Interview des deux autrices, Céline Lemasson, directrice de projet Aménagement et bâtiment et Pilar Lesage, responsable d'études sur les matériaux biosourcés, sur les enjeux et les outils pour développer l'usage des biosourcés dans le bâtiment.
Cet Essentiel présente les grandes étapes et les points d'attention pour intégrer les matériaux biosourcés dans les projets de bâtiment. Il aborde aussi leurs performances et présente des démarches menées par des collectivités. Les deux autrices de cet Essentiel, Céline Lemasson et Pilar Lesage, responsable d'études sur les matériaux biosourcés, ont répondu à 3 questions sur l'usage des biosourcés et l'action du Cerema dans ce domaine.
Pourquoi le Cerema a-t-il rédigé cet Essentiel à destination des communes notamment ?
Céline Lemasson : La réglementation en matière d'utilisation des matériaux biosourcés évolue : à partir du 1er janvier 2030, une nouvelle obligation issue de la loi climat et résilience imposera d’utiliser 25 % de matériaux biosourcés ou bas carbone dans les projets de bâtiment aussi bien pour la construction que la rénovation. Or, les bâtiments qui seront livrés en 2030 sont déjà en cours de conception : l’objectif est donc d’informer les maires, puisque cet Essentiel s’adresse principalement aux communes et intercommunalités en tant que porteurs de projets, sur les leviers d’action pour intégrer les matériaux biosourcés dans la construction et la rénovation, qui va constituer la part la plus importante des chantiers.
Pilar Lesage : Les seuils de la réglementation environnementale deviennent progressivement plus exigeants, ce qui va rendre les matériaux biosourcés incontournables parce qu’ils stockent le carbone et ont des performances intéressantes. Cet Essentiel donne des repères aux collectivités, notamment les plus petites et les moins outillées. Il présente des recommandations majeures pour que les communes mènent des démarches efficaces.
Le document présente la démarche pour intégrer les biosourcés dans les projets : quels sont les principaux défis pour les collectivités ?
Céline Lemasson : Aujourd’hui, il existe une maitrise d’œuvre formée pour mener des projets exemplaires. Mais pour changer d’échelle, passer du bâtiment au quartier, on change d’acteurs. À cette échelle, les matériaux biosourcés sont moins intégrés dans les projets, et pour qu'ils arrivent à terme en maintenant les ambitions de départ, il faut que tous les acteurs du chantier soient formés et motivés. Il y a le besoin d’avoir des acteurs formés pour savoir comment concevoir les projets, et l’usage des matériaux biosourcés permet une certaine souplesse, par exemple avec la préfabrication.
Il y a donc un enjeu à concevoir des projets avec des matériaux biosourcés dès le départ, ce qui permet aussi de maîtriser les coûts et de rester dans les mêmes prix que la construction conventionnelle, à performance équivalente. Car l’usage de matériaux biosourcés modifie la manière de concevoir les projets, en impliquant une phase de préfabrication, un travail sur des matériaux secs. Le besoin de s’assurer de la disponibilité de la ressource, la nécessité de réaliser des prototypes de validation technique sont autant d’éléments qui peuvent constituer un frein sur un chantier important si les différentes étapes n’ont pas été anticipées.
Pilar Lesage : Les porteurs de projets ont également intérêt à connaître les filières locales qui existent ou se développent, mais doivent s’industrialiser davantage. On voit par exemple le développement d’unités de construction de préfabriqués en bois qui peuvent être créées pour un projet et devenir pérennes. Ces groupes de professionnels cherchent ainsi à répondre aux besoins d’un marché qui se développe.
Des démarches de cartographie des acteurs locaux sont menées, souvent faites au niveau régional, par des collectifs comme la fédération bretonne des filières biosourcées, ou par Karibati dans la métropole de Lyon. Les filières mettent aussi en place des centres de ressources régionaux.
L’essentiel explique comment mener la démarche dès les premières réflexions, par qui se faire accompagner, et s’appuie sur les retours d’expériences d’autres collectivités.
Quels projets mène actuellement le Cerema autour des matériaux biosourcés ?
Pilar Lesage : Les équipes du Cerema travaillent sur le sujet des biosourcés depuis une quinzaine d’années, principalement sur deux volets : des travaux de recherche sur les performances des biosourcés afin de caractériser les matériaux biosourcés et géosourcés. Le pôle BioGéo du Cerema étudie les caractéristiques thermiques et acoustiques des matériaux bio et géosourcés, et participe au Projet National Terre. Le travail de caractérisation a aussi pour objectif de permettre aux fabricants de rédiger des règles professionnelles et de mise en œuvre pour l’usage des matériaux.
Le Cerema est également présent sur le volet filières, avec un centre de ressources sur les couts des biosourcés, des travaux sur l’assurabilité de ces matériaux.
Céline Lemasson : Et le Cerema diffuse aussi la newsletter Biosourçons qui s’adresse aux acteurs publics et privés concernés par les matériaux biosourcés, qui informe sur l’actualité du secteur notamment la réglementation, présente des exemples de bonnes pratiques, les événements dans ce domaine.
Il est important de montrer l’intérêt des biosourcés, d’apporter des retours d’expérience aux élus locaux, et aussi de former les professionnels aux nouvelles pratiques.
Nous avons aussi mené des études auprès de collectivités, par exemple une mission d’appui à Pays de Gex Agglo pour sa stratégie de soutien à la filière bois dans le cadre du projet "Démonstrateur de la Ville Durable" sur la ZAC Ferney-Genève Innovation. Pour la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), le Cerema réalise une étude en Outre-Mer sur le potentiel des matériaux biosourcés.