14 mars 2025
Inondation dans l'est
Pompiers de Meurthe-et-Moselle
Le Cerema a organisé le 10 décembre 2024 une conférence technique territoriale à Nancy, ayant pour thème la modélisation hydraulique et son exploitation dans l’aménagement du territoire. Faisant suite à la conférence de l’année précédente qui était axée sur le ruissellement, cette journée était centrée sur le débordement de cours d’eau.

La journée a commencé avec une présentation du nouveau guide méthodologique des plans de prévention des risques naturels inondation par débordement de cours d’eau par la DGPR et le Cerema puis une présentation des deux principaux types de modèle hydraulique (1D et 2D) ainsi qu’un point sur les incertitudes inhérentes à ces modélisations.

L’après-midi a démarré avec une présentation de Cartino2D par le Cerema Méditerranée. Une partie sur les enjeux des choix de de modélisation avec une présentation pratique sur les calages des modèles, une illustration de l’impact des choix du modélisateur sur la cartographie des zones inondable et enfin une démonstration techniques autour de la difficulté d’estimer la dynamique de crue.

Enfin, la journée s’est terminée par des cas concrets : un modèle de propagation utilisé pour la prévision des crues, un modèle mobilisé dans le cadre des études de danger de rupture de digue, et un modèle mixte 1D 2D pour mesurer les travaux de découverture d’un cours d’eau.

Près de 70 personnes ont fait le déplacement, principalement des services de l’État (DDT et DREAL) mais également des structures en charge de la gestion de l’eau (Syndicats mixte, EPTB) ainsi que plusieurs SDIS (Services Départementaux d’Incendie et de Secours). 

 

A retenir :

  • Toute démarche de modélisation hydraulique nécessite une réflexion préalable sur les objectifs du modèle, notamment le phénomène que l'on souhaite modéliser

  • Une analyse hydraulique permettra de déterminer quel type de modèle sera le plus adapté à la configuration du secteur que l'on souhaite modéliser et aux objectifs de l’étude (A ce niveau, ne pas croire qu’un modèle 2D sera plus précis et juste qu’un modèle1D ou 1D casier)

  • La modélisation est une simplification de la réalité physique d'un cours d'eau : elle repose sur des hypothèses nécessaires pour d'obtenir une modélisation correcte des écoulements 

  • Lors de la réutilisation d'un modèle ou de ses résultats, il convient de vérifier les phénomènes pour lesquels il a été conçu et quelles hypothèses ont été prises (hydrologies, injections des affluents, gestions des ouvrages...)

  • La qualité d'un modèle dépend des données qu'on y injecte, un modèle très fin réalisé avec des données d’entrée médiocres donne une fausse impression de précision

  • Le calage d'un modèle est indispensable : comparer les résultats du modèle hydraulique aux observations des crues permet de vérifier que le modèle retranscrit correctement les phénomènes hydrauliques

  • Les incertitudes persistantes dans les démarches de modélisation hydraulique justifient le respect des recommandations d’utilisation des résultats de ces modèles (seuils de zoom sur les cartes, mise en place de marges de sécurité etc.)

1/ Ouverture de la journée

Mot d’introduction : 

Fabrice Arki, Directeur de l’Agence de Nancy – Cerema

Après une phrase de bienvenue et de remerciement à l'ensemble des participants, le rôle d'expert technique du Cerema à destination de ses partenaires et adhérents est rappelé. Le Cerema a trois rôle principaux :

  • C’est un producteur d’outils et de méthodes au niveau national, concernant les inondations peuvent être notamment cités Agirisk et Cartino 2D.
  • C’est également un appui aux territoires aussi bien avec les Services de l’État, les collectivités locales que leurs partenaires.
  • Enfin c’est un diffuseur de connaissances via notamment l’organisation des Conférences Techniques Territoriales. Elles sont organisées chaque année en région sur des thématiques variées partagées au sein du Comité d’Orientation Régional. Cette conférence porte sur la modélisation hydraulique des inondations

En France, l’approche retenue dans vis-à-vis du risque inondation est formalisée dans la Stratégie Nationale de Gestion du Risque Inondation (SNGRI) publiée en 2014. 

 

Elle explicite trois objectifs prioritaires :

 

  • Protéger les populations,
  • Stabiliser à cours et terme et réduire à moyen terme le coût des dommages
  • Raccourcir le temps de retour à la normal

Présentation du nouveau guide PPR débordement de cours d’eau

Bastien Coignon DGPR et Sabine Cavellec, Cerema REM

Le Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) est l’outil de référence de la politique de prévention de l’État, il a pour objectif principal de réglementer la prise en compte du risque dans l’aménagement du territoire. Le volet dédié aux inondations par débordement de cours d’eau (DCE) a connu une évolution majeure avec la publication du décret n°2019-715 du 5 juillet 2019 [1] et de l’arrêté du 5 juillet 2019 [2], suivie de celle du nouveau guide méthodologique pour l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation par débordement de cours d’eau (hors cours d’eau torrentiels) (PPRi DCE) en septembre 2024. 

Ce guide vient en complément du guide méthodologique pour l’élaboration des plans de préventions des risques d’inondation des cours d’eau torrentiels (PPRI des cours d’eau torrentiels) publié en 2023 et du guide méthodologique pour l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation  par ruissellement (PPRI ruissellement) qui sera publié en 2025.

L’objectif de ce document est de fixer un cadre méthodologique pour élaborer ou réviser les PPRi DCE. Il s’adresse aux services de l’État mais aussi aux maîtres d’ouvrages et aux bureaux d’études. Si les différentes étapes d’élaboration d’un PPR relèvent du guide PPR général, ce guide aborde la caractérisation et la qualification de l’aléa inondation par débordement de cours d’eau en tenant compte notamment de la dynamique d’inondation ainsi que de l’analyse d’enjeux et enfin la traduction réglementaire.

Pour la partie spécifique à l’aléa du PPRI DCE, trois principales phases peuvent être identifiées : 

  • La phase 1 consiste à analyser les phénomènes d’inondations présents sur le territoire ainsi que les éléments anthropiques. Il implique de délimiter le périmètre d’étude à partir, notamment, des évènements historiques susceptibles d’être considérés comme l’aléa de référence. Il convient également d’identifier les systèmes d’endiguement et les autres structures pouvant impacter l’hydraulique du cours d’eau (ponts, buses, bras mort remobilisé en crue, etc.).
  • La phase 2 vise à déterminer les différents scénarios à étudier :
    • L’aléa de référence du PPRI DCE, inscrit dans le code de l’Environnement, correspond à l’évènement historique le plus important ou à un évènement théorique de fréquence centennale qui lui serait supérieur. Cet aléa prend ainsi en compte la détermination de sous-scenarios intégrant tous types de structures pouvant impacter les écoulements (tenue ou défaillance, embâcles, etc.)..
    • La cartographie des aléas pour d’autres occurrences de crues, plus rares ou plus fréquentes (décennales ou trentennales) ne fait pas stricto sensu partie de la démarche d’élaboration du PPRi. De telles cartes sont toutefois obligatoires pour les Territoires à Risque important d’Inondation (TRI) identifiés dans le cadre de la mise en œuvre de la Directive Inondation (DI) et sont particulièrement utiles aux autorités de gestion de crise. Elles peuvent faire l’objet de porter à connaissance.

A l’heure actuelle, l’impact du changement climatique n’est pas pris en compte dans ce guide, car il reste difficile à estimer à l’échelle locale d’un cours d’eau. Néanmoins des travaux sont prévus pour adapter les référentiels de la DGPR dans le cadre du troisième Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC).

 

Différence entre les scénarios du PPRi DCE et ceux de l’étude de danger (EDD) des systèmes d’endiguement :

La possibilité de la défaillance des ouvrages est un fondement de la politique nationale des risques inondations. Les responsables de digue sont tenus de réaliser une étude de danger de leur ouvrage. 

Les scénarios du PPRi DCE sont sous la responsabilité de l’État et visent à maîtriser l’urbanisme. L’objectif est d’étudier l’impact du scénario de référence avec diverses configurations des ouvrages : fonctionnement nominal, défaillance, effacement complet.

Les scénarios de l’EDD sont quant à eux sous la responsabilité de la collectivité gémapienne (ou de la structure à laquelle elle a délégué cette compétence GEMAPI). Ils visent à définir un niveau de protection pour chaque système d’endiguement afin de mieux protéger les populations situées à l’arrière de ces ouvrages. Ces études sont réalisées avec l’aléa conforme à son niveau de protection. 

Questions

Une problématique est soulevée par la DDT57 sur la multitude de variables qui ne sont aujourd’hui pas définies pour l’étude des scénarios de défaillance, et génèrent des échanges entre services dans la mise en œuvre. Existe-t-il (ou la DGPR a-t-elle vocation à développer) un cadre-type pour la définition des caractéristiques des ouvrages ? Y-a-t-il des orientations nationales pour aider les services ?

La DGPR répond qu’il n’y a pas de modèle-type à ce jour. Chaque digue est différente. Le Cerema ajoute que les EDD peuvent donner des renseignements sur les caractéristiques des ouvrages. Il faut aussi rechercher si des dégâts ont été enregistrés.

La DDT67 pose une question concernant l’aléa maximal pour l’ensemble des sous-scénarios. La recommandation est-elle de retenir le maximum de chaque variable indépendamment, ou d’évaluer l’aléa pour chaque scénario et de retenir l’aléa maximal ? Avec un point de vigilance lorsque l’aléa le plus fort va être obtenu sur une hauteur faible et une vitesse importante.

La DGPR indique que c’est bien l’aléa maximal de chaque sous-scénario qui est à retenir.

La DDT54 expose le contexte d’élaboration d’un PPRi avec un ouvrage de protection qui a vocation à devenir système d’endiguement. L’EDD est menée par l’EPTB est financée par le fond de prévention des risques naturels majeurs. Celle-ci intègre l’étude du scénario 4, qui correspond à l'évènement pris pour déterminer l'aléa de référence du PPR. Encouragement à retenir les résultats de l’EDD et du scénario 4.

La DGPR rappelle que le scénario 4 est facultatif. Si l’État adopte un PPR sur un système d’endiguement non légalisé, l’État est responsable.

La présentation :

2/ Qu’est-ce qu’un modèle hydraulique ?

2.1/ Les modèles hydrauliques 1D : principes et limites 

Jean-Pierre Wagner, DREAL Grand-Est

Laurent Mignaux - TERRA

La genèse de tout modèle hydraulique se trouve dans l’hydraulique fluviale qui est une branche de la mécanique des fluides. Son objectif est d’étudier l’écoulement de l’eau dans un tronçon de cours d’eau ou dans un canal et de déterminer ainsi les hauteurs d’eau et vitesses à partir des débits qui y sont injectés.

La modélisation n’est autre qu’une simplification de la réalité (mise en équation mathématique des écoulements en se basant sur des observations réelles). Elle se réalise en trois étapes :

  • La construction et le calage du modèle
  • Sa validation avec des scénarios historiques
  • La prévision via la modélisation de scénarios théoriques en vue d’étudier leurs impacts

La modélisation en hydraulique fluviale repose sur deux principes fondamentaux :

  • La conservation de la matière : les pertes par infiltration dans le sol, évaporation dans l’air et les apports de précipitation qui tombent directement dans le secteur sont réputés négligeables.
  • La mise en mouvement des fluides résulte des forces extérieures s’exerçant sur lui : pression atmosphérique, pesanteur, frottement sur l’eau et viscosité.

Dans une démarche de modélisation hydraulique, il est important d’identifier les points de contrôle qui sont soit une réduction brutale de la section d’écoulement, soit un changement brutal de la géométrie de la rivière (seuil, barrages, etc.). Ce sont eux qui vont déterminer les hauteurs d’eau dans le lit de la rivière. En régime d’écoulement fluvial, les hauteurs d’eau atteintes à chacun de ces points va influencer les hauteurs d’eau situées à l’amont (c’est l’inverse en régime torrentiel).

La précision des résultats dépend des paramètres qui interviennent dans les équations mathématiques. L’un d’entre eux ne peut pas être mesuré précisément : c’est le frottement entre l’eau et le support solide qu’est le sol. Afin de contrer ces incertitudes, la meilleure solution reste le calage du modèle. L’objectif de cette phase de modélisation est de confronter les résultats du modèle aux observations d’au minimum deux crues : dans l’idéal une crue faiblement débordante pour caler le lit mineur et une crue fortement débordante pour le lit majeur. 

La méthode consiste à faire varier les coefficients de frottement jusqu’à obtenir un écart satisfaisant avec les observations (laisses d’inondation). Le calage est traité plus en détails dans la partie 4.1. Le modèle est ensuite validé avec une (ou plusieurs) crue(s) différente(s) et ses résultats sont confrontés aux photos aériennes et images satellitaires.

 

Un modèle 1D en lui-même repose sur la résolution des équations de Barré de Saint-Venant en 1D et d’équations spécifiques pour les singularités (ponts, seuil). Il existe principalement deux types de modèles 1D : des modèles filaires intégraux et des modèles à casiers.

Comme tout modèle hydraulique, les modèles 1D servent à propager un débit de l’amont à l’aval d’une rivière. Ils sont souvent mobilisés dans le cadre de la prévision des crues et des plans particuliers d’intervention en cas de rupture accidentelle de barrage réservoir, en raison de leur atout indéniable : la rapidité de leur temps de calcul. Cette rapidité permet de modéliser un grand nombre de scénarios.

La présentation :

2.2/ Les modèles hydrauliques 2D : principes et limites 

Alexis Bernard, Cerema Ouest

La problématique de cette journée tourne autour de l’exploitation de la modélisation hydraulique mais d’autres problématiques peuvent également être soulevées dès lors qu’il s’agit de passer d’une analyse hydraulique à un outil de production pour réaliser des cartes des zones inondables ou faire de la prévision des crues par exemple. Une réflexion poussée doit démarrer dès les phases de commande et de construction du modèle hydraulique.

Le choix du type de modèle peut s’avérer difficile. Les modèles 1D ont des avantages et ne sont à exclure que pour de bonnes raisons : une configuration hydraulique qui ne s’y prête pas, une stabilité limitée à bas débit, etc. Afin de choisir la meilleure configuration, une analyse hydraulique doit être réalisée, et cette dernière ne doit pas conduire systématiquement à choisir une modélisation hydraulique 2D.

 

Les modèles hydrauliques 2D résolvent les équations de Barré de Saint-Venant en deux dimensions avec, selon les logiciels, l’ajout d’équations spécifiques pour les singularités. S’ils apparaissent comme plus complexes, ils nécessitent moins de conceptualisation qu’un modèle 1D mais n’exemptent pas le modélisateur d’une analyse hydraulique fine. La difficulté des modèles 2D réside dans la technicité de la réalisation du maillage avec une discrétisation à réaliser finement. Ce sont des modèles de plus en plus courants avec l’avènement des MNT Lidar permettant de disposer de données topographiques sur de larges emprises. 

 

La présentation :

 

2.3 Les incertitudes en modélisation hydraulique

Rémi Trenkmann, Cerema Normandie Centre

Souvent ignorées, les incertitudes sont pourtant présentes dans toutes les études et la modélisation hydraulique n’y déroge pas. Il existe de nombreuses publications, souvent anglophones, sur le sujet mais trois documents ont principalement servi de base à cette présentation :

  • "Estimate flood flow from rainfall et river flow data" du gouvernement du Royaume-Uni
  • "Delivering benefits through evidence" de l’Environment Agency du Royaume-Uni
  • Guide méthodologique de pilotage des études hydrauliques édité en 2007 par le MEDDE [3].

Les incertitudes en modélisation hydraulique peuvent être classées en plusieurs catégories :

  • Imprécision : généralement du même ordre de grandeur que la précision des mesures réalisées en laboratoire.
  • Imprévisibilité : impossible à quantifier, à prévoir ou à anticiper,
  • Ignorance : ce que vous oubliez et ce que vous ne connaissez pas.

Les incertitudes se retrouvent dans tout le processus de modélisation : les données d’entrée, les paramètres du modèle, sa structure et les formules mathématiques qu’il mobilise, le phénomène modélisé en lui-même, tout comme les sorties du modèle et leur représentation. Il en résulte une zone d’incertitude autour des résultats se matérialisant souvent sous la formule "plus ou moins X cm".

L’exemple littoral illustre la combinaison des différentes incertitudes au fur et à mesure du calcul jusqu’à l’objectif cherché (ici le volume surversé par paquet de mer). Le calcul démarre au large avec les données de la houle utilisées en entrée du modèle. Elles sont fonction des conditions atmosphériques (vent, pression) et de la géométrie de la côte. Les zones côtières et de déferlement sont elles-mêmes influencées par la forme du fond et de l’estran, les surcotes locales de tempête et le vent local. Ces éléments permettent de déterminer le niveau moyen et la houle en pied d’ouvrage, sachant que ces paramètres évoluent au cours de l’évènement. Le niveau moyen et la houle permettent de calculer les volumes franchissant l’ouvrage ce qui permet ensuite de déterminer les zones inondables à l’arrière de l’ouvrage, qui sont elles-mêmes sensibles à la qualité de la donnée topographique, etc.

 

Les incertitudes peuvent donc se répartir dans l’ensemble des données d’entrée mais elles sont également propres à chaque méthode. Leurs impacts sont variables selon les situations : la forme de la crue, l’altimétrie et la bathymétrie, la présence d’ouvrage et les paramètres de calcul utilisés. 

 

La présentation :

Questions

La DDT67 demande pour quelle raison ces incertitudes ne sont pas prises en compte dans la cartographie de zones inondables, via, par exemple, une représentation par un trait épais.

Ces incertitudes ne se voient pas forcément dans la position du trait mais plus dans les hauteurs d’eau affichées. Elles sont implicitement prises en compte dans les PPRi DCE via les échelles de représentation retenues pour les cartographies des aléas et les cartes réglementaires ainsi que dans les marges de sécurité prises par exemple dans la cote de plancher prescrites (souvent hauteur d’eau + X cm). En ce qui concerne les ZIP, le seuil de zoom, paramétré dans les outils, existe pour cette raison.

Le SDIS 54 s’interroge sur la prise en compte des embâcles dans la prévision des inondations. Il précise qu’ils souhaiteraient pouvoir faire remonter leurs observations terrain (présence d’embâcle au niveau d’un pont, par exemple) au service en charge de la prévision des crues afin qu’elles puissent être prises en compte.

Quelques précisions peuvent être apportées au-delà de la journée

Les embâcles font désormais partie des sous-scénarios à étudier lors de la construction de l’aléa PPRI DCE (partie 3.2.3.2.4 – la prise en compte des installations, ouvrages et remblais dans le lit mineur p.56 du guide PPRI débordement de cours d’eau publié en 2024). Cependant, la prise en compte des embâcles en temps réel dans la prévision s’avère plus compliquée : il faudrait modifier le modèle servant aux prévisions avec un risque non négligeable de nuire à sa stabilité.

L’une des solutions envisageables serait d’avoir plusieurs configurations de modèle que le SPC pourrait utiliser en fonction des conditions terrain (notamment hivernal/estival). Si un ouvrage est sujet régulièrement à embâcle et que cela a une influence sur la crue, cela peut être intégré à long terme dans le modèle de propagation de crue.


La DDT54 demande une confirmation sur le fait que les modèles 1D permettent d’avoir les hauteurs d’eau en lit majeur.

Oui. Les modèles 2D fourniront les hauteurs d’eau en tout point du maillage et les modèle 1D les fourniront par profils.

La DREAL Grand Est demande si en cas de modélisation avec défaillance d’un système d’endiguement, un modèle 1D suffit-il ou faut-il des compléments par un modèle 2D (mais qui pourraient complexifier la commande) ?

Précision du Cerema : Dans de nombreux cas, un modèle 1D peut s’avérer suffisant. Tout dépend de l’analyse hydraulique préalable qui a été faite, et surtout de la dimension du val endigué, du volume qui est en jeu en cas de rupture, relativement au débit. Si le volume correspondant à la zone endiguée est faible relativement au volume en jeu dans la crue, son remplissage sera complet et la sensibilité aux hypothèses sur le système d’endiguement (effacement, ruine totale, ou brèches [taille, position et dynamique d’ouverture]) sera nulle. La vitesse de montée dans le casier est une variable accessible. Seule la vitesse horizontale d’écoulement ne sera pas disponible mais la bande de précaution doit permettre de couvrir l’éventuel sur-aléa lié aux fortes vitesses d’écoulement.

3/ Présentation de Cartino2D

Nabil Hocini, Cerema Méditerranée

Cartino 2D

L’outil de modélisation Cartino2D développé par le Cerema Méditerranée est basé sur la chaîne Telemac. Il a pour objectif de cartographier de manière automatique aussi bien les écoulements dans les talwegs, en tête de bassin versant, à partir de pluies, que les débordements de cours d’eau plus à l’aval en y injectant des débits.

Il fonctionne sur plusieurs niveaux :

  • Une étape préliminaire basée sur un maillage à 25 m pour avoir une cartographie à large échelle qui est ensuite découpée en sous-secteurs.
  • Une étape intermédiaire qui fonctionne sur un maillage à 5 m qui permet une cartographie à l’échelle du bassin versant avec des pluies et débits forts à extrêmes.
  • Une étape dite "déstructurée" avec une taille de mailles adaptée au territoire : plus petites en zone inondable (2 ou 3 m) et 25 m sur les crêtes. Cette étape autorise le rejeu d’évènements et une cartographie à l’échelle locale à partir de pluies ou débits de tout type, et permet de fiabiliser les résultats.

La disponibilité et la qualité des données en entrée conditionnent le travail possible.

La qualité du MNT notamment joue un rôle important, l’idéal étant de travailler à partir des données LiDAR HD, mais dans l’état actuel de sa livraison, il présente une triangulation de berge à berge au niveau des cours d’eau pour la bathymétrie, ce qui induit des aspérités importantes dans la représentation du fond du lit mineur. L’outil Filino, développé par le Cerema, permet de gommer ces triangulations afin d’avoir un lit mineur plus lisse et cohérent et donc de pouvoir mobiliser ces données pour les inondations. 

Une autre amélioration en cours est la détection des ouvrages hydrauliques (ponts, buses) basée sur une analyse des cuvettes qui indique la présence potentielle d’un ouvrage. L’outil développé par le Ceremaproduit une couche SIG de Zones potentielles de Ponts. Étant donné le nombre d’ouvrages à vérifier, un plugin QGIS "OH flash" a été créé afin d’améliorer l’identification de ces ouvrages et leur positionnement.

Concernant les pluies, Cartino2D s’appuie sur différentes bases comme Lamedo (Météo France), Shyreg (INRAE) et/ou des données de collectivités. Cet outil peut travailler à partir de pluies homogènes (c’est-à-dire des pluies radar moyennées) et de pluies spatialisées.

Pour l’occupation du sol, le Cerema a mis au point un traitement spécifique (croisant de nombreuses bases de données) reproductible sur la France entière. Ces données sont nécessaires au paramétrage de capacité d’infiltration ou de production du ruissellement du sol dans les modèles hydrauliques, ainsi que des coefficients de frottement.

L’outil va ensuite créer automatiquement les éléments nécessaires au lancement de Telemac2D : les ouvrages hydrauliques, les sections de contrôle, les frontières aux limites du modèle ainsi que les zones de densification du maillage. Le calcul peut alors être lancé.

Vient ensuite une phase de post-traitement qui permet d’obtenir des graphiques pluies/débits ainsi que des cartes de hauteurs d’eau. Enfin, les résultats obtenus sont comparés aux données de crues : PHE (Plus Hautes Eaux), données des capteurs, photos et vidéos, localisation des interventions du SDIS et des sinistres recensés. D’autres types de données mobilisables sont à l’étude : coupures de postes électriques d’Enedis, les sinistres des assureurs, etc.

 

La présentation :

 

4/ Enjeux des choix de modélisation

4.1 Calage des modèles sur la Moselle Aval

Quentin Laprovote, Syndicat mixte de la Moselle Aval et Thierry Devillard, Cerema Est

Le calage de tout modèle hydraulique consiste à simuler une crue passée et à confronter les résultats du modèle aux observations de terrain. Pour cela il faut disposer aussi bien des données hydrométriques de la crue historique que d’observations de terrain pertinentes (c’est-à-dire en nombre suffisant et bien réparties tout le long du linéaire). Ces observations peuvent prendre diverses formes : 

  • Repères de crue
  • Photos / vidéos (au sol ou aériennes)
  • Cartographie des zones inondées des crues anciennes mais également les hauteurs d’eau aux stations hydrométriques
  • Transferts d’hydrogrammes d’une station à l’autre
  • Témoignages des riverains, etc.

 

D’une manière générale, les observations de terrain manquent. On a souvent beaucoup de données pour une ou plusieurs crues majeures historiques parfois (trop) anciennes, mais rarement pour des crues moyennes et faibles qui sont pourtant également une connaissance précieuse mobilisable pour la modélisation hydraulique. C’est pourquoi la documentation de crue devrait être un préalable à toute démarche de modélisation hydraulique. Faire un modèle hydraulique sans données pour le calage revient à faire un modèle non vérifiable et donc très certainement faux.

La présentation :

Questions

La DDT54 pose la question du cas où deux modélisations cohabitent sur un même territoire : comment choisir la bonne ?

Si les cartographies issues des deux modèles diffèrent substantiellement, il convient dans un premier temps de revenir aux résultats bruts des modèles. Si les résultats ne sont pas les mêmes là aussi, il faut aller voir au niveau du calage de chaque modèle en se raccrochant aux laisses de crue. En l’absence de laisses, on peut à défaut s’appuyer sur les photos ou vidéos de crue. Les résultats de deux modèles seront rarement concordants sur des secteurs hydrauliquement compliqués : par exemple au niveau des ponts.

Il peut être intéressant de comparer aussi l’impact de deux modélisations différentes sur les enjeux, l’outil AgiRisk peut permettre de le faire rapidement (voir partie 5.4). 

 

4.2/ Impact des choix de modélisation sur la cartographie des zones inondables 

Manuel Collongues, Cerema Est

Manuel Boucquet - TERRA

Le principe de la cartographie de zone inondable consiste à passer de résultats sous forme de données ponctuelles (les points de calcul qui sont issus de profils (modélisation 1D) ou de nœuds de maillage (modélisation 2D) à une donnée surfacique. 

On passe donc de la simplification faite dans le cadre de la démarche de modélisation à une dé-simplification dans le cadre de la cartographie, par extrapolation des résultats aux points de calcul. 

Deux exemples (1D et 2D) sont présentés sur le même territoire

  • Lors de la construction du modèle, un modèle 2D va homogénéiser les valeurs de l’altitude du sol à l’échelle de chaque maille alors que cette altitude peut considérablement varier au sein de la maille (remblai, fossé, etc.). Extrapoler la hauteur d’eau (calculée à partie de l’altitude moyenne de la maille) sur la totalité de la maille est alors complètement faux.
  • Dans le cas d’un modèle 1D à casier, la logique va être sensiblement différente : le modélisateur détermine l’emprise du casier en regroupant toutes les portions du territoire qui auront une altitude de la ligne d’eau similaire et le modèle prend en compte une surface du casier et un volume stocké dans le casier variable en fonction de la ligne d’eau. La cartographie finale extrapole l’altitude de la ligne d’eau du casier. 

La cartographie peut se faire de manière "automatique" mais dans la réalité, il est important de se pencher sur les "zones d’influence" de chaque point de calcul. Ceci peut se faire pour différentes variables : hauteur d’eau, vitesse, charge, cote de la ligne d’eau. Mais il faut pour cela une bonne compréhension des réalités physiques locales et des écoulements en crue.

Certaines grandeurs se prêtent moins bien à l’extrapolation que d’autres, c’est le cas par exemple de la hauteur d’eau qui est calculée à partir de l’altitude du sol prise par le modèle. Le mieux est de partir de l’extrapolation de l’altitude de la surface de l’eau (le modèle numérique de surface libre en eau – le MNSLE) et de soustraire ce dernier au MNT afin d’avoir une hauteur d’eau plus juste.

La présentation :

 

4.3/ Modélisation de la dynamique de crue (Éric Lefèvre, DDT 67)

Arnaud Bouissou - TERRA

Les premières demandes de prise en compte de la dynamique de crue dans la cartographie de l’aléa réglementaire du PPRI DCE datent de l’arrêté du 05 juillet 2019 relatif à la détermination, la qualification et la représentation de l’aléa de référence. Si les classes de hauteurs sont définies explicitement, ce n’est pas le cas de la dynamique, qui est le résultat du croisement de la vitesse d’écoulement et de la vitesse de montée de l’eau pour lesquelles une importante marge de manœuvre est laissée, aussi bien pour leur définition que pour leur qualification. Des seuils sont proposés pour la vitesse d’écoulement (0.2 m/s et 0.5 m/s) qui, rapportés à une hauteur d’eau, sont souvent illustrés par la possibilité de déplacement d’un enfant, d’un adulte non sportif et d’un adulte sportif (mais stressé). En revanche, il n’existe rien pour la vitesse de montée.

Le guide PPRI DCE propose depuis 2024 une analyse qualitative en fonction du contexte (crue rapide, arrière des ouvrages, cuvette) couplée à une analyse quantitative qui s’appuie sur les résultats de modélisation. Le calcul doit se faire alors en chaque point du modèle et avec une formule et des seuils à définir. Or en 2021, la DDT67 travaillait sur le PPRi des affluents de la Zorn. Cette étude avait démarré avec un CCTP ancienne grille (antérieure au décret de 2019) et donc les variables nécessaires au calcul de la dynamique n’avait pas forcément été identifiées au préalable. 

Il a d’abord fallu faire le point sur les données pouvant être extraites du modèle et proposer des variables illustrant la dangerosité de la vitesse de montée. Quelques enseignements ont d’ores et déjà pu être tirés de cette expérimentation, à savoir que la notion de durée prime sur la dérivée, et que les variables hybrides sont à exclure. Il faut aussi garder en tête que cet aléa est un aléa réglementaire de PPRi DCE et non un aléa typé gestion de crise.

En 2022, une seconde expérimentation est opérée dans le cadre de l’élaboration du PPRi de Ehn-Andlau-Scheer avec un CCTP plus actualisé mais sans précision. 

L’objectif ensuite pour la DDT 67 a été, en 2023, d’homogénéiser ses approches afin d’aboutir à une doctrine commune pour le département. L’un des critères investigué pour qualifier pertinemment la vitesse de montée était une analyse topographique du territoire basée sur les pentes et le temps de concentration. Mais cette approche est trop dépendante de la méthode de calcul retenue et du découpage du territoire en sous bassins versants. Il est donc préférable de calculer la vitesse de montée de l’eau. 

 

Contrairement à la vitesse d’écoulement qui peut générer une situation dangereuse même un court instant, c’est bien une variation significative de la hauteur d’eau en un temps court qui permet de caractériser une vitesse de montée rapide. Il convient donc de calculer une valeur moyenne entre deux temps de la phase de montée T1, soit le début de la phase de montée, et T2, la fin de cette phase.

La présentation :

Questions

La DREAL Grand Est demande des précisions sur la caractérisation de la dynamique et les vitesses moyennes dans les modèles 1D.

Le Cerema indique la vitesse de montée peut s’obtenir facilement car les modèles fournissent en résultat la courbe de la hauteur d’eau en fonction du temps qui permet de calculer cette vitesse de monter. En revanche, pour la vitesse horizontale, elle sera fournie pour chaque maille dans les modèles 2D et pour chaque profil pour les modèles 1D (avec une vitesse moyenne en lit mineur et une en lit majeur). Il n’y a cependant pas de résultat sur la vitesse dans les casiers puisqu’elle y est supposée faible. Les photos permettent de qualifier assez facilement les vitesses dans ces secteurs, avec la présence ou non de trainées liées au courant. La DREAL Grand est précise que les photos ne sont représentatives que d’un instant T.

Le Cerema indique, en lien avec les discussions sur les incertitudes et les possibles erreurs dans les modèles, qu’on ne dispose que très rarement de jaugeages en lit majeur. Les vitesses fournies par les modèles, aussi précises qu’elles semblent être, ne peuvent être garanties comme représentatives de la vitesse réelle. Si les repères de crue nous permettent de caler les hauteurs d’un modèle, l’absence de jaugeages ne sous permet de vérifier le paramètre vitesse.

Par ailleurs, le Cerema précise que la vitesse fournie par les modèle 2D en chaque maille est qui n’est pas forcément qualifiée de moyenne, est donnée pour l’ensemble de la lame d’eau. Hors la vitesse varie au sein de cette colonne : faible au niveau du lit de la rivière, élevée au milieu et un peu plus faible au niveau de la surface de l’eau. Donc en fait les modèle 2D donnent également une vitesse moyenne.

5/ Cas d’application concrets

5.1/ Un modèle de prévision des crues : exemple du modèle de prévision pour la Saône et le Doubs 

Anne-Laure Tiberi-Wadier, Cerema Risques, Eau et Mer et Tiffany Legendre, Cerema Est

Les modèles de prévision des crues ont pour objectif principal d’être des modèles rapides et stables afin de pouvoir être lancés avec toutes sortes d’hydrogrammes dans les temporalités compatibles avec la prévision des crues.

Le Cerema a travaillé sur la réalisation d’un modèle hydraulique de propagation de crue pour le compte du Service de Prévision des Crues Rhône Amont Saône (SPC RaS). Ce modèle répond à plusieurs objectifs : disposer d’un modèle homogène sur tout le tronçon permettant d’anticiper l’arrivée des crues et leur dynamique de propagation, et d’améliorer les échéances de prévision.

La longueur de 800 km à modéliser a nécessité une organisation spécifique au sein du Cerema. Le linéaire a été découpé en 11 sous-modèles répartis parmi une équipe de modélisateurs disponibles au sein des directions technique et territoriales. Le pilotage et l’animation ont été assurés par la Direction Territoriale Centre-Est qui a assuré l’interface avec le SPC RAS ainsi que la coordination et l’harmonisation de la production.

Des réunions mensuelles ont été organisées afin de partager les pratiques de modélisation et discuter des choix faits pour chaque modèle. Cependant, la disparité des secteurs a nécessité certaines adaptations. Un rapport a été produit pour chaque modèle afin que le SPC RAS dispose de toutes les informations nécessaires à leur utilisation.

 

La présentation des données d’entrée nécessaires aux modèles est illustratrice d’un problème commun à une grande partie des modèles hydrauliques, à savoir le temps nécessaire à la reprise et la structuration de ces nombreuses données.

La présentation :

 

5.2 / Étude de danger : rupture de digue sur la Loire

Jean Paul Masset, Cerema Normandie Centre

L’exemple présenté ici se concentre sur les systèmes d’endiguement (SE) de la Loire autour d’Orléans. Le val d’Orléans est protégé par 43 km de digues protégeant environ 65 000 personnes. Il existait initialement deux modèles hydrauliques : un modèle 1D pour avoir les conditions limites utilisées par le SPC et un modèle 2D permettant d’avoir les hauteurs d’eau et les vitesses dans le val. Seule la partie endiguée était modélisée ainsi que la sortie du val. En 2017, ce modèle a été repris par le Cerema Normandie-Centre (Agence de Blois) afin d’étudier les dépendances du val d’Orléans avec les autres vals en rives gauche et droite : 70 km de lit sont modélisés, ainsi que 4 vals et 100 km de digues, ce qui représente 1 300 000 nœuds (soit environ 1h de calcul pour 10h de crue). 

Le modèle comprend aussi le déversoir de Jargeau construit après les grandes crues du XIXème siècle, qui permet de prévenir les défaillances par brèche en favorisant des écoulements maîtrisés par des digues d’entonnement.

Depuis, la construction d’une déviation ayant des impacts sur l’hydraulique du secteur a nécessité une mise à jour de l’étude de danger (EDD). Ce travail a été réalisé en 2024 avec en complément une extension du modèle sur 6 km à l’aval afin d’améliorer la condition aval et l’intégration des travaux de fiabilisation du système d’endiguement du val d’Orléans.

Le calage du modèle a été rendu difficile par l’absence de données de calage : la dernière crue significative de la Loire est celle de 2003 qui correspond à un temps de retour de 20 ans (série de mesures réalisées par la DREAL. L’autre crue plus importante est celle de 1907 mais trop ancienne pour être pertinente (évolution significative de l’occupation du sol). Le calage, réalisé sur la crue de 2003 était satisfaisant avec 85 % des valeurs avec un écart inférieur à 10 cm. A défaut d’avoir une crue de validation et d’autres crues de calage, une étude de sensibilité sur la condition aval a été réalisée en la faisant varier de plus ou moins 50 cm pour mesurer son influence. Au droit de la limite aval du système d’endiguement, l’écart n’est plus que de 7 cm.

Les études de danger impliquent la réalisation de scénarios de brèches. Le système d’endiguement étudié en a subi une quinzaine au XIXème siècle. Les études historiques menées par la DREAL et le Cerema ont permis d’avoir une image type de ces brèches : formation la plupart du temps à partir d’une surverse d’une vingtaine de centimètres en une à quelques heures (ce qui peut être qualifié de très rapide), largeur de 300 à 600 m et systématiquement des fosses d’érosion qui atteignaient 100 fois la charge hydraulique qui s’appliquaient sur le système d’endiguement. Il a également été possible de reconstituer l’hydrogramme au droit de l’une des brèches de Jargeau grâce à la présence de stations de mesure à l’amont et à l’aval. C’est cet hydrogramme qui a été réutilisé, après adaptations, pour les autres brèches simulées dans les EDD de la Loire Moyenne.

 

Pour évaluer les risques de rupture d’une digue, il existe un logiciel : CARDigue [4] développé par l’IRSTEA et le Cerema, qui permet, en faisant une discrétisation du système d’endiguement en tronçons homogènes puis en y ajoutant les désordres constatés et les études géotechniques, d’obtenir pour chaque tronçon les informations nécessaires au calcul de la probabilité de rupture du tronçon.

La présentation :

 

5.3/ Modélisation 1D/2D sur la Chiers (Quentin ARAUD et Matthieu TRAUTMANN, Hydratec)

La Chiers et son affluent la Moulaine sont deux cours d’eau fortement aménagés avec de nombreux tronçons enterrés, la confluence des deux cours est d’ailleurs souterraine. Certains tronçons ont été découverts et d’autres sont actuellement en cours de découverture. 

 

Suite à une crue notable de la Chiers en juillet 2021, le Grand Longwy Agglomération a lancé une étude hydrologique et hydraulique complète du cours d’eau de Longlaville à Cons-la-Grandville. Cette étude comprenait également un diagnostic des ouvrages souterrains datant du passé industriel de la ville et aujourd’hui en très mauvais état.

La présentation :

Questions

Le Cerema demande si les coefficients de Strickler d’été ont pu être validés avec une autre crue estivale ? Ou ont-ils simplement été calés sur la crue de juillet 2021 ?

Hydratec indique que le calage a été réalisé avec une seule crue, celle de juillet 2021. Il n’y a pas d’autre crue 

La DREAL Grand Est demande s’il y a eu une simulation suite aux laisses de crue réalisées en janvier 2024?

Hydratec indique que oui, cela a permis de valider le calage.

 

5.4/ Des résultats de modélisation à l’impact sur les territoires : l’outil AgiRisk 

Manuel Collongues, Cerema Est

AgiRisk est un outil d’aide à la réalisation de diagnostics territoriaux de vulnérabilité aux inondations. Il s’appuie sur une base de données d’enjeux partagée et produit de manière automatique des cartes et un tableau de bord personnalisé afin de mesurer l’impact de l’inondation sur un territoire. Il permet également une visualisation interactive des enjeux touchés. Cet outil a été pensé pour être utilisable par tous types d’acteurs : collectivités, services de l’État, personnes impliquées dans la gestion de crise, aménageurs, etc. Il suffit d’importer dans l’outil le territoire d’étude et un ou plusieurs aléas et il se charge de calculer les différents indicateurs qui sont au nombre d’une vingtaine à ce jour.

 

Si les modèles hydrauliques fournissent les données liées aux zones inondables (hauteurs d’eau notamment), AgiRisk permet d’objectiver les effets d’une crue et d’ensuite pouvoir travailler à la réduction de son impact. Il permet aussi d’apporter plus d’éléments quant à la comparaison de modèles hydrauliques en fournissant rapidement le nombre de personnes impactées par exemple en fonction des zones inondables issues de chaque modèle.

La présentation :

Conclusion

Cette journée a permis de montrer le rôle important du travail du modélisateur dans la construction de la structure du modèle, le traitement des ouvrages, la représentation des résultats.

Il est important de rappeler qu’avant de commander un type de modèle, il convient de s’interroger sur les objectifs visés par la modélisation et de garder en tête qu’un modèle unique peut difficilement répondre à tous les besoins. Lorsqu’il s’agit d’utiliser un modèle ou ses résultats, il faut regarder pour quel phénomène il a été conçu et quelles hypothèses ont été prises : un modèle réalisé pour le débordement d’un cours d’eau ne prend pas nécessairement en compte le débordement de ses affluents ou le phénomène de ruissellement autour. De la même manière, un modèle construit pour de grosses crues ne reproduit pas forcément bien les petites, idem entre crues d’hiver et crues d’été (impact de la végétation). Le modélisateur doit, de son côté, être transparent sur ces éléments.

Arnaud Bouissou - TERRA

Par ailleurs, les modèles nécessitent des données de qualité et prennent du temps, toute concession impacte nécessairement la qualité des résultats. De même, la phase de calage est une étape importante, l’absence de données de calage et un calage médiocre aboutissent à des cartes de zone inondable possiblement fausses et donc à plusieurs années d’application inadaptée d’une politique de prévention des risques.

Les résultats issus des modélisations sont empreints d’incertitudes liés à la précision des données d’entrée, à la structure des modèles en eux-mêmes ainsi qu’aux hypothèses prises dans la modélisation, qu’elles soient intrinsèques aux modèles ou prises par le modélisateur. Ces incertitudes se matérialisent dans l’utilisation des résultats de modélisation par des seuils de zoom ou par des marges de sécurité prises dans les prescriptions d’un PPR. Il convient de les respecter.

Le post-traitement des résultats d’un PPR doit faire l’objet d’une attention particulière : la cartographie des résultats peut cacher beaucoup de choses et il est important de questionner aussi les méthodes de cartographie et en particulier le type de lissage retenu. En effet, la limite de la zone inondable (la "position du trait" sur la carte) dépend aussi de ces éléments. Dans la même logique et afin d’avoir une meilleure maîtrise des résultats, il est recommandé de ne pas se contenter des données surfaciques finales de hauteurs d’eau et vitesse, voire pire du croisement des deux mais de demander toutes les données intermédiaires (données brutes issues du modèle (sous forme de profils pour les modèles 1D et de points ou mailles pour les modèles 2D),MNSLE (modèle de surface libre en eau) qui correspondent à la cote de la surface de l’eau, MNT (Modèle numérique de terrain – cote de la surface du sol)) et tous les fichiers ayant permis la construction du modèle (fichiers des paramètres, des conditions limites, etc).

 

Les outils de modélisation hydraulique (et données nécessaires) ont considérablement progressé permettant d’aborder des configurations hydrauliquement complexes et rendant aujourd’hui accessibles de nouveaux résultats avec des temps de calcul resserré. Dans le même temps, le cadre d’élaboration des cartes d’aléas s’est considérablement enrichi et complexifié (prise en compte de la dynamique, approche multi-scénarios devant considérer plusieurs situations envisageables (rupture, défaillance d’ouvrages, etc) pour aboutir de manière combinatoire à une carte d’aléas). 

L’expérience montre que la commande, le pilotage et la réalisation de ces études est très complexe. Il est donc particulièrement important de savoir faire et d'assumer certains choix simplificateurs qui seront pertinents à réaliser après analyse au cas par cas.

En 2025, démarrera la mise à jour du guide de pilotage des études hydrauliques qui permettra de préciser tous ces points

 


[1] relatif aux plans de prévention des risques concernant les "aléas débordement de cours d’eau et submersion marine".

[2] relatif à la détermination, qualification et représentation cartographique de l’aléa de référence et de l’aléa à échéance 100 ans s’agissant de la submersion marine, dans le cadre de l’élaboration ou de la révision des plans de prévention des risques concernant les "aléas débordement de cours d’eau et submersion marine".

[3] Une mise à jour de ce guide est prévue en 2025-2026.

[4] Bientôt CAROHL, plus d’informations ici