L'usage des données trafic pour améliorer la qualité de l'air

14 octobre 2025
trafic routier
Michael Gaida
Le secteur des transports est responsable d’une partie conséquente des émissions de polluants et de leurs impacts sur la santé. Pour agir, il est crucial de disposer de descriptions détaillées du trafic en fonction du type d’action choisie. Ces données issues d’un travail partenarial vont être exploitées tout au long de la vie des projets des gestionnaires ou des collectivités. Cet article présente les réalisations du Cerema relatives aux données trafic et leur usage en matière de qualité de l’air, impulsées par le Programme Qualité de l’Air. Sont présentés dans la suite de ce document : la base de données trafic nationale (AVATAR) ainsi que les bases de données régionales (Géotrafic et OTV NA).

 

Les données trafic, au centre de l'action contre la pollution atmosphérique

Le trafic routier contribue fortement à la pollution atmosphérique, il est  responsable de 47% des émissions d’oxydes d’azote en 2023 [1]. L’impact de cette pollution sur la santé des populations peut être estimé sous forme de mortalité, de morbidité ou de coûts de santé. Par exemple, si les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS) étaient respectées, 11 100 cas d’asthmes pourraient être évités chez les 0-17 ans dans les zones urbaines, soit 1,2 milliard € de dépenses [2].

Les enjeux de santé sont majeurs, notamment dans des configurations urbaines où les infrastructures routières fréquentées se retrouvent à proximité des habitations. La réduction des émissions issues du trafic routier est un des leviers principaux d’amélioration de la qualité de l’air. La mobilisation de données de trafic robustes est un atout considérable pour la mise en place, le suivi et l’évaluation des mesures qui visent l’amélioration de la qualité de l’air.

 

 

Données de trafic : de quoi parle-t-on ?

Les paramètres permettant de décrire le trafic sont assez variés : la nature du parc en circulation et sa répartition sur le réseau, les vitesses et les accélérations pratiquées, le taux d’occupation des véhicules, etc. Les politiques publiques visant la modification de ces  paramètres peuvent produire des effets plus ou moins efficaces sur la réduction des émissions des polluants. Par exemple la réduction du nombre de kilomètres parcourus va agir sur l’ensemble des polluants émis, contrairement à l’évolution de la motorisation qui peut être efficace seulement sur une partie d’entre eux.

En définitive, l’expertise et les données consolidées liées au trafic permettent aux acteurs des territoires de construire des diagnostics solides guidant l’action par la sélection des bons paramètres sur lesquels agir pour  améliorer la qualité de l’air. Les données de trafic alimentent ainsi utilement l’état des émissions de polluants sur un territoire ainsi que les risques pour la santé qui y sont associés.

 

Les outils du Cerema

Le Cerema développe des outils, en collaborations avec ses partenaires, pour mettre à disposition des données et des méthodologies pertinentes, couvrant le territoire national ou régional.
 

1/ AVATAR : Analyse & Visualisation Automatique de données de TrAfic Routier, outil pour la collecte, la reconstruction et la diffusion de données en temps réel

Initié pour suivre les effets de la crise sanitaire sur le trafic, AVATAR est une plateforme qui permet de 

  1. Collecter les données de trafic des gestionnaires routiers en temps réel,
  2. Qualifier ces données en temps réel : reconstruire par Intelligence Artificielle les valeurs absentes ou aberrantes,
  3. Diffuser ces données, des indicateurs et des rapports en open data (décideurs, entreprises, grand public gestionnaires routiers...).

Pour les utilisateurs de données de trafic, décideurs de politiques publiques et grand public, l’outil propose :

  • des outils d’extraction et de visualisation des données de trafic
  • des données sans coutures et homogènes d’un gestionnaire à l’autre
  • différents indicateurs : trafic horaire, journalier, hebdomadaire et mensuel
  • de la visualisation de données (Dataviz)
  • une interface de programmation d’application (API)

 

Pour les gestionnaires routiers, il propose :

  • la qualification des données en temps réel par IA
  • des formats de données simplifiés pour transmettre à des tiers
  • une réponse à des obligations réglementaires
  • la détection de stations fournissant des données aberrantes
  • les données des réseaux routiers voisins
  • des indicateurs trafic et des tableaux de bord
  • des représentations graphiques des données (Dataviz Carto)

2/ La base de données nationale trafic : des informations de trafic moyen annuel sur tout le territoire et dans un référentiel géographique connu

La base de données nationale trafic a été constituée en réponse à un besoin particulier, les cartes de bruit stratégique (CBS) ciblées sur les voiries de trafic supérieur à 8 000 véhicules/jour. Les données sont fournies directement par les gestionnaires, ce qui garantit leur fiabilité. Les données déposées à travers les modules de la plateforme AVATAR peuvent aussi être utilisées, après avoir été converties en indicateurs moyens annuels.

Lorsque la donnée n’est pas fournie, elle est reconstituée, notamment par croisement avec des Floating Car Data (FCD) et recours à l’Intelligence Artificielle (IA), ce qui induit certaines précautions lors de son utilisation.

Le schéma ci dessous décrit le processus de production de la base de données :

 

 

Les bases de données régionales pré-existantes et la base nationale sont construites en cohérence et complémentarité. Par exemple, l’observatoire a servi :

  • en interne, à l’entraînement et au calibrage du module d’intelligence artificielle qui reconstitue les données manquantes,
  • pour les gestionnaires, à réaliser le dépôt de données plus facilement et rapidement à partir de la base régionale.

 

Les usages actuels de l'outil :

Les informations sont disponibles pour le territoire national, au format BD TOPO®. Pour chaque tronçon routier, les informations disponibles pour l’année 2023 sont :

  • le Trafic Moyen Journalier Annuel (TMJA),
  • le pourcentage de poids lourds,
  • la vitesse.

La source de la donnée, fournie par les gestionnaires ou reconstituée, est également indiquée. Les données vont servir à produire les Cartes de Bruit Stratégiques en 2026, obligation issue de la Directive Bruit 2002/49/CE. Les trafics sont représentés à une même date millésime : 2023, ce qui garantit une homogénéité des CBS, qui sont produites par département [4].

Le Cerema dispose d’une expertise pour accompagner les territoires à la mise en œuvre de mesures visant à anticiper l’atteinte de la conformité réglementaire en 2030 à travers 3 champs d’intervention : 

  • Qualité de l’air,
  • Mobilités,
  • Aménagements et urbanisme.

La posture d’accompagnement peut se traduire :

  • En AMO pour la révision de documents de planification : PCAET, PDU, PLU(i), SCoT,
  • En réalisation d’études d’ingénierie ou d’expertise d’un ou plusieurs sujets, (diagnostic, opportunité, mise en œuvre et évaluation).

Les équipes du Cerema collaborent avec les acteurs de la qualité de l’air et de la santé pour accompagner les collectivités : AASQA, DREAL, ADEME, AOM, ORS, Santé publique France, etc. 

Ce type de données peut également servir d’information de base homogène dans le cas d’un projet dont
on voudra évaluer les nuisances air et bruit, mais également à une échelle plus large comme des
cartographies régionales de nuisances environnementales.

En Auvergne-Rhône-Alpes, le Cerema et ses partenaires ont développé un observatoire régional de co-exposition aux pollutions atmosphériques et sonores qui intègre des estimations d’impact sanitaires, représentés sous forme cartographique : ORHANE.

3/ Géotrafic, l'usage des données trafic en Pays de la Loire

Depuis plusieurs années, le Cerema, la direction régionale de environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) Pays de La Loire et Air Pays de la Loire (AASQA) travaillent ensemble à améliorer le volet routier de la méthode BASEMIS® développée par Air Pays de la Loire.

Cette méthode consiste en la création d’un inventaire des émissions et des données énergétiques de la région Pays de la Loire. Il s’agit d’un état des lieux spatialisé à la commune des rejets atmosphériques, de l’utilisation de l’énergie de l’ensemble des secteurs d’activités et des productions d’énergies renouvelables.

Pour nourrir ce modèle il est nécessaire de construire des données de trafic qualifiées, linéarisées [5], historicisées [6] sur un réseau qualifié. Le processus est représenté de manière synthétique dans la représentation ci-dessous :

 

Le processus intègre les éléments suivants :

Récupération des données historiques de trafic auprès des différents gestionnaires :

  • Qualification de la donnée
  • Constitution d’une base de données historicisée
  • Implantation des trafics ponctuels sur un réseau routier qualifié (15 000 brins sur la région)
  • Complétion des données manquantes (projection temporelle, géométrique…)
  • Affectation des trafics et linéarisation sur une profondeur de 13 ans
  • Construction de fichiers SIG (système d’information géographique) avec affection de trafic sur l’ensemble des brins par année sur 13 ans.

4/ L’observatoire régional des trafics routiers en Nouvelle-Aquitaine

Sur le territoire néo-aquitain, la DREAL Nouvelle-Aquitaine suit les trafics routiers depuis plusieurs années afin de disposer d’une analyse objective de l’évolution de la circulation sur les principaux axes du réseau.

ATMO Nouvelle-Aquitaine (AASQA), l’association régionale de surveillance de la qualité de l’air, a besoin de disposer de ces mêmes trafics, afin d’élaborer des cartes de pollution de l’air. Enfin, les services de l’État déconcentrés en charge du suivi du bruit des infrastructures de transport terrestre, ont régulièrement la nécessité de connaître les données de trafics routiers pour élaborer les documents réglementaires liés à la pollution sonore. La DREAL a donc décidé de créer un outil de centralisation des données de trafic routier : l’Observatoire des Trafics Routiers de Nouvelle-Aquitaine.

Depuis 2010, la DREAL NA missionne annuellement le Cerema pour collecter, standardiser et linéariser les volumes et vitesses de véhicules légers et poids lourds des principaux gestionnaires du territoire (État, Sociétés concessionnaires d’autoroutes, Conseils départementaux, agglomérations, communes).

 

 

L’atout de l’Observatoire : une couverture spatiale vaste et précise

Le choix du référentiel BdTopo ® de l’IGN©[7] comme support géographique permet à l’observatoire de couvrir la quasi-totalité des routes de la région. En acceptant tout type de comptage (permanent, ponctuel, tournant), de données (agrégées, horaires, mensuelles) ou de format (tableau, SIG, base de données, texte), l’observatoire affecte un trafic routier mesuré à une grand part du linéaire routier [8]:

  • environ 25% des 150 000 km de réseau néo-aquitain,
  • et près de 60% des réseaux d’importance nationale à départementale ou communale structurants sont caractérisés par un comptage. L’affectation des comptages au référentiel BdTopo est rendue possible par le développement d’une méthode de linéarisation majoritairement automatisée.

Le reste du réseau fait l’objet d’une estimation : grâce à la finesse spatiale du référentiel et des données collectées, le Cerema a intégré les résultats de l’Enquête Ménage Certifiée Cerema (EMC²) de Bordeaux Métropole pour estimer les trafics non mesurés sur ce territoire. Enfin, l’observatoire fournit un vivier de données permettant à ATMO NA de calculer des profils horaires type sur de nombreuses classes de voiries.

Les usages actuels de l’outil

L’OTR est construit pour répondre à cinq besoins principaux :

  1. Fournir des informations statistiques annuelles à la DREAL Nouvelle-Aquitaine sur l’évolution du trafic routier de l’année n-1. Ces informations aboutissent à la réalisation et à la publication de l’Atlas des trafics routiers par la DREAL Nouvelle-Aquitaine,
  2. Diffuser les données de trafics permanents via une plateforme SIG de l’État
  3. Fournir à ATMO Nouvelle-Aquitaine (Association Agréée pour la Surveillance de la Qualité de l’Air) les données nécessaires à l’élaboration de l’inventaire des émissions pour les polluants atmosphériques
  4. Fournir aux services de l’État les données nécessaires à l’élaboration des cartes de bruit stratégiques et des classements sonores des voies bruyantes.
  5. Établir des cartes de trafic sur des zones précises dans le cadre d'études de mobilité (exemple: étude de mobilités actives et de la circulation dans la commune de Mauzé-sur-le-Mignon)

Expertise et ressources disponibles pour les collectivités

Le Cerema dispose d’une expertise pour accompagner les territoires à la mise en oeuvre de mesures visant à anticiper l’atteinte de la conformité réglementaire en 2030 à travers 3 champs d’intervention :

  • Qualité de l’air,
  • Mobilités,
  • Aménagements et urbanisme.

La posture d’accompagnement peut se traduire :

  • En AMO pour la révision de documents de planification : PCAET, PDU, PLU(i), SCoT,
  • En réalisation d’études d’ingénierie ou d’expertise d’un ou plusieurs sujets, (diagnostic, opportunité, mise en oeuvre et évaluation).

Les équipes du Cerema collaborent avec les acteurs de la qualité de l’air et de la santé pour accompagner les collectivités : AASQA, DREAL, ADEME, AOM, ORS, Santé publique France, etc.

Pour en savoir plus, les collectivités peuvent consulter l’offre de service qualité de l’air extérieur, et prendre contact avec les correspondants locaux en direction territoriale :  

>> Offre de service

 

Vous pouvez retrouver l’ensemble des études et accompagnements réalisés dans le cadre du Programme Qualité de l’Air du Cerema :

>> Programme Qualité de l'Air

 

 

Publications, illustrations d’accompagnement et d’outils :

 


[1] Bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2023 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/media/7749/download?inline

[2] Estimation de la morbidité attribuable à l’exposition à long terme à la pollution de l’air ambiant et de ses impacts économiques en France hexagonale, 2016-2019. Volume 2 : Évaluation des impacts économiques 

[3]  La qualification des données de trafic routier est un processus méthodologique et technique qui consiste à évaluer, valider, enrichir et nettoyer les données brutes de circulation. L’objectif de ce traitement est de garantir la pertinence, la fiabilité et la qualité des données en vue d’une utilisation ultérieure.

[4] Cette base est actuellement en cours de finalisation pour être livrée à la DGPR en vue du rapportage à la commission européenne. Par ailleurs, cette base intègre des données issues de gestionnaires routiers divers, publics et privés. Les conditions de réutilisation de la base par d'autres utilisateurs que son commanditaire DGPR sont soumises à l'avis de la DGPR. La base ayant été élaborée pour un usage spécifique, ses ré-utilisateurs doivent prendre en compte certaines limites : reconstitutions importantes en dessous du seuil de 8000 v/j, etc.

[5] Le processus de linéarisation consiste à projeter un jeu de données de trafic sur une représentation d’un réseau routier composée de segments. L’objectif est de créer une représentation linéaire des trafics, cohérente à grande échelle.

[6] L’historicisation des données signifie leur disponibilité sur longue période (souvent plusieurs années), elle permet des analyses temporelles approfondies permettant de dégager notamment des tendances de fond, des cycles de variation, des événements spéciaux, etc.

[7] Le référentiel mentionné est une base de données géographique de référence pour le territoire français, produite et gérée par l’institut national de l’information géographique et forestière (IGN).

[8] Un linéaire routier est une ligne ou un ensemble de lignes interconnectées qui symbolise une portion de route sur une carte numérique. En d’autres termes, il désigne une représentation simplifiée et géométrique d’une infrastructure routière.