Cet article fait partie du dossier : Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
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Le webinaire s’est ouvert avec un repère chiffré sur la mobilité des personnes en zones peu denses présenté par le Cerema. Réalisé à partir de sources statistiques nationales de l’Insee (Recensement de la population et Base permanente des Equipements) et du ministère en charge des Transports (Enquête Mobilité des Personnes 2019), il définit également ce qu’on appelle "zone peu dense" : les zones peu denses sont les zones définies comme "rurales" par la grille de densité de l’Insee. Ce périmètre rural est ensuite analysé selon qu’il se trouve sous l’influence d’une grande agglomération dit "rural périurbain" ou non, dit "rural non périurbain".
Une première partie du Rendez-Vous était consacrée aux données quantitatives :
Repères sur la mobilité des habitants des territoires ruraux
Le diagnostic met en évidence que les zones rurales ou peu denses regroupent à ce jour un tiers de la population mais 45% des km parcourus. En effet, alors que la population métropolitaine française réalise environ 26 km/jour depuis 10 ans, les habitants des zones peu denses parcourent 36 km/jour, et cette distance est en augmentation de 3 à 6 km cette dernière décennie. Ces distances importantes sont réalisées à 90% en voiture. La voiture permet également de réaliser la moitié des déplacements de moins de 2 km dans ces zones rurales contre un tiers pour l’ensemble de la population (40% vit en zones très denses).
Cette augmentation des distances quotidiennes pour les habitants en zone rurale est portée notamment par une augmentation rapide des distances parcourues pour se rendre sur son lieu de travail surtout pour ceux du rural non périurbain.
En terme d’accessibilité aux équipements, l’équipement intermédiaire des bassins de vie des communes rurales est meilleur quand la commune est touristique surtout dans le rural non périurbain : 8,5 équipements pour les communes touristiques contre 5,5 pour les autres. L’éloignement de la population aux équipements est atténué en ce qui concerne les équipements de proximité pour les bourgs ruraux [1] : plus de 90% y accèdent en moins de 7 minutes, mais ¾ seulement en dehors de ces centralités. Cependant, si moins de 10% de la population rurale périurbaine est éloignée à plus de 30 min d’un équipement de gamme supérieure, ce chiffre monte à 23% pour la population rurale non périurbaine dispersée.
Notons que ces deux zones rurales se différencient fondamentalement par l’âge de leur population : elle est plus jeune en rural périurbain, et un peu plus aisée. Cependant l’ensemble des zones rurales restent sous représentées dans le dernier quartile de niveaux de vie contrairement aux zones très denses.

Connaître la mobilité en zone peu dense
La deuxième intervention réalisée par Sabine Carette (Observatoire du syndicat des Mobilités de Touraine) et le Cerema met en avant une collaboration gagnant-gagnant pour la connaissance de la mobilité entre un territoire dense, réalisant régulièrement des Enquêtes Mobilité Certifiées Cerema (EMC²), et sa couronne très peu dense, pour laquelle il serait coûteux de se lancer seule dans cette aventure. Le premier territoire, porté par le Scot de l’Agglomération Tourangelle incluant l’agglomération de Tours, a pu ainsi augmenter la couverture de population se rendant régulièrement sur son territoire et impactant donc la fréquentation de ses réseaux et équipements.
Le second incluant des territoires plus ruraux jusqu’aux frontières départementales a pu bénéficier d’un outil très riche permettant d’analyser la mobilité quotidienne tout mode tout motif et de partager ainsi des indicateurs communs sur tout le département de l’Indre et Loire. Du fait de cette étendue géographique, le plan de financement a impliqué la Région. Un groupement de commande a été établi entre les AOM du territoire afin de ne passer qu’un seul marché. Au total 8700 personnes ont été interrogées, réparties de telle sorte que différentes analyses spatiales soient possibles selon les besoins des territoires.

Récolter des données aussi riches a motivé les acteurs à mettre en place un outil qui donne à voir à tous les résultats de cette enquête. Pensé et pris en compte dans le budget dès la conception de l’enquête, il est vivant et mis à jour régulièrement : https://emc2-touraine-mobilites.scan-datamining.com/ . Les données EMC² ont bien entendu servi la mise à jour du modèle multimodal de l’agglomération mais elles ont été également facilement utilisées par les différents territoires pour alimenter des diagnostics de mobilité locaux et divers documents de planification.
Une enquête mobilité conçue pour un territoire rural
La troisième intervention, présentée par le Cerema, met en évidence une expérimentation d’enquête adaptée aux territoires ruraux quand ces derniers ne font pas partie d’une EMC². Ce besoin s’est exprimé suite à la mise en place de la LOM et la prise de compétence "Mobilité" par l’EPCI Saône Doubs Bresse. Cet EPCI rural de 12 000 habitants répartis sur 26 villages a désiré mettre en place un Plan de mobilité simplifié (PDMS) dont il a fallu alimenter le diagnostic. L’enquête avait pour but de mieux connaître les habitudes de mobilité par motifs de déplacements, les difficultés et les attentes de la population.
Le Cerema a accompagné cette collectivité pour élaborer un questionnaire adapté à ce type de territoire auquel les habitants puissent répondre sans l’intervention d’un enquêteur afin de réduire les coûts de collecte. Il a aussi été vigilant à couvrir tout type de population en proposant une interrogation par internet et par papier. Enfin, cette opération a mobilisé l’ensemble des élus pour diffuser et faire connaître l’enquête sur le territoire afin d’obtenir un bon taux de réponse. L’enquête s’est bien déroulée : après apurement 600 ménages et 870 personnes ont répondu complètement, bien répartis sur les différentes catégories d’âge, plus souvent par papier que par internet (les personnes âgées de plus de 65 ans répondent trois fois plus souvent par papier que par internet) ; la réponse par internet a produit plus d’enquêtes inexploitables que celle par papier. Les résultats ont été redressés sur l’ensemble de la population et ont mis en lumière les habitudes de déplacement de la population pour la collectivité.

Elaboration d'une feuille de route mobilité
La quatrième intervention concerne la commune nouvelle de Loireauxence dans l’Ouest de la France, créée en 2016, rassemblant 4 bourgs et hameaux avec un total de 7600 hab. Elle se situe à mi-chemin entre Angers et Nantes. Thierry Richard, adjoint au maire de la commune a expliqué comment le projet de territoire bâti en commun avec les habitants (travail en miroir institution/citoyen) a amené la commune à répondre au programme bas carbone lancé par le Cerema en 2023 afin de construire des indicateurs permettant de hiérarchiser des actions atténuant le changement climatique.
Pour répondre à la demande de ce type de territoire qui dispose de peu de données, le Cerema a construit l’outil MobProGES à l’aide des navettes domicile-travail mesurées dans le recensement de la population à la commune. Après avoir déterminé les distances domicile-travail, elles sont transformées en GES selon des moyennes de motorisation du parc roulant. Parmi l’ensemble des indicateurs calculés, on considérera d’une part les flux générés par les actifs résidents dans un territoire (dit "au lieu de résidence"), et d’autre part les flux émis par emploi d’un territoire (dit "au lieu de travail").
Cette analyse a permis de hiérarchiser les flux en termes de GES et de proposer des actions adaptées : l’exemple de la construction d’un parking de covoiturage au lieu d’un passage obligé des échanges entre communes (pont) en est un exemple. Ces travaux ont été présentés aux habitants sous forme de posters lors "d’un vernissage".
Après des travaux mettant en évidence la connaissance grâce à des données quantitatives décrivant la mobilité dans les zones peu denses, la deuxième partie du rendez-vous mobilité propose de montrer comment des approches qualitatives peuvent utilement contribuer à éclairer des pratiques, ou non pratiques, de mobilité dans les territoires peu denses.
Les approches qualitatives
La cinquième intervention concernait un territoire du sud-ouest. Jean Ballouhey, responsable transport et mobilité du Grand Villeneuvois explique comment son AOM a pu travailler avec le Conseil départemental du Lot et Garonne et la Région Nouvelle Aquitaine à l’élaboration d’un diagnostic pour le Pams du département. Avec le Cerema, des ateliers ont été mis en place sous forme de jeu de rôle pour faire réfléchir ensemble tous les acteurs potentiels pouvant agir dans un Pams (qu’ils soient institutionnels, associatifs, ou mêmes des entreprises de transport) aux difficultés que rencontrent les différentes catégories de population habitant le territoire.
A l’aide de la méthode Gaia qui permet de considérer ce qu’on abandonne, ce qu’on garde, ce qu’on améliore ou qu’on invente, les participants aussi divers soient-ils ont pu se mettre au courant les uns et les autres de ce qu’ils font et commencer à tracer les grandes lignes du Pams ensemble.
La sixième et dernière intervention en territoire rural concernait un projet de recherche action mené par le Cerema en Haut de France avec l’EPCI de Lumbres dans le cadre d’un projet Interreg. Ce territoire rural agit déjà depuis plusieurs années, à sa mesure, pour essayer de diminuer la place de la voiture solo dans les déplacements quotidiens mais le changement peine à se produire (voies vertes, autopartage, TUS, aires de covoiturage, conseil en mobilité, aides au financement de vélo…). En réalisant un film documentaire mettant en scène les habitants lors de leur parcours quotidien de mobilité, ou dans « un parcours du combattant », le projet vise à impliquer davantage les habitants dans le changement de comportement modal qui s’appuierait sur une meilleure collaboration entre générations.
Ce film a été projeté à la population une première fois à l’automne 2025 à l’issue duquel un questionnaire a été soumis aux spectateurs, puis un an plus tard un autre questionnaire tentera de mesurer quels changements ont eu lieu. Le film, vecteur d’échanges et de co-construction entre les habitants d’un territoire a vocation à être partagé avec d’autres pays européens.
Le teaser :
Le film :
Le Cerema a clôturé ce webinaire en rappelant le site ressource CAPAMOB qu’il a mis en place pour aider tout organisme à réaliser un diagnostic de mobilité du territoire centré sur les problématiques du quotidien. Il s’appuie sur une liste de questions auxquelles les territoires ont souvent besoin de répondre.
Ces réponses peuvent s’élaborer à partir de 3 briques d’analyse et d’exemples de diagnostics déjà réalisés.
Le replay :
[1] Bourg rural ; dans la grille de densité de l’Insee concernant la catégorie des communes rurales, ce sont les plus denses (https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c2348)
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