Cet article fait partie du dossier : Le programme Territoires adaptés au climat de demain (+4°C) : Co-construire un diagnostic et une stratégie d’adaptation
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Entre retours d’expérience, défis rencontrés et petites victoires, ce séminaire a mis en lumière des initiatives inspirantes et des pistes concrètes pour engager les territoires dans l’adaptation.
Deux visites de projets d’adaptation réalisés, qui donnent des perspectives d’action concrète
Après les mots de bienvenue et d’introduction de Danielle Dambach, vice-présidente à la planification écologique de l’Eurométropole de Strasbourg et Marie-Claude Jarrot, présidente du Cerema, un choix entre deux visites de terrain s’offrait aux participants.
La visite dans la ceinture verte de l’Eurométropole de Strasbourg, alliant résiliences bioclimatique, alimentaire, sociale, sanitaire et citoyenne, a permis d’apprécier les multi-bénéfices de cet espace. En particulier, en matière d’adaptation au changement climatique, les sols vivants offrent une meilleure capacité d’infiltration de l’eau ; le projet Perméasol étudie précisément les capacités de renaturation spontanée de sols urbains reperméabilisés.
La visite sur la commune d’Ostwald, presque entièrement située en zone inondable, a été l’occasion de découvrir plusieurs actions contribuant à l’adaptation au changement climatique :
- La modification du PLU pour conserver des espaces de forêt, jouant notamment un rôle d’éponge et de protection contre les crues
- Un dispositif de récupération des eaux de pluies dans des noues en cas de crue
- Des travaux sur les réseaux d’assainissement
- La création de retenues d’eau
- Des constructions sur pilotis afin de ne pas risquer de dommages dans les habitations
- L’ajout de balcons extérieurs sur des immeubles d’habitat social pour bénéficier d’un espace extérieur
- La végétalisation et la reperméabilisation des espaces publics d’un quartier d’habitat social pour rafraîchir et faciliter l’infiltration de l’eau.

Autre exemple d’action partagé lors du séminaire, la Métropole de Toulon Provence Méditerranée a transformé une cour d’école en "oasis", avec désimperméabilisation et plantation d’essences méditerranéennes adaptées au climat futur. Ce projet a permis de créer un espace vert et frais, bénéfique pour les élèves et les riverains.
Trois retours d’expériences de démarches visant à sensibiliser, comprendre, dialoguer et transformer pour s’adapter
Le projet TRACES : des rencontres collectives d’EPCI pour les sensibiliser aux questions climatiques
Charlotte Sitz, coordinatrice de l’Observatoire Régional Climat Air Energie (ORCAE) à ATMO Grand Est, a présenté le projet TRACES (Territoires Responsables Air Énergie Santé). Mené de 2020 à 2023, il visait à accompagner les élus et agents des EPCI du Grand Est dans leur prise de conscience concernant :
- leur impact sur le changement climatique
- les impacts du changement climatique sur leur territoire.
Après un échange individuel avec les collectivités pour réaliser un mini-diagnostic et identifier leurs besoins, Charlotte Sitz a organisé des rencontres collectives entre EPCI, avec des retours d’expériences et des ateliers, dont un escape game sur l’adaptation climatique. "L’escape game a été un outil ludique et efficace pour sensibiliser les élus et techniciens, en les plongeant dans des scénarios concrets", explique Charlotte Sitz.
Si le projet a rencontré des défis, comme la difficulté de trouver les bons interlocuteurs au sein des collectivités ou de maintenir une dynamique sur la durée, il a permis de sensibiliser 105 EPCI et 257 personnes, principalement en Lorraine.
L’Observatoire Régional Climat Air Energie Grand Est : des données plus accessibles pour agir
L’Observatoire Climat Air Energie, créé en 2017, a pour mission de fournir des données ouvertes aux territoires pour les aider dans leurs politiques publiques, notamment les PCAET (Plans Climat Air Énergie Territoriaux). Pour rendre ces données plus accessibles, l’Observatoire a simplifié ses publications, passant de 60 pages à 4 pages synthétiques, et a développé un outil de data visualisation.
"Nous avons aussi mis en place de courts webinaires thématiques, les ‘Mensuelles de l’Observatoire’ entre 12h et 12h30, pour montrer comment utiliser les données et outils disponibles", précise Charlotte Sitz. Les collectivités, qui apprécient des informations concrètes et adaptées à leurs réalités locales, ont plébiscité ces formats courts et personnalisés.
La recherche-action participative : un levier pour transformer les pratiques
Jean Masson, directeur de recherche à l’INRAE, a présenté une approche innovante de mobilisation des acteurs locaux dans le secteur viticole. Sa démarche de recherche-action participative implique divers acteurs (vignerons, chercheurs, élus, conseillers viticoles, Agence de l’Eau, associations environnementales, lycées agricoles…) dans la reconception des pratiques agricoles. Cette approche, inspirée des travaux de Gaston Pineau, repose sur l’idée que la transformation des pratiques passe par la reconnaissance de chacun de la pensée et de l'expérience de l’autre, le dialogue entre ces savoirs puis par une co-construction des savoirs entre acteurs de terrain et scientifiques.
Cette co-construction se travaille à travers une "question – consensus" construite à partir d’entretiens individuels sur les visions de vie de chacun, puis d’ateliers collectifs. Ici, cette question portait sur l’influence des pratiques des vignerons sur la santé de la vigne. "Au départ du travail en atelier collectif, personne n’est d’accord, mais à partir des entretiens individuels, on arrive à dialoguer de nature humaine à nature humaine et à articuler les différentes formes de raisonnement des acteurs, les différentes auto-descriptions des attachements de chacun. […] C’est ce dialogue qui déclenche l’action", souligne Jean Masson. La co-construction de savoirs donne alors lieu à des articles scientifiques co-écrits entre scientifiques et vignerons.
"En Alsace, nous avons commencé avec un petit groupe de vignerons, et aujourd’hui, nous avons travaillé avec plus de 250 vignerons", explique Jean Masson. Les résultats sont encourageants : en seulement 15 mois, des pratiques plus durables ont été adoptées, comme l’abandon des désherbants chimiques ou l’enherbement des vignes avec des graines prélevées en zone naturelle.
Les transformations nécessaires en matière d’adaptation au changement climatique pourraient s’inspirer de cette méthode de recherche – action participative.
Quatre ateliers en sous-groupes pour partager les questionnements et progresser dans sa démarche d’adaptation
Quatre ateliers se sont déroulés en parallèle.
Dans l’atelier sur le diagnostic de vulnérabilité au changement climatique, trois principaux questionnements ont été partagés :
Dans l’atelier sur la participation des acteurs et des citoyens, plusieurs bonnes pratiques ont été rappelées pour une participation sincère et non "alibi" :
De nombreuses petites victoires pour mobiliser sur l’adaptation
Les collectivités participantes ont partagé de nombreuses réussites sur la mobilisation des services, des élus et des partenaires externes dans leur démarche d’adaptation, réussites qui peuvent inspirer d’autres territoires.
En interne :
- Susciter des temps d’information ou répondre aux demandes d’information des élus et des équipes techniques sur le sujet de l’adaptation permet peu à peu de faire comprendre le sujet de manière pédagogique sur les thématiques de chacun. "L’adaptation est un sujet transversal, qui touche à de nombreux domaines comme l’urbanisme, l’agriculture ou la santé", explique un participant. "Il est donc essentiel de structurer l’action de manière à impliquer différents services et acteurs".
- Organiser des échanges sur l’adaptation à différents niveaux et dans les différentes instances politiques de la collectivité (échange avec le cabinet, échange en tête-à-tête avec le chef de l’exécutif, réunion du bureau exécutif, du conseil communautaire…) ; ces échanges peuvent faire monter le sujet de l’adaptation voire conduisent à formaliser officiellement des intentions ou objectifs (délibération, communiqué de presse)
- Acculturer les agents des différents services à partir d’exemples concrets sur leurs métiers
- Constituer une équipe projet transversale (ou comité technique) et impliquer les différents services dans la production du diagnostic de vulnérabilité, à travers des contributions spécifiques (données, expertise), ce qui leur donne une place dans la démarche et enrichit le diagnostic
- Appui de la Direction Générale des Services (DGS) et des DGA dans l’engagement de la démarche d’adaptation
- Lancer une enquête auprès des agents sur leur vécu personnel et professionnel du changement climatique.

En interne et en externe de la collectivité :
- Pour certaines collectivités où il a été réalisé, le Diagnostic sensible réalisé par la Fabrique des Transitions a permis un dialogue renouvelé avec une diversité de partenaires externes qui se sont sentis écoutés. Ce diagnostic sensible a suscité de la curiosité, tant en interne qu’en externe.
- La continuité avec des démarches antérieures comme le PCAET a facilité la mobilisation, tout en apportant un angle nouveau
- L’implication du tissu associatif et économique, exprimant les besoins d’adaptation lors du séminaire de lancement de la démarche, peut renforcer la volonté d’agir des élus
- La visibilité interne de la démarche d’adaptation au changement climatique facilite l’dentification des porteurs internes à qui les acteurs externes peuvent s’adresser pour des sollicitations touchant à l’adaptation.
En externe :
- Plusieurs collectivités ont témoigné de la réussite d’un séminaire local de lancement de la démarche ayant mobilisé largement, les acteurs de nombreuses thématiques se sentant très concernés par l’adaptation : acteurs de l’agriculture, du tourisme, du logement…
- Le recrutement d’un stagiaire en sociologie de l’environnement a permis d’enquêter sur le vécu du changement climatique par les habitants et ainsi mieux traiter des sujets parlants localement.
En conclusion : un séminaire qui a dessiné de nombreuses pistes pour la mobilisation dans les démarches d’adaptation locales
Le séminaire des 17 et 18 mars 2025 a permis de partager des initiatives inspirantes et des pistes concrètes pour renforcer la mobilisation sur les enjeux d’adaptation au changement climatique. Les visites de terrain, retours d’expérience, les défis et les petites victoires partagés par les participants montrent que l’action et la mobilisation sont possibles, à condition de s’appuyer sur des approches collaboratives et ancrées dans les réalités territoriales. Les échanges ont mis en lumière plusieurs leviers pour renforcer la mobilisation autour des enjeux climatiques :
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L’atelier sur l’implication des acteurs socio-économiques a permis de constater la maturité de certains acteurs socio-économiques sur le sujet de l’adaptation. Toutefois, cette maturité n’est pas unanime car tous ne se projettent pas à long terme, d’où l’importance de mobiliser le ou les élus délégués aux questions économiques et sociales pour embarquer plus largement, avec un discours adapté qui n’effraie pas. Les participants ont identifié des premiers jalons internes et externes pour mobiliser les secteurs socio-économiques leur paraissant clés pour l’adaptation au changement climatique dans leur territoire.