23 juin 2025
Maison instrumentée dans le Nord
Cerema
Dans le cadre de la réhabilitation de son patrimoine minier et du programme Hauts-de-Chanvre soutenu par la Région Hauts-de-France (FRATRI), le bailleur social Maisons & Cités a sollicité l’expertise du Cerema en qualité de l’air intérieur (QAI) et en performance énergétique. A cette occasion, le Cerema a instrumenté des logements dans les Hauts-de-France afin de comparer les performances de l’isolant béton de chanvre avec celles de la laine de bois, isolant biosourcé couramment utilisé. Les résultats de l’étude ont été présentés en 2025 et l’inauguration officielle de la Cité Barrois sur laquelle se sont déroulés les travaux a eu lieu le 11 juin dernier.

Dans le cadre de la réhabilitation de son patrimoine minier et du programme Hauts-de-Chanvre, le bailleur social Maisons & Cités a pour ambition d’être exemplaire et de développer la filière chanvre en région Hauts-de-France avec le soutien de la Région (FRATRI).

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logo région hauts de france

 

 

 

 

 

Evaluer l'utilisation du chanvre comme isolant et la capacité d'approvisionnement

Deux volets constituent ainsi le programme Hauts de Chanvre :

  1. L’approvisionnement en matière première : l’objectif était de s’assurer d’un approvisionnement local en chanvre à travers l’étude de filière, tout en créant des partenariats durables et en imaginant les nouveaux produits en chanvre utiles pour les opérations de rénovation.
  2. La preuve de faisabilité de l’utilisation du chanvre comme isolant sur une opération à taille réelle.

Située à Pecquencourt (59), l’opération "Pecquenchanvre", intégrée au programme Hauts-de-Chanvre, concerne la rénovation de 318 logements dont 115 ont été rénovés en béton de chanvre (en béton de chanvre projeté ou en béton de chanvre en blocs). Les autres logements ont été isolés en laine minérale ou en laine de bois.

Cette opération pilote de rénovation énergétique à faible impact carbone, visait également à former les entreprises et les équipes du maître d’ouvrage tout en intégrant une instrumentation des bâtiments associée à une étude sociologique. Le Cerema s’est ainsi chargé du suivi instrumental sur un panel de 18 logements, isolés par chanvre projeté, chanvre en blocs ou laine de bois.
 

 

Les bâtiments instrumentés par le Cerema

Une fois le logement rénové, le Cerema a suivi un protocole d’instrumentation précis visant à caractériser la performance énergétique du logement tout en intégrant l’aspect qualité de l’air intérieur :

  • Vue d'une rangée de maisons individuelles en briques de la cité minière
    Bâtiments de la cité minière - Google street view

    Bâtiments de la cité minière - À réception, un test d’étanchéité à l’air a été réalisé sur l’ensemble des logements du panel, ainsi que des prélèvements de moisissures dans l’air sur 12 de ces logements. A cela s’est ajouté une campagne de mesure de la qualité de l’air intérieur sur les paramètres température, humidité relative, CO2, formaldéhyde et COVtotaux.  Le Cerema a aussi contrôlé les installations de ventilation et réalisé des mesures fonctionnelles aux bouches de ventilation en application du protocole Promevent.

  • Le confort thermique estival a été analysé via des campagnes de mesures d’une durée de 3 semaines environ avec la pose d’enregistreurs de température, d’humidité, de dioxyde de carbone (CO2), de luminosité et de présence.
  • Deux campagnes de prélèvements passifs sur les Composés Organiques Volatils (COV) ainsi que des mesures dynamiques (T, HR, CO2, formaldéhyde, COVtotauxontcomplété l’analyse de la qualité de l’air intérieur (en été et un hiver) sur les 12 logements, 12 mois après réception des logements. Des prélèvements de moisissures par logement en période estivale ont également été effectués.

Ce suivi et les différentes analyses ont été confortés par des entretiens avec les occupants.

 

Les résultats : une bonne performance des bétons de chanvre, comparable à celle de la laine de bois

A la suite de difficultés opérationnelles - aucun locataire n’ayant permis de réaliser la totalité des mesures initialement prévues par logement (ce qui aurait impliqué leur présence lors de 11 rendez-vous), le Cerema a adapté sa méthodologie et a pu aboutir à des résultats très prometteurs :

Volet thermique :

La thermographie et l’infiltrométrie (de l’air est soufflé dans l’habitation pour identifier les fuites d’air) ont mis en évidence l’efficacité du béton de chanvre par rapport à la laine de bois pour ce qui est de l’étanchéité à l’air des maisons, surtout sous lorsqu’il s’agit de chanvre projeté. Il est cependant possible que le rôle de la mise en œuvre soit prépondérant par rapport à la nature de l’isolant. En effet, le chanvre projeté permet de boucher les interstices et donc de corriger des défauts de mises en œuvre sur la partie structurelle du mur, permettant d’atteindre de meilleurs résultats en perméabilité à l’air.

L’inspection des systèmes de ventilation (qui sont difficiles d’accès sur cette opération et donc difficiles à maintenir en état) a montré des défauts importants dans la moitié des cas, ces anomalies pouvant conduire, au fil du temps, à des pathologies du bâtiment dont l’humidité n’est pas évacuée (ou évacuée dans les combles). Ces anomalies ont pu être rapidement remontées au bailleur qui a pu mettre en place des mesures correctives et intégrer ces résultats importants à son retour d’expérience pour ses prochains chantiers.

Sur le confort d’été, aucune différence notable n’a été constatée lors des campagnes, quel que soit l’isolant utilisé.

Volet qualité de l’air :

29 campagnes de mesure des composés organiques volatils (les COV – qui sont des polluants chimiques) de 5 à 8 jours ont été réalisées durant ce projet ! Elles montrent une corrélation très forte avec les pratiques des habitants, mais aucun lien ne peut être établi avec le type d’isolant choisi, ce qui est un résultats rassurant quant à l’usage des matériaux biosourcés, allant dans le même sens que les résultats obtenus précédemment dans le projet de recherche EmiBio (piloté par le Cerema et co-financé par l’Ademe sur appel à projet Cortea et par le Ministère en charge de la Transition écologique)

En revanche, les campagnes d’études des contaminants biologiques ne permettent pas d’aboutir à une conclusion, positive ou négative. En effet, si des traces de bactéries ou de moisissures sont relevées dans certains logements, ces résultats peuvent être également dus aux conditions de mesure (l’environnement extérieur était parfois fortement chargé, selon la période de mesure), à une ventilation insuffisante plutôt qu’à l’impact de la nature de l’isolant biosourcé, et dans ce dernier cas, ils sont similaires aussi bien pour la laine de bois que pour le chanvre.

Il serait intéressant de poursuivre l’étude sur un plus large panel de logements, en condensant les mesures sur une même journée.

À gauche, balise Fireflies et tubes adsorbant dans leurs corps diffusifs bleus et jaunes, montés sur triangles de support. À droite, balise NEMO.