Les Pénitents des Mées dans les Alpes de Haute-Provence sont une falaise surplombant la Durance, dont les pitons ont été isolés morphologiquement par l'érosion. L'un d'eux s'est effondré le 9 novembre 2019 alors que le terrain était devenu instable. A la suite de cet éboulement, survenu à 16h15, qui a détruit trois maisons et fait deux blessés, le Préfet a demandé une inspection d'urgence.
Investigations et reconnaissances le lendemain de l'éboulement
L'intervention a été réalisée le lendemain de l’éboulement et avait pour objectif:
- de déterminer les mesures d’urgence liées aux risques résiduels sur la cicatrice elle-même
- d’évaluer la possibilité d’événement similaire sur les autres Pénitents.
L'intervention a été réalisée au moyen d’un survol hélicoptère de la Gendarmerie et d’une reconnaissance par accès pédestre.
Les reconnaissances ont permis d’analyser le risque résiduel au niveau de la cicatrice. Un bloc triangulaire d’une hauteur d’environ 7 mètres était directement identifiable en partie haute (cf illustrations). Il sera délogé par purge mécanique.
L’expertise s’est ensuite essentiellement portée sur le compartiment sur lequel reposait ce bloc, qui constitue la partie droite de la cicatrice et dont la hauteur a été évaluée à 25m et le volume à environ 2000 m3.
Préconisations d'urgence et suites à donner
L’observation d’une fracture ouverte de part et d’autre du compartiment et d’une fissuration mécanique importante en pied ont conduit à la préconisation d’une purge par minage en un seul tir de cet élément
Le délai pour la réalisation de ces travaux a été annoncé à deux mois, en cohérence avec l’appréciation d’une entreprise de travaux acrobatiques.- Le périmètre de sécurité a pu être restreint à la trajectoire prévisible des compartiments analysés, ce qui permettra à de nombreux riverains de regagner leur habitation dès lors que l’électricité aura été rétablie. Il a également été recommandé, pour les travaux de remise en état des réseaux (AEP, électricité, internet…), de limiter les accès dans ce périmètre aux périodes non pluvieuses.
- Le survol hélicoptère sur l’ensemble de la zone a permis de lever l’inquiétude sur un risque d’éboulement imminent du même ordre que celui venant de se produire. Néanmoins, des fissures verticales ayant été observées sur l’ensemble des Pénitents, une étude détaillée devra être programmée dans les mois à venir. Le Plan de Prévention des Risques actuel pourra alors être révisé.
Etablir le rôle de la géologie dans le comportement du site
À la suite de l’effondrement du 2 décembre 2019 d’un pénitent sur la commune des Mées (04), le Préfet des Alpes de Haute Provence a mis en place le 7 août 2020 un comité de pilotage (COPIL) et un comité technique (COTECH) ainsi qu’un comité d'experts réunissant le Cerema (en tant que pilote), le BRGM et l’ONF-RTM. L’objectif de ce comité d’experts est d'identifer le rôle de la géologie dans le comportement du site, déterminer les causes des instabilités rocheuses, préciser les conséquences d’un éboulement futur et proposer des orientations pour la gestion du site.
Cette étude a été menée en 3 phases :
- Une phase préalable d'acquisition de données aériennes (par drones) en 2020-2021, qui a permis de disposer d’une image numérique 3D haute résolution par Lidar sur l’ensemble de la zone d’étude et d’un jumeau numérique photo-réaliste sur toutes les falaises rocheuses.
- Une phase A d'identification des éléments géomorphologiques et des compartiments (par des investigations de terrain et l’exploitation des données aériennes), qui a montré qu’il n’existait pas de situations de péril imminent mais que l'absence d'un risque d’écroulement en masse ne pouvait pas être totalement écarté.
- Une phase B de caractérisation des aléas (identification des scénarios de référence par intensité de phénomène, localisation des zones de départ, probabilités de départ et cartographie des propagations), qui a permis d’établir la cartographie des enveloppes de propagation maximales et des probabilités de départ.
Le site a été modélisé en 3D haute résolution par Lidar et un jumeau numérique a été constitué. Lors de la phase A, des éléments géomorphologiques spécifiques et complexes du type cavités souterraines, mines, grottes, arches, etc. ont été identifiés et ont ensuite fait l’objet d’études complémentaires. Si aucun péril imminent n’a été caractérisé, le comportement géologique complexe du massif ne permet pas d’écarter un risque d’éboulement en masse.
4 scénarios de chute de blocs, d’intensité graduelle depuis la chute de pierres jusqu’à la chute de gros blocs (>10m²) ont été construits lors de la phase B en identifiant les parties concernées sur le versant, afin de déterminer l’aléa de référence sur le secteur. Ce travail a été réalisé en appliquant la méthodologie élaborée par le groupe de travail MEZAP (MEthodologie de Zonage de l’Aléa chute de Pierres) du ministère en charge de l’environnement pour caractériser l’aléa rocheux dans le cadre des PPRN.
Cette méthode consiste à croiser une intensité de phénomène et une probabilité d’atteinte de cette masse rocheuse en tout point du territoire à cartographier, l’atteinte se définissant comme la résultante d’une probabilité de départ (aussi qualifiée d’activité) et d’une probabilité de propagation. Elle permet de produire des scénarios de référence, de modéliser et évaluer la propagation des matériaux.
Toutes les observations sont consignées dans une fiche correspondant à chaque partie de la structure (pénitent), notamment les informations sur l’aléa de rupture. Actuellement, le comité d’experts assiste la commune dans le choix d’un bureau d’études pour la réalisation de travaux de confortement sur certaines parties des Pénitents et a lancé une phase de test de plusieurs solutions d’instrumentation.
