Réduction de la circulation en ville : comment accompagner le changement de comportement - Retour sur le Rendez-vous Mobilités du 16 octobre 2025

Les UVAR consistent à restreindre l’accès des véhicules à certaines zones selon des critères précis : type, poids, immatriculation, émissions, statut résident, etc. Ces mesures permettent de réduire pollution, embouteillages et nuisances sonores tout en favorisant les mobilités actives.

Exemples inspirants : 

• Superblocs à Vitoria-Gasteiz (Espagne) : réduction massive du trafic motorisé, explosion des déplacements à pied et à vélo, au prix d’une forte concertation locale.
• Circulation alternée à Mamoudzou (Mayotte) : baisse de 15 à 40 % des temps de trajet, grâce à une bonne connaissance du parc roulant et à une communication efficace.
• En France, un cadre déjà opérationnel, selon la présentation d’Eline Allier (Cerema) "Les restrictions de circulation en milieu urbain : Etat des lieux en France".

Les communes disposent du fondement juridique nécessaire (article L.2213-2 du CGCT) pour réguler la circulation, le stationnement et l’accès aux zones urbaines.  
Plusieurs outils sont déjà en place :

• Zones à trafic limité et aires piétonnes dans les grands centres (Nantes, Grenoble, Lyon, Rennes…).
• Zones à faibles émissions (ZFE) : restreignent l’accès selon la vignette Crit’Air.
• Plans de circulation et filtres modaux : pour éliminer le trafic de transit.
• Régulation du stationnement : modulation tarifaire selon le type de véhicule ou les émissions.

2/ Du diagnostic à l’action : comprendre les leviers du report modal

Réduire la place de la voiture suppose un changement de comportement. Comprendre ce qui motive les choix de mobilité est donc essentiel. Helène Bouscasse, Chargée de recherche en économie à l’INRAE, l’explique dans sa présentation : "Du diagnostic à l'action : comprendre et activer les leviers du report modal".

Les déterminants du choix modal sont :

• Temps de trajet : facteur clé, notamment la fiabilité et le “porte-à-porte”.
• Coûts directs et indirects : stationnement, carburant, péages.
• Facteurs non monétaires : sécurité, qualité des réseaux, continuité des itinéraires, image sociale des modes.
• Habitudes : les routines limitent l’effet des incitations, d’où l’importance de campagnes ciblées ou de “fenêtres de changement” (emménagement, nouvel emploi…).
• Approche combinée “Push-Pull-Mooring” :
  • Push → restreindre la voiture (stationnement, zone 30)
  • Pull → améliorer l’offre (TC, vélo, marche)
  • Mooring → cibler les modifications des habitudes.

3/ Expériences de terrain : Bordeaux et Grenoble, laboratoires de la mobilité apaisée

Concrètement, comment les agglomérations ont accompagné les changements de comportement dans un contexte de mise en place de restrictions de circulation ? 

Maud Fragale, Claire Sarda Marquette - Ville de Bordeaux, Estelle Régnier - Bordeaux Métropole ont partagé le retour d’expérience de la Zone bornée de la Ville de Bordeaux. La métropole bordelaise déploie une stratégie “Ville apaisée” ambitieuse : 245 hectares de zone piétonne en 2024 (contre 172 ha en 2020), et près de 90 rues d’école rendues piétonnes d’ici 2026.

Une attention particulière est portée à la logistique urbaine car 72 % des véhicules entrants entre 5 h et 17 h sont professionnels : 

• Règles d’accès resserrées (livraisons 6h–11h), mais plus de flexibilité pour les poids lourds jusqu’à 12 t.
• Soutien actif à la cyclologistique et aux micro-hubs urbains.
• Concertation soutenue via le Club logistique urbaine.

Grenoble-Alpes Métropole fait figure de pionnière en matière de Zone à Faibles Émissions (ZFE), conciliant transition écologique et équité sociale. Camille Rieux- Grenoble Alpes Métropole, et Nicolas Bohere -SMMA nous expliquent comment l’accompagnement au changement de mobilité combine conseils, aide financière et coaching.

Le dispositif d’accompagnement prévoit :

• Une période pédagogique de 6 mois.
• Des dérogations ciblées (petits rouleurs, horaires décalés, RDV médicaux, entreprises en difficulté).
• Un accompagnement personnalisé : guichets, conseillères mobilité, site dédié, aides financières. 

Environ 2 000 personnes ont déjà bénéficié de ce parcours, même si l’incertitude nationale sur l’avenir des ZFE a ralenti la dynamique.

4/ Vers une nouvelle culture de la mobilité

Ces expériences montrent qu’une régulation efficace de la circulation ne se résume pas à une interdiction, mais s’inscrit dans une politique d’accompagnement. 

Les leviers du succès reposent sur :

• Une communication claire et transparente,
• Un calendrier progressif,
• Des alternatives crédibles pour les publics concernés,
• Une gouvernance partagée avec les acteurs économiques et sociaux.

En définitive, accompagner le changement de comportement, c’est moins demander aux citoyens de “faire un effort” que leur offrir des conditions favorables à d’autres choix, plus sobres, plus sains et plus solidaires.