18 novembre 2025
CTT du 1 juillet 2025 à Grenoble
En partenariat avec le Syndicat Mixte des Mobilités de l'Aire Grenobloise (SMMAG), le Cerema a organisé le 1er Juillet 2025 une conférence technique territoriale sur les enjeux croisés du développement du vélo et de l’exploitation routière. Cette rencontre qui a réuni près de 60 personnes constitue une opportunité précieuse pour mieux intégrer les mobilités actives dans les programmes d’entretien routier, partager les bonnes pratiques et envisager de nouvelles pistes d'action afin d’accompagner le développement des mobilités décarbonées.

Séverine Bourgeois, directrice de la Direction Territoriale Centre-Est du Cerema a introduit la journée. Elle a rappelé que les infrastructures routières font aujourd’hui face au défi de garantir leur fonctionnalité, ou un niveau de service, malgré des contraintes d’exploitation exacerbées par le resserrement des finances publiques et les effets toujours plus fréquents du changement climatique. Ainsi, pour les gestionnaires le dilemme semble se résumer à faire plus, notamment en intégrant de nouveaux usages comme le vélo, mais avec moins de moyens humains et financiers.

Pour explorer cette question, le programme s’est construit autour de trois thématiques abordées tout au long de la journée : 

  • La hiérarchisation du réseau routier, opportunité de valorisation pour les vélos et rationalisation de la politique d’entretien ;
  • L’articulation des compétences entre collectivités locales pour le déploiement de l’exploitation vélo ;
  • Les spécificités de l’exploitation et de la viabilité appliquées à la voirie cyclable.

A travers les exemples présentés et les échanges présentés ci-après, le lecteur constatera en particulier que la journée a conforté l’importance d'un travail collaboratif entre les gestionnaires de voiries et les techniciens en charge des mobilités actives pour développer et exploiter des infrastructures, y compris cyclables.

 

Stratégie, partenariat et entretien – quand la gestion de voirie s’applique aux infrastructures dédiées au vélo

Valoriser le réseau existant pour la pratique du vélo, révéler le potentiel et répondre aux besoins


Hors autoroutes et routes express, l’essentiel du réseau routier est accessible aux cyclistes. C’est pourquoi les stratégies de hiérarchisation, de jalonnement et de régulation des flux motorisés sont des leviers efficaces pour le développement du vélo. Sur la base de ce constat, le Département de la Haute-Loire a structuré certains de ses itinéraires cyclables en s’appuyant principalement sur les axes faiblement circulés de son réseau routier.

Thomas Oriol, chef de service prospectives et modernisation au sein de la direction des routes, et Brice Arnaud, chargé de mission sports et nature au sein de la direction de l’attractivité et du développement du territoire, au Département de la Haute-Loire nous ont ainsi présenté leur méthode pour identifier les potentiels routiers et les besoins des usagers. Celle-ci se base sur les étapes suivantes : 

  • Identification des routes à faible trafic
  • Identification des projets d’itinéraires vélo structurants (véloroutes)
  • Mise à jour des boucles cyclo-sportives en partenariat avec les associations
  • Caractérisation des pôles générateurs avec les collectivités locales

 


A partir de ces données, le Département a pu cartographier un réseau cyclable hiérarchisé et planifier les aménagements complémentaires nécessaires. Une opération de jalonnement, en collaboration avec les collectivités locales, a permis par la suite de baliser ces itinéraires et de les rendre visibles pour les cyclistes et les usagers motorisés. 

Inspirée par les approches de type schéma directeur cyclable, ce projet met en évidence une approche permettant de valoriser un patrimoine routier faiblement circulé au service des mobilités actives. Cette approche résonne en particulier avec les projets de type plan de circulation hors agglomération développés par ailleurs.

 

Vélo et routes de montagne, travailler ensemble pour trouver des solutions

Projeter et exploiter un réseau cyclable nécessite une coordination des acteurs de la mobilité, entre les compétences du "gestionnaire de voirie", de l’"autorité organisatrice des mobilités" et du "pouvoir de police". Ce constat s’applique également sur le périmètre d’action du Syndicat Mixte des Mobilités de l’Agglomération de Grenoble (SMMAG) et notamment sur les routes de montagne où la pratique cyclable est encouragée par la proximité des axes structurants aménagés en fond de vallée dans l’aire urbaine grenobloise.

Alice LOUIS, cheffe de projet vélo au SMMAG a présenté une démarche partenariale visant à produire un référentiel d’aménagement cyclable pour les routes de montagne. Les ateliers organisés dans ce cadre ont réuni les 3 ECPI membres du SMMAG (Grenoble Alpes Métropole, l’Agglomération du pays Voironnais et la communauté de communes du Grésivaudan), le Département de l’Isère, mais aussi d’autres acteurs tels que l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise Grenoble, l’Agence Ecomobilité Savoie Montblanc et des établissements publics des massifs montagneux voisins comme la communauté de communes du Vercors.

routes de montagne


Basés sur 3 étapes, les ateliers ont permis d’aboutir à plusieurs consensus entre les acteurs, notamment sur : 

  • la caractérisation des enjeux du vélo sur les routes de montagne
  • des propositions d’aménagements cyclables que la doctrine technique ne détaille pas
  • des itinéraires prioritaires sur lesquels tester ces aménagements

 

3 ateliers

 

À présent une nouvelle phase de travail s’ouvre pour aménager et évaluer ces propositions. Ce travail nécessitera d’associer de nouveaux acteurs, en particulier le niveau communal, pour les itinéraires concernés.

 

Patrouille d’un itinéraire cyclable, l’expérience de la Belle-Via

brigade verteAutre thématique de la journée, la viabilité des aménagements dédiés aux cycles. Le maintien du niveau de service d’un itinéraire cyclable requiert une politique d’entretien et d’exploitation : patrouilles, inspections thématiques, auscultations, etc. Cependant, au regard des retours d’expériences inégaux selon les territoires, il ne semble pas si simple d’adapter les métiers historiques de la route au voiries cyclables. Certaines collectivités ouvrent la voie à commencer par le Département de l’Isère avec les "patrouilles vertes".  Véronique LESPINATS, coordonnatrice de la politique cyclable du Département et Nadège JAY, cheffe de service aménagement adjointe au territoire du Grésivaudan, nous ont présenté les principaux enseignements de ces 3 années d’expérimentation.

Cette expérience est issue d’ateliers participatifs visant à faire émerger des projets au service des usagers en cohérence avec les orientations politiques du Département. Depuis l’été 2023 elle a permis de réaliser des patrouilles en vélo à assistance électrique sur le périmètre isérois de la Belle Via, la véloroute V63 traversant la Haute Savoie, la Savoie, l’Isère et la Drôme en se connectant à chaque extrémité à la ViaRhôna. Ainsi, c’est 70km qui sont patrouillés tous les 15 jours à l’exception de la période de viabilité hivernale.

Reconduite en 2024 et 2025, cette expérimentation a permis de retirer un certain nombre d’enseignements portant notamment sur : 

  • Le matériel roulant : type de vélos et de remorques, gestion de la flotte, etc.
  • Les équipements et leur limites : EPI et vêtements adaptés pour une intervention à la journée
  • L’évolution des métiers : inscription de cette activité dans les fiches de poste.

S’ouvre à partir de 2026 une nouvelle étape avec le bilan de l’expérimentation et donc la question de sa pérennisation. Plusieurs questions sont encore en suspens, notamment le modèle économique de la gestion de la flotte de vélo entre achat et location. Se pose aussi l’enjeu de l’articulation et la complémentarité avec des véhicules utilitaires compacts et électriques.

 

brigadiers verts

 

Connaître et surveiller son réseau au service du développement du vélo

La première table ronde de la journée avait pour ambition d’explorer les enjeux liés à la connaissance et à la surveillance des réseaux cyclables, à travers la présentation de démarches concrètes d’inspection, de suivi et d’évaluation des infrastructures. L’objectif était également d’ouvrir la réflexion sur les outils mobilisables pour mieux appréhender l’état et le fonctionnement de ces réseaux.

À cette occasion, la séance a réuni Yannick LAMBERT, expert en stratégie d’entretien routier à Grenoble Alpes Métropole, Emmanuel ROCHE, chargé du développement de la politique cyclable au Grand Chambéry, et Baudouin ESPIEUX, chef du groupe Infrastructures durables au Cerema Centre-Est.
La discussion s’est ouverte par une mise en perspective du contexte territorial propre aux deux collectivités représentées. Il a été souligné que ces territoires sont marqués par une forte dynamique de déplacements domicile-travail à vélo, ce qui se traduit par des attentes élevées des usagers en matière de sécurité, de confort et de continuité des itinéraires cyclables.

auscultation

La présentation conjointe de Yannick LAMBERT et Baudouin ESPIEUX a permis d’illustrer une mission d’auscultation menée sur les aménagements en site propre du réseau cyclable de Grenoble Alpes Métropole, en partenariat avec le Cerema. Cette démarche a mis en évidence l’intérêt d’un diagnostic approfondi pour mieux connaître l’état de son réseau. Elle a cependant aussi révélé certains freins, notamment les questions de domanialité et de répartition des compétences, qui peuvent compliquer la mise en œuvre de telles initiatives. Il est également ressorti des échanges l’intérêt à terme de disposer d’une méthodologie commune et standardisée à l’échelle nationale pour évaluer l’état des infrastructures.

Dans un second temps, Emmanuel ROCHE a apporté un éclairage complémentaire en intervenant en tant qu’auditeur certifié des véloroutes EuroVelo. Il a ainsi présenté la méthodologie d’évaluation ECS (European Certification Standard), centrée sur l’expérience et les besoins des usagers. Cette présentation a suscité des échanges nourris autour du rôle des comités d’itinéraires, instances de coordination à l’échelle des véloroutes, et sur les dispositifs de collaboration entre gestionnaires. Le témoignage de Grenoble Alpes Métropole est venu conforter cette approche, en insistant sur la nécessité d’articuler les connaissances issues de démarches internes avec les remontées externes, notamment les signalements des usagers, afin d’éclairer les choix en matière d’entretien et d’amélioration du réseau.

 

ECS


En conclusion, les intervenants ont rappelé le caractère encore émergent des pratiques d’auscultation et de suivi technique dans le domaine de la cyclabilité pour les collectivités. Ils ont souligné la nécessité d’apprendre à tirer pleinement parti des données produites. L’évolution rapide des outils technologiques, illustrée notamment par les récentes avancées du vélo d’auscultation Vél’Audit développé par le Cerema, ouvre de nouvelles perspectives. L’importance d’anticiper l’enjeu de l’exploitation a également été soulignée. Les pistes proposées sont d'associer les futurs exploitants à la conception et de s'interroger sur l'intérêt d'un référentiel, notamment en cas de responsabilité d'exploitation morcelée sur un même itinéraire

 

De la viabilité hivernale au balayage : comment articuler les compétences ?

La dernière table ronde de la journée a été animée par Flora PHILIPPE, 
Chargée d'Affaire Gestion Intégrée du Patrimoine d'Infrastructures au Cerema Centre-Est. Elle avait pour objectifs de :

  • partager les pratiques et des expériences internationales et locales afin de permettre à chacun d’identifier des actions transposables à son territoire au sens large de la viabilité ;
  • questionner l’articulation des compétences de chaque acteur en lien avec l’exploitation d’un réseau cyclable : connaître les responsabilités de chacun du point de vue réglementaire et appréhender l’organisation de l’exploitation du gestionnaire, partager les problématiques et avoir des pistes de réflexion pour avancer.

A cette table ronde sont intervenus : Stéphanie GAUDÉ chargée d’étude viabilité hivernale du Cerema Est, Marine PETER coordinatrice de la politique cyclable de Grenoble Alpes Métropole, Rebecca DUNHILL directrice adjointe des mobilités du Département de l’Isère et Nicolas FURMANEK Chef de projets voirie urbaine et résilience du Cerema Territoires et Ville.

L’exposé de Stéphanie GAUDÉ sur l’application de la viabilité hivernale au vélo chez nos voisins européens a permis d’introduire la problématique de l’enjeu saisonnier et de ses spécificités. Elle s’inscrit dans la suite des travaux engagés par le Cerema sur cette thématique qui se traduisent aussi par la publication en 2024 de l’essentiel « Vélo en toutes saisons – Une viabilité hivernale adaptée »

 

viabilité hivernale

Marine PETER (Grenoble Alpes Métropole) et Rebecca DUNHILL (Département de l’Isère) ont réagi sur la présentation en détaillant les politiques d’intervention de leur collectivité ainsi que les matériels utilisés. A titre d’illustration, on retiendra qu’à Grenoble ce sont 37 véhicules qui assurent la viabilité hivernale du réseau routier dont 6 pour les pistes cyclables. Pour ces dernières il s’agit des laveuses de marché qui sont équipées en hiver de racleuses et saleuses. Lors des débat, il est ressorti qu’en période hivernale le verglas est davantage un enjeu pour les cyclistes que la neige avec un risque de chute accru.

intervention

En élargissant l’enjeu de viabilité à toutes les saisons, d’autres contraintes d’exploitation ont été mis en évidence. Rebecca DUNHILL a notamment évoqué l’impératif de balayage, élément déterminant du niveau de service d’un aménagement cyclable et pouvant s’avérer complexe selon la configuration, seules les bandes cyclables pouvant être entretenue avec les engins habituels, les autres nécessitant du matériel particulier. Selon la configuration, l’entretien des aménagements cyclables se complexifie lors d’événements intenses. Ce fut par exemple le cas en 2024 avec la survenue de 3 crues successives. Dans ces conditions, garantir des interventions rapides s’avèrent une gageure quel que soit le gestionnaire.


La seconde phase de la table ronde a permis d’aborder les notions d’articulation des compétences entre collectivités. Marine PETER l’a illustré avec un exemple d’une feuille qui, selon qu’elle se trouve sur sa branche, tombe sur la voirie ou dans le caniveau relève de la compétence de services différent (service espaces verts, gestionnaire de la voirie ou gestionnaire du réseau d’eau pluvial) et donc potentiellement d’une collectivité différente. Par la suite, Nicolas FURMANEK a détaillé dans sa présentation les différentes compétences et les acteurs qui les portent.
Des échanges suscités par cette présentation, il est ressorti notamment la difficulté de composer avec des limites de domanialité.

En synthèse, il ressort de cette table ronde que les spécificités liées aux conditions météorologiques particulières, saisonnières mais également ponctuelles (tempêtes, crues, etc.) nécessitent la mise en place de procédures réactives. Cependant cette réactivité peut être entachée par la répartition des compétences entre les collectivités sur un même territoire. Il s’avère donc nécessaire, au-delà de la logique d’itinéraire, de travailler à la coordination plus large entre les acteurs. La mise en place de convention de délégation d’entretien peut s’avérer une piste de solution pragmatique et efficace.

 

Conclusion :

Cette journée a été l’occasion de nombreux échanges de fond sur l’articulation entre les politiques d’aménagement cyclable et les politiques d’exploitation routière. Il en ressort notamment l’importance de travailler en transversalité pour participer au développement du vélo en intégrant par ailleurs les contraintes du réseau routier existant.

Considérer le développement du vélo sous l’angle de l’exploitation a permis en particulier de mettre en lumière 3 approches complémentaires :

  • L’importance du travail de hiérarchisation du réseau routier et son aménagement pour valoriser le réseau secondaire pour les usages du cycle, qu’ils soient utilitaires, touristiques ou sportif.
  • La nécessité d’articuler les compétences des acteurs de la mobilité, qu’ils soient gestionnaires de voirie, autorité organisatrice des mobilités ou détenteur du pouvoir police.
  • La pertinence de définir une stratégie de viabilité et d’entretien spécifique aux itinéraires cyclables afin de garantir le niveau de service cible et la sécurité des usagers.

La journée a par ailleurs permis de montrer que faute de nombreux retours d’expériences permettant de proposer un mode de faire au niveau national, les collectivités présentes testent et mettent en place des approches pragmatiques, adaptées à leur territoire. C’est notamment le cas pour l’entretien et la surveillance de certains itinéraires illustrés par la « patrouille verte » ou la définition d’aménagements temporaires dans des situations complexes comme les routes de montagne.