers, un diagnostic partagé du territoire a été élaboré ainsi qu'une stratégie et un plan d'action.

"Et si on habitait là ?", un projet de territoire résilient pour le PETR Pays de la Vallée de Montluçon et du Cher :

 

Depuis plusieurs années, le territoire du Pôle d'équilibre territorial et rual du Pays de la Vallée de Montluçon et du Cher est confronté à une série d'enjeux (sécheresse, épuisement des ressources en eau, fermeture des services publics...) qui obligent les acteurs à repenser leurs cadres d'actions habituels et à anticiper les projets du futur.

Fédérer les acteurs, créer des synergies, et mettre en mouvement le territoire face à ses défis sociaux et environnementaux sont les objectifs de la démarche de résilience portée depuis 2018 par le PETR du Pays de la Vallée de Montluçon et du Cher avec l'appui du Cerema et de la DDT03.

Par des ateliers participatifs et de mise en mouvement et de réflexion prospective, cette démarche a permis d'établir un projet de territoire résilient pour la période 2021-2027.