15 juillet 2025
Parc des expositions de Poitiers
Parc des expositions de Poitiers
Les récentes évolutions législatives et réglementaires - Loi Climat et résilience (2021) et Loi Accélération de la production des énergies renouvelables dites loi APER (2023) - ont introduit des obligations en matière de dispositifs d’ombrage (végétalisation, panneaux photovoltaïques) et de gestion des eaux pluviales sur les parkings. En 2024, la Ville de Poitiers et la Communauté Urbaine de Grand Poitiers ont sollicité le Cerema pour élaborer une réponse à ces obligations, avec le soutien financier de l’ANCT dans le cadre de Action Cœur de Ville (ACV).
Entre développement des énergies renouvelables et renaturation, les parkings sont au cœur des enjeux de transition écologique. Mais comment concilier solarisation, adaptation au changement climatique et préservation de la biodiversité sur un même lieu ?

En s’appuyant sur une analyse multicritère, le Cerema a recensé et étudié les parcs de stationnements supérieurs à 500 m² de la ville de Poitiers, afin d’objectiver le choix entre végétalisation, solarisation et désimperméabilisation, permettant ainsi de faciliter la prise de décision des élus, et d’anticiper les budgets d’investissements.

 

Dans le cadre du programme Action Cœur de Ville, le Cerema et l’ANCT s’associent pour accompagner les collectivités dans leur démarche de transition écologique et d’adaptation au changement climatique. Chaque année, une cinquantaine d’appuis sont proposés aux collectivités ACV, appuis intégralement cofinancés par l’ANCT et le Cerema. En 2024, la ville de Poitiers a ainsi bénéficié, au titre du volet "Adaptation au changement climatique", d’un accompagnement consacré au devenir de ses parcs de stationnements.

Un cadre réglementaire récent et mouvant : 

  • Loi APER (Accélération de la Production des Énergies Renouvelables) (2023),
  • Loi Climat et Résilience (2021),
  • Loi DDADUE (Dispositions D'Adaptation au Droit de l'Union Européenne en matière économique et financière) (2025)

Dans un contexte visant la diminution de l’artificialisation des sols et le nécessaire développement de la production des énergies renouvelables, les parcs de stationnement représentent un gisement foncier intéressant pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur ombrières.

Dans cette perspective, l’article 40 de la Loi relative à l’Accélération de la production d’énergies renouvelables (dite "APER") vise à valoriser le potentiel photovoltaïque des parkings. Les espaces de stationnement, neufs ou existants, dont la superficie dépasse 1 500 m², doivent désormais être couverts, sur au moins la moitié de leur emprise, d’ombrières photovoltaïque.  Une exonération est notamment possible lorsque le parc est ombragé par des arbres sur au moins la moitié de sa superficie (équivaut à un ratio de 1 arbre pour 3 places de stationnement). La mise en conformité doit être faite avant juillet 2026 pour les parcs de stationnement supérieurs à 10 000 m², et avant juillet 2028 pour les parcs de stationnement supérieurs à 1 500 m².

Parking Leopold Sedar Senghor 

Découlant de la Loi Climat et Résilience, le Code de la construction et de l’habitation et le Code de l’urbanisme, imposent en parallèle la solarisation ou la plantation d’arbres ("dispositif d’ombrage"), l’intégration d’un dispositif favorisant la perméabilité des sols et l’infiltration ou l’évaporation des eaux pluviales pour les parcs de stationnement neufs et anciens de plus de 500 m², sur au moins la moitié de leur superficie. Ces obligations sont rattachées aux parkings neufs, et aux parkings associés à bâtiment faisant l’objet de rénovations lourdes.

À noter que la Loi DDADUE (Dispositions D'Adaptation au Droit de l'Union Européenne en matière économique et financière) a apporté en avril 2025 plusieurs simplifications aux Lois APER et Climat & Résilience. Sont notamment concernées la suppression des règles de gestion des eaux pluviales s’appliquant aux parkings inférieurs à 500 m² (règle précédemment fixée par le Code de la construction et de l’habitation), la suppression de la possibilité de reporter l’installation de dispositifs photovoltaïques en toiture de bâtiment sur des ombrières surplombant les parcs de stationnement associés, l’abrogation des obligations d’installer des dispositifs d’ombrage ou de gestion des eaux pluviales lors de la conclusion ou du renouvellement d’un contrat de concession de service public - de prestation de service ou de bail commercial, et la désignation du propriétaire du parc de stationnement comme personne responsable de l’application des obligations.

Enfin, il est à noter que les députés ont récemment proposé d’assouplir les obligations de solarisation. L'Assemblée nationale a ainsi adopté en mai 2025 un amendement substituant à l'obligation de solarisation des parkings issue de la loi APER, une obligation portant soit sur la solarisation, soit sur la plantation d'arbres à canopée large, soit sur un mix des deux. L'amendement ne remet pas en cause l'article 40 de la loi APER ; il tend à l'améliorer et le clarifier. L'objectif global fixé par la loi demeurera inchangé. Celui-ci a été validé par le Sénat en juin 2025. Un sous-amendement proposé par l’Assemblée nationale et adopté par le Sénat tend également à garantir un minimum de 35 % de photovoltaïque en cas de mixité arbres-PV, sauf lorsque la moitié de la surface totale du parking est intégralement arborée. De plus, les parcs de stationnement compris entre 1 500 et 10 000 m² pourront bénéficier d'un report de calendrier de leur obligation pour s'équiper d’ici le 1er janvier 2030 en panneaux photovoltaïques, et les parkings supérieurs à 10 000 m² auront jusqu’au 1er janvier 2028. Cette proposition de loi a été adoptée par la commission mixte paritaire députés et sénateurs le 3 juillet 2025, dans le cadre de la Loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement.

Un guide DGALN fait référence en la matière : "Parcs de stationnement - Guide pour la mise en œuvre de la réglementation relative à l’installation de dispositifs de gestion des eaux pluviales et d’ombrage sur les parcs de stationnement" (mise à jour à venir, prenant en compte les dernières évolutions législatives et réglementaires).

 

Diagnostic des parkings & hiérarchisation des enjeux "photovoltaïque" et "arbres"

L’intégralité des parkings publics de plus de 500 m² a été inventoriée et intégrée dans un SIG, couvrant les emprises foncières de la Ville, de l’intercommunalité et des EPCI associés. 

Quels critères pour objectiver les choix de solarisation ou de plantations d’arbres ?

La centaine de parkings concernés a ensuite été passée au crible des exigences législatives-réglementaires : ont ainsi été distingués les sites déjà conformes aux objectifs, ceux susceptibles d’être exonérés et ceux nécessitant une intervention de la commune ou de l’EPCI Pour ces derniers, la base de données produite précise les actions à engager afin de respecter les 2 lois (surface à désimperméabiliser, surface de photovoltaïque à installer ou nombre d’arbres à planter).

Enfin, chaque parking a fait l’objet d’une analyse multicritères destinée à guider les arbitrages des élus entre installation d’ombrières photovoltaïques et plantation d’arbres, afin de respecter les exigences réglementaires en matière d’ombrages. Parmi les critères examinés figuraient notamment : l’exposition du quartier aux îlots de chaleur, risque inondation, risque ruissellement, continuités écologiques et enjeux de biodiversité, risque glissement de terrain et éboulement, environnement paysager, surface utile potentielle pour la solarisation, présence de bornes IRVE, circulation de poids lourds, etc. 

A l’issue de cette analyse, le Cerema a formulé des recommandations opérationnelles, permettant une projection des capacités de production énergétique mais aussi des investissements financiers.

 

Résultats et perspectives :

L’accompagnement a montré que : 

  • 60% des parkings recensés de plus de 500 m², atteignaient d’ores et déjà les obligations réglementaires, ou n’étaient pas concernés (car exonérés) ;
  • 27% des parcs de stationnements étudiés ont été plutôt fléchés vers de la plantation d’arbres, représentant près de 200 arbres à planter, répartis sur environ 5 hectares de parkings ;
  • 13% des parcs de stationnement (environ 8 ha) ont plutôt été fléchés vers du photovoltaïque, laissant se dessiner 26 000 m² de surfaces utiles solarisables potentielles, soit environ une puissance totale de 3,9 mW/c.

Le retour de la collectivité :

Pierre NENEZ, Adjoint à la biodiversité, à la végétalisation de la ville et l’éducation à la nature, Ville de Poitiers

La place prépondérante accordée à la voiture dans notre tissu urbain est l'héritage d'une époque où les considérations de vitesse des déplacements, d'accès et de commodité étaient premières. Symbole de cette doctrine, le parking en enrobé a conquis les moindres espaces jusqu'au pied des habitations. Le changement climatique nous fait aujourd'hui revoir ces priorités pour accorder une plus grande place à la nature en ville et diversifier les modalités de déplacement.

Dans ce contexte, les parkings apparaissent comme des espaces hostiles à la faune, la flore et aux habitants car imperméables et source de réchauffement de l'air.

Le déploiement d'ombrières, végétales ou photovoltaïques, est une réponse efficace autant qu'utile puisqu'il confère aux parkings de nouvelles fonctionnalités en plus du stationnement : production d'énergie renouvelable, création de corridors écologiques, intégration de l'eau pluviale à la parcelle...

L'étude commandée au Cerema montre que ces fonctionnalités peuvent être déployées de manière complémentaire sur les parkings de Poitiers et Grand Poitiers, et sans s'opposer dans la mesure où les contraintes inhérentes à la production d'énergie solaire limitent les opportunités d'installation, là où la plantation d'arbres est souvent envisageable.

Thomas RODIER, Directeur Nature – Biodiversité, Grand Poitiers Communauté urbaine

L’évolution de la ville nous oblige à penser un espace urbain plus complexe, où chaque mètre carré devient précieux. Les espaces ne peuvent plus être conçus comme des lieux à usage unique : ils doivent être, autant que possible, multifonctionnels. Les zones de stationnement en sont une parfaite illustration. Initialement pensées pour le seul usage du stationnement, elles peuvent aujourd’hui être mobilisées, sans perdre leur fonction première, pour contribuer à l’adaptation de la ville face aux défis d’aujourd’hui et de demain. 

Qu’il s’agisse de produire de l’énergie, d’accueillir des arbres ou de mieux gérer les eaux pluviales, ces zones deviennent des espaces stratégiques pour accompagner l’évolution urbaine. Avec l’appui du Cerema et de l’ANCT, nous avons pu objectiver ces enjeux et poser les bases d’un modèle conciliant transition énergétique, développement de la nature en ville et gestion intégrée du pluvial, permettant par la suite d’établir un plan d’investissement soutenable dans des climats d’incertitudes budgétaires

Contacts Cerema

Sophie GUILLEMOTONIA | Directrice de projet Transition écologique 

Pierre OUALLET | Chargé d’études Aménagement Environnement