29 septembre 2025
Rénovation énergétique d'une école
Arnaud Bouissou TERRA
Une bonne connaissance des atouts et faiblesses de son patrimoine en termes de fonctionnalité, de sécurité, d’usages, de performance environnementale ou d’adaptation au changement climatique est indispensable à l’élaboration d’une stratégie de moyen terme pour anticiper et prévoir les actions à mener.
Le Cerema propose une méthode, prochainement un outil informatique, pour aider les collectivités à collecter et analyser les données nécessaires à la stratégie. La perspective d’une base de données nationale enrichie d’une connaissance homogénéisée du parc tertiaire public est aussi la clé d’une meilleure prise en compte par les pouvoirs publics du potentiel et de la charge qu’il représente pour les collectivités.

Les gestionnaires de patrimoine public sont confrontés à des enjeux fondamentaux pour le maintien des services publics dans les bâtiments : maintien de la pérennité du bâti et de l’attractivité des services, contrôle des dépenses de fonctionnement en réponse à l’augmentation des coûts de l’énergie, respect des exigences réglementaires que ce soit environnementales ou de sécurité, adaptations aux changements climatiques…

 

Le contexte : le besoin de connaître son parc immobilier et son potentiel d'évolution

La prise en considération de ces enjeux sur le court et moyen terme nécessite de mettre en place une véritable stratégie patrimoniale en adéquation avec la taille des parcs immobilier, les ressources et moyens des gestionnaires. Le Cerema distingue 6 étapes dans le processus itératif de gestion active du patrimoine pour s’organiser, connaître, élaborer une stratégie, définir les actions, les mettre en œuvre et assurer le suivi des évolutions.  

Dans ce processus vertueux, la connaissance du patrimoine dans toutes ses composantes (administrative, financière, technique, réglementaire, usage) constitue la base d’une gestion immobilière optimale en identifiant le périmètre et la stratégie au regard des objectifs fixés par la collectivité et des atouts et faiblesses du patrimoine.

Devant les difficultés remontées par les collectivités pour accéder à cette connaissance, le Cerema s’est attaché à développer une méthode de caractérisation du patrimoine "à 360°" relativement à son état existant et à son potentiel d’évolution afin d’objectiver la prise de décision en matière de stratégie patrimoniale. 

 

Cette méthode de pré-diagnostic appelée SURFAC²E au regard des thématiques auditées (Santé, Usages, Réglementation, Fonctionnalité, Adaptation au Changement Climatique, et Environnement) est en phase de développement informatique afin d’être proposée aux gestionnaires de parcs publics dans un format numérique, avec des interfaces de saisie et des outils d’analyse simples et adaptés à des tailles de parcs variés. 

 

La méthodologie SURFAC²E

La méthode "SURFAC²E" hérite des travaux précédents réalisés par le Cerema pour la gestion de patrimoine immobilier des bâtiments de l’Etat ainsi que plus récemment des carnets "SFREU" pour caractériser la Santé, la Fonctionnalité, la Réglementation et l’Usage des bâtiments des collectivités (un exemple dans cet article)

La méthode se base sur les principes suivants :
  • Des données quantitatives et descriptives caractérisant le bien immobiliser suivant les thématiques choisies;
  • Une cotation de 1 à 4 permettant d’apprécier la valeur, la qualité ou la performance du composant examiné suivant un référentiel précis et unifié ;
  • La définition d’indicateurs, calculés à partir des données collectées, pour chacune des thématiques considérées ;
  • Des analyses comparatives ou synthétiques de ces indicateurs à l’échelle du parc, du site ou du bâtiment.

1/ Données descriptives 

Adobestock

La méthode "SURFAC²E" du Cerema permet de décrire le bien immobilier suivant 3 échelles : celle du site, celle des bâtiments qu’il accueille et pour certains besoins celle des espaces intérieurs. 

La description du site comprend celle des éléments extérieurs présents sur les parcelles (éclairage, végétation, stationnement, etc.).

Le bâtiment, quant à lui, est défini au sens du Référentiel National des Bâtiments (RNB) 

L’espace est défini comme un ensemble de locaux contigus à l’intérieur d’un bâtiment et ayant des caractéristiques homogènes et les mêmes usages (sanitaires, bureaux, logements, salles de classe, etc.). 

Dans le cadre d’un groupe de travail associant différentes collectivités participant au réseau national des collectivités animé sur la plate-forme Expertises.Territoires, les données physiques nécessaires à la gestion de patrimoine ont pu être recensées suivant deux priorités. 

Il s’agit en priorité numéro 1 de :
  • L’identification du bien immobilier tel que son : numéro d’inventaire physique et comptable si différent, son identifiant RNB (référentiel national des bâtiments) et sa nature s’il s’agit d’un terrain nu ou d’un bâtiment par exemple
  • Son statut d’occupation par exemple en pleine propriété, ou mise à disposition ou via un bail
  • Les surfaces concernées telles que: surface de plancher, SHOB (surface hors œuvre brute) ou SHON (surface hors œuvre nette),
  • Le nombre et l’identification des parcelles cadastrales concernées
  • Le nombre de niveaux (pour un bâtiment)
  • La date de construction, d’extension ou de réhabilitation
  • L’activité principale et les usages spécifiques, par exemple dans le cas d’une école et centre de loisir
  • La description des usages en termes d’effectifs et d’horaires
  • Les contraintes urbanistiques applicables
  • La desserte pas les transports en commun
  • Les réglementations applicables : vis-à-vis de la sécurité incendie, de la performance énergétique, des risques divers présents
  • Les consommations et dépenses d’énergie d’entretien et de maintenance
  • Les coûts d’investissements sur les dernières années.

Ces données prioritaires permettent de caractériser physiquement et administrativement le bien concerné.

En priorité n°2, les données à récolter permettent la qualification du bien suivant différentes thématiques:
  • Par exemple, à l’échelle du site : la qualité de la voirie et des réseaux, l’état des clôtures et portails, le fonctionnement de l’éclairage extérieur. A l’échelle des bâtiments :  l’état des façades et menuiseries extérieures, la vétusté de la couverture et de la structure, l’état d’entretien des différents équipements techniques, ainsi que celle des parois et menuiseries intérieures.
  • Pour l’usage, différents critères peuvent être considérés comme la présence de transports collectifs et de commerces à proximité, et à l’échelle du bâtiment l’offre de service aux usagers et aux agents.
  • Au niveau fonctionnalité, appréciation à l’échelle du site de son accessibilité ou à l’échelle du bâtiment, de la signalétique, ou de la facilité d’entretien et d’évolution.
  • Autre exemple, pour la thématique environnement, à l’échelle de la parcelle, la méthode s’intéresse à la biodiversité et à la gestion des eaux et déchets et à l’échelle du bâtiment à la performance énergétique des équipements techniques ainsi que de l’enveloppe.

Des approfondissements thématiques sont également à l’étude pour compléter la méthode comme par exemple l’intégration des contrôles réglementaires à réaliser en fonction du type de bâtiment, ainsi que des données nécessaires à l’analyse de la sensibilité des bâtiments aux changements climatiques qui vise à renseigner le gestionnaire de patrimoine sur les risques et la vulnérabilité de son parc ainsi que sur les solutions d’amélioration.

2/ Cotation des caractéristiques de l'ouvrage

Cotation des composants d’un site ou bâtiments dans SURFAC²E

La méthode utilise un principe de cotation sur 4 niveaux, établi suivant un référentiel qualitatif, pour qualifier les différentes caractéristiques inhérentes au patrimoine (par exemple l’état de dégradation, la simplicité d’utilisation, l’attractivité, etc):

Cette cotation est aussi possible pour caractériser l’état potentiel "atteignable" du composant moyennant une intervention. Le coût de cette intervention pourra également être évaluée dans le cadre d’un développement de la méthode.

La version numérique de l’outil permet une saisie directement sur site de cette cotation par un formulaire sur tablette mobile.

Exemples de cotation :
Cotation de l’état structure 3 – satisfaisant, désordres faibles, localisés
Cotation de l’état de la façade 3 – satisfaisant, étanchéité assurée, défauts d’aspects (salissures)

3/ Calcul d’indicateurs

Les indicateurs de la méthode "SURFAC²E" sont les suivants :

  • Les indicateurs socles pris en compte communément en matière de gestion de patrimoine immobilier, et donc calculés systématiquement dans la méthode « SURFAC²E » :
    • Indicateur de performance énergétique : consommations d’énergie des dernières années connues, brutes et ramenées à la surface de plancher du bâtiment ;
    • Indicateurs relatifs aux coûts : dépenses d’investissement, de fonctionnement et revenus des dernières années, bruts et ramenés à la surface de plancher du bâtiment ;
    • Indicateurs relatifs à l’occupation : nombre d’occupants ramené à la surface de plancher , nombre d’heures d’ouvertures annuelles.
  • Les indicateurs spécifiques de la méthode « SURFAC²E », pris en compte uniquement si le gestionnaire public souhaite les considérer, et déclinés de façon indépendante sur les 6 thématiques:
    • Santé : indicateur relatif à l’état de santé des composants techniques décrivant le bien immobilier, sur la base d’un pré-diagnostic technique (visite) ou à l’aide de valeurs définies par défaut
    • Usage : indicateur relatif au confort, à la santé, à la sécurité et à la sûreté des occupants, ainsi qu’à l’intensité d’usage des espaces, sur la base d’un pré-diagnostic (visite) ;
    • Réglementaire : indicateur relatif au respect de la réglementation applicable au patrimoine immobilier, avec une attention particulière portée aux obligations de performance énergétique actuelle et à venir ( dispositif éco-énergie tertiaire) ;
    • Fonctionnalité : indicateur relatif à la fonctionnalité et à l’adaptabilité du patrimoine ;
    • Adaptation au Changement Climatique : indicateur relatif à la prise en compte de l’exposition du patrimoine face aux risques climatiques et à leur évolution, notamment les pics de chaleur ;
    • Environnement : indicateur relatif à la performance environnementale du patrimoine, notamment énergétique.

 

Analyse multithématique du bâtiment et site dans SURFAC²E

 

4/ Outils d'analyse

La collecte des informations précédentes caractérisant le patrimoine doit s’envisager en lien avec la constitution d’une base de données ou le développement d’un système d’information patrimonial. L’outil numérique permettra en effet la synthèse de la connaissance acquise lors de la phase de diagnostic grâce à des rendus visuels (voir illustrations ci-contre), permettant de rendre compte de l’état général du parc et de son potentiel d’évolution, de présenter les points forts et les points faibles de chaque site ou bâtiment, de comparer plusieurs bâtiments entre eux selon la même grille d’analyse.

 

 

L’analyse qui en résulte fournit une base objective pour l’aide à la décision lors de l’élaboration de la stratégie immobilière du gestionnaire qui nécessite de procéder à : 

  • La délimitation du périmètre selon des critères de hiérarchisation propres aux enjeux du gestionnaire (typologie de patrimoine, répartition territoriale, état de santé ou de performance énergétique, etc) ;
  • La définition des actions d’optimisation du parc (cession, acquisition, intensification d’usages, réhabilitation, travaux de maintenance, mise en place d’actions de sobriété, etc).

 

La méthode SURFAC²E constitue ainsi une base solide et objective pour l’élaboration d’un schéma directeur immobilier (SDI ou SDIE si on priorise la composante énergie) à compléter avec une évaluation des coûts inhérents aux actions pour permettre leur planification en fonction des ressources budgétaires et humaines du gestionnaires.

 

Un cas d’écoles dans le Tonnerrois

Les équipes du Cerema ont réalisé un diagnostic technique exhaustif en utilisant la méthodologie SURFAC²E  pour aider la Communauté de Communes Le Tonnerrois en Bourgogne, dans l’Yonne, pour se projeter dans une gestion patrimoniale à l’échelle des 17 bâtiments scolaires de son territoire.

La Communauté de Communes Le Tonnerrois a pris la compétence scolaire en 2016 dans un contexte de vieillissement des bâtiments, de baisse démographique d’environ 100 enfants par an En reprenant la gestion des bâtiments appartenant aux communes, l’intercommunalité avait besoin d’alimenter le débat politique local avec une vision objective et globale de son patrimoine.

Cette étude a permis d’aboutir à une feuille de route claire et phasée sur plusieurs mandats, pour améliorer l’état et l’usage des bâtiments scolaires.

Les actions à conduire concernent le regroupement et la fermeture de certains sites, la construction d’un nouveau bâtiment pleinement adapté aux usages, ou encore des travaux légers de remise aux normes et des rénovations plus lourdes. Sur cette base, les élus doivent maintenant rendre leurs arbitrages.

Genlis, petite commune aux nombreux bâtiments

Genlis est une commune de 5 000 habitants en Côte-d’Or qui dispose parc de plus de 20 bâtiments, comprenant des écoles, la mairie, un château, des salles de sport et de nombreux locaux associatifs. Elle souhaite rationaliser son parc et préparer la mise en conformité de ses bâtiments assujettis au Décret Eco Energie Tertiaire.

En utilisant la méthode SURFAC²E, le Cerema, a permis d’identifier les bâtiments à enjeux. Et ceux-ci ne sont pas forcément les passoires énergétiques que l’on pense ! En effet, lorsque la consommation énergétique est rapportée à l’usage réel, un bâtiment même bien isolé peut s’avérer être un poste de dépenses disproportionné par rapport au service rendu.

La méthode a également permis de révéler des enjeux communs à l’échelle du parc : la ventilation est un point faible pour plus de la moitié des bâtiments étudiés, mais aussi les systèmes de chauffage, vieillissants.

Des décisions stratégiques, comme le devenir du château, partie intégrante du patrimoine communal mais dont la mise aux normes est coûteuse, doivent encore être prises pour finaliser le schéma directeur immobilier de la commune.

Perspectives :

La méthode SURFAC²E, dans ses prémices, a été mise en œuvre sur des patrimoines variés de collectivités, ce qui a permis de mettre en avant un intérêt réel des gestionnaires publics pour un système d’information du patrimoine basé sur cette méthode multi-thématiques. Le Cerema en lance aujourd’hui le développement numérique, afin d'apporter de nouvelles fonctionnalités à l'outil : 

  • La possibilité de réaliser un pré-diagnostic sur site grâce à un outil nomade adaptée au patrimoine public des collectivités ;
  • Le pré-remplissage de certaines informations issues de bases de données ouvertes (BDNB, Urban Simul)
  • La possibilité d’analyser et de comparer à l’échelle du parc ou d’un périmètre plus restreint les indicateurs de qualité et de performance, sur des bases homogènes et comparables à d’autres patrimoines.

D’autres indicateurs sont également en cours de définition pour les intégrer aux futurs développements de l’outil, ainsi que l’interfaçage avec les bases de données nationales, notamment la Base de Données Nationales des Bâtiments (BDNB) et IPPER (Inventaire du Patrimoine Public et de la Rénovation) pour le tracé de l’évolution des consommations d’énergie du patrimoine public dans la cadre de la Loi n°2025-391 du 30 avril 2025 DADDUE article 25 pour la mise en application de la directive européenne d’efficacité.

 

Le Cerema en tant qu’acteur public au service des collectivités et de l’Etat offre ainsi aux gestionnaires de patrimoine public une occasion de mieux décrire et connaître leur patrimoine à la fois pour répondre aux objectifs réglementaires et pour faire face aux enjeux climatiques de demain. 

 

En contribuant également à une base nationale de connaissance du patrimoine tertiaire public, moyennant une gestion adaptée à la confidentialité des données sensibles, les mêmes gestionnaires pourront bénéficier d’une comparaison de leur patrimoine avec d’autres patrimoines, avec l’assurance de disposer d’une qualification objectivée et unifiée grâce à un référentiel transparent.

A la clé, s’en suivra une meilleure connaissance du patrimoine public tertiaire par les pouvoirs publics et de la charge financière qui en résulte.

 

Les collectivités intéressées peuvent contacter à ce titre le Cerema :