22 avril 2025
Inondation en centre-ville
Thierry Degen - Terra
Le changement climatique multiplie, accentue, augmente l’impact des aléas naturels  (inondations, incendie, mouvements de terrain, canicules, sécheresse) sur un territoire de plus en plus vulnérable, et conduit à l’émergence de nouveaux risques : rupture d’approvisionnement alimentaire, raréfaction des ressources, pénurie énergétique par exemple. L’expérience montre qu’en outre, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont les plus impactées, ce qui renforce leur précarité.
Le traitement de ces nouvelles crises nécessite des actions systémiques mobilisant l’ensemble des ressources nécessaires au fonctionnement durable d’un territoire. Les services et acteurs sociaux, environnementaux, de l’aménagement sont autant de leviers indispensables à la résilience du territoire qui peuvent être plus étroitement connectés avec ceux de la gestion de crise.

L’enjeu : penser  la transformation du territoire sur le temps long et se donner les moyens pour réduire les impacts des crises à venir.

 

Décloisonner les approches pour une double acculturation

Reconstruction d'un pont dans la vallée de la Roya suite à la tempête Alex de 2020

Mieux combiner la gestion de crise et la résilience territoriale est un enjeu dans de nombreux territoires : s’interroger sur les événements passés et à venir, sur les interactions en chaîne à la suite de crises, sur les besoins du territoire, ou encore sur les actions à mettre en œuvre pour réduire les impacts au maximum et amplifier les co-bénéfices pour toutes et tous.

Les services de secours et acteurs de la gestion de crise ne peuvent seuls répondre à toutes ces questions : la réflexion sur la gestion de crise et la reconstruction ensuite, concerne bien au-delà. Comme la culture du risque, la culture de la résilience a tout intérêt à être diffusée auprès de l’ensemble des acteurs du territoire.

De plus en plus, les collectivités intègrent une vision prospective du territoire, intégrant les impacts du changement climatique, lors de l’élaboration de leurs stratégies

 

C’est l’occasion d’anticiper les crises et risques futurs, à travers une réflexion collective, décloisonnée, dans laquelle chaque acteur apporte ses connaissances.

 

Les crises, malgré le besoin d’un retour rapide au bon fonctionnement, sont aussi l’occasion de réfléchir à la manière de mieux adapter le territoire pour que la prochaine crise entraîne le moins de dommages possible. Par exemple, le financement de l’Etat pour la reconstruction des infrastructures suite à la tempête Alex dans les vallées de la Roya, de la Tinée et de la Vésubie, s’est appuyé sur une grille d’évaluation basée sur des critères de résilience pour s’interroger sur la pertinence des actions de reconstruction. 

L’approche résiliente, qui consiste à trouver l’équilibre entre robustesse et transformation, anticipation et adaptation, systémie et arbitrages, s’appuie sur les capacités d’adaptation, d’apprentissage et de transformation collective et une ré-encapacitation des acteurs du territoire, c’est-à-dire développer leur capacité à agir.

 

Une journée d’échanges "Comment s’engager et monter en résilience ?"

Journée d'échanges à l'Ile Saint-Denis

Accueillie par la ville de l’Ile Saint-Denis (Seine Saint-Denis),  une journée d’échanges a été organisée le 26 septembre 2024, en présence d’acteurs des collectivités (villes, intercommunalités, départements, groupements de collectivités) et d’acteurs privés impliqués dans l’aménagement des territoires, leur résilience, dans la gestion de l’eau, des infrastructures, la gestion des risques… 

Co-organisée par le Cerema, France Ville et Territoires Durables et Phoenix Conseil en transformation, elle avait pour objectif de réfléchir aux moyens de s’appuyer sur la gestion de crise pour développer une approche plus large en faveur de la résilience territoriale.

 La journée s’articulait autour de deux tables rondes le matin :

  • Quelle mobilisation et quel rôle des acteurs de la gestion de crise pour co-élaborer une stratégie de résilience territoriale ? avec les participations du Service Départemental d’Incendie et de Secours du Val d’Oise, la Préfecture de l’Isère, la Croix Rouge Française, le Haut Comité Français pour la Résilience Nationale,
  • De la gestion de crise à la stratégie de résilience : comment concevoir et piloter cette articulation au sein de la collectivité ? avec les participations du Conseil Département de la Gironde, de la Ville de Grenoble, Brest Métropole et la Communauté de Communes de Montesquieu. 

L’après-midi le "Forum des territoires" a permis aux collectivités présentes de s’exprimer sur ce qu’elles entreprennent pour créer davantage de liens entre leurs politiques de gestion des risques, les politiques relatives à la transition écologique et leurs autres politiques publiques. Les débats ont été lancés après les interventions du Département de la Seine Saint-Denis, de Nantes Métropole et Angers Loire Métropole qui ont transmis les expériences et pratiques inspirantes sur leur territoire (cartographie pour mieux identifier les chocs et les stress, exercices de crise, implication des habitants, mise en place de cellule dédiée interne à la collectivité). 

Cette journée a permis de croiser les regards, de partager des constats et des pistes d’action pour mieux inscrire la gestion de crise dans une trajectoire de résilience, c’est-à-dire penser le temps long de la reconstruction, anticiper pour ne pas reproduire les erreurs et réduire les impacts. Du préfet au maire en passant par les services de secours, les habitants, les experts, la réflexion sur la résilience implique de très nombreux acteurs

 

L’enjeu pour établir une stratégie territoriale est de mettre ces acteurs en réseau, de permettre la coopération, pour partager les connaissances et coordonner les actions des uns et des autres pour ainsi mieux : 

 

  • Composer avec les différentes temporalités dans lesquelles s’inscrivent les acteurs de la gestion de crise et de l’aménagement du territoire, dès la période de reconstruction.
  • Tirer collectivement les enseignements d’une crise pour renforcer la résilience d’un territoire sur le temps long.

Les principaux leviers identifiés lors des échanges :

  • Décloisonner, travailler en interservices, développer la transversalité pour organiser en amont la gestion de crise et la reconstruction dans cette optique de transformation. Des intervenants ont expliqué que la résilience peut constituer un cadre commun qui relie les différentes cultures et les différents métiers au sein de la collectivité. Cela permet aussi de parler un langage commun. Lors de la gestion de crise, les acteurs du secours, par exemple, sont en contact avec les populations, notamment les plus vulnérables, et leur expérience est utile tout autant dans l’exercice de prospective que pour mieux comprendre les liens sociaux comme facteurs de prévention.
  • Développer la mise en réseau et la coopération entre les différentes échelles de territoires et niveaux de décision, ainsi qu’avec les différentes parties prenantes. Les liens tissés entre les acteurs, par exemple lors d’ateliers, de formations, de la réalisation d’un retour d’expérience ou d’un exercice de crise, sont utiles pour cette coopération. Pour cela, les niveaux de communication et de connaissance doivent être partagés et mutualisés entre collectivités. Il s’agit de réfléchir collectivement aux différents enjeux des territoires pour s’inspirer et mieux échanger entre partenaires territoriaux. Des enquêtes peuvent aussi être réalisées auprès des collectivités pour connaître leur niveau et mode de préparation face aux risques. Un enjeu est d’articuler les stratégies de résilience des différentes échelles territoriales, tout en rendant légitimes les actions de chacun.

 

"Retrouver la notion de bien commun : c’est quoi un bien public, c’est quoi un service public"

 

  • Faire des retours d’expérience des crises pour tirer les enseignements sur le temps long et penser l’aménagement en conséquence. La crise, qui met en évidence un scénario qui semblait lointain ou imaginaire, est l’occasion de réfléchir aux impacts sur le territoire, de crédibiliser un discours  et ainsi d’anticiper les nécessaires ajustements pour une meilleure prévention. La crise a, d’une certaine manière, une valeur pédagogique, et permet de prendre conscience d’une réalité qu’on n’arrivait pas à saisir, avec toutes ses implications et effets indirects.

 

Intervention d'urgence à Breil-sur-Roya en 2020

 

  • La prospective apparaît comme essentielle pour se représenter les crises futures, en prenant en compte le territoire dans toutes ses dimensions (économiques, sociales, environnementales) mais aussi pour imaginer cette nécessaire transformation. Le travail autour du sensible permet alors de se représenter un futur souhaitable pour son territoire.
  • Un changement de posture est nécessaire pour les experts qui interviennent : l’humilité est indispensable. Les connaissances et les savoirs peuvent ne pas être portés que par l’expertise scientifique. Il faut accepter qu’on ne pourra pas tout prévoir, et qu’il faudra collectivement s’interroger sur ce que l’on veut et peut protéger. Dans cette recherche de compromis, le rôle de médiation est essentiel.

 

"La résilience ça se travaille à court terme, moyen terme, long terme, avant tout avec les gens et surtout dans l’humilité"

 

  • Des acteurs et un portage légitimes pour parler de résilience doivent être identifiés. Des collectivités ont établi un portage transversal, ou un portefeuille qui comprend prospective, risque, participation et science.
  • Renforcer et s’appuyer sur le lien social, la solidarité locale qui constituent un levier majeur de résilience que ce soit au moment de la crise, ou dans temps long, favoriser le dialogue pour prendre en compte les différentes expériences et les besoins.
  • L’implication des citoyens, en amont de la crise ainsi que lors de la gestion de crise, avec les associations, les réserves communales[1], est favorisée par la culture du risque, qui vise à sensibiliser le public aux risques présents et à venir, aux comportements et savoirs de base qui permettent de réduire les risques. Se projeter dans un avenir désiré et collectif permet aussi de lancer une dynamique locale sur la gestion des crises et la résilience du territoire.

 

"Penser les futurs possibles permet de nourrir l’anticipation"

En résumé :

Partager une culture du risque commune avec l’ensemble des acteurs

 

Pour les collectivités : 

Identifier les différents acteurs, partager les retours d’expérience, construire des espaces pour se rencontrer et échanger sur les risques pour un langage commun.

Décloisonner la réflexion, les savoirs, l’organisation, l’action.

 

Pour les collectivités : 

Organiser la coopération par les méthodes participatives, pour établir un diagnostic partagé, co-construire une stratégie.

S’interroger sur l’avenir désiré du territoire en croisant les points de vue

 

Pour les collectivités :

Se mettre dans une perspective de transformation souhaitable pour toutes et tous et sur le temps long.