20 avril 2022
Route effondrée en bord de mer lors du séisme d'Aquila
ISTerre
Lancé en 2019 en partenariat avec les métropoles de Nice et de Nantes ainsi que le Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, le projet SISMET avait pour objectif d’évaluer les risques sismiques sur les réseaux routiers en zone urbaine et péri-urbaine et a permis de mettre au point une méthode simple et rapide pour prioriser les interventions à mener en fonction des risques et du caractère stratégique de l’itinéraire. Testée dans plusieurs territoires, elle est aujourd’hui finalisée.

couverture d'un des rapports d'étudeLes expériences passées de séismes ont mis en évidence le rôle crucial des infrastructures et de leurs ouvrages, aussi bien pour la gestion de crise que pour le retour à une "situation normale". Si celles-ci peuvent constituer un risque de sécurité pour les usagers en cas d'effondrement, elles jouent aussi et surtout un rôle essentiel dans la gestion de crise comme dans l’organisation des secours :

  • Acheminement des secours d’urgence (matériels et humains) en provenance des régions voisines et accès aux zones sinistrées ; 
  • Evacuation des victimes vers les hôpitaux et les centres de soins ;
  • Desserte des équipements stratégiques du territoire (PC de crise, casernes, réseaux vitaux et distribution d’énergie, moyens de communication...) ;
  • Reprise de l'activité socio-économique à moyen terme ;
  • Reconstruction...

 

La méthode SISMET a été développée par le Cerema pour évaluer la vulnérabilité d’un itinéraire ou d’un tronçon routier et des ouvrages qui s’y trouvent (ponts, murs de soutènement, tunnels et talus routiers) aux tremblements de terre.

 

Lors de la préparation de la gestion de crise, elle permet d’identifier les ouvrages pour lesquels un diagnostic approfondi ou des interventions sont prioritaires.

 

Prioriser les interventions pour assurer la sécurité des itinéraires

seisme de l'Aquila, secours devant une maison effondrée
Séisme de l'Aquila - Cerema

Cette méthode consiste à définir des indices de vulnérabilité établis sur la base de critères de sensibilité fonction des caractéristiques géométriques et typologiques de chaque élément de structure, et à les mettre en relation avec des aléas directs et indirects pouvant menacer les ouvrages en cas de tremblement de terre tels que la vibration du sol, les chutes de blocs, glissements de terrain … 

Un dernier critère relatif à l'importance stratégique des différents tronçons pour le passage des véhicules de secours permet d’intégrer les déviations possibles et les enjeux de desserte spécifiques à la gestion de crise : hôpitaux, gares, aéroports, zones densément peuplées.

Les retours d’expérience d’épisodes de crise passés comme celui d’Aquila en 2009 en Italie ont montré que les dégâts concernent un nombre limité d’ouvrages, et qu’ils touchent surtout les ouvrages (ponts et murs) anciens ou fragiles, les itinéraires se trouvant dans des zones de chutes de blocs ou de glissements de terrain, dans les zones de forte de densité urbaine ou encore sur des portions de route tels que les remblais de grande hauteur qui peuvent être déstructurées par les mouvements du sol. 

Ces retours d’expériences ont aussi montré que la situation peut être considérablement améliorée en concentrant les efforts sur les ouvrages les plus stratégiques et pour un coût relativement réduit (le coût du renforcement est généralement estimé de l’ordre de 10% de la valeur de reconstruction de l’ouvrage). Ainsi, les ouvrages précédemment renforcés ont quasi-systématiquement affiché un comportement tout à fait satisfaisant, en ne présentant que peu ou pas de dégât, y compris lorsqu'ils avaient été soumis à des niveaux de séismes sensiblement supérieurs à ceux pris en compte dans les calculs.

Pour définir les interventions à mener, le risque sismique associé aux ouvrages et éléments constitutifs de la route est déterminé par croisement : 

  • Des aléas directs (vibration du sol) et induits (comme les chutes de blocs, la liquéfaction des sols, les chutes de bâtiments sur les routes) qui sont déterminés à partir du zonage sismique et d’une évaluation des effets de site ;
  • Des vulnérabilités des tronçons et des ouvrages (en termes de conception, de dimensions, de fondations…) pour déterminer la capacité pressentie de la structure à supporter les sollicitations directement ou indirectement induites par un séisme de niveau donné ;
  • De l’importance des enjeux en termes de desserte (sociaux, économiques, environnementaux…) sur une échelle allant d’importance faible à forte.
Cartographie des résultats obtenus sur les principaux axes de Grenoble
Cartographie des résultats obtenus sur les principaux axes de Grenoble (scénario de période de retour de 475 ans dans un
contexte météo défavorable. 

 

Une méthode applicable sur l’ensemble du territoire

Cette évaluation des risques sismiques sur les infrastructures routières comprend plusieurs phases, correspondant à un resserrement progressif du périmètre d’étude et à un raffinement associé du niveau d’analyse. Les objectifs dans le cadre de la préparation à la gestion de crise, sont :

  • D'identifier les itinéraires prioritaires à renforcer, par lesquels les secours pourront accéder en cas de séisme, et trouver des scénarios de gestion des axes ; À l'échelle globale d’un territoire étendu ou d’un parc important d’infrastructures routières, l'approche consiste à comparer et prioriser les itinéraires ou tronçons d'itinéraires les uns par rapport aux autres ;
  • D’évaluer si les ouvrages des itinéraires prioritaires seront en état pour permettre la circulation des secours et, le cas échéant, identifier ceux nécessitant prioritairement un diagnostic plus précis, éventuellement suivi d’une étude de renforcement sismique.

Cette méthode s’appuie sur des outils d’évaluation préliminaire du risque sismique développés par le Cerema, baptisés SISMOA, SISMUR et SISROUTE pour l’analyse sismique simplifiée des ponts, des murs et des sections courantes (remblais/déblais) de route, et qui permettent de réaliser une première analyse simplifiée dans le cadre de la gestion du patrimoine des infrastructures routières. 

Ces différents outils initialement développés pour le Réseau Routier National permettent de tester différents scénarios, en localisant l’épicentre et en définissant la profondeur ainsi que la magnitude du séisme. L’outil SISMET est adapté pour les zones fortement peuplées de caractère urbain ou péri-urbain. Il permet d'intégrer des enjeux spécifiques (lieux de concentration de population, desserte d'équipements locaux, redondance des réseaux…) et la problématique liée au risque d'effondrement de bâtiments sur les routes et leurs ouvrages.

Carte d'un axe de Nantes avec le scenario 475 ans en vert avec des points verts ou orange aux ouvrages d'art
Visualisation d'un des tronçons étudiés pour un scénario réglementaire de 475 ans avec des conditions météorologiques défavorables.

 

La méthode a été testée initialement sur un axe prioritaire de desserte du territoire de Nice en cas de séisme, intégrant une partie gérée par la Métropole et une autre par le Conseil Départemental des Alpes-Maritimes. Elle a ensuite été déployée sur la partie de l'itinéraire gérée par la société d'autoroute Vinci-Escota, puis sur d'autres territoires à Lourdes et sur la métropole de Grenoble. Aujourd’hui finalisée, elle est applicable dans tous les territoires concernés par les séismes et sera utilisée prochainement sur l'ensemble du département de l'Isère, en Guadeloupe, et dans la métropole de Nantes.

Exemples de ponts identifiés sur un des itinéraires étudiés à grenoble
Exemples de ponts identifiés sur un des itinéraires étddiés à Grenoble 

Les premières applications ont montré l’intérêt de cette démarche notamment en termes d'outil d'échange et d'aide à la décision entre les différents acteurs de la gestion de crise : services de sécurité civile, préfectures, gestionnaires des infrastructures routières, gestionnaires des principaux équipements stratégiques pour l'organisation des secours (casernes de pompiers, hôpitaux, réseaux d'énergie, de communication ou d'eau, etc.).

Elles ont également permis de valider la pertinence de la démarche et sa sélectivité, permettant de concentrer les moyens sur des enjeux ciblés, en vue de la réduction de la vulnérabilité des infrastructures de transport existantes indispensables à la gestion de crise et l'organisation des secours en cas de séisme, afin d’assurer la meilleure protection possible des usagers et le maintien des conditions d’opérabilité de ces infrastructures et des équipements qu'elles desservent, en fonction des contraintes technico-économiques.

Dans les Alpes-Maritimes, par exemple, les résultats issus de l’analyse automatisée décrite ci-avant ont pu être confrontés aux choix d’itinéraires prioritaires définis précédemment par les services de la sécurité civile (SDIS 06) ; tandis que dans les Hautes-Pyrénées l'application de la méthode SISMET a permis à la DDT 65, dans le cadre de son Plan de Prévention des Risques Sismiques, d'évaluer et de comparer le niveau de risque sismique sur deux itinéraires d’accès de secours possibles à la ville de Lourdes depuis Tarbes, afin de savoir si les secours pourront y accéder en cas de séisme.

Dans le cadre du plan séisme Antilles, il est prévu à partir de 2022 en lien avec la DEAL et la Région, de déployer la démarche sur les itinéraires de Guadeloupe prioritaires pour la gestion de crise, permettant ainsi de la tester en zone de sismicité forte.

Le projet SISMET s'est vu décerner la médaille d'or dans la catégorie résilience lors de  la remise des Prix PIARC (Association mondiale de la route) France 2021 à l'occasion des rencontres PIARC France/IDRRIM. A cette distinction nationale s'est ajoutée quelques mois plus tard une reconnaissance internationale lors du Congrès Mondial de la Route Calgary 2022 au cours duquel le projet SISMET a été récompensé d'une mention honorifique. 

 

En savoir plus :

Sur le territoire de la Métropole de Nice et du département des Alpes-Maritimes, le projet réalisé, désormais achevé, a fait l'objet de quatre rapports successifs correspondant aux différentes phases de l'étude.